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La Léproserie et le Prieuré de La Magdelaine au Gâvre

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A trois kilomètres au nord-ouest du Gâvre, sur la droite de la voie ferrée de Nantes à Rennes, qui vient de quitter la gare de la Maillardais, on aperçoit un petit clocher couvert en ardoises ; il domine la façade d'une modeste chapelle dédiée à « Sainte Marie-Magdelaine ».

Elle a donné son nom au village qui l'entoure ; il lui doit son origine, sa renommée dans la contrée.

Dans sa simplicité, rendue vulgaire par une restauration faite à la fin du XIXème siècle, elle conserve cependant dans ses murs les preuves indiscutables d'une antiquité respectable et d'une construction parfaitement en rapport avec la date inscrite sur un tirant de sa charpente : l'an 1199.

Le Gâvre : chapelle de la Madeleine (Bretagne).

LE SIÈCLE DE SAINT LOUIS.

Nous sommes à la fin de ce XIIème siècle, si célèbre par ses nombreuses fondations charitables : hospices, maladreries, lazarets que l'on appelle généralement « Maisons-Dieu » au Moyen Age, vocable conservé de nos jours dans celui d'Hôtel-Dieu.

« Ce fut dans le XIIème siècle, dit Lebeuf dans son Histoire de Paris, que l'on commença à avoir une attention plus singulière de séparer les lépreux d'avec le reste du peuple ; de là l'époque de l'origine de toutes ces maladreries du titre de Saint-Lazare dont on voit encore des restes, proche une infinité de bourgs et de villages du royaume... La maison de Saint-Lazare, à Paris, ne doit être considérée que comme une célèbre léproserie ».

Dès le règne de Louis VII le Jeune il y avait entre Paris et Saint-Denis un hôpital de lépreux qui consistait en un assemblage de plusieurs cabanes où ils étaient renfermés. « Odon de Deuil, moine de Saint-Denis, écrit qu'il fut témoin comme en l'an 1147, le mercredi du 11ème de juin, ce même roi, venant prendre l'étendard à Saint-Denis avant de partir pour la deuxième croisade (prêchée par saint Bernard, à Vézelay) entra dans cet hôpital situé sur la route et prit la peine d'y rendre visite aux lépreux dans leurs cellules, accompagné seulement de deux personnes ». On sait que cette léproserie, célèbre dès la fin du XIIème siècle, était gouvernée par des religieux de l'ordre de Saint-Augustin. Le roi Louis VIII, père de saint Louis, nous apprend par son testament de juin 1225 qu'il y avait 1.000 léproseries dans son royaume, auxquelles il lègue une somme de 10.000 livres qu'elles devront se partager. On ne comptait pas moins de 19.000 léproseries en Europe, d'après Mathieu Paris. Ces établissements, situés hors des villes, consistaient en une enceinte dans laquelle s'élevaient des cellules assez nombreuses, avec une chapelle commune, près de laquelle logeaient les religieux chargés des soins spirituels et matériels des léproseries.

LA FONDATION.

A l'époque qui nous occupe le duché est l'enjeu des convoitises rivales, tantôt associées, tantôt opposées, des rois de France et d'Angleterre ; d'un côté, on voit Philippe-Auguste, de l'autre Richard Coeur de Lion, puis Jean-Sans-Terre, tous deux frères de Geoffroy d'Angleterre, mari de la fille de Conan IV, la duchesse Constance qu'il a laissée veuve avec deux enfants : la princesse Eléonore, « la Vierge Bretonne » et l'héritier du trône Arthur de Bretagne. Constance garde la tutelle de son fils. Elle se montre habile dans son gouvernement, au grand déplaisir de Richard qui la persécute et ravage, le pays. Mais celui-ci meurt blessé d'une flèche au siège du château de Chalus, en 1198.

Débarrassée de cet ennemi, pour assurer un défenseur au duché, elle épouse Guy de Thouars ; cette union lui donnera Alix de Bretagne, la future femme de Pierre de Dreux. C'est l'époque où fut fondée, en pleine forêt, sur les terres du domaine ducal, la léproserie de la Magdelaine, pour y recevoir les malades de la contrée.

Il n'est pas téméraire d'affirmer que cette fondation charitable, faite en ces circonstances, aura les conséquences les plus heureuses pour ce territoire.

Vingt-sept ans plus tard Constance étant morte dès 1202, et son fils Arthur ayant été assassiné en 1203 par Jean-sans-Terre, Pierre de Dreux, l'époux de la princesse Alix, qui le fait duc de Bretagne, se souviendra des évènements qui ont accompagné le mariage de ses beaux-parents et la naissance de sa femme. Il s'intéressera à cette léproserie, la visitera lors de ses chasses dans la forêt qui l'entoure.

Préoccupé de fortifier le duché contre les envahisseurs, il jettera les yeux sur ce « Plessis de les Gâvre » ce qui signifie (du mot celtique) « pays des chèvres, des chevreuils ». En homme de guerre avisé et entreprenant, il reconnaîtra vite la possibilité d'en faire une place forte bien défendue par cinq étangs, qu'il créera en barrant, par des chaussées, le Perche qui borde la léproserie et l'un de ses affluents.

Il élèvera à trois kilomètres au sud-est, à la rencontre des deux vallées un château sur les fondations d'une redoute des Romains, en bordure de la voie qui conduit de Nantes par Blain à Rennes, et tont proche de la ville et franchise du Gâvre, comme il l'a fait déjà à Saint-Aubin-du-Cormier, dans la forêt de Rennes, à la même époque et dans le même but de défense.

La tradition est constante pour affirmer à qui fut confié l'asile de la Magdelaine ; nul autre qu'un institut religieux n'en pouvait prendre la charge. Ce qui nous reste de cette léproserie correspond entièrement à la description du vieux chroniqueur Mathieu Paris. Nous avons là une chapelle assez spacieuse pour réunir un bon nombre de malades, et, près d'elle, la maison des religieux. Pour les cellules des lépreux, disposées sur un large espace aux environs, nous ne devons pas nous étonner de n'en trouver aucune trace ; ces cellules séparées ne pouvaient être que des constructions très simples, suffisantes sans doute pour la vie et le soin des malheureux qui les habitaient, mais destinées à disparaître, peut-être par le feu, pour empêcher tout risque de contagion dans l'avenir.

L'enclos très étendu, sur un saillant, au milieu des bois, avec ses prairies en pente au sud-est sur la vallée du Perche, en faisait un séjour riant et paisible pour ces infortunés auxquels ne pouvaient manquer, sous un si haut personnage, les soins les plus dévoués et les plus charitables.

C'est aux moines de l'Ordre de Saint-Benoit que fut donné le lazaret. Ils avaient plusieurs abbayes dans la région : Saint-Sauveur de Redon, Saint-Gildas-des-Bois, Blanche-Couronne. Nous devons nous arrêter à cette dernière ; elle était fondée depuis une quarantaine d'années ; ou donne la date 1160. Nous lisons dans l'Histoire de Bretagne de l'abbé TRESVAUX, utilisant les recherches de Dom MORICE, que « Jean II, abbé de Blanche-Couronne, arrenta en 1233, à Guillaume le Prévost, une terre nommée la Grée, pour 10 sous de cens annuel ».

Cette terre de La Grée ne peut être qu'une parcelle du domaine ducal, au Gâvre, sur la lisière de la forêt portant ce nom. Elle est située à l'extrémité du Breil-des-Arpents, limitrophe des terres du prieuré de la Magdelaine et on y trouve établie une seigneurie. Elle fut arrentée par un abbé de Blanche-Couronne contemporain du duc Pierre de Dreux, et sans doute avec son consentement. Lui-même concédait, à la même époque, aux habitants du Gâvre, qu'il venait de fonder, des privilèges et des droits d'usage dans ce Breil-des-Arpents. Agissant ainsi, il imitait ses beaux-parents, la duchesse Constance et Guy de Thouars qui, pour assurer la subsistance de la léproserie, lui avaient donné des droits dans la forêt et dans la même partie du domaine ducal.

Nous savons d'ailleurs que les seigneurs de Rochefort-en-Terre, de Donges et de Pontchâteau firent des legs eu faveur des œuvres de bienfaisance de l'abbaye de Blanche-Couronne.

Le duc de Bretagne connu pour ses libéralités en faveur du peuple, ne put que faire de même pour un établissement, qui entrait dans ses vues, et cher à sa famille.

LE PRIEURÉ.

Les religieux bénédictins de Blanche-Couronne, envoyés à la léproserie, étaient détachés de l'abbaye, mais ils restaient sous sa dépendance et observaient la vie régulière ou vie de communauté ; ils formaient un petit couvent sous l'autorité d'un supérieur (nommé par le R. P. Abbé), qui portait le titre de prieur ce qui faisait de l’institution un prieuré. C'est la désignation que l'on trouve dans les actes officiels.

Le prieuré se mit sous le patronage d'un bienheureux du ciel. A cette époque des Croisades, tous les regards se tournaient vers les lieux-saints de la Palestine ; il ne faut pas s'étonner que l'on ait pensé à demander la protection d'un des « amis de Jésus », saint Lazare, sainte Marthe et sainte Marie-Magdelaine, ses sœurs. Eux qui si souvent avaient donné l'hospitalité au Sauveur, dans leur maison de Béthanie, n'étaient-ils pas désignés pour protéger ces membres souffrants du Christ qu'étaient les malades, les infirmes, les lépreux ?

Beaucoup d'asiles créés en leur faveur les prirent comme patrons, au point que le nom de Lazare leur fut donné, on les appela « lazarets » ; peut-être aussi la parabole de l'Evangile du pauvre Lazare couvert d'ulcères faisait penser à ce nom.

Ici c'est sainte Marie-Magdelaine qui fut choisie et l'on aura le Prieuré de la Magdelaine d'Iff, ce dernier nom étant encore celui du pont sur le Perche qui donne accès à la propriété.

La vie du prieuré ne peut être que celle de toutes les léproseries de cette époque établies en dehors des villes et des bourgs ou au milieu des bois. Elles disposaient d'ordinaire d'un assez vaste territoire pour s'y livrer aux travaux de l'agriculture qui, en permettant une occupation nécessaire au bon moral de ses habitants, leur fournissait un secours important pour l'entretien de l'établissement. Les lépreux dispersés, chacun dans sa cellule, pouvaient se livrer selon leurs forces et leurs aptitudes à des travaux variés intellectuels et surtout manuels ; mais sous la direction et avec l'aide des religieux, le plus grand nombre devait prendre part aux multiples tâches d'une grande exploitation agricole qui demandait des ouvriers des champs et des artisans.

Cette vie paysanne et régulière du prieuré en faisait une grande communauté, où les différents exercices de la journée étaient annoncés par la cloche de la chapelle, dont la voix conviait tantôt aux réunions profanes ou religieuses, tantôt à la dispersion dans les cellules ou les champs.

Le prieuré de la Magdelaine avait une étendue de 120 journaux (60 hectares), comprenant quelques bois, mais surtout des prairies et des terres labourables. Les produits du sol et l'élevage des animaux fournissaient le principal de la nourriture d'une maison qui pouvait réunir une centaine de membres. La chapelle est suffisante pour y rassembler facilement un pareil nombre de sujets.

Pour les religieux envoyés de Blanche-Couronne, ils formaient un groupe, qui dut varier avec le nombre des lépreux, mais put toujours assurer leurs soins et l'entretien de l'institution sous la direction du R. P. Prieur, qui présidait en même temps à la vie conventuelle, peut-être aidé d'un ou deux auxiliaires prêtres comme lui.

LES PRIEURS.

Cinq siècles d'histoire nous demeurent inconnus sur la vie du prieuré. On ne pourra jamais assez déplorer le fanatisme et la barbarie des révolutionnaires de 1793 qui, pour laisser l'avenir dans l'ignorance d'un passé glorieux qui les écrasait, firent brûler des charretées d'archives contenant des documents précieux pour l'histoire locale : 14 charretées furent anéanties sur la place publique à Blain, 33 à Châteaubriant ; à Nantes il en fut de même, dit le savant chanoine Cahour, président de la Société Archéologique de Nantes [Note : A détruire tout ce qui est en écriture gothique, ordonnait le ministre Garat, à Camus chargé de brûler les collections réquisitionnées par la Bibliothèque Nationale. Sur 3.500 cartons de documents réunis par le Cabinet des Ordres « il en incendia 2.000 place Vendôme à Paris »].

Bien des événements s'étaient passés pendant cette longue période. La lèpre avait disparu peu à peu de notre pays et La Magdelaine qui restait sous la garde de la sainte Pénitente avait vu, sous les auspices des ducs de Bretagne qui s'y intéressaient, sa chapelle honorée du titre de Notre-Dame de Grâce que ces souverains venaient prier, aux pieds d'une statue de pierre du XIVème-XVème siècles que l'on vénère toujours.

Deux documents authentiques antérieurs à la Révolution et conservés par les propriétaires du lieu le nomment « Prieuré de Notre-Dame de la Magdelaine d’Iff ».

Il faut arriver au XVIIème siècle pour connaître le nom du prieur devenu commendataire ; le prieuré n'étant plus qu'un bénéfice du domaine ducal, puis royal après l'union de la Bretagne à la France en 1532.

La famille de Cornulier qui possédait la Touche à Nozay, a donné plusieurs de ses membres à l'abbaye de Blanche-Couronne. Pierre de Cornulier, conseiller au Parlement, en était l'abbé en 1612. Nommé évêque de Tréguier en 1617, puis de Rennes en 1619, il garda son premier titre et eut une grande influence sur le prieuré. Un frère plus jeune était bénédictin comme lui ; mais son frère aîné, Trésorier de France, Général des Finances de Bretagne eut une belle famille de quatorze enfants : trois filles se firent religieuses à la Visitation de Rennes, une quatrième entra chez les Ursulines de la même ville, communautés que leur oncle y avait fondées et aidées de tout son zèle charitable. Claude, cadet de cette famille, religieux dans l'ordre de Saint-Benoit, succéda à son oncle comme abbé de Blanche-Couronne, de 1638 à 1681.

L'évêque de Rennes mourut le 22 juillet 1639, en la fête de sainte Marie-Magdelaine ; mais avant de céder sa charge d'Abbé, il avait témoigné son intérêt an prieuré d'Iff en lui donnant pour prieur un de ses plus proches auxiliaires à Rennes.

Un aveu du 25 juin 1638, fait devant les notaires royaux Caud et Mahé, dit : « Messire Antoine Moreau. chanoine de Rennes, prieur-commendataire du prieuré de la Magdelaine d'Iff, membre de l'Abbaye de Blanche-Couronne au diocèse de Nantes, reconnaît et a avoué tenir prochement et lègement (légalement) sous et au proche fief du Roy notre Sire en fief amorty, tout le revenu temporel du dit prieuré de la Magdelaine d'Iff. Aveu fait à Rennes, an palais épiscopal, demeurance dudit sieur Moreau, le vingt cinquième jour de juin mil six cent trente-huit avec le sing du dit Sieur Moreau posé en la présente, resté aux mains de Caud un des deux notaires qui signent. - CAUD, MAHÉ ».

Cet acte authentique nous donne le titre, le nom et les fonctions du premier prieur commendataire connu jusqu'ici.

Une liste généalogique de la famille Cornulier, tirée de la bibliothèque du château de la Possounière, indique comme prieur du prieuré de la Magdelaine-en-Bois, Pierre de Cornulier né vers 1642, neveu de Claude, alors abbé de Blanche-Couronne ; il ne peut être question d'un prieuré autre que la Magdelaine-d'Iff ainsi désignée par l'auteur de cette liste qui a reproduit le nom familier plus connu de lui.

Ce prieur se placerait à la suite d'Antoine Moreau et avant Clande de Cornulier que nous trouvons officiellement nommé dans un aveu « rendu à Nantes par le chevalier, seigneur du Bois-Maqueau, Jean-Baptiste de Cornulier, pour messire Claude de Cornulier, son fils, prieur titulaire du prieuré de la Magdelaine-d'Iff, membre dépendant de l'Abbaye de Blanche-Couronne, lequel, pour satisfaire aux ordonnances du Roy pour la Réformation des Domaines de Sa Majesté en Bretagne, a reconnu tenir et posséder noblement en fief d'Eglise amorty en la censive et mouvance de Sa Majesté les biens et droits du prieuré de la Magdelaine d'Iff sur présentation de lui faite par le Sieur Abbé de Blanche-Couronne ».

Cet aveu daté du 31 mai 1679 est reçu par le procureur du Roy au siège du Présidial de Nantes, le 17 juin suivant d'après un autre document de la Chambre des Comptes de Bretagne actuellement aux archives du département de la Loire-Inférieure comme le précédent aveu.

De nombreux reçus de fermages conservés, que nous avons pu consulter, attestent la jouissance de ce bénéfice par la famille de Cornulier de 1721 à 1757. Plusieurs pièces attestant le souci de l'entretien du prieuré au point de vue matériel et spirituel sont signées du chevalier de Cornulier ou de ses mandataires. Une lettre de 1722 porte « Nantes, abbé Cornulier » (Claude d'après une pièce de 1732) ; une autre de 1729, signée de la même main, dit en post-scriptum « faites mes compliments, je vous prie, à Monsieur le Vicaire qui dessert le prieuré ».

Pendant plus d'un siècle la Magdelaine reste sous l'autorité d'un membre d'une famille du voisinage ; on ne peut s'en étonner en voyant le rang qu'elle occupe dans la vie religieuse du pays à cette époque. Profondément chrétienne elle donne à l'Eglise : deux abbés de Blanche-Couronne dont le premier devient évêque de Rennes et le second meurt dans sa charge en 1681. Parmi leurs frères, neveux et nièces, on compte trois prieurs de La Magdelaine, trois autres religieux, deux sont Bénédictins, l'autre est dans un ordre hospitalier ; huit filles sont religieuses dont une Ursuline, une Hospitalière et six dans l'ordre de la Visitation nouvellement fondé par saint François de Sales avec sainte Françoise de Chantal et établi à Rennes par leur oncle dans le monastère où elles font profession.

C'est pendant cette période qu'est construite à La Magdelaine la maison priorale ; le genre de construction du XVIIème siècle y est nettement accusé et reproduit fidèlement celui des bâtiments élevés an Gâvre à la même époque ; on y retrouve aux ouvertures la même pierre bleue de Nozay, tirée sans doute de la carrière bien connue située en bordure du parc de la Touche. Cette belle propriété, berceau des de Cornulier, dont nous parlons, ne garde-t-elle pas toujours dans son enclave le presbytère et près d'elle, à l'est, l'ancienne église du « vieux bourg » et à l'ouest la nouvelle, que sépare seulement une route tracée sur ce domaine dont l'entrée monumentale porte gravée à son fronton les armes de la famille ?

Le Chevalier de Cornulier resta en relation avec le prieuré jusqu'en 1754, mais depuis deux ans il avait renoncé à son bénéfice en faveur de celui qui sera le dernier prieur Messire Louis-Georges Le Bannier, prêtre du diocèse de Rennes, supérieur des prêtres de l'Eglise royale de Saint-Louis, de nation française à Rome, prieur du prieuré de La Magdelaine d'Iff, en la paroisse du Gâvre, diocèse de Nantes, comme l'atteste une sentence du Présidial de Nantes, du 14 juillet 1759, contre les prétentions de Messire Guillaume Pagès. chanoine de l'église cathédrale de Saint-Papoul se disant pourvu du même bénéfice qui fait défaut à l'audience. Le revenu de sept années devant être rendu, s'il y a lieu, à Messire Louis-Georges Le Bannier, ce prieur, revenu de Rome, deviendra chanoine de l'église collégiale de Notre-Dame à Nantes, où il finira ses jours quelque temps avant la Révolution, eu 1787. Il sera à son prieuré le 25 mars 1767, comme l'atteste un reçu rédigé et signé de sa main à La Magdelaine. Ce domaine sera arrenté, en sa présence et avec son consentement, laissant à la disposition et garde des fermiers le calice et les ornements faisant partie du mobilier de la chapelle, cela par acte officiel du Présidial de Nantes sur parchemin timbré aux armes de France, du 17 février 1780. On gardera au prieuré le meilleur souvenir de Messire Le Bannier, et 50 ans après sa mort, on voudra assurer à la chapelle des messes à l'intention du dernier prieur.

LES CHAPELAINS.

Les prieurs commendataires, jouissant d'un bénéfice, devaient en assumer les charges selon les intentions des fondateurs ou de leurs héritiers ; ils s'acquittaient du service religieux, le plus souvent, par un auxiliaire : vicaire ou chapelain, choisi parmi les prêtres du voisinage. C'est ainsi que firent les derniers prieurs de La Magdelaine. Là encore les documents nous manquent pour remonter bien loin. Le seul chapelain qui se donne ce titre est M. Julien Besnier dont nous trouvons la signature sur un reçu écrit de sa main pour l'acquit d'une messe chaque semaine et service du prieuré, en l'année 1723.

Il exerçait ce ministère depuis longtemps déjà, car il est mentionné, dès 1715, le 21 novembre dans une pièce notariée de Maître Deluen faite en son étude au Gâvre ; il le continuera jusqu'en 1725.

Il aura pour successeur M. J. Couraud, le jeune prêtre qui assure, chaque semaine, la desserte du prieuré d'Iff et y donne reçu de ses honoraires, jusqu'en 1740. En 1741, cette quittance est signée, à Plessé, d'une autre main « J. Couraud recteur de Plessé », pour le service du bénéfice d'Iff. Cette nouvelle signature semble indiquer que J. Gouraud le jeune était le neveu et vicaire du recteur de Plessé, paroisse qui assurait depuis plusieurs années le service du prieuré. Elle le continuera jusqu'en 1749 par le ministère de M. Julien Lebeau, prêtre résidant à la Pétiaudais, village près de la forêt, en Plessé.

Nous trouvons dans les archives le nom de Frère Bricaud, prêtre qui remplace quelque temps M. Lebeau en 1748 et lui succède jusqu'en 1750. A cette date le frère Augustin de Quimper assure un certain nombre de messes pour le prieuré, mais elles sont célébrées dans l'église du Gâvre où il est sans doute auxiliaire de M. Horlande.

Le Gâvre prieuré-cure est devenu paroisse depuis 1730. M. Henry, premier recteur, a reçu juridiction sur tout le domaine royal : franchise et forêt, donc sur La Magdelaine où, par sentence du Présidial de Nantes du 13 janvier 1734, il perçoit la dîme ; il est chargé du bien spirituel des habitants. Il ne semble pas avoir célébré la messe à la chapelle, domaine de M. de Cornuliier ; toutefois sou successeur depuis 1740 l'a fait, en 1743, pour remplacer assez longtemps M. Lebeau sans doute empêché par la maladie.

A partir de 1750, le service sera assuré par le clergé paroissial du Gâvre. M. Horlande reçoit comme vicaire, en 1759, un Gâvrais, M. René Lecoq, qui lui succédera en 1772 à la tête de la paroisse jusqu'en 1793, date de sa mort dans les noyades ordonnées par le sinistre Carrier, à Nantes. Un reçu de sa main fait en décembre 1783, donc après l'arrentement de 1780, indique qu'il a depuis plusieurs années acquitté le service du prieuré comprenant spécialement la célébration d'une messe par semaine à la chapelle au nom de Messire Le Bannier, prieur de Notre-Dame de La Magdelaine.

LES FERMIERS.

Les noms de deux habitants du prieuré nous sont donnés en 1679 par un document officiel. L'année précédente la Maîtrise des Eaux et Forêts du Gâvre s'est opposée à leurs droits d'usage dans la forêt alors qu'ils avaient coupé une charretée de litière. Elle leur a dressé procès-verbal et les a condamnés à 60 livres d'amende. Les fermiers adressent une requête à Georges Legrand, seigneur des Alluets, Conseiller du Roy, lieutenant général des Eaux, Bois et Forêts de Bretagne qui juge ainsi : la requête à nous présentée par Pierre et Julien Juignet avec l'énoncé et la preuve de leurs droits d'usage en la dite forêt et vu la sentence prononcée par la Maîtrise particulière du dit lieu nous avons déchargé les dits Juignet, fermiers du prieuré de La Magdelaine, de la somme de 60 livres d'amende et ordonné la restitution en gardant de par eux la sentence des Eaux et Forêts sur les peines y contenues. Fait au Gâvre le vingtième mars mil six cent soixante dix-neuf. Signé LE GRAND.

Des actes du notaire Deluen, datés de 1715 et 1720, nous disent que le fermier Julien Crouezeaud, décédé, a laissé sa veuve Guillemette Le Serre chargée de l'exploitation du domaine de La Magdelaine. Elle s'est retirée au village du Haut-Luc, en Plessé, et l'a sons-louée pendant plusieurs années, au moins jusqu'en 1720, à Pierre Leray qui lui succédera comme fermier responsable bien qu'il eût plusieurs associés. Julien Leray lui succédera de 1732 à 1754. De 1767 à 1787 nous trouvons le nom de Pierre Leray dans les actes officiels gardés par les descendants. En 1785 Marie Leray a épousé Pierre Gautier, né aux Hautes-Chevailles en Vay en 1759, et c'est ce nom et celui de plusieurs associés que nous lirons dans les documents concernant le prieuré de La Magdelaine d'Iff.

LA VIE AU PRIEURÉ.

1° — Sous l'Ancien Régime.

Pour nous faire une idée aussi exacte que possible de la situation faite aux habitants du prieuré sous l'Ancien Régime, examinons d'abord une pièce authentique, la plus ancienne de celles conservées ici. C'est l'aveu rendu à l'administration royale le 25 juin 1638, par le premier prieur commendataire connu de nous : « Messire Antoine Moreau reconnaît et advoue tenir, sous fief du Roy, souverain en son duché de Bretagne, en fief amorty tout le revenu temporel dépendant du dit prieuré d'Iff et ses dépendances comme suit :
— La chapelle, maisons, rue, issues, jardins pour pris du domaine nommé Etapes — un chemin conduisant par devant les maisons à la dite forêt du Gâvre pour servitudes des manants et habitants et leur bétail.
— Item joignant iceluy domaine, celui de Piroudel et du Mérial en bois futayes, cerné de vieux fossé — un autre chemin entre deux.
— Item le domaine de Barangier adjacent — un autre chemin et ruisseau entre deux.
— Item le bois du pont d'Iff, en dessous du pré et maisons priorales, contenant quatorze journaux.

Généralement le tout ensemble six vingts journaux (120 journaux) situés entre le pont d'Iff, le chemin qui par le dit pont conduit de la ville du Gâvre à Plessé, de là au chemin de Redon joignant le fossé du dit Barangier au village de Villeneuve, l'en redon, cléons, le dit ruisseau et pont Daitz d'une et autre partie et endroit.

De plus droits pour le prieur, ses métayers et fermiers, manants et habitants (jouissance et usage) du pasturage de soixante bêtes Daumailles et cinquante porcs en tout temps de l'an ; faucher l'herbage en 10 mareaux de la forêt, de les affermer à qui bon semblera au prieir. De plus prendre le bois mort et abattu pour chauffage et usage des demeurants et des litières.

(Pour copie conforme de l'Aveu 1023 des Archives de la Chambre des Comptes de Nantes délivré à Pierre Gautier et Thomas Pelé, 4 Ventôse An V, pour leur pétition du 9 Pluviôse précédent). Signé : BUET.

Quand nous saurons que les droits et usages de cet aveu sont reproduits dans les mêmes termes par celui rendu au nom de M. de Cornulier, le 31 mai 1679, et confirmés la même année, par la sentence du lieutenant général des Eaux et Forêts déchargeant deux fermiers d'une amende injustifiée de 60 livres et les maintenant dans leurs droits et usages, on verra que ces privilèges n'étaient pas de vains titres pour les habitante ; ceux-ci jouissaient de faveurs, faites 500 ans plus tôt à une institution charitable, et toujours maintenues par les souverains de Bretagne et de France, au profit des travailleurs de la terre.

Cent ans plus tard, sous Louis XVI, ces droits et usages sont de nouveau confirmés par une sentence d'arrentement rendue au présidial de Nantes, le dix-neuf février dix sept cent quatre vingt, en présence du prieur titulaire Messire Le Bannier et avec son consentement ; elle adjuge en public, aux enchères librement acceptées par les fermiers intéressés ; la jouissance des biens et privilèges du prieuré de La Magdelaine d'Iff. L'adjudicataire, Pierre Leray, fermier du dit prieuré avec Thomas Pelé de la Douve comme caution, suivant les conditions loyalement exposées, s'engage à payer une rente annuelle et perpétuelle de : un tonneau de froment, un tonneau de seigle et un tonneau vingt-et-un de blé noir, le tout selon la mesure de Nozay en usage dans le pays.

Cet arrentement annuel et perpétuel, dix ans avant les réformes de la Révolution, n'atteste-t-il pas le souci de l'administration royale, sur un domaine lui appartenant, de sauvegarder pour les fermiers et leurs héritiers les droits et les avantages qu'ils avaient pu se créer par leur travail et leur intelligence sur ce domaine exploité par eux et leurs ancêtres ?

La somme de deux cent livres. que nous voyous figurer chaque année sur leurs reçus de fermage, ne semble pas d'ailleurs avoir été un prix trop élevé dans la longue période, que nous pouvons contrôler exactement, qui va de 1715 à 1780, c'est-à-dire l'époque la plus incriminée de l'Ancien Régime.

Quelques traits nous aideront à apprécier d'une façon plus juste la vie rurale, chez nous, au XVIIIème siècle : de 1715 à 1720 une fermière, la veuve Julien Crouezaud, laissée dans l'embarras par la mort de son mari, ne pouvant plus entretenir sa ferme, la sous-loue au même prix, 200 livres par an. Les bénéfices du marché lui sont inconnus, elle peut céder l'exploitation dont elle demeure responsable sans autre formalité que le reçu annuel et même bisannuel rédigé par le notaire du Gâvre. Ses successeurs à la Magdelaine accepteront les mêmes conditions en s'adressant directement an Prieur ou à ses mandataires. Ils déduiront de leur fermage, les reçus en font foi, les impôts, dîmes, honoraires de messes, frais de réparations et même de constructions au domaine sans autre garantie à donner que leur conscience honnête et chrétienne.

Si nous voyons surgir quelques menus incidents, ils ne sont guère que quelques contestations avec des fonctionnaires mal informés ou peu compréhensifs, dues parfois à des négligences et des oublis. Ils seront condamnés à des amendes qui leur seront remises si elles sont mal fondées, ou imposées s'ils ont outrepassé leurs droits ou négligé leurs devoirs. La justice royale, qui en 1679 les décharge d'une amende de 60 livres, et affirme loyalement leurs droits, pénalisera en 1740 une non-déclaration du Prieur lui-même, et mettra en vente en 1752 trois porcs saisis en dehors des limites permises, et conformément aux édits des ducs de Bretagne accordant au XIIIème siècle des privilèges dans la forêt. Cela n'empêchera pas le même fermier d'être l'année suivante adjudicataire de la glandée pour 110 livres 16 sols et 8 deniers à la Maîtrise des Eaux et Forêts du Gâvre. Ces simples laboureurs ne souffrent pas de la gêne dans leur exploitation ; ils vivent largement, eux et leurs familles ; ils récoltent en abondance froment, seigle et blé noir ; ils font un gros élevage ; leurs privilèges en forêt leur permettent le pasturage de 60 bêtes à cornes et 50 porcs. Ils peuvent s'offrir quelques douceurs. Julien Leray et son frère Pierre, laboureurs à la Magdelaine au Gâvre ont fait l'acquisition de 4 barriques de vin, 2 pour chacun, qu'ils peuvent transporter à leur domicile.

Ce même Julien Leray est hautement considéré dans la paroisse du Gâvre fondée depuis vingt ans seulement. En 1751, il fait partie du Conseil de Fabrique depuis un peu de temps, car le Receveur des Domaines du roi à Nantes reconnaît avoir reçu de Julien Leray, fabriqueur de la paroisse du Gâvre, la somme de 58 livres, 12 sols, 8 deniers, pour une année de rente par lui due au domaine du roi, eschue à la fête de Noël 1751, à cause des rentes décrétées en la paroisse du Gâvre ; de la somme desquelles sont tenues les fabriqueurs de la dite paroisse dont je le quitte.

Fait à Nantes le 2 février 1752.

La même année, le 17 juin 1752, il ira à Nantes pour la défense des droits des habitants du Gâvre, démarche qui mérite d'être rapportée ici, car elle montre l'intérêt porté par le prieuré et son titulaire, M de Cornulier, à la paroisse toute entière, car elle est faite par un fermier de la Magdelaine, près d'un prêtre ami intime du prieur. Transcrivons le texte : « Je reconnais que Julien Leray, fabriqueur du Gâvre, m'a laissé entre les mains une expédition de l'aven des dits habitants du Gâvre, reçu à la Chambre des Comptes, le 12 Juin 1751 et une expédition de l'arrest de réception du dit aveu, lesquelles pièces je dois envoyer à un avocat aux conseils pour servir de soutien des privilèges des dits habitants. ». A Nantes, le 17 juin 1752, TEXIER, prêtre.

Nous avons exposé des documents irrécusables conservés par les personnes en cause, les fermiers eux-mêmes, ayant vécu avant et pendant la Révolution. Ces témoignages directs sont corroborés de nos jours par de nombreux historiens de valeur, nous révélant, sur la foi d'archives authentiques échappées à la destruction que nous connaissons, la vérité sur cette époque, dans notre pays nantais tout particulièrement. Pourra-t-on encore parler de la misère noire des paysans pendant cette longue période

2° — La Révolution.

Depuis 1780, le prieuré de la Magdelaine a été arrenté à perpétuité aux fermiers. Ils vivent paisiblement dans ces conditions. Pour s'assurer à l'avenir la jouissance entière et paisible de cette propriété qui sera la leur moyennant la rente annuelle déjà mentionnée, ils s'appuyent sur le contrat du 19 février 1780, qui en donne la désignation détaillée, la contenance, avec les droits et usages qui y sont attachés. Une seule difficulté leur est faite pour le bois de Piroudel. Après une consultation juridique prise à Paris près de Me Cochu en 1784, sur son conseil, ils ont fait acte de propriété sur ce domaine en abattant, en 1780, trois arbres. La maîtrise des Eaux et Forêts du Gâvre a dressé contre eux procès-verbal pour délit ; mais devant la présentation de leur titres de propriété, continuant celui des Prieurs, il n'a été prononcé aucune sentence pour les condamner.

A partir de 1791, la rente annuelle doit être payée non plus au Prieur, dépouillé de son bénéfice, mais à l'Etat qui s'est emparé des biens ecclésiastiques. C'est l'époque de la Terreur, les fermiers s'acquittent de leur dette annuelle, des impôts et des réquisitions. Le nouveau régime semble ne pas vouloir reconnaître leurs droits sur Piroudel formant avec Mérial une étendue de 40 journaux. Forts de la consultation de 1784 et de l'affaire des trois pieds d'arbres, pour laquelle, sur production de leurs titres, on les a laissés en paix, ils renouvellent leur acte de propriété en abattant trois nouveaux arbres, en décembre 1796. Les agents forestiers dressent un procès-verbal du soi-disant délit, avec défense d'enlever les trois arbres, et les assignent par le ministère de Maillard, huissier patenté de Blain, à comparaître, le 11 mai 1791, devant le tribunal civil de Nantes avec menace de se voir condamnés et renvoyés devant le tribunal correctionnel « de Savenay pour être infligés des peines et amendes portées par la loi ». L'assignation est remise à Gautier à sa demeure à la Magdelaiue par l'huissier, le 1er avril 1797 et signée : Maillard.

Le tribunal civil du département de la Loire-Inférieure prend le temps de s'instruire et de réfléchir sur cette affaire. De leur coté, les usagers du Prieuré ne restent pas inactifs ; ils prennent conseils de l'avocat Guidonin à Nantes qui les assistera pour les défendre à la séance du tribunal de Nantes, le 6 décembre 1798.

L'arrêt suivant est porté en faveur de Thomas Pelé, Pierre Gautier et leurs consorts « Considérant que les défenseurs justifient leur propriété du domaine Piroudel par des actes authentiques et en bonne forme, le tribunal déboute l'agent national forestier de ses demandes et le condamne au coût du présent arrêt, qui sera exécuté par provision suivant la loi. Il ordonne à tous huissiers, sur ce requis, de mettre le présent jugement à exécution à tout commandement ». Signé : LANURÉZILLON, BLANCHARD, greffier. Enregistré à Nantes, 16 frimaire, an VII.

L'administration forestière condamnée n'opposant aucun appel de la sentence prononcée, les habitants de la Magdelaine réclament, comme suite du jugement rendu à leur profit, le bornage légal de l'ensemble du domaine du Prieuré s'élevant à 120 journaux. Le 30 septembre 1799, en présence du délégué de l'administration forestière, des intéressés, Me Bizeul, notaire à Blain, fait la délimitation de la propriété, contenant 120 journaux environ, 14 bornes avec témoins sont placées sur le périmètre, à partir du pont d'Iff en remontant le chemin de la ville du Gâvre à Plessé, en bordant les Ventes du Vieilli de Petaud, des Chetélons, pour arriver au pont d'Este ; de là, longeant le chemin de Redon à Villeneuve bordant la Vente des Bauches et des Coudrais pour atteindre le pont Rouaud et suivre le ruisseau qui va rejoindre le pont d'Iff. Procès-verbal détaillé des opérations est dressé aussitôt, avec copie de part et d'autre, pour prévenir toute contestation ; le tout dûment signé et enregistré.

3° — Le Consulat.

Pendant ce long procès, les événements se succèdent rapidement en France. La République proclamée une et indivisible a vu : l'Assemblée constituante, la Législative, la Convention, le Directoire ; le mécontentement est général ; le désordre et la terreur ont amené la ruine à l'intérieur ; à l'extérieur, l'ennemi nous menace de toutes parts. Un homme profite de l'anarchie ; le 18 brumaire (10 novembre 1799), il renverse le Directoire et établit un cinquième gouvernement, le Consulat, dont il sera le premier consul et, en fait, le seul maître du pays.

C'est à une tâche écrasante que devra se consacrer le premier consul pour redonner à la France sa sécurité, son prestige, sa prospérité ; il aura des entraves ; malgré son génie, il n'y suffira pas.

Pour remettre de l'ordre dans les finances et trouver de l'argent, il faut rétablir la confiance dans le droit de propriété. Tous les débiteurs de rentes annuelles envers la nation pourront en obtenir le franchissement en versant un capital s'élevant à 15 fois le montant de la rente annuelle. Les habitants de la Magdelaine s'associent d'un commun accord pour trouver ce capital et se libérer définitivement. Ils le font sur les bases de l'arrentement de 1780 : 15 fois le prix de : un tonneau de froment, un tonneau de seigle, un tonneau vingt-et-un boisseau de blé noir, selon la mesure de Nozay et le cours de ces denrées en 1801. La rente annuelle s'élevant à 623 l. 27, la multipliant 15 fois, ils versent le capital de 9.349 l. 05. Déjà. en l'an IV (1795) la Convention aux abois avait édicté une loi dans ce sens, et les habitants de la Magdelaine avaient fait des propositions d'un chiffre plus élevé, mais les excès sanguinaires du régime, joints au désordre financier, avaient ruiné toute confiance ; le projet échoua.

Toutes les difficultés ne furent pas imprimées par l'achat définitif de la rente. En vrais paysans attachés à leurs intérêts, ils sauront les défendre avec prudence et obstination et obtiendront justice, même contre les agents du gouvernement.

En plus de la rente et de réquisitions nombreuses, ils ont payé chaque année depuis 1790 des impôts fonciers pour des biens que la nation elle-même s'est appropriée en 1798, ils s'élèvent à 91 l. 3 sols ; ils s'adressent alors au sous-préfet de Savenay pour être déchargés de ces impôts, qui incombent à la nation, et obtenir le remboursement pour les cinq dernières années échues ; ils proposent pour ces années passées et pour celles qui suivront la réduction de 1/5° sur leur rente annuelle. La pétition est rejetée par la préfecture en août 1801.

On leur conteste, depuis l'achat du domaine, les droits et usages anciens du prieuré, sous prétexte que la loi du 27 mars 1791 a supprimé tous les privilèges dans les domaines de l'Etat. Ils consultent les avocats et, forts de leurs titres d'acquisition, en 1780, par une pétition datée du 18 janvier 1801 jointe aux copies authentiques de leurs titres dont ils ne veulent pas se dessaisir par prudence, ils obtiendront du Conseil de la préfecture l'arrêté suivant du 16 fructidor, an X (septembre 1801) :

1° Propriétaires, fermiers et habitants du ci-devant prieuré de la Magdelaine d'Iff sont maintenus dans le droit de mener dans la forêt du Gâvre leurs bestiaux et porcs au pacage et passage pendant tout le temps de l'année, de faire faucher, cueillir et emporter de la litière pour leur usage et de prendre en la dite forêt pour leur chauffage du bois mort et abattu.
2° Les agents forestiers indiqueront conformément à l'article 9 du titre 6 de la loi du 29 juillet 1791 les cantons désirables dans les pâturages.
3° Des expéditions du présent arrêté seront délivrés aux réclamants et une sera transmise aux agents forestiers.
Signé : Louis DUFFEN, HAUMANT, DOUILLARD, LEGAL, ALLIOT.

N. B. — Cet arrêté dit dans ses considérants que les habitants de la Magdelaine faisant partie de la commune du Gâvre, ils ont à ce nouveau titre les droits maintenus à cette commune par arrêté du 16 thermidor (8 août) précédent au Conseil de la préfecture.

Le conservateur des forêts fait appel de cet arrêté auprès du ministre des Finances qui, par une lettre au préfet du 9 pluviôse (1er février 1803) en suspend l'exécution et demande, pour pouvoir se faire une opinion à ce sujet, communication des deux arrêtés de préfecture, du titre d'arrentement de 1780 et de toutes pièces pouvant l'éclairer. Ce qui lui est transmis aussitôt.

Une nouvelle consultation de M. Gidouin montre que les intéressés se tiennent sur leur garde. Un an s'écoule cependant sans qu'ils reçoivent une réponse de Paris. N'y tenant plus, par lettre du 14 mai 1804 dont ils gardent copie, Jean Perai, Antoine et Jean Pelé, Pierre Gautier et Antoine Chatelain écrivent au ministre des Finances : « Citoyen Ministre, par sentence du Présidial de Nantes du 17 février 1780 le temporel du prieuré d'Iff nous fut arrenté dans les formes légales, nous en avions joui sans troubles, nous avons été inquiétés depuis 2 ou 3 ans par le Conservateur des forêts ; le Conseil de préfecture a maintenu nos droits, les pièces nécessaires pour éclairer votre religion sur cette affaire vous ont été envoyées il y a environ un an. Nous vous prions, citoyen Ministre de vouloir bien en prendre connaissance, les titres vous convaincront de nos droits ; nous avons confiance que vous nous les conserverez par une prompte décision. Salut et respect. Nantes, le 22 floréal au XII ». Signé P. GAUTIER, Jean PERRAL.

Lettre envoyée à Mademoiselle Athénar, à Paris, pour remettre à M. et Mme Crucy avec une lettre.

Le 26 thermidor, an XII, (14 août 1804), le ministre des Finances Gaudin, un Nantais, écrivait à M. Belleville, préfet dn département de la Loire-Inférieure : « Vous m'avez transmis, Monsieur, deux arrêtés du 16 thermidor et 16 fructidor an X ; par le 1er, le Conseil de préfecture reconnaît les habitants du Gâvre usagers dans la forêt du même nom et les maintient dans tous leurs droits d'usage. Le 2ème est relatif aux possesseurs actuels des biens dépendant de l'ancien prieuré de la Magdelaine d'Iff qu'il maintient également dans la jouissance de leurs droits d'usage dans la même forêt.

« J'ai reconnu par le compte qui m'en a été rendu que la demande de ces différents usagers est fondée sur des titres authentiques et incontestables, et sur une possession immémoriale et continue. En conséquence, j'approuve les dispositions de ces deux arrêtés et je vous invite à en procurer et maintenir l'exécution en ce qui vous concerne.

Je vous renvoie les pièces que vous m'avez transmises et que vous voudrez bien faire parvenir aux habitants du Gâvre et aux propriétaires du prieuré de la Magdelaine.

J’ai l'honneur de vous saluer. GAUDIN ».

4° — Au XIXème siècle.

Pendant trois ans on ne voit pas surgir de grosses difficultés, mais en 1808 le sous-inspecteur des Eaux et Forêts du Gâvre, qui laisse les bêtes à cornes aller au pacage, ne veut plus y voir les porcs et de plus menace de s'opposer à l'enlèvement du bois mort et abattu.

Deux consultations prises alors près de Me Guidouin et une seconde lettre du ministre Gaudin, déclarant l'affaire terminée suivant les deux arrêtés du Conseil de préfecture, ne désarment pas l'administration forestière qui fait saisir et vendre illégalement les animaux de Gautier, au risque d'être condamnée à la restitution et réparation du dommage.

Une consultation, prise le 2 mai 1828 près de l'avocat de Nantes Th. Hoguet, montre que les propriétaires du prieuré doivent toujours se défendre.

En 1839, ils proposent d'abandonner tous leurs droits en forêt, sauf sur le bois de chauffage, en échange de plusieurs cantons désignés pour leur culture et à titre de propriété définitive ; le projet ne fut pas accepté.

En 1861 l'administration forestière leur conteste le droit sur le chemin qui conduit du Gâvre à Plessé. Une déclaration officielle du 7 avril 1861, signée Lecoq, maire du Gâvre. affirme en leur faveur que les habitants de la Magdelaine ont toujours eu cette servitude et n'ont pas d'autre chemin pour se rendre au chef-lieu de leur commune. Une route faite en 1878 desservant le village réglera définitivement cette question.

Après de nombreuses réclamations et démarches il faudra attendre la fin du siècle, vers 1893, et l'ouverture d'une nouvelle route entre Villeneuve et la Magdelaine pour décider l'administration forestière à adopter, de concert avec les usagers, la solution actuelle : de nouveaux terrains leur sont donnés, au nord-est, en échange des droits abandonnés.

Le Gâvre : chapelle de la Madeleine (Bretagne).

LA CHAPELLE.

Le seul témoin de la fondation charitable qui a donné naissance à la léproserie et au prieuré de la Magdelaine, le seul monument qui ait vu se dérouler autour de lui les sept siècles et demi de son histoire, est la chapelle. Elle a été le centre de la vie de cette communauté isolée au milieu des bois. Avec sa date gravée sur sa charpente, ses dimensions, les détails de sa structure, sa conservation malgré l'injure des ans et des hommes, elle nous révèle les secrets d'un long passé de foi, de dévouement, d'ordre et de travail. Modeste et cachée dans sa forêt elle n'a point attiré sur elle l'attention des archéologues et des artistes ; pourtant comme nos célèbres cathédrales, dont elle est contemporaine, elle a vu les règnes glorieux de Philippe Auguste et de saint Louis ; comme elles, mais plus humblement elle porte dans ses murs bien pauvres quelques souvenirs précieux de ce beau XIIIème siècle.

La chapelle de la Magdelaine, construite sans prétention pour assurer le culte d'une léproserie dans la dernière année du XIIème siècle, témoigne du changement qui s'opère dans la manière de construire les édifices religieux à cette époque. L'arc en plein cintre cède peu à peu la place à l'arc brisé ; c'est la période de transition qui s'affirme, plus ou moins lente, plus ou moins complète selon les régions.

Son plan est un rectangle mesurant 13 mètres de longueur sur 6 m. 70 de largeur ; les murs ont l'épaisseur de 0 m. 70 et la hauteur 4 mètres sous-tirants sur les côtés. Ils étaient dominés aux extrémités par deux pignons dont l'un, à l'ouest, reste couronné par un clocher avec flèche couverte en ardoises et le second, à l'est, percé d'une seule fenêtre géminée, qui a fait place en 1895, à une abside à trois pans.

On y entre par deux portes assez basses : celle de la façade, plus large, est surmontée d'un linteau ; l'autre, au midi, a son plein cintre fait de pierres ordinaires posées en délit et noyées dans la maçonnerie pour la partie extérieure du mur ; à l'intérieur est posé un linteau en chêne. La fermeture intérieure des deux portes est assurée et rendue inviolable par une pièce de bois coulissant dans l'épaisseur du mur au côté de la serrure et venant s'engager de l'autre côté dans une cavité moins profonde.

Le sol de la chapelle est de terre battue, sauf pour le sanctuaire où le dallage est constitué par de larges pierres de schiste, remplacées dans les parties usées par du ciment.

La charpente montée sur tirants avec poinçon est apparente sur la nef ; au dessus du chœur un lambris à trois pans la cachait. Supportant sa toiture à angle aigu du XIIIème siècle, elle gardait à l'édifice tout son cachet ancien ; ou ne pourra trop regretter sa mutilation lors de la restauration faite en 1895, qui, lui substituant une toiture moderne plus aplatie, lui a fait perdre à l'extérieur surtout, le caractère de son époque. Le clocher, resté presque intact, garde à sa base deux ailerons, derniers souvenirs de la toiture ancienne.

Quatre fenêtres éclairaient la chapelle : deux de forme romane placées à l'entrée du chœur dans les murs latéraux ; elles sont construites comme la porte du midi dont nous avons parlé sauf un large ébrasement à l'intérieur. Deux fenêtras sont de forme gothique, l'une simple à la façade, l'autre géminée au chevet. Nous ne parlerons pas des deux fenêtres nouvelles des pans coupés ; elles ont été faites on le devine à l'imitation de celle qui domine la porte de la façade.

C'est ici qu'il convient de faire quelques remarques. Malgré les modifications malheureuses, la chapelle de la Magdelaine, que nous avons connue dans son état primitif, porte encore dans ses murs et sa charpente, avec sa date, des caractères non douteux de son époque. Nous les trouvons surtout dans ses ouvertures romanes et gothiques, en prenant soin de ne pas oublier son joyau : une magnifique piscine faisant corps avec la maçonnerie.

Nous avons parlé des portes ; elles ont 1 m. 70 de hauteur seulement ; celle de la façade large de 1 m. 20 n'a pour attirer l'attention que sa traverse intérieure coulissant dans le mur ; celle du midi large de 0 m. 90 y ajoute son arc plein cintre composé de pierres ordinaires, posées sur champ lors de la construction, et certifiant de son état primitif. Les deux fenêtres latérales, avec large ébrasement intérieur, ont un arc plein cintre exécuté de la même façon. Ces ouvertures indiquent bien l'influence romane.

Les deux fenêtres terminées en arc aigu demandent une description plus détaillée. Commençons par celle du chevet dominant l'autel. Elle mesure 2 mètres de hauteur sur 1 m. 15 de largeur. Composée d'un châssis de pierres de taille, posées en délit, un meneau en forme d'Y avec branches cintrées la divise en deux baies à arcs aigus surmontées d'une autre baie qui constitue le sommet de l'arc brisé dominant l'ouverture entière. C'est là un beau spécimen des premières fenêtres géminées qui apparaissent comme nouveautés à cette époque.

La fenêtre gothique ornant la façade n'est que la reproduction exacte et aux mêmes dimensions d'une des baies de la fenêtre géminée du chevet.

A la fin du XIXème siècle, seuls quelques fragments de vitraux subsistaient à la fenêtre du chevet. Ils représentaient un personnage en tunique brune, la tête entourée d'une auréole, levant sa main bénissante sur un homme prosterné à ses pieds : peut-être un reste de la scène qui rappelait Jésus guérissant un lépreux, près de Capharnaüm ; ou celle du lépreux qui, guéri avec neuf autres, vient remercier Notre-Seigneur. Il est à souhaiter qu'un vitrail reproduisant l'une ou l'autre de ces scènes évangéliques, orne bientôt cette fenêtre digne d'attirer l'attention par son dessin, son époque et la place qu'elle occupe dans la chapelle. Avec les figures de sainte Marie-Magdelaine à la façade, de saint Lazare et de sainte Marthe à l'entrée du chœur ce sanctuaire, éclairé d'une lumière discrète, nous redonnerait, avec son cachet ancien, quelque chose de sa destination primitive et de son histoire.

L'œuvre la plus caractéristique et la plus précieuse, de style gothique, est sans contredit la magnifique piscine en enfoncement dans le mur du midi, au bout de l'autel. Là encore c'est un travail fait en même temps que la maçonnerie. Elle consiste en un arc aigu mouluré et trilobé ; les pieds droits avec colonnettes engagées reposent sur une assise débordante dont le centre est creusé en forme de cuvette avec écoulement dans l'épaisseur du mur. A mi-hauteur une tablette saillante est ménagée pour recevoir les burettes et l'arc orné de redents moulurés en fait une belle piscine du XIIIeme siècle. Débarrassée de son badigeon de chaux et laissant voir sa pierre taillée, elle pourrait supporter la comparaison avec les ornements de ce genre que l'on peut trouver dans les églises les plus importantes remontant à cette époque. Une seconde fois, l'architecte de cette humble construction nous donne là une preuve de son souci de la symétrie, des dimensions, en calculant ses tracés faits à l'aide du compas comme nous l'avons vu dans le dessin de la fenêtre géminée.

Avant la restauration faite en 1895, l'autel adossé au mur du chevet n'était qu'un bloc de maçonnerie, surmonté d'un gradin et prolongé à droite et à gauche pour former deux crédences plus basses et moins larges que la table d'autel.

Une table de communion séparait le chœur de la nef. Elle était en chêne mouluré avec balustres tournés et remontait aux années qui ont précédé la Révolution, car une note signée du menuisier Jean Plaud, le 24 décembre 1783, nous apprend qu'il a reçu de Pierre Leray 16 livres 9 sols pour une balustrade de la chapelle faite et fournie sans compter la ferrure. Cela nous confirme avec quel soin religieux prieurs et fermiers ont veillé sur cette chapelle pour la garder en bon état pendant plus de sept siècles.

Ne quittons pas le sanctuaire sans signaler, au chevet du côté de l'épitre, une vénérable statue en pierre haute de 1 m. 10 ; c'est celle de Notre-Dame de Grâce. Elle représente la Vierge Marie debout, portant sur sa poitrine l'Enfant Jésus qu'elle soutient de son bras gauche et entoure de son bras droit, le buste légèrement dévié (comme les Madones au XVème siècle). On y voit un témoignage de la piété des souverains de Bretagne envers la Vierge ; son culte en si grand honneur, à Nantes, leur capitale, ne pouvait être oublié dans leurs domaines. Ils honoraient non loin de leur château du Gâvre, nous dit un vieux chroniqueur, Notre-Dame de Grâce. Où pouvaient-ils montrer leur piété envers elle mieux qu'en ce sanctuaire de la Magdelaine, fondé au XIIème siècle par leurs aïeux charitables !

« La chapelle, au dire de Richer (renseigné lui-même par Me Bizeul, notaire à Blain) devait être livrée aux flammes en 1793. Elle a été sauvée par un pieux stratagème d'un habitant du Gâvre. Celui-ci la demanda pour y loger ses moutons, et elle ne lui fut accordée qu'après qu'il eut signé la promesse de la consacrer à l'avenir à cet usage ». Ce témoignage, de deux contemporains de la Révolution, pris sur place, s'accorde bien avec celui du registre paroissial du Gâvre rédigé peu après, qui nous apprend que la chapelle fut épargnée, car les habitants de la Magdelaine la remplirent de foin, sauf le sanctuaire, en y ménageant un accès. Des prêtres réfractaires aux lois révolutionnaires y auraient célébré la Messe dans les moments où ils vivaient cachés dans la forêt. Une nuit, dit-on, un habitant entendit dans la chapelle un bruit de fourches et de râteaux, semblable à celui de travailleurs chargeant du foin ; y étant entré, il ne vit rien. Il fit part de l'événement à ses voisins qui décidèrent avec lui de débarrasser le lieu saint. Quelques jours après, on apprenait que les édifices religieux étaient rendus au culte.

En sauvant la chapelle de la Magdelaine de la destruction, les habitants ne faisaient que défendre leurs droits de propriété contre une injustice doublée d'un sacrilège. Elle était devenue leur propriété absolue, par l'acte d'arrentement de 1780, confirmé plus tard par le franchissement de la rente annuelle, consentie par le gouvernement révolutionnaire lui-même.

Après cette période troublée, le culte reprit dans la chapelle, non plus chaque jour ou chaque semaine par la célébration de la sainte Messe, comme au temps de la léproserie ou du prieuré ; mais pour rappeler le souvenir des fondations anciennes des ducs de Bretagne et des religieux bénédictins de Blanche-Couronne, on y célébra la Messe chaque année, le lundi des Rogations et le 22 juillet, fête de Sainte Marie-Magdelaine, et cela jusqu'en 1853.

Dans un acte de donation, fait par devant Me Geffriaud, notaire à Blain, en date du 20 mai 1861, nous lisons que les ayants-droit actuels des propriétaires du prieuré de la Magdelaine, au nombre de douze, font donation à la Fabrique de la paroisse du Gâvre de la chapelle et de quatre mètres de terrain tout autour pour processions, moyennant l'entretien du bâtiment, une messe annuelle, le 22 juillet à l'intention des donateurs (les deux premières pour M. Georges Lebannier, dernier prieur), le maintien de la cloche, de la destination de l'édifice, et la faculté laissée aux donateurs d'y entrer pour leurs dévotions ou visites. Souffrant de voir le culte supprimé dans leur chapelle, depuis huit années, et ne s'entendant pas pour faire la dépense d'une restauration importante, vu le nombre des propriétaires, les habitants de la Magdelaine, et surtout Louis Gautier, avaient décidé cette donation.

Le legs ne fut pas accepté par le Conseil de Fabrique de la paroisse ; après bien des démarches et des hésitations, réuni en séance extraordinaire avec l'autorisation de l'évêque de Nantes, le 20 octobre 1864, il décida, à l'unanimité, de refuser ce don trop onéreux pour la fabrique du Gâvre.

Par suite de son état de délabrement, la chapelle resta interdite pour la célébration de la sainte Messe pendant 45 ans. En 1895, la restauration de l'édifice fut décidée et confiée à un entrepreneur du voisinage, malheureusement sans grand souci de lui garder sa forme primitive et son caractère ancien.

Les pièces principales de la charpente furent conservées, sauf le poinçon dont le sommet fut rogné pour remplacer le toit aigu par un autre très aplati. Le clocher fut respecté ainsi que la maçonnerie, sauf pour le chevet à pignon droit qui fit place à un mur à trois pans. Celui du milieu reçut sa fenêtre géminée placée un peu plus bas que précédemment, les deux pans nouveaux furent percés chacun d'une fenêtre imitant grossièrement celle de la façade. Un plafond uni vint remplacer le lambris à trois pans qui couvrait le chœur ; le dallage de celui-ci fut restauré dans ses parties usées. L'autel en maçonnerie fut remplacé par un nouveau revêtu de ciment, surmonté d'un tabernacle et de gradins en bois. Le marchepied de pierre fut changé et adapté aux dimensions plus petites de l'autel actuel ; il est formé de lames de parquet. La balustrade en chêne fermant le chœur a fait place à une table de communion en fonte. Une statue moderne de sainte Marie-Magdelaine est venue orner le mur du fond, du côté de l'évangile, faisant le pendant avec l'antique statue de Notre-Dame de Grâce placée à l'autre bout de l'autel. L'intérieur est redevenu convenable sous un simple badigeon de chaux. Le 11 mai 1898, la restauration étant terminée, la chapelle fut bénite de nouveau par M. le curé Louis-Marie Leroux. délégué par Monseigneur Rouard. Une autorisation de l'évêché permit d'y reprendre la célébration de la messe le lundi des Rogations et le 22 juillet de chaque année. Un modeste Chemin de Croix, autrefois à l'église paroissiale, est venu s'ajouter au mobilier ; il a été érigé canoniquement le dimanche 18 septembre 1904.

Pierre-Marie CIVEL.

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