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GEOFFROY DE PONTBLANC

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L'éducation d'un Chevalier.

Sept villes de la Grèce ont réclamé l'honneur d'avoir donné le jour à Homère. Deux villes de Bretagne, Lannion et Plouaret, peuvent se disputer le privilège d'avoir possédé le berceau de Geoffroy de Pontblanc. 

Chacune de ces localités peut appuyer ses prétentions sur ce qu'elle possédait une résidence ordinaire des seigneurs de cette famille. Plouaret, le manoir, et Lannion, l'hôtel de Pont-blanc que Geoffroy habitait lors du sac de la ville par les Anglais.

La question serait vite tranchée si l'usage avait été, à cette époque, de dresser ce que nous appelons les actes de l'état civil [Note : Ce fut François Ier, roi de France et duc usufruitier de Bretagne, qui, par l'édit de Villers-Cotterets (1539), obligea les couvents, chapitres, cures de tenir actes des baptêmes, mariages et sépultures sur des registres ad hoc, qu'ils étaient obligés de déposer par « chacun an par devers le greffe du prochain siège de baillif ou seneschal royal pour y être fidèlement gardés et y avoir recours quand mestier et besouing sera ». Avant cette date, quelques rares paroisses avaient suivi cet usage, ainsi Châteaudun depuis 1474, Villedieu (Loir-et-Cher) 1479, Mesnard-la-Barotière (Vendée) 1480, etc. Maintenant, dans les familles, on célébrait par des fêtes intimes le souvenir des naissances, mariages, etc. ; on inscrivait ces dates sur le Tabulae ou Livre de Raison]. Malgré cela, il pourrait peut-être exister dans les archives de quelques familles nobles une preuve en faveur de l'une ou l'autre ville.

Selon toute probabilité Plouaret devra l'emporter ; mais Lannion se consolera de ne pas avoir entendu les premiers vagissements de Geoffroy en songeant qu'elle a été le principal théâtre de sa vie, le témoin de sa bravoure, de sa mort héroïque et qu'enfin elle a reçu ses restes mortels.

Plouaret, à cette époque, comptait parmi les plus importantes villes de la baillie de Tréguier [Note : La baillie de Tréguier était divisée en six grandes châtellenies, dont quatre ont reçu fréquemment dans l'usage le titre de comté, savoir : le comté de Goëllo, le comté ou baronnie de Quintin, la châtellenie de Mini­briac, les comtés de Guingamp, de Lannion, la châtel­lenie de Morlaix-Lanmeur. Le comté de Lannion comprenait toute la côte, de la rivière de Tréguier à Saint­-Michel-en-Grèves, soit vingt-cinq à vingt-six paroisses. Sous la châtellenie de Lannion, la vicomté de Tonquédec (sept paroisses), Kerivon, en Buhulien, le Cruguil, l'Au­nai en Brélevenez, Coatredrez en Trédrez, Kerduel, en Pleumeur-Bodou, Kergrist en Ploubezre, ainsi que Coëtfrec, forteresse féodale érigée en bannière. (Cf. A. DE LA BORDERIE, Essai de Géographie féodale, 451 ; Dom MORICE, Preuves, II, col. 1563)]. Elle pouvait être fière de ses vingt-quatre chapelles qui formaient comme une couronne autour de l'église principale dont le beau clocher les dominait toutes ; de ses nombreux manoirs, de ses belles châtellenies et gentilhommières. La plupart avaient été le berceau de riches familles féodales, de braves chevaliers dont le renom de bravoure s'était répandu dans toute la Bretagne et les pays d'alentour.

Au nombre de ces demeures seigneuriales, on remarquait le manoir de Pontblanc, situé dans la section de Plouaret qui formait l'importante seigneurie du Vieux-Marché, apanage princier de la maison ducale de Bretagne.

C'était une construction lourde, massive, faite pour défier les siècles, édifiée sans autre souci de l'art que la commodité. Au fronton de la porte d'entrée se voyaient les armes des nobles seigneurs qui l'habitaient : d'or à dix billettes de sable posées 4, 3, 2 et 1 qui est Pontblanc. L'écusson que soutenaient deux lionceaux, était timbré du heaume de chevalier.

Des rabines, plantées d'arbres de haute futaie, de chênes surtout, symboles de la rude énergie bretonne, l'entouraient.

C'est dans ce manoir, berceau de sa race, que Geoffroy reçut le jour, vers la fin du XIIIème siècle.

Sa famille comptait parmi les plus anciennes du pays. Un savant héraldiste breton, le chevalier de Beauregard, dans son Nobiliaire de Bretagne, établit l'antiquité des familles féodales par l'analyse des différentes pièces du blason. Il nous apprend qu'il est écrit : « ez droits anciens que nul, s'il n'estoit de noble sang et de noble lignée, ne porteroit or » (Chevalier De Beauregard, Nobiliaire de Bretagne, p. 2 et 3).

La famille de Pontblanc porte d'or, elle est donc d'ancien lignage et de noble sang. Pour d'aucuns ce témoignage semblera puéril ; mais il en est un autre dont on ne saurait récuser l'importance ni la valeur. Le savant historien breton, Bertrand d'Argentré, dans son Histoire de Bretagne (BERTRAND D'ARGENTRÉ, Histoire de Bretagne, édition de 1588, ch. CCXXI, 427) parlant de Geoffroy de Pontblanc, nous dit qu'il était « chevalier et gentilhomme ». Nous soulignons à dessein ce mot gentilhomme, car cette qualité que lui donne l'éminent historien prouve qu'il était de la plus haute noblesse. François Ier et Henri IV ne se glorifiaient pas tant d'être rois que d'être gentilshommes. On pouvait être noble, chevalier, sans pour cela être gentilhomme (Cf. POTIER DE COURCY, Nobiliaire et Armorial de Bretagne, t. III, 31, 2ème édition 1862).

Quant à la signification des billettes dont l'écu est chargé, les auteurs sont bien partagés sur la valeur de cette pièce héraldique. Les uns, et les plus anciens, veulent qu'elles soient le symbole des charges et des fonctions de finance, telles que de maître d'hôtel, de dépensier, de trésorier, etc. ; les autres disent qu'elles représentent la brique dont l'emploi était réservé aux seigneurs féodaux pour la construction de leurs châteaux et manoirs ; ou bien encore, la pièce d'étoffe dont ces petits potentats ornaient leurs habits en signe de juridiction et de franchise seigneuriales.

Le droit de juridiction seigneuriale, de haute justice, les sires de Pontblanc en jouissaient, car leurs héritiers, les du Chatellier, les de la Rivière, les de la Fayette les possédaient encore récemment (MARTEVILLE, Nouveau Dictionnaire de Bretagne, t. II, 318, éd. 1843). Toutefois, on pourrait leur contester ce privilège, mais non celui d'être les maîtres d'hôtel du duc, car dans une déposition faite lors du procès de canonisation de Charles de Blois, et dont nous aurons occasion de parler, il est fait mention d'un Pontblanc, qui est désigné sous le titre de chevalier et de maître d'hôtel du duc Charles, miles et magister hospicii dicti D. Caroli, etc. On sait qu'à cette époque les charges étaient ordinairement héréditaires dans la même famille.

Et ces mêmes charges furent exercées par Pierre de Pontblanc, le père de notre héros, sous les règnes des ducs Jean II et Arthur II. Le premier, qui périt si malheureusement à Lyon sous les ruines d'une vieille muraille, honorait Pierre de Pontblanc de son amitié. Par son testament « donné é faict au mois de septembre de l'an de grâce MCCCII », le souverain breton lui lègue pour ses bons et loyaux services « un don de XXX livres » (Dom Morice, Preuves, t. Ier, col. 1188 et 1195).

L'histoire ne nous apprend rien de plus certain sur le père de Geoffroy de Pontblanc. Avait-il été du nombre de ces chevaliers bretons qui, comme les Guillaume de Kergariou, les Tancrède de Kermartin, les Alain du Liscoët, les Hervé Budes, les Alain Drouët, les Jean du Quenquis, les Olivier de Quélen, avaient accompagné le duc Pierre et saint Louis à l'expédition d'outre-mer ? Son épée, comme celle de ces preux, avait-elle brillé au soleil de la Thébaïde et de l'Idumée ? Jérusalem, la ville sainte, l'avait-elle vu, le front dans la poussière, vénérer les lieux sacrés où s'accomplit notre rédemption ?

Aurait-il été sans férir quelques grands coups d'épée pour accomplir le « debvoir de chevalerie qui estoit establye et ordonnée pour garder la foy catholique, les femmes veuves et pucelles, servir le roy quantes fois que métier en seroit, par raison et par force d'armes » (Chevalier De Beauregard, loc. cit., page 5).

En l'absence de documents nous ne saurions préciser ; la gloire incontestable de Pierre de Pontblanc, c'est d'avoir, par une forte éducation, préparé à la Bretagne un héros digne des temps antiques ; aussi, est-ce tout couvert de la gloire de son illustre fils que Pierre de Pontblanc passe à la postérité.

Il est d'usage, dans certaine école, de nous présenter le moyen âge comme une époque de grossière ignorance ; les nobles, les chevaliers et gentilshommes comme de grands ignares ne sachant même pas signer !

Qui n'a pas entendu parler de cette fameuse formule mise, dit-on, au bas de certains actes dans lesquels le notaire déclare que messire un tel, en sa qualité de gentilhomme, a déclaré ne savoir signer ?

L'ignorance ou la mauvaise foi seules peuvent tenir ce langage. Des hommes éminents MM. Léopold Delisle (Léopold Delisle, Journal de l'Instruction publique, 9 juin 1855), Arthur de la Borderie et de Palys, ont fait bonne justice de cette légende. Ils déclarent n'avoir vu cette formule nulle part. Et pour ce qui concerne la Bretagne, M. de la Borderie, dont l'autorité est sans conteste, insiste d'une façon particulière. « Il m'est passé par les mains des milliers de titres bretons de toutes époques, je ne l'y ai vue nulle part. La vérité est qu'en Bretagne, depuis le XIIIème siècle, et d'après les actes qui nous restent, ce ne sont presque que des nobles qui exercent les charges de judicature (sénéchaux, alloués, etc.,) au moins dans les cours ducales et aussi les fonctions de passes ou notaires publics pour lesquelles il fallait non seulement savoir écrire, mais aussi connaître la jurisprudence. La vérité est que les nobles qui n'exerçaient point ces charges n'en savaient pas moins écrire, qu'il existe des signatures de Bertrand du Guesclin, de son frère Olivier, etc., et que dans le seul Trésor des Chartes des ducs de Bretagne, c'est par centaines que l'on compte les signatures manuelles des gentilshommes du XIVème et du commencement du XVème siècle » (A. DE LA BORDERIE, Mélanges d'histoire et d'archéologie bretonnes, t. I, 58, 59).

D'ailleurs « il y avait des écoles jusque dans les plus petits villages » (LÉON GAUTIER, La Chevalerie, ch. V, 140). Les historiens de saint Yves nous le représentent recevant les doctes leçons de Jehan de Kerhoz au Minihy-Tréguier et suivant les cours célèbres de l'abbaye Notre-Dame de Beauport.

Plouaret n'était pas moins favorisé que la patrie du grand Thaumaturge de Bretagne. Elle avait son école presbytérale que Geoffroy de Pontblanc fréquentait. Il y complétait les premières notions que lui donnaient ses nobles parents. Il y avait pour condisciples Olivier et Alain de Keranrais, Geoffroy et Guillaume de Coëtmohan qui devaient par la suite ajouter de nouveaux fleurons à la couronne déjà si glorieuse de la Bretagne. Geoffroy de Coëtmohan devait illustrer les sièges épiscopaux de Quimper et de Dol ; Guillaume de Coëtmohan, fonder le célèbre collège de Tréguier, à Paris ; Alain et Olivier de Keranrais furent du nombre des vainqueurs au célèbre combat des Trente.

Les chroniqueurs nous ont fait connaître quelle était l'éducation donnée aux nobles à cette époque ; on ne pourrait mieux trouver, et il n'est pas étonnant qu'elle formait des héros.

On leur enseignait d'abord la Religion. Cette étude, loin de nuire à la culture des lettres, des sciences, la favorisait et la développait. Elle ouvrait au génie un horizon nouveau, plein de noblesse et de grandeur, inspirait à l'esprit des conceptions pures et sublimes, faisait naître dans le coeur des sentiments non moins généreux que délicats et donnait ainsi à toutes les facultés de l'âme le plus magnifique essor. « Lorsque nos chevaliers assistaient à la messe, dit Léon Gautier, on les voyait, avant la lecture de l'Évangile, tirer en silence leurs épées du fourreau et les tenir nues entre leurs mains jusqu'à la fin de la lecture sacrée. Cette fière attitude voulait dire : Pour défendre la religion du Christ et tout ce qu'elle nous enseigne être juste, nous sommes là ! » (LÉON GAUTIER, loc. cit., p. 30). L'histoire a démontré que ces hommes étaient convaincus.

Mais l'enseignement de la Religion n'était pas le seul que l'on donnât aux jeunes seigneurs. On leur apprenait graduellement les sciences connues à cette époque. Après la lecture on leur enseignait l'écriture ; on mettait un soin infini à leur former la main à tracer des caractères purs et élégants ; dans ce temps de foi vive chacun tenait à écrire son eucologe, son livre d'Heures et à copier les plus beaux passages de la Bible. Nous avons vu des autographes de cette époque dont le tracé est d'une rare perfection [Note : En 1887 il a été publié chez Quantin, à Paris, par les soins de la Société de l'École des Chartes, un album paléographique contenant des fac-similés des différents manuscrits dont cette Société a la garde ; il y en a de l'époque dont nous parlons].

Aux études élémentaires que nous avons mentionnées on ajoutait celles de la langue latine, de la grammaire, de l'histoire et diverses autres connaissances.

Montaigne a dit que la seule vraie vocation de la noblesse était la vocation militaire (MONTAIGNE, Essais, liv. II, ch. VII). Si cela était vrai au XVIème siècle, ce l'était bien davantage au XIVème, qui se présente à nous avec une pléiade d'illustres guerriers. Tout convergeait dans l'éducation des gentilshommes à faire d'eux de rudes et vaillants soldats. Dès leur jeune âge on les initiait à l'art de la guerre ; les fatigues des grandes chasses les habituaient peu à peu aux fatigues des combats ; les tournois étaient de puissants stimulants à leur bravoure, de même que le souvenir des aïeux qu'il fallait imiter pour devenir, comme eux, des chevaliers sans peur et sans reproche. Puis les longues veillées dans la grande salle du château où étaient suspendues les armes des ancêtres, dont chacune rappelait un souvenir de vaillance et de gloire ; les récits des vieux chevaliers, le chant des vieilles " sônes ", des douces cantilènes qui célébraient le grand roi Arthur, Alain le Libérateur et les exploits des preux.

Pas un jour où on ne leur rappelât leurs devoirs codifiés dans ce qu'on a appelé à juste titre les Commandements de la chevalerie : Soumission à Dieu et à l'Église ; respect de tout ce qui est juste ; dévouement au souverain et à la Patrie jusqu'à l'héroïsme ; protection à tout ce qui est faible ; générosité jusqu'à l'abnégation ; fidélité à la parole donnée ; haine du mensonge et de l'injustice, .......

Chaque manoir était tour à tour le rendez-vous des nobles chevaliers d'alentour. Que de fois les sires Jean de Kergorlay, Conan et Marc de Quélen, Alain de Kergrist, Roland de Kergariou, les chevaliers Alain de Kerimel, Olivier de Kermartin, neveu de saint Yves, le comte Brient de Lannion furent les hôtes du Pontblanc. Ils avaient assisté à maintes batailles, remporté de glorieuses victoires, guerroyé contre les impies sarrasins, et c'est au récit de leurs beaux gestes que fut bercée l'enfance de Geoffroy de Pontblanc.

Le chevalier Pierre de Pontblanc était l'un des assidus de la Cour des ducs de Bretagne, où sa charge de maître d'hôtel l'appelait souvent. Il y conduisit de bonne heure son fils. Geoffroy fut reçu parmi les pages de la princesse Yolande de Dreux, épouse du prince héréditaire, Arthur de Bretagne. Il fut le compagnon de jeux des jeunes princes Jean et Guy de Bretagne ; avec eux il fit ses premières armes et c'est en leur noble compagnie qu'il fut reçu chevalier après avoir subi toutes les épreuves exigées.

A la mort du duc Arthur II, son fils aîné et successeur Jean III se l'attacha d'une manière particulière ; Geoffroy accompagna son souverain à cette glorieuse campagne des Flandres à laquelle le roi de France avait invité les plus illustres chevaliers du royaume.

Quel fut le rôle spécial de Geoffroy de Pontblanc dans cette première partie de sa vie ?

On ne saurait le préciser. D'Argentré, qui a écrit l'histoire de notre province avec une si merveilleuse concision, nous apprend qu'il était à cette époque un « chevalier vaillant et puissant de sa personne ».

Les événements justifieront suffisamment cette assertion.

 

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Un Héros.

Le règne du duc Jean III fut l'un des plus longs et des plus heureux de Bretagne.

A l'intérieur, par une sage administration, ce prince fit le bonheur de son peuple qui, dans sa reconnaissance, le surnomma le « bon duc Jean ».

Au dehors, il ne laissa échapper aucune occasion de se montrer un prince magnifique et ami des Lettres.

Grâce à son bienveillant appui, de nobles Bretons, Nicolas Galeron de la Grève, Geoffroy du Plessix-Balisson, fondaient à Paris les collèges de Cornouaille et du Plessix, tandis que Christiern de Hauterric et Olivier Dronion, de concert avec Guillaume de Coëtmohan, ouvraient, dans la même ville, les portes du non moins célèbre collège de Tréguier [Note : Le collège de Cornouaille a existé jusqu'en 1763 — celui du Plessix fut annexé à la Sorbonne le 3 juin 1646 et prit le nom de Plessix-Sorbonne ; — le collège de Tréguier est devenu le collège de France. (Cf. LEVOT, Biographie Bretonne, t. I, 387 ; t. II, 531 et 622)]. A l'occasion de la canonisation de saint Yves, Jean III fit donner des fêtes splendides auxquelles il parut avec éclat.

Le comte Louis de Flandres était en lutte continuelle avec ses sujets ; l'insurrection flamande avait pris même de telles proportions que le roi de France, Philippe de Valois, pour restaurer le pouvoir de son trop faible vassal, n'eut pas trop du secours de ses alliés, et, nous dit d'Argentré, « le duc de Bretagne n'estoit jamais des derniers conviez, car il alloit plus accompagné que les autres : il partit avec quinze bannières de gens de cheval et huict ou dix mille hommes de pied monstrant, par sa suite, sa grandeur et sa puissance ». Un Flamand, contemporain de cette expédition, l'aimable chroniqueur Froissart, nous apprend lui-même que nul prince ne se montra à cette guerre dans un plus grand appareil « plus grossement, plus étoffement » que le duc Jean III de Bretagne. La célèbre victoire de Cassel fut l'issue de cette campagne, et les soldats bretons y contribuèrent pour beaucoup. Nous avons déjà dit que Geoffroy de Pontblanc accompagnait son souverain dans cette expédition.

Cependant le duc Jean III était sans enfant de ses différents mariages et la lutte que soutenait Philippe VI contre les prétentions d'Édouard III à la couronne de France, n'était pas sans l'inquiéter au sujet de sa succession, et en y songeant, nous dit d'Argentré, « il tomba au long aller en diverses imaginations ».

Généalogie de Montfort et de Penthièvre

L'aîné de ses jeunes frères, Guy de Bretagne, comte de Penthièvre, par son mariage avec Jeanne d'Avaugour [Note : Jeanne d'Avaugour, fille aînée de Henri IV d'Avaugour, comte de Penthièvre, et de Jeanne d'Harcourt, et héritière de leurs riches domaines (Cf. Dom ANSELME, t. I, 450, 451, éd. de 1726)], venait de mourir ne laissant qu'une fille qui, suivant le droit successoral breton, était l'héritière de la couronne de Bretagne. Mais le vieux duc avait un jeune frère, le comte de Montfort, dont il connaissait et redoutait l'ambition.

Croyant trancher la difficulté en la tournant, Jean III passa un traité secret avec Philippe VI, par lequel il échangeait la Bretagne contre le duché d'Orléans qui, à sa mort, devait revenir à sa nièce ; mais les barons eurent vent de ces négociations et obligèrent leur souverain à assurer la succession de la Bretagne à Jeanne de Penthièvre en lui choisissant un époux capable de maintenir ses droits.

On proposa d'abord Charles d'Évreux, fils du roi de Navarre et parent de Philippe VI, mais le mariage se rompit, celui-ci ne voulant pas permettre au jeune prince de « troquer » les lys pour les hermines, les armes de France pour celles de Bretagne ; après bien des difficultés Charles de Chatillon, frère du comte de Blois et neveu du roi de France par sa mère, Marguerite de Valois, fut agréé. Le mariage fut célébré avec pompe ; à la suite de la cérémonie, Jean III assembla les États et leur fit jurer de reconnaître Jeanne et Charles pour ses héritiers ; un grand nombre de barons leur prêtèrent même serment de fidélité. Montfort était présent à la cérémonie d'adoption, mais déjà, dans sa pensée, il convoitait la riche succession de sa nièce, se réservant de faire valoir ses droits quand l'occasion en serait venue.

En effet, à peine Jean III eut-il fermé les yeux que le comte de Montfort se prépara à disputer le duché à Charles de Blois.

En vain, Charles appuyé des droits de son épouse, héritière de Guy de Bretagne, voulut-il les faire valoir, Montfort prétendit qu'étant frère du duc Jean il était bien plus proche héritier que sa nièce. De plus, il arguait que son frère mourant l'avait désigné pour son successeur. Charles rejeta cette prétention. Le sort de la Bretagne fut abandonné à la fortune des armes ; les deux princes en appelèrent à Dieu et à leur épée, et cette guerre gigantesque qui dura un quart de siècle et compta quinze cents sièges et huit cents combats commença !

Les deux compétiteurs eurent chacun un nombre presque égal de partisans ; si Charles de Blois voyait se ranger sous sa bannière les Rohan, les Montauban, les Beaumanoir, Olivier de Clisson, Geoffroy de Pontblanc, etc., celle de Montfort devait conduire au combat, et souvent à la victoire, les Tréziguidy, les Kergorlay, Amaury de Clisson, Gauthier de Mauny, le comte Brient de Lannion, etc., tous vaillants soldats ayant au coeur le même amour de la patrie bretonne.

Montfort s'empara de Nantes, de Rennes ; fait prisonnier, sa femme, l'incomparable Jeanne de Flandres, connue dans nos légendes populaires sous le nom de Jeanne la Flamme, continua la guerre et établit son quartier général à Hennebont.

Charles de Blois, avec l'aide d'une puissante armée française commandée par le prince royal Jean, duc de Normandie, reprenait la plupart des places conquises par les Montfortistes : Nantes, Vannes, Auray, tandis qu'il établissait son point de ravitaillement à La Roche-Derrien, ville forte située au centre de ses possessions patrimoniales de Penthièvre et de Goëllo.

Dès le début de la guerre Lannion s'était déclarée pour Charles de Blois.

La ville, alors entourée de murs, était défendue par un château-fort [Note : L'église actuelle du Baly était la chapelle du château ; la paroisse, située en dehors des murs, était sous le vocable de Notre-Dame de Lannion (Voir OGÉE, I, 452)], et, par conséquent à l'abri d'un coup de main. Sa situation entre le Léon et le Penthièvre, dont les populations étaient généralement dévouées à Charles de Blois, en faisait une des meilleures positions de guerre pour ses partisans. Nous verrons bientôt quels efforts les Montfortistes feront pour s'en emparer.

Le chevalier de Labaume commandait la place de Lannion au commencement de la guerre de Succession. Geoffroy de Pontblanc bataillait aux côtés du duc Charles et se montrait partout vaillant.

Les deux princes qui se disputaient la couronne de Bretagne avaient eu le tort d'appuyer leurs prétentions des armes de l'étranger. Pour les vieux Bretons la France et l'Angleterre étaient de perfides alliées : la France, un franc ennemi qui préparait de longue main l'annexion ; l'Angleterre, la vénale Angleterre, un faux ami auquel on a recours au pis aller, mais dont on ne compte plus les parjures.

Philippe VI faillit compromettre brusquement la cause de Charles de Blois.

Olivier de Clisson (le père du connétable) et Hervé de Léon avaient été faits prisonniers par les Anglais au deuxième siège de Vannes (FROISSART, Chronique t. I, ch. CCVI). Édouard III les accueillit avec bienveillance et fit tous ses efforts pour les gagner à sa cause, qui était celle du comte de Montfort.

Se laissèrent-ils séduire par les promesses de l'Anglais ? il est peu probable. A la guerre ils avaient, dit d'Argentré, fait « ce que seigneurs d'honneur et vaillans pouvaient faire » (Cf. D'ARGENTRÉ, p. 377), et le bon Froissart nous dit (FROISSART, T. I, ch. CCXII) : « Je croirais moult envis (à contre coeur) que un si noble gentilhomme comme il était (le sire de Clisson) et si riche homme, dût penser, ni pourchasser fausseté, ni trahison ».

Néanmoins le roi de France se laissa persuader qu'ils avaient trahi la cause de Charles de Blois, et il se résolut à châtier cette forfaiture d'une manière éclatante. L'occasion se présenta bientôt (Juillet 1343). Les fêtes données à l'occasion du mariage de son fils Philippe, duc d'Orléans, avaient attiré à Paris la fine fleur de la chevalerie de toutes les provinces de France ; Olivier de Clisson assistait à ces fêtes, ainsi qu'un grand nombre de seigneurs bretons. A la suite d'un tournoi indiqué par le duc de Normandie, Clisson, qui venait d'y faire briller son adresse, fut arrêté au nom du Roi, ainsi que quatorze autres chevaliers [Note : C'étaient les sires d'Avaugour et de Laval, Geoffroy et Jean de Malestroit, Jean de Montauban, Alain de Quédillac, Guillaume, Jean et Olivier de Brieux, Denys du Plessix, Jean Malart, Jean de Senedavy, Thibault de Morillon, Geoffroy de Callac. Godefroy d'Harcourt, gentilhomme normand de la plus grande noblesse, fut arrêté en même temps, il parvint à s'évader et se fixa en Angleterre. Les d'Harcourt étaient alliés aux maisons souveraines de Lorraine, de Penthièvre ; cette famille est encore dignement représentée de nos jours (Dictionnaire de la Noblesse, XI, 281, 282)], au moment où il sortait de la lice, tout couvert d'acclamations. Jeté en prison, sans autre forme de procès, il fut conduit presque nu aux halles en Champeaux, où on lui trancha la tête le 2 août 1343 (Archives Nationales, U, 785, 24). Son corps fut pendu aux fourches de Montfaucon et sa tête exposée à Nantes, sur la porte Sauvetour.

La nouvelle de cette sommaire exécution produisit en Bretagne une triste impression et déconcerta bon nombre des partisans de Blois, qui se rallièrent au pavillon de Montfort.

Jeanne de Belleville, veuve de Clisson, entra dans une grande colère et jura de venger son mari. Cette femme, d'un caractère doux et timide, fut tout à coup transformée par la douleur et la haine en une sorte de furie ne respirant plus que la vengeance. Elle se rendit à Nantes avec ses fils, qui étaient encore en bas âge ; arrivée à la porte de la ville où était exposée la tête de son infortuné mari, elle dit à ses enfants : « Voilà la tête de votre père ! Levez la main vers le ciel, et jurez-moi de le venger ! ». Et les pauvres orphelins prononcèrent le serment.

Jeanne de Belleville se mit à la tête d'une petite armée et alla mettre son bras et sa haine au service de la comtesse de Montfort.

Tandis que Charles de Blois s'emparait de Quimper, la dame de Clisson, unie à Jeanne la Flamme, s'emparait de Carhaix, de Ploërmel et de Lannion. Au siège de Lannion, Jeanne de Belleville déploya une grande habileté : profitant de ce qu'on entrait des vivres dans la ville, elle y pénétra, et après une lutte acharnée en chassa le gouverneur Labaume (ROY, Histoire de Clisson, édition Mame, 1860).

Son triomphe fut de courte durée ; Charles de Blois, qui connaissait les sentiments des habitants à son égard, dépêcha une petite armée sous la conduite de Geoffroy de Pontblanc, qui ne tarda pas à reprendre la place, dont il reçut alors le commandement.

Grâce à son intelligente initiative, la défense de Lannion fut bientôt réorganisée. Le commerce ne tarda pas à y prospérer comme aux plus beaux jours de la paix, « les marchands d'icelle qui estoient fort riches », nous apprend d'Argentré.

Cela ne devait qu'exciter la cupidité des Anglais.

Au commencement de 1345, le comte de Northampton [Note : D'Argentré appelle le lieutenant anglais Noranton ; c'est une erreur, il n'existait pas en Angleterre de comté de ce nom, mais du nom de Northampton], que le roi d'Angleterre Édouard III avait nommé son lieutenant général en Bretagne, partit de Carhaix, à la tête d'un « grand nombre d'hommes de pied et de cheval », pour mettre le siège devant Guingamp, qu'il ne put prendre « pour ce qu'elle fust vertueusement défendue », mais il s'empara de la Roche-Derrien, dont les troupes étaient à la poursuite d'une autre armée d'Anglais.

Fier de son succès, il vint assiéger Lannion, qu'il pensait enlever au premier assaut.

La ville était bien défendue et repoussa les attaques des Anglais. Geoffroy de Pontblanc, dans une sortie, les poursuivit par Buzulzo jusqu'au delà du bourg de Ploubezre, au lieu dit des Cinq-Croix, à l'intersection des routes de Tonquédec et de Plouaret, où il leur livra un combat dans lequel plusieurs Anglais trouvèrent la mort (1344).

Cinq croix, rangées en symétrie sur un stylobate en forme d'autel, rappellent cette victoire.

Les Cinq-Croix à Ploubezre (Bretagne)

Northampton, humilié de cet échec, ramena ses troupes devant la ville ; il changeait de tactique. Voulait-il réduire les habitants par la famine ? Nous savons par d'Argentré « qu'il affaiblit la ville », c'est-à-dire qu'il l'empêcha de se réapprovisionner. Mais les Lannionnais avaient le coeur viril, aussi dut-il bientôt renoncer à ses tentatives. « Ayant cogneu (connu), nous dit la Chronique, qu'il y avait forte garnison et qu'il ne la pourrait prendre, il se retira sur Morlaix et Léon ; c'estoit environ la feste de saint Nicolas de l'an 1345 » (Cf. D'Argentré, Histoire de Bretagne).

Mais les Anglais estimaient Lannion place trop importante et trop riche pour renoncer au projet de s'en emparer.

Au commencement de 1346 [Note : L'année commençait alors à Pâques ; la prise de la ville eut donc lieu vers le mois d'avril ou de mai], Richard Toussaincts, capitaine anglais de la garnison de La Roche-Derrien, essaya plusieurs fois de surprendre la ville, et pour cela, rapporte le chroniqueur, il fit bien des courses de garnison entre les deux villes, bien des coups, et des « adventures » qui tournèrent toutes à l'avantage des habitants de Lannion.

Alors, - Voyant qu'il était vain de compter que la force - Réduirait ces guerriers, l'honneur de leur blason, - Ils cessèrent leurs feux, et changèrent d'amorce, - N'espérant triompher que par la trahison. - A l'aube d'un dimanche, avant que dans la plaine, - Le soleil au front d'or ait pu sourire aux fleurs, - Ils parvinrent sans bruit, retenant leur haleine, - A séduire bientôt deux des lâches veilleurs. - Elle dormait en paix, la noble citadelle, - D'un repos mérité chacun prenait sa part - Quand les traîtres soldats au coeur bas, infidèle, - Ouvrent à l'ennemi la porte du rempart (JULIA GAPEL, Geoffroy de Pontblanc, ms).

La trahison, et la trahison la nuit, cette arme des âmes viles et lâches, fut donc celle de Richard Toussaincts et de ses soudards.

Mais laissons la parole à d'Argentré et à l'auteur des Grandes Chroniques de France.

« Or il advint, nous disent-ils dans leur langue énergique, qu'il y eut en cette ville deux traîtres principaux qui estoient nommés Henry Quinguite et Pringuier Alloue écuyers, lesquels un dimanche avant l'aube du jour, estan de porte » le firent entrer lui et ses gens qui se saisirent de la ville ; ils prirent plusieurs nobles hommes et de grandes richesses et plusieurs autres mirent à mort et tuèrent.

Et quand Monseigneur Geoffroy de Pontblanc, chevalier, qui à cette heure était couché en son hôtel, ouït dire que la ville était ainsi trahie et que les ennemis étaient dedans, il se leva tout nu et cria : aux armes ! il prit une picque et son épée, et issit hors de sa maison, moult courageusement. Dans la rue, il trouva les ennemis, « entrez et d'aborder versa en la pouldre les deux premiers qu'il transperça de sa lance ». Au troisième, sa lance se rompit.

Saisissant alors son « glaive, il commença à charger à dextre et à senestre, tellement que par la vertu de la force de son bras il recula tous les Anglais jusqu'au dehors de la rue, les fist abandonner le lieu, et par son grand courage courut seul après eux, les persécutant jusques à la place commune de la ville.

Lors les Anglais le vont de toutes parts environner, mais quand le noble chevalier vit ce, il s'adossa à la paroi d'une maison et tourna le visage contre les ennemis, et se défendait si fort que tous ceux qui l'approchaient, il les frappait d'un grand glaive qu'il tenait, à terre il les trébuchait et sans remède tous morts les mettait ».

Déconcertés de tant d'héroïsme, voyant qu'ils ne pouvaient vaincre Geoffroy de Pontblanc, les Anglais firent venir un archer qui tira une sagette (une flèche) qui l'atteignit « si fort en la joincture du genou qui ne peut oncques mouvoir et manier comme devant ».

Les ennemis voyant alors diminuer sa force et dextérité « se jetèrent sur luy et luy donnèrent plusieurs coups et finalement le tuèrent, et, plus injurieusement, comme soldats sans honneur, luy firent plusieurs outrages et luy arrachèrent les dents et crevèrent les yeux à son escuyer qui le secondait » [Note : Grandes Chroniques de France, an 1345, 1346, publiées par PAULIN PARIS, en 1836 ; D'ARGENTRÉ, Histoire de Bretagne, édition de 1588, ch. CCXI, 426, 427, 428], Geoffroy de Kerimel, sans doute, qui mourut à ses côtés.

Mais, comme se hâte de nous le dire d'Argentré, « ce fut au grand déplaisir du capitaine Toussaincts qui regretta fort qu'ils n'avoient sauvé et prins vif un si vaillant homme ».

C'eût été alors un beau triomphe, tandis que leur victoire souillée n'était même pas digne de Barbares.

La mort de Geoffroy de Pontblanc jeta la consternation et la tristesse dans la ville. Le courage en impose toujours ; les ennemis eux-mêmes voulurent rendre les honneurs funèbres au glorieux mort. Richard Toussaincts fut remarqué en tête du convoi que la population suivait en pleurant.

Lannion dut subir la dure loi du vainqueur. Un grand nombre d'habitants « gentilshommes et bourgeois riches », furent faits prisonniers : Roland Phélippes [Note : Ce Roland Phélippes, fils de Nicolas Phélippes, seigneur de Coëtgoureden, était sénéchal universel de Bretagne pour Charles de Blois. Sa famille, qui possédait Coëtfrec, en Ploubezre, avait pour armes : de gueules à la croix endentée d'argent, avec la devise : Je me contente], sénéchal de Bretagne ; le sire de Coëtuhan [Note : Ce Coëtuhan appartenait à une famille éteinte en 1487. Elle portait de gueules à trois croissants d'argent] ; Thibault Mérand, docteur en droit ; la dame de Pontblanc, mère de notre héros. Après avoir pillé ce qu'ils ne pouvaient emporter, les Anglais contraignirent leurs nobles captifs à porter leurs bagages et leur butin jusqu'à La Roche-Derrien ; et il n'est point d'humiliations qu'ils ne leur firent endurer ; ils les faisaient marcher « sans robbe, et pieds nus, la tête nue, sans chapperon », enfin tels des esclaves.

Un instant seulement l'humanité reprit ses droits ; Richard Toussaincts reconnut parmi les captifs la mère de Geoffroy. En voyant cette femme qui avait su former un héros, l'Anglais se sentit pénétré de respect et d'admiration ; il ordonna sa mise en liberté immédiate et la restitution de tous ses biens. La noble femme retourna dans Lannion pleurer la mort de son vaillant fils.

Quant aux Lannionnais, pour perpétuer le souvenir de Geoffroy de Pontblanc, ils placèrent, au pied de la muraille contre laquelle il fut tué, cette croix de granit dont nous parlions au début de notre récit. Seule à travers les siècles, cette pauvre croix a préservé de l'oubli la mémoire de notre héros. Le savant M. Laurentie, rapportant le passage des Grandes Chroniques de France (Histoire de France, II, 569, 570, édition 1857) que nous avons cité, le fait suivre de cette réflexion : « Le chroniqueur a beau s'incliner devant ce chevalier noble et vaillant, ainsi mort noblement et occis pour la deffense du pays, son nom reste inconnu, et après nous personne ne le dira ».

La croix et la rue de Pontblanc à Lannion (Bretagne)

A Dieu ne plaise !

Si l'on n'a pas su entourer la tombe de Geoffroy des honneurs dus à un héros et la montrer à la postérité, du moins l'heure de la grande réparation est sonnée.

Déjà, le 27 juin 1890, sur la proposition de M. Charles Huon de Penanster, alors maire de Lannion, le Conseil municipal inscrivit aux Chapitres additionnels de son budget une somme de cinquante francs pour l'installation de la plaque commémorative, et le 21 juillet 1894, le même Conseil municipal substitua le nom de Geoffroy de Pontblanc à celui de Porsmeur que portait la voie urbaine dans laquelle est situé l'hôtel qu'habitait Geoffroy lors de sa mort glorieuse.

Un poète trop tôt ravi à la Bretagne, Lud Jan, avait rêvé d'un poème sur notre vaillant ; la mort implacable l'a empêché de réaliser son projet. Et c'est bien dommage, car Lud Jan avait l'âme d'un barde.

Un autre artiste, notre compatriote, le célèbre sculpteur Pierre Ogé, s'est épris du brave Lannionnais, et a fixé dans une maquette d'un mouvement superbe, le projet d'un monument commémoratif de la mort de Pontblanc.

Geoffroy de Pontblanc

Geoffroy de Pontblanc

   

Le héros vient d'être frappé de la flèche impitoyable ; appuyé à la muraille, les yeux pleins de feu, il regarde l'ennemi d'un air menaçant, et dans le geste de l'agonie il les repousse encore ; il sera tué, mais ne sera pas vaincu. La victoire des Anglais ne sera qu'éphémère, et en retour les compatriotes de Geoffroy voueront aux Anglais une haine éternelle.

Espérons que bientôt l'oeuvre de Pierre Ogé viendra décorer l'une des places de Lannion, ou plutôt notre quai, que le progrès, sacrilège cette fois, va dépouiller de ses grands arbres.

La vue de l'image du héros ne saura éveiller dans les coeurs que de nobles sentiments. On considèrera Geoffroy comme un ancêtre, Noblesse oblige, on ne devra pas forligner, et, comme lui on aura pour devise : Tout pour la Patrie jusqu'à la mort !  

 

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Les Fils du Héros

BIZEUL, dans la Biographie bretonne (LEVOT, Biographie bretonne, II, 633), dit « qu'un témoin de l'enquête, faite en 1371, pour la canonisation de Charles de Blois, mentionne un Gauffredus de Pontealbo, miles etc., », et il ajoute : « Il pourrait se faire que ce fût le même personnage que le brave et malheureux défenseur de Lannion ».

Non, ce n'est pas lui.

Geoffroy de Pontblanc, le défenseur de Lannion, était mort depuis onze ans, quand se passa le fait mentionné au vingt et unième témoignage de l'enquête. Il ne peut donc être question de lui. Le Gauffredus de Pontealbo dont il s'agit est son fils aîné.

De ce deuxième seigneur de Pontblanc du nom de Geoffroy, nous ne connaissons que ce qui est rapporté dans le témoignage de l'enquête précité.

Il nous apprend qu'il était chevalier et maître d'hôtel du duc Charles de Blois, et que le jeudi saint de l'an 1357, il accompagna ce prince qui se rendait de Dinan à son château de Léhon [Note : Le château de Léhon était situé dans la paroisse de ce nom, à une petite distance de Dinan ; il était l'un des plus anciens de Bretagne et avait soutenu plusieurs sièges à différentes époques].

En allant à cette résidence ducale, ils rencontrèrent, assise sur le bord du chemin, une mendiante à qui ils demandèrent ce qu'elle faisait. Elle répondit qu'elle gagnait sa vie par la prostitution de son corps.

Après une telle déclaration, Charles, n'osant plus la regarder ni lui parler, chargea son argentier, Alain du Théno [Note : Cet Alain du Théno, qui vivait encore en 1371, appartenait à une famille noble qui portait d'argent à l'aigle éployié de sable], de l'interroger sur les motifs qui la faisaient agir ainsi ; elle répondit que c'était la misère et la pauvreté. Touché de pitié, Charles de Blois lui donna une forte somme d'argent et l'exhorta à vivre plus conformément à l'honnêteté. Ayant répondu qu'elle serait quarante jours sans tomber dans son penchant, Geoffroy de Pontblanc voulut qu'on lui fît jurer qu'elle serait fidèle à sa promesse ; mais Charles, craignant de l'exposer au parjure, s'y opposa formellement. Il mit une borne aux désordres de cette malheureuse en lui procurant la dot nécessaire pour se marier, ce qu'elle fit [Note : Et quod contigit semel, dum ipse D. Carolus quadam die Jovis sancti que fuit anno Dom. MCCCLVII, veniret de villa de Dinanno ad castrum suum de Lehonio vidit quamdam mulierem secus viam sedentem, et interrogavit eam quid faceret, et ipsa surgens dixit quod panem suum isto modo (per publicationem sui corporis) lucrabatur, et tunc D. Carolus secedens ad partem dixit D. Alano dou Tenou argentario suo quod ipse accederet ad dictam mulierem et peteret ab ea causam quare sic faciebat ; que sibi dixit quod erat mulier publica, et quod hoc faciebat pretextu paupertatis ; quo audito D. Carolus vocavit ad se mulierem et valde increpavit eam, sibi dicens quod saltem in ipsa ebdomada sancta à tali vicio deberet abstinere, et ipsa respondit quod si haberet XX. solidos bene se abstineret saltem usque ad unum mensem ; et tunc D. Carolus manum posuit ad quamdam modicam bursam suam et accepit XL. solidos quos eidem numeravit, et promisit dicta mulier, quod quantum plus posset saltem usque ad XL. dies se abstineret à peccato fornicationis. Et tunc Gauffredus de Pontealbo miles Magr hospicii dicti D. Caroli voluit ad hoc eam per juramentum obligare, etc. (Extrait de l'enquête faite à Angers, en 1371, pour la canonisation de Charles de Blois ; Dom MORICE, Preuves, II, col. 13, 14 ; Dom LOBINEAU, Preuves, col. 551 ; Vie des Saints de Bretagne, 284)].

Encore une fois, voilà tout ce que l'histoire nous apprend de certain sur Geoffroy II de Pontblanc.

Le champ de bataille d'Auray but-il son sang avec celui du vaillant prince auquel, à, l'exemple de son illustre père, il demeura toujours fidèle ?

Mystère ! que le silence de l'histoire nous rend impénétrable.

****

Geoffroy II de Pontblanc avait un frère qui s'appelait Guyon. Selon l'opinion commune, il naquit à Plouaret (P. DE GARABY, Annuaire des Côtes-du-Nord, année 1844, 118 ; Dictionnaire Universel, t. XII, 1199).

C'est au célèbre combat des Trente, dont le grandiose rappelle la lutte des Horaces et des Curiaces, que Guyon de Pontblanc conquit ses titres à l'immortalité.

Dans le manuscrit du poème sur la bataille des Trente, le nom de ce brave n'est pas écrit d'une manière correcte ; il est appelé Guion de Porcblant. Il n'y a rien d'étonnant à cela, l'orthographe des noms à cette époque était plus ou moins fantaisiste ; on pouvait aussi bien écrire Porcblanc pour Pontblanc, que l'on écrivait Tuolong pour Trolong, Tourgouf pour Trogoff.

Malgré cette incorrection les commentateurs n'ont pas hésité à lire Pontblanc [Note : D'Argentré indique Guyon comme un Pontblanc] ; une chose aurait pu cependant les faire douter : c'est l'existence dans les environs mêmes de Lannion de plusieurs manoirs du nom de Porcblanc ou Portblanc. Il n'en a rien été pourtant.

Le brave Guyon est donc un Pontblanc.

Mais quel a été son rôle dans le fameux combat de Mi-Voie ? Le poème déjà cité ne fait que cette simple mention de lui : « Et Guyon de Porcblanc ne mettray en oubli » [Note : 129ème vers du Poème (Manuscrit de la Bibliothèque Nationale, n° 7595)].

Naturellement cette expression « ne mettray en oubly » donne à penser que le brave écuyer se comporta en digne fils des preux et que, sorti victorieux sans avoir été fait prisonnier comme Charruel, Pestivien et Rousselet, il n'avait pas été sans férir de bons coups sur les fils de la superbe Albion.

Aussi nous n'hésitons pas à lui attribuer une bonne part à la victoire. Il entre bien dans notre sujet de raconter cette lutte héroïque où la chevalerie bretonne brilla d'un si vif éclat ; c'est d'ailleurs l'une des pages glorieuses de l'histoire du pays de Lannion ; en effet, à ce mémorable combat se trouvait, pour ainsi dire, aux côtés de Guyon de Pontblanc, l'élite de la noblesse lannionnaise représentée par les Yves de Charruel, les Huon de Saint-Yvon, les Maurice et Geslin de Troguindy, les Olivier de Monteville, les Olivier Arrel, les Alain et les Olivier de Keranrais, les Simon Richard. Par conséquent, le tiers des combattants étaient nés dans le pays de Lannion [Note : YVES CHARRUEL était probablement de Ploulec'h, près de Lannion, où il possédait la terre de Lezenor, dont il était seigneur ; il se distingua au combat des Trente par sa bravoure impétueuse ; Froissart, qui le vit quelques années plus tard à la cour de Charles V, nous dit qu'il avait le visage si détaillé et découpé qu'il montrait bien que la besogne fut bien combattue. Ce seigneur portait : de gueules à la fasce d'argent avec cette belle devise : Calonec a drec'h bep tra (L'homme de coeur surmonte tout). HUON DE SAINT-YVON était de Brélévenez, où se trouvait la terre dont il portait le nom, et celle du Rodour, qui lui appartenait aussi. Ses armes étaient : d'argent à la croix de sable, à la cotice de gueules brochant. MAURICE et GESLIN DE TROGUINDY appartenaient à la noble famille que tout le monde connaît à Lannion. C'est l'opinion de Dom Lobineau et de Dom Morice ; cependant plusieurs auteurs remarquables avancent que Maurice ne s'appelait pas Troguindy, mais Tréziguidy, ce qui n'est pas invraisemblable, car à cette époque, il existait à Pleyben (Finistère) une famille du nom de Tréziguidy, et nous avons remarqué dans un ouvrage récent sur la Bretagne que le blason qu'on lui donnait avec le nom de Troguindy n'était pas celui de cette maison qui porte : de gueules à neuf besants d'or, et non : d'or à trois pommes de pin de gueules, la pointe en haut. (Les Tréziguidy étaient alliés aux Ploësquellec et aux Kergariou ; ces derniers possédaient même la terre de Tréziguidy au moment de la Révolution. OLIVIER ARREL « le hardy breton » était de Pleurmeur-Gautier, prés de Lézardrieux. Sa famille, alliée aux du Chastel, aux du Liscoët, aux Coëtrieux, portait : Écartelé d'argent et d'azur avec la devise : « L'honneur y gist ». Une des descendantes d'Olivier Arrel, Perronnelle Arrel, épousa Pierre, sieur de Trolong du Rumain, duquel toutes les branches de cette maison descendent. Les deux KERANRAIS étaient de Plouaret, ainsi que nous l'avons dit. Leurs armes étaient : Vairé d'argent et de gueules avec la devise bretonne : Raiz bépra (Ras au comble). La seigneurie de Keranrais, érigée depuis en comté, a passé dans la famille Hay des Nétumières, dont une branche, les Hay de Bouteville, prirent le titre de comtes de Keranrais. SIMON RICHARD était de Plestin, où il possédait la terre de Kerjean, dont il était seigneur. Il fut capitaine de Lesneven ; un de ses ancêtres, Eudes Richard, s'était croisé en 1248 avec saint Louis. Ses armes étaient : Sept annelets et une bordure. OLIVIER DE MONTEVILLE était de Runan, près de Pommerit-Jaudy, petit-fils d'Alain de Monteville, bailli de Tréguier, et d'Alix du Liscoët].

Il y avait près de dix ans que la guerre de Succession de Bretagne était ouverte quand La Roche-Derrien fut prise par les partisans de Montfort et Charles de Blois fait prisonnier et conduit en Angleterre. Ses partisans parvinrent à reprendre la forteresse de La Roche, au grand désespoir des Montfortistes, qui la vinrent de nouveau assiéger. Dans l'une des attaques, Thomas d'Ageworth ou Dagorne, capitaine anglais, fut tué avec plus de cent hommes d'armes. En apprenant cette nouvelle Richard Bembro, commandant de Ploërmel, et frère d'armes de Dagorne, jura de venger la mort de son ami. Pour cela il ravagea les campagnes voisines, réduisant tout en cendres et en ruines, massacrant sans pitié hommes, femmes, enfants et vieillards suspectés d'être partisans du duc Charles de Blois.

Jean de Beaumanoir, indigné de tant de cruautés, se rend, muni d'un sauf-conduit, chez Bembro et aborde le capitaine anglais avec cet air noble qui fait pâlir le crime dans son triomphe même : « Lâche ! lui dit-il, vous déshonorez votre patrie, le nom anglais et le vôtre ! ».

Écrasé par une pareille apostrophe, Bembro ne sut répondre que des injures, et la querelle s'envenima à un tel point que l'entrevue se termina par un défi qui fut accepté.

Les deux chefs convinrent de se trouver à la tête de 29 chevaliers, au chêne de Mi-Voie, entre Josselin et Ploërmel, le 27 mars 1351, « veille du dimanche de Lœtare Jerusalem ».

La nouvelle de ce défi se répandit bientôt dans toute la province. La noblesse entière accourut près du vaillant Beaumanoir ; tous briguaient l'honneur de combattre les Anglais de l'insolent Bembro qui avait osé dire que les Bretons étaient indignes de se comparer aux Anglais.

Tandis que Beaumanoir, entouré d'une foule de héros, écartait avec peine ceux qui ne devaient pas combattre, Richard Bembro suppliait ses compagnons de ne pas l'abandonner au rendez-vous.

Le choix de Beaumanoir tomba sur neuf chevaliers et vingt écuyers qui étaient avec les dix braves Lannionnais que nous avons nommés : le sire de Tinténiac, Guy de Rochefort, Robin de Raguenel, Caro de Bodégat, Geoffroy du Bouays, Jean Rousselet, Guillaume de Montauban, Alain de Tinténiac, Tristan de Pestivien, Louis de Goyon, Geoffroy de la Roche, les deux Fontenay, Geoffroy Poulard, Maurice du Parc, Jean de Sérent, Guillaume de la Lande, Guillaume de la Mar­che et Geoffroy de Mellon.

Richard Bembro ne put trouver que dix-huit Anglais qui voulussent prendre part au combat, et pour compléter le nombre il fallut que des Flamands et des Brabançons se joignissent à eux.

Au moment décisif, Bembro, tout brave qu'il était, voulut renoncer ou différer le combat ; il avança vers Beaumanoir et lui dit : « Nous n'avons observé ni les lois de la guerre, ni celles de l'État. Avons-nous le droit de compromettre ainsi la gloire de la patrie, sans l'aveu des princes qui en sont les organes ?  — Cette réflexion est trop lente, reprit l'intrépide Breton, je ne sais pas me repentir un jour de combat ! ».

Il retourne vers ses soldats et leur fait part des scrupules de Bembro, et les Bretons de s'écrier : « Les Anglais tremblent, ils sont vaincus, combattons ! ».

Cependant Bembro insistait pour ne point combattre, il dit de nouveau à Beaumanoir : « Oublions cette héroïque extravagance ; quand nous ne serons plus, les regrets de la Bretagne et de l'Angleterre ne leur rendront jamais de tels hommes ; épargnons un sang nécessaire à notre pays ; ne songeons pas à le venger quand il demande des défenseurs. Où la Bretagne trouvera-t-elle un Beaumanoir ? 

— Je ne suis qu'un soldat, répondit modestement le chevalier breton, et la Bretagne a des héros ! Je ne sais pas si vous avez amené ici l'élite de l'Angleterre, quant à moi et à mes compagnons, nous ne sommes que de simples guerriers dont la perte sera aisée à réparer ; mais il est temps de combattre ! ».

Les deux chefs se séparèrent et joignirent leur troupe ; Beaumanoir donna le signal du combat.

Ils s'élancèrent les uns sur les autres comme des lions ; au premier choc les Anglais tuèrent un Breton : Rousselet ; en mirent deux hors de combat : Poulard et Mellon ; firent prisonniers Yves de Charruel et Tristan de Pestivien.

Combat des Trente

Cinq guerriers peuvent être remplacés par un héros : Beaumanoir, soutint par sa valeur le courage de ses compagnons ; il se précipita dans la mêlée, ses compagnons s'empressèrent de le suivre, le combat s'engagea avec une nouvelle vigueur, la plaine retentit du cliquetis affreux des armes, le sang coula de toutes parts. La fatigue força les combattants à s'arrêter pour prendre haleine et se rafraîchir.

Après un court intervalle, ils se chargèrent encore.

« Rends-toi tost Beaumanoir, je ne tochiraye mie, car je veux faire de toy un présent à ma mie », criait Bembro.

« Et moi aussi », répondait Beaumanoir.

Bembro s'élançait sur Beaumanoir quand Alain de Keranrais, blessé de la jactance de l'Anglais, le renversa d'un coup de lance au visage. Au même instant Geoffroy du Bouays lui passa son sabre au travers le corps et lui trancha la tête, qu'il fit voir aux Bretons en disant : « Voilà le signal de la victoire ! ».

Beaumanoir délivra les captifs et ramena ses soldats à la charge. Ce troisième combat fut plus terrible que les deux premiers. Beaumanoir, abattu des coups qu'il avait portés et de ceux qu'il avait reçus, se retira à l'écart et demanda à boire : « Boys ton sancg et la soif te passera ! » lui cria Geoffroy du Bouyais ! [Note :  Ce mot est historique, et la famille de Beaumanoir substitua à sa devise : J'aime qui m'aime ! celle autrement glorieuse de Boys ton sancg !]. Ces paroles lui rendirent toute sa vigueur ; il revint à la charge. Cependant les Anglais formant un peloton serré se battaient avec courage, quand Guillaume de Montauban quitta le combat, monta sur un cheval, prit du champ et parut s'éloigner.

« Où vas-tu, mauvais chevalier ? » lui cria Beaumanoir.

« Fais ta besogne, lui répondit Montauban, je ferai mon devoir ! ». En effet, il poussa son cheval à toute bride, prit les Anglais en flanc et en renversa sept du premier choc. Les Bretons pénétrèrent par cette brèche et leurs ennemis furent vaincus. Presque tous les Anglais [Note : Après la mort de Bembro les Anglais avaient donné le commandement de leur troupe à un aventurier du nom de Croquart, dont d'Argentré nous trace le portrait suivant : « Ce Croquart fut un vaillant voleur qui vint en Bretaigne ayant esté laquais d'un gentilhomme de Hollande : lequel ayant perdu, il s'en vint cherchant sa fortune en Bretaigne et servit un homme d'armes Breton par la guerre et se trouva estre un très vaillant homme, ayant acquis réputation parmy les gens de guerre. Il s'advança fort, et fist une compaignie de gens de mesme, prenant et surprenant maisons, biengs et chasteaux, lesquels il revendait aux propriétaires et partisans, et acquist une somme incroyable de deniers et eut une telle réputation que le roy lui fist offrir deux mil livres de rentes pour venir à son service et le faire chevalier : ce qu'il refusa, et aima mieux se tenir à son mestier accoustumé. Il fust appelé à ce combat, et estimé le meilleur combattant de la troupe et party Anglois ; finalement il mourut d'une chute de cheval ». D'ARGENTRÉ, Histoire de Bretagne, (Liv. V, CXIIII] avaient péri dans cette lutte, et les survivants étaient prisonniers !

Longtemps le souvenir de ce combat fut conservé, non seulement en Bretagne [Note : Une croix de pierre perpétue le souvenir de ce combat ; renversée, elle fut relevée et on y ajouta une inscription commémorative ; en 1819, au milieu de fêtes éclatantes, on posa la première pierre du monument que l'on voit aujourd'hui à Mi-Voie. A. Lannion on a élevé à la gloire de Pontblanc une croix, — à la croix est venue s'ajouter une inscription ; — à quand le monument ?...] mais encore dans toute l'Europe ; et quand on voulait parler d'une terrible bataille on disait qu'on n'avait rien vu de pareil depuis le combat des Trente !... 

ICI SUCCOMBA

HÉROÏQUEMENT

EN DÉFENDANT LA VILLE

DE LANNION

CONTRE LES ANGLAIS

LE SIRE

GEOFFROY DE PONTBLANC

CHEVALIER

(1346)

Guyon de Pontblanc ne dut pas vivre longtemps après ce mémorable événement, car ce brave écuyer ne parut pas à la monstre de la noblesse que tint le chevalier de Beaumanoir le 30 août 1351, c'est-à-dire quelques mois seulement après la fameuse journée de Mi-Voie.

Depuis cette époque jusqu'à 1415 on ne trouve aucune trace des Pontblanc. Ce n'est qu'à cette date que l'on mentionne un Jehan de Pontblanc, écuyer, comme ayant paru à la monstre de la noblesse, tenue, le 24 mars 1415, à Monstiervilliers, par Alain Eschale, écuyer (Dom MORICE, Preuves, II, col. 916 ; D. LOBINEAU, Preuves, col. 449).

Le même, ou un autre Jehan de Pontblanc, est encore mentionné dans la monstre que fit à Bourges, le 20 juin 1418, Guillaume de la Mothe (Dom MORICE, Preuves, col. 959).

La famille de Pontblanc s'éteignit quelque temps après dans la personne d'une fille qui épousa un Trogoff et lui porta en dot la seigneurie de Pontblanc.

Mais si la famille de Pontblanc est éteinte, la race des Pontblanc n'est pas disparue de notre sol, et les Anglais ont dû, en maintes occurrences, compter avec elle.

N'avait-il pas ce même sang généreux dans les veines, ce brave Jacques Rioust de Villes-Audrain-Largentaye [Note : La famille de ce brave soldat qui portait d'azur au coq d'argent, crété, barbelé et membré de gueules, accompagné de trois étoiles d'or, avec la devise : Cantat pugnatque vicissim, est encore dignement représentée de nos jours ; M. Frédéric Rioust de Largentaye, député des Côtes-du-Nord ; M. Gaston Rioust de Largentaye, officier de dragons ; la marquise d'Audiffret-Pasquier, etc., sont ses arrière-petits-enfants] qui, avec une poignée d'hommes, tint tête pendant deux jours à une armée anglaise, et par son héroïque défense du passage du Guildo, prépara et assura le succès de la glorieuse bataille de Saint-Cast où les Anglais, pour ne pas être entièrement exterminés, demandaient quartier à genoux, en criant : Miséricorde, brave France !

Et quand, au début de ce siècle, profitant de nos luttes intestines, les Anglais livraient au pillage notre littoral, ne durent-ils pas encore compter avec les braves volontaires qui s'étaient levés à la voix de Charles Bastiou et d'Yves Hublé ?

Le souvenir de ces deux vaillants n'est pas oublié ; nos parents les ont vus, glorieux mutilés [Note : Bastiou avait perdu un oeil dans un combat, Hublé un bras ; M. le docteur Bastiou, de Lannion, est le fils de ce brave soldat, les Hublé habitent Tréguier, Pontrieux], portant noblement l'insigne de l'honneur ; s'ils étaient justement fiers d'avoir accompli leur devoir, ils souriaient à l'avenir en songeant que leurs fils seraient dignes d'eux et qu'ils n'étaient pas les derniers des Bretons.

 

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- NOTES -

Le Manoir de Pontblanc.

Le manoir actuel (1899) de Pontblanc, comme l'ancien, est situé en Plouaret ; il date à peine du XVIème siècle ; pourtant la partie gauche paraît plus ancienne ; du côté du jardin on voit encore la voûte d'une grande porte cochère, indiquant que peut-être cette partie aurait servi de hangar ; peut-être aussi, est-elle contemporaine de l'ancien manoir dont les ruines s'apercevaient encore au commencement de ce siècle. Tout près du manoir l'on admire un chêne majestueux, il mesure 6m 70 de circonférence à sa partie la plus faible. D'après la tradition, il aurait abrité le chevalier.

Le manoir de Pontblanc à Plouaret (Bretagne)

La seigneurie de Pontblanc était très importante ; elle a quitté la famille de Pontblanc qui a dû tomber en quenouille au commencement du XVème siècle. L'héritière de Pontblanc aurait épousé un Trogoff. Les Trogoff, qui portaient d'argent à trois fasces de gueules avec la devise : Tout du tout, étaient alliés aux Rohan ; Jeanne de Trogoff ayant épousé, en 1420, Olivier de Ploësquellec, lui porta la terre de Pontblanc.

La famille de Ploësquellec, issue en ramage des Poher, possédait dans le pays de Lannion les terres nobles de Kerhuel en Saint-Michel-en-Grève, de Kerbiriou et de Kerhuidonez en Plestin. D'après un sceau de 1416, les armes des Ploësquellec étaient chevronné de six pièces d'argent et d'azur avec la devise : Aultre ne veuil. La branche aînée des Ploësquellec, seigneurs de Pontblanc, se fondit au XVème siècle dans l'antique famille des barons de Pont l'Abbé dont la fière devise était Heb chench (Sans varier), par le mariage de Jeanne de Ploësquellec avec Charles, baron du Pont l'Abbé. Ces derniers étant morts sans hoirs [Note : Ils avaient dû avoir une fille, Marguerite du Pont, qui épousa Henry de Rohan, seigneur de Landal, le 30 décembre 1497, mais elle était décédée sans enfant. (Dom ANSELME, t. IV, 60)], le domaine de Pontblanc fut dévolu à Catherine du Chastellier (issue des Ploësquellec) qui était mariée à Claude de Villebranche, seigneur du Plessix-Balisson et de Trogoff, etc. Au XVIème siècle, Pontblanc entra dans la famille de la Rivière, l'une des plus illustres du pays, issue en ramage des comtes de Cornouaille et de Mur et alliée aux Rohan, aux Rostrenen, aux Kergorlay, aux Goyon de Matignon, aux Beaumanoir, aux Tournemine, etc. Pontblanc demeura dans la famille de la Rivière jusqu'au 22 mai 1754, époque à laquelle Marie-Louise-Julie de la Rivière le porta en dot ainsi que Kermartin, domaine patrimonial de saint Yves, à Michel-Louis-Christophe-Roch-Gilbert de Motier, marquis de la Fayette ; de cette union naquit le très célèbre marquis de la Fayette qui fit la campagne d'Amérique et qui a joué un rôle si important pendant la Révolution. Au moment de son départ pour l'Amérique, il vendit Kermartin au comte de Quélen de la Villechevalier et le Pontblanc à un honorable habitant du pays nommé Mahé, dont le petit-fils, M. Le Bihan, est le propriétaire en 1899.

Le vicomte Urvoy de Portzamparc, dans un savant travail qu'il a publié  récemment (Revue historique de l'Ouest) sur la famille de Trogoff, indique une terre de Pontblanc, située en Tonquédec, comme appartenant aux Trogoff de Kerrelleau ; elle était située en la vicomté de Tonquédec, mais non en Tonquédec ; il existe, tout près de cette commune, en Cavan, une petite propriété qu'on appelle le Pontguen ou Milin-Guen, en francisant, le Pontblanc ou Moulinblanc, et appartient à M. le Gac, maire de Tonquédec vers 1899.

Il y a en Bretagne une petite rivière le Pontblanc, qui, après un cours de 17 kilomètres, se jette dans l'Ellé. Existerait-il quelque rapport entre ce ruisseau de Basse-Cornouaille et la seigneurie de Pontblanc située en plein Trécorrois ?

De la famille de Pontblanc sont issus les seigneurs de Kervenniou et de la Ferté, près de Morlaix.

Ils possédaient dans leur domaine le droit de haute et moyenne justice. Leur blason, comme ceux des branches cadettes, était un peu modifié. Ils portaient d'or à quatorze billettes de sable, au bâton de gueules brochant.

De cette famille nous ne connaissons que Thomas de Pontblanc, sieur de Kervenniou, écuyer, qui vivait en 1371 et faisait partie de la compagnie de Pierre de Tournemine, seigneur de la Hunaudaye ; après la guerre de Succession de Bretagne, il prit du service en France.

La lignée masculine de cette famille a dû s'éteindre au commencement du XVème siècle. Les seigneuries de cette maison passèrent par mariage dans la famille des Toupin, puis de Richelieu.

 

L'Hôtel de Pontblanc.

L'hôtel de Pontblanc se trouvait dans la rue de Porsmeur, actuellement rue Geoffroy de Pontblanc, à l'endroit où est en 1899 le grand café Poulain. La porte de la ville de Lannion, vers Tréguier, se trouvait à hauteur de la maison de M. le comte de Troguindy, à cinquante mètres environ plus haut que l'endroit où fut tué notre héros.

L'hôtel de Pontblanc est aussi désigné sous le nom de Kerguz, du nom de la famille qui le posséda après les Pontblanc. En 1572, il était la propriété de Catherine Prigent, épouse de Vincent le Chapponier de Kerbaudy. En 1588, Guillaume de Kerguz l'acquiert de Denis-Friacre Prigent, sieur de Garzmorvan et de damoiselle Françoise de Coatbauscours, sa nièce.

En 1741, Marie-Anne le Noir, veuve de Nouël Fercoq, l'acheta de messire Guillaume-François de la Noué, chevalier, sieur comte des Aubiers, conseiller au Parlement de Bretagne, époux de dame Marie-Josèphe de Bourne, qui demeuraient au château des Salles en Ploubalannec.

Cette maison était frappée d'une rente censive de 90 # au profit d'Olivier Jean-Marie de Kermel.

Pendant la Révolution, le vieil hôtel de Pontblanc fut acheté par M. et Mme Yves Le Quenquis, suivant acte du 30 Messidor, an X, enregistré à Tréguier le 2 Thermidor.

En 1828, il devint par héritage propriété d'une dame Vauquelin, née Le Quenquis.

Enfin il fut vendu en 1844 par les héritiers Vauquelin et acquis par un sieur Jean Arquint dans la famille duquel l'hôtel est demeuré.

 

Clisson.

Il existait, à l'époque de Geoffroy de Pontblanc, deux familles du nom de Clisson : l'une des environs de Lannion, et alliée aux comtes de Lannion, et celle du connétable.

La première, qui a pris aussi les armes des autres Clisson, écrivait parfois son nom Scliczon et son blason, d'après Guy le Borgne, le célèbre héraldiste natif de Brélevenez, était d'azur au croissant d'argent accompagné de 3 molettes de même, tandis que la famille du connétable, d'après un sceau de 1278, portait de gueules au lion d'argent armé et lampassé et couronné d'or avec l'orgueilleuse devise : Pour ce qu'il me plaist. Très riches et très bien alliés, les sires de Clisson étaient presque des souverains. L'exécution du père du connétable de Clisson ayant été, en quelque sorte, la cause indirecte de la renommée de Geoffroy de Pontblanc, ce dernier ayant été chargé de reprendre Lannion sur la veuve de Clisson, nous donnons quelques détails généalogiques sur cette famille à cette époque et un extrait des Registres criminels du Parlement de Paris notant la condamnation d'Olivier de Clisson, père.

Généalogie de Olivier de Clisson

Condamnation d'Olivier de Clisson, père du Connétable (Arch. n. X 2 A 4. fol. 186) : L'an de grâce mil trois cens quarante trois, le samedy secont jour d'aoust, messires 0lliviers, sires de Clisson, chevaliers prisonniers au chastellet de Paris pour plusieurs traisons et autres crimes perpetrez par luy contre le roy et la couronne de France et aliances qu'il avait faites au roy d'Angleterre, ennemi du roi et du royaume de France, si comme li diz messire Olivier ce cognat et confessa, fut par jugement du roy donne à Orliens traynez du chastellet de Paris ès Hales en Champiaus et là ot sur un eschafaut la teste coppée. Et puis d'ileuc fut le corps trayne au gibet de Paris et là pendu au plus estage et la teste fut envoie à Nantes en Bretaigne pour estre mise en une hante seur la porte de Sauvetont comme de traistre et cuida trahir la dite cité de Nantes a perpétuel mémoire.  

(Registres criminels du Parlement de Paris. Série U. 785, 24.) Cit. Lefranc.

Cf. sur les Clisson l'histoire d'Olivier de Clisson, par Roy, édition Mame, et surtout celle de M. A. Lefranc, éditée chez Retaux, à Paris, 1899. Cet ouvrage est certes le plus complet qui ait paru sur le connétable.

 

Geoffroy de Kerimel.

En inscrivant sur notre carnet de notes le nom de Geoffroy de Kerimel nous avions l'intention de publier une notice biographique sur le héros de ce nom qui fut tué avec Geoffroy de Pontblanc au siège de Lannion.

Malgré toutes nos recherches, nous n'avons trouvé, dans aucun ouvrage, autre chose qu'une simple mention de ce brave. Force nous a donc été de renoncer à notre projet pour le moment.

Mais Geoffroy de Kerimel laissait en mourant un fils, héritier, non seulement de son nom, mais surtout de sa bravoure.

Il était né à Kermaria-Sulard, au château de Kerimel. Tout jeune il avait été amené à Lannion où il fut élevé à l'hôtel de Kervenno, qui était l'une des nombreuses propriétés de son père.

Sa famille, qui portait d'argent à trois fasces de sable, ainsi qu'on le voit par un sceau de 1374 reproduit par D. Morice, était l'une des plus riches du pays.

Elle possédait Coëtgoureden en Pestivien ; Coëtfrec en Ploubezre, Coëtinisan en Pluzunet, Kervenno à Lannion, Villeneuve, etc.

Geoffroy de Kerimel fut mêlé à tous les événements qui signalèrent cette désastreuse guerre de Succession de Bretagne. Sa fidélité à Charles de Blois lui valut l'estime de ce prince qui lui donna le titre de Maréchal de Bretagne ou de commandant de ses troupes.

Il épousa, vers 1360, Adelice de Launay, unique héritière de la famille de Launay-Nevet, de Brélevenez ; elle lui apporta en dot le château de Launay et diverses autres propriétés ou terres.

La piété des nouveaux époux était bien grande ; ce furent eux qui, en 1364, fondèrent le couvent des Augustins de Lannion qui subsista jusqu'à la Révolution.

Après la désastreuse bataille d'Auray, Geoffroy de Kerimel suivit du Guesclin en France et prit du service dans son armée, à l'exemple d'un grand nombre de seigneurs bretons de l'ancien parti de Blois.

Il commandait l'avant-garde du brave Bertrand à Cocherel ; on sait que la victoire remportée de la manière la plus complète sur les Anglais fut le plus beau don de joyeux avènement que ces braves guerriers purent offrir au roi Charles V dont le sacre avait lieu le lendemain dans l'antique basilique de Reims.

Geoffroy de Kerimel continua à se distinguer dans les armées du roi de France ; en 1370, il fut choisi avec cinq autres capitaines pour combattre Robert de Neuville qui emmenait douze cents hommes captifs en Angleterre, et il eut le bonheur de les délivrer.

L'année suivante Usson, Chysey furent les témoins de sa valeur ; à Usson il délivra Geoffroy de Budes que ses blessures allaient livrer à l'ennemi ; à Chisey, il fut, plus qu'ailleurs, digne de son père.

Comme autrefois à Lannion, les Anglais étaient encore les ennemis.

Ceux-ci, couverts de tuniques en toile et portant une croix rouge sur leurs armes, accoururent, jurant d'exterminer tous les assiégeants ; ils envoyèrent même défier les Bretons. Ils ne se firent pas attendre, ils volèrent au feu.

Geoffroy de Kerimel commandait l'aile droite de l'armée qui écrasa tellement l'ennemi, surpris dans l'ivresse, qu'il n'y eut que quelques seigneurs épargnés, pour payer chèrement leur vie.

Les vainqueurs se couvrirent des tuniques des morts et se présentèrent devant Niort qui tenait pour les Anglais.

Pris pour des alliés, les portes leur furent ouvertes ; la ville prise, la garnison dut se rendre à merci ou fut immolée !

De tels exploits étaient de nature à faire remarquer Geoffroy de Kerimel au roi. Charles V le combla d'éloges et l'attacha à son service.

Mais quand ce monarque voulut unir la Bretagne à la monarchie française, Geoffroy de Kerimel regagna sa patrie et vint lui apporter l'appui de son bras pour soutenir son indépendance.

Le duc Jean IV l'en récompensa en lui confirmant les charges qu'il avait reçues autrefois de l'infortuné Charles de Blois.

Dès lors il fut toujours à la Bretagne jusqu'à sa mort. Il fut employé dans diverses négociations avec le comte de Lannion, ainsi que nous l'avons dit ailleurs [Note : Cf. Les comtes et marquis de Lannion, Journal de Lannion, février 1891. Brient II comte de Lannion, sénéchal de Bretagne, et chambellan du comte de Montfort ; il avait épousé Adeline de Kergorlay] ; le duc Jean IV le considéra depuis comme son plus sûr ami.

Geoffroy de Kerimel mourut vers 1384.

Sa postérité directe, mentionnée par dom Le Laboureur [Note : Généalogie de la maison de Budes, 17, faisant suite à l'histoire du maréchal de Guébriant], comprend six générations ; elle finit à Marguerite de Kerimel qui épousa Vincent du Dresnay.

Leur petit-fils Vincent du Dresnay, « avec les Pontcallec et une foule d'autres, mourut pour avoir soutenu d'une main ferme le drapeau de l'indépendance » [Note : Chanoine FRANCE, Kerduel, 258].

Notre travail est terminé. Nous n'avons pas la prétention d'avoir dit le dernier mot sur les Pontblanc, trop heureux au contraire si notre œuvre bien modeste sert d'indicateur à ceux qui voudront pénétrer les arcanes de l'histoire du XIVème siècle dans notre pays, devenues quelque peu mystérieuses par suite de la disparition de la plus grande partie des archives de Lannion, de Ploubezre et de Plouaret brûlées au temps de la Ligue (E. Rivière, 1899).

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