Région Bretagne : Web Internet de Voyage, Vacances, Location, Séjour, Immobilier, Hôtel, Camping, Boutique en Bretagne

Bienvenue ! 

LA MEE

  Retour page d'accueil      Retour page Evêchés Bretons  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bretagne : La Mée

A l'époque de la Révolution, le nom de la Mée désignait un archidiaconné Nantais dont les limites s'étendaient de l'embouchure de la Loire à celle de la Vilaine et de là jusqu'aux sources de l'Erdre. 

Il comprenait les deux doyennés de Châteaubriant et de la Rochebernard (Roche-Bernard). Il commençait aux portes de Nantes et comptait dans son sein les deux paroisses de Saint-Similien et de Saint-Nicolas. 

La Mée n'a pas toujours existé dans l'histoire du diocèse de Nantes. 

Bretagne : La Mée

Vous possédez des informations historiques, vous souhaitez les mettre sur le site infobretagne, contactez-moi par mail (voir page d'accueil)

La première apparition d'un archidiacre Nantais, désigné sous le titre de la Mée n'est pas plus ancienne que 1253. Mais il ne s'en suit aucunement que l'archidiaconné de la Mée n'existât pas antérieurement. Au contraire, il existait en fait, sinon en titre, depuis longtemps.

Mais la Mée ne doit pas être seulement envisagée au point de vue ecclésiastique. Elle fut tout d'abord une circonscription féodale. On trouve ce nom pour la première fois au XIème siècle. Il s'agit de savoir, si cette circonscription existait antérieurement sous ce nom ou sous un autre, ou si elle est une création de cette époque.

 

armoirie de Bretagne 

LES ORIGINES DE LA MEE

 

Les anciennes limites du diocèse de Nantes.

Un fait est certain, ni l'archidiaconné, ni la circonscription féodale de la Mée n'ont toujours existé dans l'histoire du diocèse de Nantes. Les historiens, Travers, en particulier, attribuent la formation de la Mée aux bouleversements que Nominoë apporta dans la vie et l'organisation du diocèse. Il y a là une part de vérité, mais aussi une anticipation sur le cours des événements. 

Avant de préciser l'époque de la formation de la Mée, il importe de marquer quelles étaient, sous Charlemagne et sous ses successeurs immédiats, les limites anciennes du diocèse de Nantes. 

Au IXème siècle, il n'était pas constitué tel qu'il est aujourd'hui. Il avait pour limites celles de la cité des Nannètes. Au sud, il s'arrêtait à la Loire. La rive gauche du fleuve appartenait au diocèse de Poitiers. Au nord, il était limité par la Vilaine et son affluent le Semnon qui la rejoint à Pléchâtel. De ce fait, la Chronique de Nantes nous donne l'indication formelle. Au cours des désordres qui suivirent la bataille de Fontenoy et qui marquèrent la dissolution de l'empire de Charlemagne, un favori de Charles le Chauve, le comte Renaud, reçut le gouvernement du comté de Nantes. Lambert, un franc de mérite, qui avait vaillamment combattu à Fontenoy et qui aspirait au gouvernement du même comté, mais qui était suspect à cause de ses accointances avec les bretons, au milieu desquels il avait été élevé, se révolta contre Renaud. Les deux ennemis en vinrent aux mains à Messac, « vicum, territorit Nannetensis », observe la Chronique de Nantes (Chronique de Nantes, édition Merlet, p. 10). 

Ce léger détail géographique est précieux, il marque d'une façon précise les frontières des Redons et des Nannètes. Si Messac était en territoire Nantais, les paroisses situées au sud du Semnon, telles que Pléchâtel, Bains, y étaient également et la qualification donnée à Ercé d'être en la Mée n'est pas faite pour nous éloigner de le croire, car ce village est au sud également de la même rivière. 

Un autre texte de la même époque que le texte de la Chronique de Nantes (1062) et relatif au prieuré de Béré, membre de l'abbaye de Marmoutier, confirme notre interprétation. Il est dit que « toutes les églises situées entre la Chère et le Semnon relèvent du diocèse que gouverne l'évêque de Nantes Quiriac : ecclesiœ subjacent omnes inter Cheram et  Semenonensem fluvios consistentes Domino episcopo Quiriaco » (Dom Morice, Preuves, tome I, col. 417, fondation du prieuré de Béré vers 1062). 

Il importe maintenant de relever les frontières des diocèses de Nantes et d'Angers. 

Un passage de la Chronique de Nantes parait englober dans le diocèse de ce nom la ville de Craon. Il y est dit que le comte Lambert abandonnant le comté de Nantes se réfugia à Craon, bourg qui à cette époque, était du territoire de Nantes (Note : Craon, chef-lieu de canton du département de la Mayenne, faisait partie de l'Anjou avant la Révolution). L'abbesse Doda, soeur de Lambert, y exerçait son autorité en raison du monastère de Saint-Clément de Nantes qu'elle gouvernait. « Dimittens autem comitatum (Lambertus) fugit usque Credonem, tunc temporis Nannetici territorii vicum jure Sancti Clementis, civitatis Nanneticœ monasterio pertinentem, cui abbatissa, hujus Lamberti soror, nomine Doda prœsidebat » (Chronique de Nantes, édition Merlet, p. 29). 

Ce texte du XIème siècle nous offre quelques difficultés. Comment Craon a-t-il pu appartenir au diocèse de Nantes ? Deux hypothèses nous paraissent possibles : ou Craon fut annexé au diocèse de Nantes à un moment donné de son histoire, ou il fut un simple domaine de l'évêché de Nantes situé hors de ses frontières. A l'époque précisément où vivaient le comte Lambert et l'abbesse Doda, les princes bretons Nominoë et Erispoë étendirent leur domaine jusqu'à la Mayenne ; peut-être, voulurent-ils annexer Craon au comté et à l'évêché de Nantes. Mais il nous parait plus probable que Craon et son territoire étaient un simple domaine du diocèse de Nantes, qui en possédait plusieurs autres fort éloignés de ses frontières, en Anjou, dans la Beauce, dans l'Orléanais. Il était rattaché au monastère de femmes de Saint-Clément de Nantes, comme l'indique le rédacteur de notre chronique. Le comte Lambert, avant de trouver la mort sous les coups des Manceaux et d'être enseveli en l'église de Savennières, s'était constitué entre le pays Nantais et la Maine une sorte de petit état sous la suzeraineté des princes bretons, avec Craon pour capitale. 

Divers documents nous permettent de jalonner la frontière d'Anjou et du comté Nantais avant le XIème siècle et même avant l'époque où Lambert se réfugia à Craon. Un diplôme de Charlemagne de l'an 797 place nettement dans le pagus angevin les deux villas de Loire (Lauriacus), et Chazé-sur-Argos (Caciacus). L'empereur les donne à l'abbaye de Saint-Sauveur de Prüm dans les Ardennes, à la prière de l'abbé Asoarus (Assuerus), que les moines de ce monastère estimaient être angevin d'origine. Or, ces deux localités ont toujours appartenu à la province d'Anjou et en ont marqué la frontière. 

Une autre charte de l'abbaye de Prüm rapporte qu'en l'an 804, un franc nommé Harwich fit don à ce même monastère de la villa Odona et de ses dépendances Illotilio Leotbodo située en Anjou, in condita Regadoninse. Or, MM. Quicherat et Longnon sont d'accord pour reconnaître dans la condita Regadoninse le pays de Craon (Dom Martène, Amplissima Collectio, tome I). 

Nous concluons de ces faits que Craon n'a jamais fait partie du pagus, de la cité ou du comté Nantais au sens strict et juridique du mot ; que la frontière Angevine et Nantaise était approximativement ce qu'elle est aujourd'hui, sauf quelques modifications que nous signalerons plus tard. Nous disons approximativement, car elle fut remaniée à diverses reprises et le plus ancien de ces remaniements enleva Candé à la juridiction des évêques et des comtes de Nantes. 

Elle était jalonnée en quelque sorte par la voie romaine qui, partie d'Ingrande, se dirigeait vers Pouancé, laissant à gauche Candé. Les grands chemins étaient jadis souvent des limites en même temps que des moyens de communications. 

Au milieu du IXème siècle, le pays Nantais fut témoin d'événements considérables, gros de conséquence pour l'avenir. Nominoë et ses Bretons s'emparèrent des diocèses de Nantes et de Rennes (Note : C'est en l'an 850-851, que Nominoë s'empara de Rennes et de Nantes), puis ils portèrent leurs armes au sud de la Loire ; ils y occupèrent les pays d'Herbauge, de Mauge et de Tiffauge. Sous Erispoë et Salomon, l'invasion bretonne occupa la partie de l'Anjou située entre la Loire et la Mayenne et même le territoire entre la Mayenne et la Sarthe. Erispoë et Salomon s'intitulent princes « Britanniœ provinciae et usque ad Medanum fluvium »

La frontière du domaine breton allait même plus loin : elle passait à Angers sur la rive gauche de la Mayenne et englobait le faubourg et l'abbaye de Saint-Serge. En l'an 1210, si l'on en croit dom Lobineau, un antique reliquaire ayant été ouvert dans l'église de ce monastère, on y trouva, en outre des reliques qu'il contenait, une tablette de marbre avec cette inscription « Cy git le corps du bienheureux confesseur Brieuc, évêque de Bretagne que le roi des Bretons Erispoë a fait porter dans cette basilique qui était alors sa chapelle » (Dom Lobineau, Preuves de l'Histoire de Bretagne, p. 55-56, et Vie des saints de Bretagne. Notice consacrée à saint Brieuc, à la fin). 

Cette partie occidentale de l'Anjou ne fut pas annexée à la Bretagne proprement dite comme les comtés de Nantes et de Rennes, mais elle demeura pendant près de trois quarts de siècle sous la dépendance des princes bretons. C'est ainsi que nous voyons, vers 903, Alain Le Grand donner l'abbaye de Saint-Serge à l'évêque d'Angers Rainon et à ses successeurs. (Ch. Urseau. Le Livre d'Or de la Cathédrale d'Angers, p. 29 à 32). Cet état de choses disparut sous les coups de la dernière invasion Normande. 

Ces événements créèrent naturellement des modifications dans l'organisation des diocèses et des cités devenues des comtés. 

Nominoë et l'évêque de Nantes Actard.

Un des premiers soins de Nominoë pour préparer sa rupture avec Charles le Chauve et l'état des Francs occidentaux, fut de séparer la Bretagne de l'archevêché de Tours. Il chassa de leurs sièges les évêques nommés par les successeurs de Charlemagne pour leur en substituer d'autres d'origine bretonne. C'est ainsi que l'évêque de Vannes Suzan fut remplacé par Courantgénus, après un simulacre de concile provincial. Maître du comté de Nantes, Nominoë agit avec la même désinvolture à l'égard de l'évêque Actard. Celui-ci, après la prise de sa ville épiscopale, dut s'enfuir. Nominoë fui substitua un prêtre Vannetais de ses amis, nommé Gislard (Chronique de Nantes dans Dom Morice, I, col. 285, et Chronique de Saint Brieuc, col. 23-26).

Pendant quelque temps, un an, d'après M. Merlet, cinq ans, d'après la Chronique de Nantes, celui-ci gouverna l'évêché de Nantes, en dépit du pape et des évêques de la province de Tours qui l'avaient excommunié (Note : Il n'est pas impossible de concilier ces deux assertions. Actard entra en possession de Nantes un an après en avoir été chassé, mais ne put faire reconnaître ses droits sur Guérande et les territoires envahis par les Bretons que cinq ans après son exil). Mais à la mort de Nominoë son sort changea. Erispoë fit la paix avec Charles le Chauve : Gislard fut déposé et condamné à tenir prison à Marmoutiers (Note : Cette circonstance a valu au diocèse de Nantes et à Gislard d'être cités dans le Décret de Gratien. L'auteur de cette compilation rapporte, en effet un fragment d'une lettre de Léon IV à Nominoë dans laquelle Gislard est fort malmené. Le pape commande au prince breton : « ut Gislardum invasorem sedis Nanneticœ defendere desinat. Non furem et latronem qualem, Gislardum sentimus esse in Nannetensi sede ». Labbe Collectio synodorum, tome VIII, p. 32). Le souverain breton abandonna Nantes à Charles le Chauve, mais conserva en son pouvoir la Marche et le comté de Nantes. 

Cette circonstance sauva Gislard. La sentence portée contre lui ne fut pas exécutée. Avec l'appui des Bretons, il s'établit « apud Quiriacam aulam, qui, observe la Chronique de Nantes, a reçu des Bretons habitants de ces lieux le nom de Guérande ». Il y exerça les fonctions épiscopales et s'arrogea droit de juridiction sur tout le territoire Nantais depuis la Vilaine jusqu'au Semnon et à l'Erdre. Il y fit des ordinations que Actard ne reconnaissait point comme valides, car il réordonnait ceux qui en avaient été l'objet. Ce dernier n'était pas accepté dans cette partie de son territoire épiscopal. Il n'y fut toléré ni sous Erispoë ni sous Salomon, quoiqu'il eut obtenu la reconnaissance au moins théorique de ses droits. 

Diverses causes expliquent la faveur dont jouit Gislard près des princes bretons et la subsistance de son pouvoir sur cette partie du territoire Nantais. Mais nous doutons que dans cette affaire il ait agi à visage découvert et se soit créé un véritable siège épiscopal. Le Cartulaire de Redon nous fournit l'explication de cette énigme en nous montrant qu'il ne fut point à proprement parler évêque de la presqu'île guérandaise, mais qu'il y fut le représentant dissimulé des évêques de Vannes. Avant d'aller plus loin dans l'explication de cette affaire, il est indispensable de rappeler quelques événements. 

Deux ou trois siècles plus tôt, un fait capital s'était produit dans l'histoire du diocèse de Nantes : des colonies bretonnes s'étaient fixées à Batz « in insula Baf », à Guérande, « Wenran » (Note : Cartulaire de Redon, p. 48, 58, 64, 74, 370). Elles étaient venues par mer. D'autres avaient franchi la Vilaine et s'étaient implantées à Avessac, à Fougeray, à Pierric, à Plessé (Note : Cartulaire de Redon. Avessac, p. 65, 73, 89, 95, 151, 159, 192, 219, 291. - Fougeray, p. 24, 187, 166, 212, 187. - Guérande, p. 19, 21, 20, 71, 130, 65, 131, 181, 209. - Plessé, p. 125, 376, 377. Des colonies bretonnes semblables s'étaient établis au sud de la Loire à Saint-Brévin, à la Pointe Saint-Gildas, à Beauvoir-sur-Mer, à Cap-Breton à l'embouchure de l'Adour et jusque dans la Galice Espagnole où un évêque des bretons subsista pendant près de deux siècles), sur la rive gauche du fleuve. La langue bretonne fut longtemps dominante en ces paroisses, où les nouveaux venus vivaient suivant leurs moeurs et leurs lois. Ils recevaient du diocèse de Vannes les prêtres qui les instruisaient et leur donnaient les sacrements. Celui de Nantes ne leur envoyait aucun prêtre parlant leur langage. Ils avaient, par suite, tendance à se considérer comme faisant partie du diocèse de Vannes plutôt que de celui de Nantes. 

Le Cartulaire de Redon nous fournit une preuve caractéristique de cette tendance qui n'était point nouvelle quand Nominoë envahit le diocèse de Nantes et du même coup il renverse l'affirmation de la Chronique de Nantes qui prétend que Gislard établit un évêché à Guérande. 

Il renferme un certain nombre de pièces concernant les paroisses que nous venons de citer. Or, la plupart de ces chartes portent qu'elles ont été rédigées à l'époque où Suzan (Note : Chartes datées de l'épiscopat de Suzan à Vannes, relatives à Avessac en 840, pages 151, 152 du Cartulaire de Redon ; du 19 Juin 843, p, 89 ; de Janvier 842, p. 73), où Courantgène (Note : Chartes datées de l'épiscopat de Courantgène, évêque de Vannes, relatives à Batz, du 4 octobre 862 ; à Guérande du 15 décembre 854 ; du 8 juillet 857, p. 21-22 ; de 859, p. 20 ; du 8 juin 861 ; - à Fougeray, du 23 août 852 p. 367 ; de 860 p. 166) étaient évêques de Vannes. Cette mention suit celles des principats de Nominoë, d'Erispoë ou de Salomon. Elle est mise sur le même pied que ces dernières, qui elles-mêmes, suivent celles des règnes de Louis le Débonnaire, de l'empereur Lothaire ou du roi Charles le Chauve. Cette mention de l'évêque de Vannes en pareille circonstance est éminemment significative. 

Pour en sentir l'importance, il suffit d'observer que jamais ni un prêtre, ni un laïque de l'une ou l'autre de ces paroisses, n'aurait songé à dater ses chartes, donations, contrats d'échanges ou de ventes, de l'épiscopat de Suzan ou de Courantgène, évêques de Vannes, s'il se fut considéré comme appartenant au diocèse de Nantes. 

D'autre part, la mention de Suzan comme évêque de Vannes dans ces pièces, bien avant le schisme de Nominoë, montre que la question de juridiction de ces paroisses était pendante avant que Gislard ne fut évêque à Nantes ou à Guérande (Note : Cependant une charte concernant Avessac de l'an 834 montre qu'à ce moment la crise n'existait pas encore. Elle est datée de la XXIème année de l'empereur Louis, « Richovins comptatum Nanneticum tenente et Drutcarius episcopatum » - Cartulaire de Redon, p. 356-357). 

D'un autre côté, le silence gardé par le Cartulaire de Redon en ces circonstances sur l'épiscopat de Gislard montre bien que celui-ci n'était point regardé comme un véritable évêque. S'il l'eut été, les actes de ses diocésains, au lieu d'être datés de l'épiscopat de Courantgène, l'eussent été de celui de Gislard. Puisqu'il était à Guérande, comme l'affirme la Chronique de Nantes, il y était donc en qualité de représentant de l'évêque  de Vannes, comme son archidiacre, On ne connaissait pas alors le titre de vicaire général. 

Le fond de l'affaire de Gislard repose donc sur une grosse question de juridiction qui, elle-même, a pour cause un grand fait historique, l'invasion bretonne. Elle menaçait d'amputer le diocèse de Nantes d'une part notable de son territoire (Note : Le monastère de Redon, composé de moines bretons d'origine et de langage, favorisait d'autre part beaucoup plus le diocèse de Vannes que celui de Nantes. En l'an 1021, il était de tradition parmi ses moines que les abbés de Redon avaient été nommés archiprêtres de Vannes par les évêques Suzan et Courantgénus. Dom Morice, I, col. 362). 

L'évêque de Nantes, Actard, n'était pas disposé à laisser dépouiller son diocèse. Il défendit ses droits devant toutes les autorités religieuses et civiles. Il obtint gain de cause sur toute la ligne, mais ne put faire exécuter les arrêts rendus en sa faveur. Jusqu'en 857, les Guérandais l'ignorent complètement ; ils ne connaissent pas d'autre évêque que Courantgénus. A partir de 857, les actes de Batz, Guérande, Avessac sont datés conjointement de son épiscopat et de celui de son rival. En 859, il remporte un succès : un acte concernant Fougeray (Note : Cartulaire de Redon, p. 24) est passé sous le principat de Salomon et sous l'épiscopat d'Actard, évêque de Nantes, seul nommé. On eut pu croire que Courantgène s'étant démis en 864 de l'évêché de Vannes, la question était tranchée en faveur d'Actard. Il n'en fut rien : elle reprit, en 870, sous Dillis, évêque de Vannes (Note : Cartulaire de Redon, acte relatif à Guérande et passé sur la place de l'église, p. 182). Elle subsistait encore sous Kenmonoco, évêque de Vannes en 888 (Note : Cartulaire de Redon, p. 187. Acte daté de Fougeray du 1 août 888) et sous l'évêque Billi en 892 (Note : Cartulaire de Redon, p. 219. Acte concernant Avessac de l'an 892. L'absence de souscription semblable après 892 est peut-être due simplement à l'absence de documents. Nous lisons, en effet, dans une charte de 1032 relative à Béré qu'une première donation avait été faite à Redon : « imperante super Britannos, Alano comite et Gualterio episcopo Nannetensium cathedram regente et Venetensem ecclesiam. Judicaele episcopo gubernante ». Dans ce cas, l'autorité de l'évêque de Nantes est bien affirmée. Cartulaire de Redon, p. 253. Cette première donation relative à Béré doit être datée de 960 à 980). 

Ces évêques, et, sans doute, Gislard avec eux, n'avaient pas fait leur paix avec l'évêque de Nantes. 

Les conquêtes de Nominoë aggravèrent la question. Les territoires situés au-delà de la presqu'île guérandaise, entre Fougeray, Châteaubriant et Candé, subirent l'invasion d'un fort élément breton. Le naturel des habitants en fut modifié. Nous en avons pour preuve un certain nombre de noms de lieux répandus çà et là dans les campagnes et surtout les changements dans les noms des habitants. Alors qu'au IXème siècle, les noms des habitants de Derval, de Lusanger, de Grandchamp sont de formation germanique en très grande majorité, deux siècles plus tard, il n'en est plus ainsi. Les noms des témoins qui, aux XIème et XIIème siècles souscrivent les actes des Cartulaires de Redon, de Marmoutiers, de Saint-Florent de Saumur, les fondations de Béré, de Carbay, de Vouvante, de Juigné sont bretons ou gallo-romains. Les noms d'origine germanique sont en moindre nombre. Les seigneurs de Châteaubriant, d'Ancenis, de la Chapelle-Glain, de Sion et même de Pouancé sont des Bretons et nullement des Francs. Si les documents concernant ces localités étaient plus anciens et bien suivis nous serions témoins au jour le jour de ces curieux changements. Ajoutons qu'au XIIIème siècle, les enfants de ces bretons adopteront des noms germains ou latins, mais alors l'influence bretonne est en décroissance. Nul ne parle plus le breton dans ces contrées. Il faut se rapprocher de la Vilaine et de la mer pour entendre le langage des émigrés venus de la Grande-Bretagne. 

Gislard, si nous en croyons la Chronique de Nantes et celle de Saint-Brieuc qui la reproduit fidèlement, se maintint à Guérande toute sa vie qui fut fort longue, puisqu'elle se prolongea jusqu'aux abords du Xème siècle. Il n'eut point de successeur comme évêque à Guérande, mais un archidiacre s'efforça d'y continuer son rôle. Les Bretons du pays l'entraînaient vers Vannes. S'il n'eut tenu qu'à eux, Guérande eut été annexé au diocèse de Saint-Patern. 

Mais il y avait alors à Nantes un prélat habile, nommé Foucher. Très en faveur auprès d'Alain le Grand dont il était le principal conseiller, il sut réunir à son diocèse les territoires que Gislard eut voulu démembrer et que les évêques de Vannes convoitaient. Il visita ces paroisses ; il exerça sa juridiction jusqu'à la Vilaine et au Semnon. Il fit mieux encore, il consacra plusieurs églises entre l'Erdre et le Semnon (Note : Chronique de Nantes, édition Merlet, p. 78-79. Dom Morice, Preuves, I, col. 26-144). Les faits de cette nature sont précieux : ils marquent le droit, s'ils ne le fondent pas. 

Pour conserver sa dignité, l'archidiacre que Gislard s'était donné se soumit à l'évêque de Nantes, qui lui conserva ses pouvoirs et son territoire. On vit alors, observe Travers, deux archidiacres dans l'église de Nantes. 

La remarque de l'historien Nantais est peut-être fondée, car la coutume était alors qu'il n'y eut qu'un archidiacre par diocèse, mais elle souffrait des exceptions. D'autre part, une autre question se pose à notre attention cette dualité d'archidiacres fut-elle permanente ou momentanée ? Le fait est que nous n'en savons rien. Il faut attendre jusqu'au XIème siècle pour constater d'une manière authentique l'existence de deux archidiacres aux côtés de l'évêque. La première charte qui les mentionne est de l'an 1050, du temps d'Airard, ce moine cardinal romain que le pape Léon IX envoya à Nantes pour y réfréner les entreprises simoniaques des laïques. Ils s'appelaient Willelmus, fils d'Hervé et Alveus (Note : Dom Morice, Preuves I, col. 383. 384, 402, 403. — René Blanchard, Airard et Quiriac, évêques de Nantes, 1895, p. 23-24. Confirmation de dons faits à Marmoutiers et en particulier d'une petite église à Béré — Cartulaire de Redon, p. 253, 254, 255, don de Béré et de N.-D. du Cellier à Saint-Sauveur de Redon). Le premier vécût très vieux, il finit ses jours moine à Marmoutiers. Quant au second, Alveus, il pourrait bien être le même que l'évêque de Vannes de ce nom, mentionné par un ancien catalogue. Mais lequel des deux était archidiacre de la Mée ? Nous l'ignorons. Il faut attendre deux siècles encore pour trouver un archidiacre porteur authentique du titre de la Mée. 

Quoi qu'il en soit, aux yeux de Travers et aux nôtres, les premiers linéaments, le point d'origine du pays de la Mée remontent au IXème siècle, à l'époque de Nominoë, à l'invasion bretonne, à l'époque où Gislard fut évêque en Guérande. Le rattachement de ce pays au diocèse de Nantes sous l'évêque Foucher, à la fin du même siècle, n'en fit point disparaître le souvenir. Un fait historique se trouve à la base de sa constitution et en amena la résurrection.

Bretagne : La Mée

LA MEE AU POINT DE VUE FEODAL

Cherchons maintenant quand apparaît le nom de la Mée dans les documents historiques. 

On le trouve inscrit dans trois documents qui tous ont trait à l'épiscopat de Quiriac (10 à 10.). Deux proviennent de l'abbaye de Redon ; le troisième vient de Marmoutiers. Le premier, si l'on en croit Travers, est la charte notice de la fondation de l'abbaye de la Chaume, fille de Saint-Sauveur de Redon. Elle serait datée d'après notre historien : « Pridie nonas Aprilis, Mediœ consulatum Hoello obtinente. prœsulatum vero Nanneticœ sedis Quiriaci providentia regente » (Travers. Histoire de Nantes, Tome I, p. 200. D'après une copie spéciale donnant le synchronisme ci-dessus qui ne se retrouve pas dans les autres transcription qui, d'ailleurs, ne sont pas plus authentiques. Voir : R. Blanchard, Airard et Quiriac, p. 7 à 18). 

Le second est une charte de Redon (1070) rapportant les difficultés que cette abbaye eut avec l'évêque Quiriac, difficultés si graves que le légat Etienne Torticole, n'ayant pu les apaiser, traduisit l'évêque en cour de Rome où il fut déposé. Mais Quiriac s'étant repenti, il accepta un accord avec Redon, où les privilèges de cette abbaye furent reconnus. Cette dernière pièce est datée : « Au temps d'Henri, roi de France et du gouvernement d'Hoël sur la Mée ». (Voir : R. Blanchard, Airard et Quiriac, p. 48-49. L'auteur de cette charte fausse fait siéger le pape Grégoire VII (de 1073 à 1085) en concurrence avec Odon, abbé de St-Germain, mort en 1052 et avec Anquetil, abbé de Moissac, qui ne devint abbé qu'en 1084. Cette charte fausse a été publiée par Dom Morice : Preuves, I, col. 441, et par M. de Courson : Cartulaire de Redon, N° 376, p, 131). 

Malheureusement, ces deux chartes sont fausses. Elles paraissent avoir été fabriquées au XIIème siècle pour soutenir certaines prétentions de l'abbaye de Redon. M. René Blanchard l'a parfaitement démontré, dans une dissertation qui est un parfait modèle de critique historique. 

Toutefois, si ces pièces sont apocryphes, il ne s'ensuit pas qu'elles ne contiennent aucun détail historique. Nous croyons que l'auteur de ces chartes ne fait pas erreur, lorsqu'il affirme que le pays de la Mée existait sous ce nom de l'an 1055 à l'an 1070. Il se sert même de ce détail exact pour colorer la fausseté des assertions qu'il met en circulation au bénéfice du monastère de Redon. 

Au surplus, une troisième charte (bien authentique) provenant de Marmoutiers, et de la même époque, mentionne formellement l'existence du pays de la Mée. Entre 1064 et 1074. Friould, vicomte de Donges, autorisa les moines de Marmoutiers à construire près de son château une cella et une église. Mais il y mit diverses conditions et entre autres celle-ci, que s'il mourait, soit dans la Mée, soit en Anjou, soit en Touraine, l'abbé de Marmoutiers aurait soin de ramener son corps à Donges (Dom Morice, Preuves I, col. 436). 

Ce texte est éminemment précieux, car il nous montre : premièrement, que la Mée était à cette époque distincte du comté Nantais ; secondement, que la Mée, au point de vue féodal ne renfermait pas la châtellenie de Donges ; troisièmement, que la Mée, territoire féodal, ne se confondait pas avec l'archidiaconné de la Mée, tel du moins que les pouillés et les documents subséquents nous le font connaître au XIIIème siècle. Donges y est toujours compris. 

Si maintenant nous consultons non plus les pièces d'archives, mais les chroniques et les compositions littéraires, nous trouvons des affirmations de même ordre, mais à une date postérieure. 

Robert de Thorigny, l'annaliste du Mont-Saint-Michel, rapporte qu'en l'an 1158, le comte de Bretagne Conan céda au roi Henri II d'Angleterre la ville de Nantes et le comté de la Mée, qui valait au moins 60.000 sous de monnaie angevine (Dom Morice, Preuves I, col. 130. Extraits de la Chronique de Robert de Thorigny, abbé du Mont-Saint-Michel). 

Les Actes de ce dernier prince publiés par M. Léopold Delisle, apportent une autre précision. Une fois maître du pays, le Plantagenêt confirma à l'abbaye de Redon ses possessions en territoire Guérandais et dans la Mée. Distinguait-on alors Guérande de la Mée proprement dite ? (L. Delisle. Actes du roi d'Angleterre Henri II, tome II, p. 405. Le même acte se trouve dans le Cartulaire de Redon, p. 744 et dans Dom Morice, Preuves, II, col. 657). On le croirait en lisant cette remarque et l'on est porté à penser que la Mée véritable est le pays de Châteaubriant, où nous voyons dans le voisinage, deux localités portant le qualificatif d'être en la Mée : Ercé et Candé. 

Pays de forêts, de landes, d'étangs, Henri II eut beaucoup de difficultés à le soumettre. Il le ravagea à plusieurs reprises. Paysans et seigneurs, groupés autour des sires de Rougé, de Pouancé et de Châteaubriant firent une rude guerre à ses routiers Brabançons. Ceux-ci brûlèrent la Guerche et divers châteaux, mais ne s'aventurèrent point dans les forêts voisines de Châteaubriant (La Borderie, Histoire de Bretagne, tome III, p. 278). 

Les Plantagenêt firent le malheur de ce pays. Lorsque Jean sans Terre voulut ressaisir ses états, que Philippe-Auguste avait annexés au domaine royal, il franchit la Loire, ravagea le territoire Nantais et celui de la Mée, en 1206 [Chronique de Guillaume Le Breton, p. 224. (Société de l'Histoire de France) — Travers, Histoire de Nantes, I, p. 304. — La Borderie, Histoire de Bretagne, tome III p. 294. — Dom Lobineau, Histoire de Bretagne, tome I. p. 192]. 

Ces mentions diverses montrent clairement que la Mée jouissait d'une constitution particulière, reconnue par les Chroniqueurs, par les rédacteurs de chartes. Les poètes eux-mêmes ne l'ignoraient pas. Robert Wace, le poète officiel des Plantagenêt, la connait fort bien. Parlant d'une prétendue invasion des Sarrazins qui  auraient ravagé Gersey, Guernesey, Serk et Aurigny, il ajoute qu'ils étendirent leurs dévastations en Bretagne, jusqu'à la Mée où ils s'arrêtèrent : - En plusurs leus pert la ruine - Que firent la gente Sarazine - En Auremen e en Gernesi, - En Serc, en Erin, en Guernerui, - E le rivage contre munt - De si quels en Bretaine sunt - Desque à la Mée et sa cumpaigne, - La s'est arestez en Bretaigne (Le Roman du Rou ou la Geste des Normands, par Robert Wace. Cité par Godefroy. Dictionnaire de l'ancienne langue française, tome V, p. 214. Le Roman de Rou a été publié par Andresen, en Allemagne ; le passage ci-dessus se trouve au vers 422. La Mée est encore citée au vers 380). 

Le Roman d'Aquin ou la Conquête de la Bretagne par Charlemagne ne pouvait manquer de citer la Mée. Maître de Nantes la belle, où il a été couronné, le Mahométan Aquin déclare, (vers 333 à 338) : - Bien a xxx ans que Bretaigne ay conquis, - Et dedans Nantes fuy roy poestis. - La mienne couronne y porté sur mon vis ; - Encore y a des gens de mon pays, - De nos lignages et de mes bons amys - En la Mée gardent et y sont établis (Jouon des Longrais. Le Roman d'Aquin ou la Conqueste de la Bretaigne par le roy Charlemaigne, Nantes, 1880).

Aussi bien la Mée avait son gouvernement propre : elle avait un sénéchal particulier. En 1205, 1206, c'était un grand seigneur, Geoffroy de Châteaubriant. Il figure comme tel dans l'acte de fondation de l'abbaye de Villeneuve et lors de l'enquête ordonnée par Philippe-Auguste pour connaître les droits de l'évêque en la ville de Nantes (Dom Morice, Preuves, I, col. 186 et 804). 

En 1220, l'administration de la Mée présente un nouvel aspect, le duc de Bretagne, Pierre Mauclerc, et Geoffroy de Châteaubriant y ont chacun leur bailli : Olivier de Cacer pour le Duc et Lambert de Droes pour le sire de Châteaubriant. Deux grands domaines occupaient la plus grande partie de la Mée, Guérande, propriété ducale, et la baronnie de Châteaubriant. Les deux baillis que nous venons de nommer attestent et font connaître à tous que Alain de Saffré a cédé tous ses droits en Couëron à Monseigneur de Rais (R. Blanchard. Cartulaire des sires de Rais, tome II, p. 210). 

La création de ces deux baillis en la Mée marque à nos yeux les premiers indices de la disparition de la Mée en tant que division féodale. Vingt-quatre ans plus tard, le sénéchal de Nantes, Renier de Saint Lys, s'intitule sénéchal Mediœ Nannetensis, de la Mée Nantaise. S'il y avait une Mée Nantaise, il y en avait une autre qui ne l'était pas, et nous ne croyons pas nous tromper en disant que cette dernière Mée n'était autre que la baronnie de Châteaubriant, rattachée définitivement à la sénéchaussée ou baillie de Rennes, alors que la Mée Guérandaise fait partie du comté de Nantes. 

Le successeur de Renier de Saint-Lys, Rivallon du Temple, prend également le titre de sénéchal de Nantes et de la Mée en 1267, 1268, 1277. Entre temps, en 1274 et 1275, il s'intitule sénéchal de Nantes et de Guérande montrant bien ainsi que la Mée dont il est le sénéchal est la Mée Guérandaise (André Oheix. Essai sur les sénéchaux de Bretagne, p. 180 – R. Blanchard, Cartulaire des sires de Rais, tome II, p. 225-244). 

Ces diverses qualifications sont à nos yeux la preuve qu'à cette époque, vers 1254, de grands changements s'opérèrent dans la constitution et l'administration de la Mée. Elle disparut en tant que unité féodale. Elle fut partagée entre les comtés de Rennes et de Nantes. Un document précis nous marque que c'était chose faite en 1294 : c'est le Livre des Ostz du duc Jean II (Dom Morice, Preuves I, col. 1110). D'après ce document qui dénombre les forces militaires de la province selon ses grandes divisions territoriales et féodales, il apparaît clairement que la Mée n'existe plus : les chevaliers de la baronnie de Châteaubriant font partie de la baillée de Rennes, ceux de Guérande et du voisinage appartiennent à celle de Nantes. 

Vers 1365, Jean IV établit une sénéchaussée à Guérande, comprenant onze paroisses limitrophes de cette ville (Quilgars. La sénéchaussée de Guérande, 1912, Vannes). Ni Châteaubriant, ni même l'intégralité du doyenné de la Rochebernard ne sont soumis à la juridiction du sénéchal de Guérande. La création du nouveau siège ne rappelle en rien la Mée telle que nous venons de la faire connaître. L'érection de ce nouveau siège n'avait qu'un but : marquer la reconnaissance du vainqueur d'Auray à l'égard de ses fidèles vassaux qui, au cours de ses infortunes, n'avaient pas désespéré de sa cause. 

La disjonction de la Mée en deux grandes portions, l'une rattachée à Nantes, l'autre à Rennes, explique comment les uns ont fait de Guérande la capitale de ce petit pays et comment les autres ont donné ce titre à Châteaubriant. 

Après avoir établi l'existence de la Mée en tant que circonscription féodale, il importe de chercher la signification de ce mot. 

Demandons d'abord aux contemporains de la Mée ce qu'ils en pensaient. Une charte du Cartulaire de Redon, datée de 1075, mais bien à tort, car elle est apocryphe et a été rédigée au XIIème siècle, nous indique nettement le sens du mot la Mée et la fonction qu'était appelé à remplir ce territoire. Elle est datée : Tempore illustris Hoël Nannetis comitis, qui Mediterraneam, id est, Médiam, singulari providentia gubernabat (A. de Courson. Cartulaire de Redon, p. 331). La Mée jouait alors entre les comtés de Nantes et de Rennes, le rôle de la Méditerranée entre l'Europe et l'Afrique elle les unissait et les séparait. Elle formait entre eux une sorte d'état tampon destiné à amortir les chocs. Le rôle qu'elle remplissait entre Nantes et Rennes, elle le remplissait également à l'égard de l'Anjou. 

A nos yeux, la Mée féodale s'est formée après la mort d'Alain Barbe-Torte. Elle eut pour cause la rivalité des comtes de Nantes et de Rennes, d'un côté, les empiétements des comtes d'Anjou de l'autre. Une série lamentable de souverains mineurs ou bâtards, affaiblit aux Xème et XIème siècles le comté de Nantes. Les étapes de cette formation sont marquées par les deux batailles de Conquereuil (981 et 992), par la première soumission du comte Judicaël de Nantes à Geoffroy de Rennes, devenu duc de Bretagne, vers 995, et la seconde soumission de Budic, comte de Nantes, au duc Alain III le Grand à la suite d'une paix laborieuse négociée par l'évêque de Dol Junguenée vers 1033. Mais la Mée ne fut réellement constituée que sous l'épiscopat de Quiriac. Telle est la raison pour laquelle la Chronique de Nantes, qui parle si fréquemment des démêlés des comtes de Nantes et de Rennes, ne la nomme jamais ; elle est à nos yeux postérieure à sa rédaction. Elle fut formée à l'aide de cette longue bande de territoire où l'élément breton était prédominant, qui va de l'Océan, de la Vilaine jusqu'aux sources de l'Erdre. 

Quand on l'organisa, on n'envisagea pas simplement les rapports des comtés de Nantes et de Rennes, on voulut ainsi établir une frontière entre le comté de Nantes et l'Anjou. A partir du jour où la veuve d'Alain Barbe-Torte, soeur du comte de Blois Thibaut le Tricheur, eut épousé Foulques le Bon, comte d'Anjou, celui-ci et ses successeurs ne cessent d'intervenir dans les affaires du comté Nantais. Il semble qu'ils considèrent, sans cesse, Nantes et le pays voisin comme un bien de mineur. Foulques le Bon, Geoffroy Grisegonelle, Foulques Nerra, sous prétexte de protéger Nantes contre les empiétements des comtes de Rennes, gouvernent moralement notre ville. Non seulement ils recouvrent la partie de l'Anjou qu'Erispoë et Salomon avaient obtenu de Charles le Chauve, mais d'accord avec les comtes de Poitou, ils se taillent une large part dans les pays de Mauge et Tiffauge, dont plusieurs traités conclus avec Guillaume Tête d'Etoupe et Guillaume Fierabras avaient assuré la possession aux Bretons. Vers l'an 1000, Foulques Nerra s'établit à Montrevault, en 1026 à Montfaucon, puis, vers 1030, il s'empare du territoire de l'abbaye de Saint-Florent, resté jusqu'alors englobé dans le comté de Nantes, et il y construit une forteresse. 

Pour obvier aux inconvénients de ces guerres féodales, pour en prévenir le retour, on créa au cours de multiples négociations diplomatiques, dont aucun instrument n'est parvenu jusqu'à nous, des frontières artificielles, aussi bien au nord de la Loire qu'au sud. La Mée fut créée au Nord entre Rennes et Nantes, d'une part, entre Nantes et Angers, d'autre part. 

L'étendue de la Mée est identique au territoire occupé par Pintrus Gislard. 

Deux localités attirent surtout notre attention sur ce territoire, parce qu'elles en marquent les limites et en rappellent le nom, c'est Ercé en la Mée et Candé en la Mée. 

Le bourg d'Ercé en la Mée, situé entre la Chère et le Semnon, était bien au nombre de ces localités dont l'évêque Quiriac réclamait la juridiction vers l'an 1062, comme on le voit dans une charte du prieuré de Béré. Il marque que la limite du diocèse de Nantes s'étendait bien jusqu'au Semnon et qu'il comprenait les paroisses de Messac, Bains et Pléchâtel, au sud du Semnon, comme l'indique la Chronique de Nantes

Candé, à l'orient, appartenait également à la Mée et sans nul doute, au diocèse de Nantes. Pendant longtemps, même après son annexion à l'Anjou, il porta le nom de Candé en la Mée. C'est ainsi que le désigne, vers 1370, le chevalier Geoffroy de la Tour-Landry dans une anecdote qui a trait au sergent Perrot Luart, surpris en fâcheuse aventure dans l'église de N-D. de Beaulieu, aux portes mêmes de Candé. (Note : Le Chevalier de la Tour-Landry. Le Livre de mes filles, p. 80 – Edition de M. de Montaiglon).

Au XVème siècle, Candé gardait encore cette qualification d'être en la Mée. C'est ainsi que Charles VII le désigne, lorsqu'il autorise les bourgeois de cette ville à relever les fortifications de leur château pour se défendre contre les bandes de pillards qui couraient la campagne. Or, depuis quatre siècles, environ, Candé avait cessé d'appartenir au comté et même au diocèse de Nantes. 

Du Semnon à l'Erdre, la Mée formait une frontière artificielle, une sorte de Marche que possédaient par indivis, moitié par moitié, seigneurs angevins et bretons (Note : Le caractère de Marche conféré à ces pays est si caractéristique qu'une bourgade du doyenné de Craon en Anjou en a conservé le nom : c'est Brain-sur-les-Marches, presque au point de rencontre de l'Anjou, du Rennais et du Nantais. Abbé Angot : Dictionnaire de la Mayenne, tome I, P. 406). 

Le prieuré de Carbay donné à Marmoutiers par le comte d'Anjou, Geoffroy, vers l'an 1060, n'était de nul diocèse. C'est seulement en 1233 que l'évêque d'Angers fait reconnaître qu'il y a droit de gîte et de repos, qu'il y confère la confirmation, qu'il a droit d'y nommer le curé. (Marchegay. Archives d'Anjou, tome II, p. 1 à 14). 

Le prieuré de Juigné dépendant de Saint-Sauveur de Redon avait pour annexe une église dédiée à Saint-Sauveur dans l'antique villa de Pruillé. Or, Pruillé est en Anjou, Juigné est dans le Nantais. (A. de Courson. Cartulaire de Redon, p. 322, charte 322). 

Lorsque la Mée cessa d'exister comme circonscription féodale, vers la fin du règne de Saint-Louis, on procéda à son démembrement aussi bien sur la frontière d'Anjou que sur celle de Rennes. Le pays étant considéré comme terre mitoyenne, on ne pouvait pas ne pas songer à le partager. 

Le comté de Rennes annexa les paroisses de la rive gauche du Semnon : Pléchatel, Bains, Messac, Ercé en la Mée, que les évêques de Rennes absorbèrent ensuite dans les limites de leur évêché. On alla plus loin, on sépara le temporel du spirituel : la baronnie de Châteaubriant fut annexée au comté de Rennes au temporel, mais demeura Nantaise au spirituel. 

Du côté de l'Anjou, nous constatons un fait tout semblable. Candé devint Angevin au temporel et au spirituel. C'était chose faite, tout au moins au temporel dès la fin du XIème siècle, quand Geoffroy Rorgon donna à Saint-Nicolas d'Angers les églises de Candé, générosité que confirma son fils, lorsqu'il prit part à la Croisade (Marchegay. Chartes angevines des XIème et XIIème siècles – Ecole des Chartes. 1785. N° XXII). Par contre, les deux paroisses voisines de Candé, Freigné et la Cornouaille furent, suivant l'expression populaire « du diable d'Anjou et du Dieu de Bretagne » : elles relevèrent au spirituel de l'évêché de Nantes, et au temporel du comté d'Anjou. 

Il suffit de jeter un regard au sud du comté Nantais pour trouver une situation semblable. Toute cette contrée était pays de marche. On y distinguait les Marches avantagères au Poitou qui payaient une redevance appelée le Thouarçois et les Marches avantagères à la Bretagne qui acquittaient le devoir de la Mée. Entre ces deux Marches avait été ménagé une sorte de petit état composé d'une vingtaine de paroisses appelé les Marches communes. La plus grande partie d'entre elles relevaient au spirituel du diocèse de Nantes. Elles avaient sinon leur droit propre, du moins leurs coutumes particulières. Elles avaient leur sénéchal ; elles tenaient leurs assemblées tantôt à Montaigu, tantôt à Tiffauge. Elles élisaient des députés aux Etats Généraux pour les trois ordres. Elles ont subsisté en possession de tous ces droits jusqu'en 1789. 

La Mée eut une existence beaucoup plus courte, parce que la fusion des comtés de Rennes et de Nantes dans un seul état accomplie au XIIIème siècle, amena sa disparition au point de vue civil et administratif.

Bretagne : La Mée

L'ARCHIDIACONNE DE LA MEE

Le nom de la Mée ne cessa pas d'être en usage dans le pays Nantais. Il fut perpétué par l'archidiaconné de ce nom. Le premier archidiacre de la Mée, connu authentiquement sous ce nom, nous est révélé par un titre de Juillet 1250 : il s'appelait Eudon. En Décembre 1253, il se nomme Théobaldus (Chartes d'Eudon, puis de Théobaldus en faveur de Jean de Sesmaisons dont les biens étaient situés sous le fiefs desdits archidiacres en Saint-Similien - Archives de Loire-Inférieure, E) ; Pierre de Boussay en 1276 et 1277 (Archives H. 1 de Blanche-Couronne, numéros 21-22). La liste de ces dignitaires peut s'établir ensuite sans discontinuité jusqu'à la Révolution. On remarquera qu'il y a presque identité entre l'apparition dans les documents ecclésiastiques d'un archidiacre de la Mée et la disparition de ce pays au point de vue féodal.

Toutefois, avant de constater l'apparition d'un archidiacre de la Mée, nous pouvons prouver qu'il existait un doyen de la Mée. Isaurus est désigné sous ce titre dans une charte de l'abbaye de Buzay, du 23 juin 1175, concernant l'île de Kyriole au Pellerin. Mais depuis 15 ans, au moins, en remplissait les fonctions, car nous voyons dans une charte de Saint-Florent de Saumur relative à Saint-Julien de Vouvantes, que l'évêque de Nantes, Bernard, accorde aux moines de Saint-Florent le droit de présenter le curé de Vouvantes, et cela du consentement « cum voluntate et assensu Normanni archidiaconi et Ysorei decani ad quorum officium eadem spectat ecclesia » (Marchegay, Chartes Nantoises de St-Florent de Saumur, n° 25). Il y avait donc un doyen d'où relevait Saint-Julien, et ce doyen était Isaurus, qualifié ailleurs doyen de la Mée (Note : en 1211, Thomas était à la fois doyen de la Mée et trésorier du Chapitre - Archives de Loire-Inférieure, H. 34, fonds de Buzay). Il y avait également un archidiacre qui s'intéressait à la même église, mais on ne voit pas que ce Normand ait porté le titre d'archidiacre de la Mée. 

Ces détails et quelques autres nous permettent d'entrevoir quelles étaient les divisions du diocèse de Nantes à cette époque reculée, aux XIème et XIIème siècles. Il était partagé en deux archidiaconnés et trois doyennés. Les deux archidiaconnés étaient celui de Nantes et celui d'Outre-Loire. Au nombre des trois doyennés, nous pouvons ranger celui de Rais et celui de la Mée ; le troisième était, croyons-nous, celui de la Chrétienté. 

Un fait est certain, nous ne voyons jamais figurer à cette époque plus de trois doyens dans les actes les plus importants de l'église de Nantes. Il y a trois doyens nettement désignés en 1115, dans la charte par laquelle Brice confirme les biens de l'abbaye de Marmoutiers dans le diocèse de Nantes : Manefinitus, Iohannes et Willelmus (Archives de Loire-Inférieure, H. 112, fonds de Béré). Lorsqu'en 1161, le légat du pape décide que N.-D. de Nantes appartiendra à Sainte-Croix de Quimperlé, nous voyons figurer dans cette grande affaire : deux archidiacres, Robert et Geoffroy, puis trois doyens, Isaurus, Gaufridus et Rolandus (P. de Berthou, Cartulaire de Sainte-Croix de Quimperlé, p. 243, 245). Isaurus était doyen de la Mée, nous le savons déjà ; Robert était doyen de Rais (Port. Cartulaire du Ronceray, p. 277, Charte 142). Nous faisons de Geoffroy un doyen de Nantes ou de la Chrétienté, quoi que nulle pièce d'archive ne nous présente son nom suivi de cette qualité. 

Au treizième siècle, les divisions territoriales du diocèse furent remaniées, peu d'années après la disparition de la Mée féodale. On compta deux archidiacres et cinq doyens : de Nantes, de la Roche-Bernard, de Châteaubriant, de Rais et de Clisson. L'archidiaconné de la Mée fut donc partagé en deux doyennés. 

Les archidiacres avaient pour charge de visiter leur archidiaconné, d'y entendre les plaignants, de mettre ordre aux difficultés et de dénoncer à l'évêque celles qu'ils ne pouvaient trancher. Ils accomplissaient leur visite chaque année par eux-mêmes ou par un délégué. Ils en dressaient procès-verbal. Ils devaient consacrer au moins cinq mois de l'année à leurs charges. Les pèlerinages qu'ils accomplissaient à Rome, à Saint-Jacques de Compostelle ou bien Outre-Mer, c'est-à-dire à Jérusalem, étaient compris dans le temps de leur résidence (Archives de Loire-Inférieure, G. 97. Extraits du Livre de la Savoie). 

Les doyens avaient à peu près les mêmes fonctions que les archidiacres. Ils étaient chargés de rendre compte à l'évêque de l'exactitude avec laquelle ses ordonnances étaient gardées dans leurs doyennés. Au début, les doyens étaient élus par leurs confrères et recevaient d'eux le soin de présider leurs assemblées et leurs conférences ; ils étaient ensuite confirmés par l'évêque. Ils n'appartenaient point au chapitre en vertu de leur charge, mais il leur arrivait de posséder un canonicat (Thomassin, De la discipline de l'Eglise, tome III, p. 245-276). 

Beaucoup d'autres questions pourraient être soulevées au sujet de la Mée, auxquelles ils nous serait difficile de répondre, par exemple, si le doyenné de la Mée avait la même étendue que l'archidiaconné du même nom. 

Mais il est évident, à nos yeux, que ce dernier n'était pas identique en tout point au pays de la Mée. Sous certain rapport il était plus petit et sous d'autres plus considérable. Certaines paroisses, telles la Cornouaille, Freigné, Vritz, sont attribuées tantôt à l'archidiaconné de Nantes, tantôt à celui de la Mée. Les pouillés anciens, les listes du XIIIème siècle des rentes annuelles que chaque paroisse payait au chapitre de Saint-Pierre sous le titre de déport, les livres de visite des archidiacres présentent entre eux des variantes. 

Un fait toutefois est certain, à nos yeux : l'archidiaconné de la Mée, constitué vers 1255, n'a jamais compris au nombre de ses bénéfices ni Candé, ni les anciennes paroisses de la rive gauche du Semnon, qui ont fait partie du pays de la Mée. 

Par contre, ce même archidiaconné renfermait dans sa juridiction les paroisses de Saint-Emilien et de Saint-Nicolas, les cures riveraines de la Loire jusqu'à la mer. Il comprenait les deux doyennés de la Roche-Bernard et de Châteaubriant. 

Mais, au surplus, nous ne faisons pas l'histoire de l'archidiaconné de la Mée. Nous ne nous permettrons au sujet de ce vieux nom qu'une dernière remarque d'ordre étymologique. 

Certains ont voulu faire de lui l'équivalent de meta, frontière, mais à tort, croyons-nous. On ne saurait apporter aucun exemple où il soit pris dans cette acception. Tous les auteurs. du Moyen-Age, chroniqueurs, chartistes, trouvères, auteurs de chansons de gestes le désignent sous le nom de Media, terre de marche, terre mitoyenne et indivise. C'est à cette dernière interprétation qu'il faut se ranger : elle est la seule que corroborent les titres et documents trop peu nombreux qui permettent d'entrevoir son histoire.  

(A. Bourdeaut)

 © Copyright - Tous droits réservés.