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LE COUVENT DES URSULINES

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Les Ursulines de Paris s'établirent à Rennes en 1617 ; celles de Bordeaux vinrent de Laval à Dinan et à Saint-Malo. En 1621, Mgr. Le Porc de la Porte, baron de Pordic et évêque de Saint-Brieuc, pria la supérieure de Dinan de lui envoyer quelques-unes de ses religieuses pour fonder une maison dans son diocèse. Elles vinrent, conduites par la Mère Florentin des Anges. Il leur fit construire un magnifique monastère dans le Pré-Tison, en face du couvent de Saint-François, là où se trouvent, à la fin du XIXème siècle, la caserne et le Champ de Mars, et il voulut reposer après sa mort dans leur chapelle qui était dédiée à saint Charles Borromée. Les habitants de Lamballe, témoins des heureux résultats que ces religieuses obtenaient à Saint-Brieuc, résolurent de fonder une semblable maison dans leur ville. Sous l'épiscopat de Mgr. de Vilazel, la communauté de ville demanda en 1632 à prendre des arrangements qui ne devinrent définitifs qu'en 1636. Les chroniques de l'ordre racontent que Mgr. Berthot de Lescouet, pour lors sénéchal de Lamballe, demanda aux Ursulines de Saint-Brieuc quelques religieuses pour les établir dans sa ville, avec promesse de les aider de tout son pouvoir. La Supérieure vint à Lamballe examiner les terrains proposés et les trouva très convenables. L'évêque donna son agrément ; et elle revint, accompagnée de trois religieuses et d'une novice qui appartenait à l'une des principales familles de Lamballe.

Les voitures publiques étaient inconnues à cette époque ; les voitures particulières étaient fort rares : c'est pourquoi M. de Lescouet les amena dans le carrosse de l'évêque, emprunté pour la circonstance. La communauté de ville et tous les officiers de la juridiction allèrent au-devant d'elles ; toute la noblesse du pays et la population lamballaise les accueillirent avec joie. Des événements imprévus et dont la cause est restée inconnue retardèrent leur installation jusqu'en 1636. Durant ce temps d'arrêt, les religieuses Bénédictines de Vitré voulurent envoyer une colonie des leurs à Lamballe, se croyant fortes de l'appui de la population. Pour éviter toute concurrence, les Ursulines adressèrent une requête au duc de Penthièvre, César de Vendôme, leur seigneur suzerain, pour obtenir son agrément de leur monastère de Saint-Charles de Saint-Brieuc, le 6 septembre 1636.

Le Duc de Penthièvre envoya aussitôt de son château d'Anet, près de Paris, des lettres dans lesquelles il enjoignait expressément aux « juges et magistrats de Lamballe de faire toutes diligences pour leur établissement dans sa bonne ville, avec défense à toute autre congrégation de les inquiéter dans leur possession, et cela sans réserve, ni restriction ». En un mot, il leur accordait par là-même une sorte de monopole. Dès le 22 août de la même année, la communauté de ville assemblée sous la présidence de M. Bertho, sénéchal, « avait accepté la fondation de la maison des Ursulines, à la condition que les religieuses eussent acheté le terrain de leurs deniers et fait toutes les constructions à leurs frais, sans incommoder le public et sans rien exiger pour leur entretien ».

Après avoir vu le seigneur Bertho promettre aux Ursulines qu'il les soutiendrait de tout son pouvoir, l'on a lieu d'être étonné des conditions qu'il leur impose. La chose est d'autant plus extraordinaire qu'il s'agissait d'une fondation ardemment désirée de tous et devant répandre sur Lamballe et sur tous les environs les bienfaits inappréciables de l'éducation religieuse.

La maison de Saint-Brieuc, loin de se laisser décourager par les dispositions si peu bienveillantes du sénéchal de Lamballe et de la communauté de ville, confiante dans la divine Providence, ne cherchant qu'à faire le bien et à se dévouer, s'imposa toutes les dépenses voulues et bâtit le monastère qu'elle mit sous la protection de saint Joseph.

Sa confiance ne fut pas trompée ; car, à peine l'école fut-elle ouverte que les jeunes filles riches et pauvres y accoururent en foule et permirent aux Ursulines de commencer leur apostolat qui devint de plus en plus fructueux.

Dieu bénit leurs efforts ; et, en quelques années, leur pensionnat fut un des plus florissants de la contrée. Leur succès vint surtout de ce qu'à cette époque, les familles foncièrement chrétiennes comprenaient admirablement la nécessité et l'importance capitale de l'éducation religieuse.

La première fois que la Révolution française vint troubler dans leur pieuse retraite le repos des Ursulines de Lamballe, ce fut dans les premiers mois de 1791. Déjà depuis longtemps, elle retentissait à grand bruit autour de leur cloître, mais elle n'en avait pas encore franchi le seuil.

L'heure des épreuves était arrivée ; et elles allaient rencontrer tout d'abord une hostilité hypocrite, puis des dénis de justice des plus humiliants et enfin la persécution ouverte.

L'on commença par faire passer un canal au milieu de leur enclos pour l'évacuation des eaux. Ce travail occasionna la chute d'un pan de mur qui leur appartenait ; alors, elles prièrent la ville de réparer ce dégât, ce qui leur était dû en toute justice. Voici en quels termes insolents et grossiers la municipalité rejeta leur juste demande : « Considérant, disaient ces conseillers bien élevés, que les communautés de filles sont toujours inutiles et à la charge et oppression des villes ; enfin, qu'elles se présentent sous un point de vue plus déplorable encore, quand elles exigent des choses aussi injustes, arrêtons qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération la présente supplique des Ursulines ».

Voilà ce que le citoyen-maire, Pierre-Marie Loncle, n'eut pas honte de signer. Ces quelques lignes suffisent pour montrer à quel point l'esprit philosophique et voltairien avait pénétré dans l'administration de cette époque.

Quand l'Assemblée nationale déclara la sécularisation de toutes les communautés et maisons religieuses, les Ursulines furent soumises à des tracasseries administratives continuelles, comme en témoigne la délibération suivante....

« Le 6 juillet 1791, l'on a procédé à la nomination de trois commissaires pour se transporter chez les dames Ursulines de cette ville, pour recevoir leur serment et se conformer à l'arrêté du Directoire du département des Côtes-du-Nord. Ont été nommés MM. Mareschal, Duval et le Procureur de la Commune qui, de suite, se sont rendus à ladite communauté. Les Dames toutes assemblées et individuellement appelées, ont protesté de non conformité au dit arrêté ; en conséquence de leur résistance, on a fait fermer et patteficher la salle servant à l'école et instruction de la jeunesse, avec injonction à elles d'ouvrir les portes aux pensionnaires qu'elles avaient au-dessous de vingt-et-un ans, et procès-verbal du tout a été rapporté par les dits commissaires. Ont signé : P.-M. Loncle, maire, Lebot, Chanoine, Le Dosseur, Méheust, Mouësan, Peltier » (Archives municipales).

Grand fut l'étonnement des délégués du conseil municipal, lorsqu'ils virent que toutes les religieuses Ursulines sans exception refusaient net d'obtempérer à l'arrêté départemental. Il paraît que ces juges improvisés étaient loin de s'attendre à un pareil acte de courage. Humilié de cet échec, le Procureur-Syndic de la commune fit aussitôt apporter la clef du couvent et il fut décidé qu'on apposerait les scellés sur la porte de la chapelle, avec défense d'y faire aucune cérémonie publique et même d'y sonner les cloches, toutefois, après avis donné à la Supérieure. Le citoyen Loncle, alors maire, devait tenir à l'exécution de cet ordre qu'une nouvelle délibération maintenait dans toute sa rigueur. Labbé, huissier à Lamballe, fut chargé de transmettre le présent ordre aux religieuses.

Ces menaces n'eurent cependant pas leur exécution immédiate, ainsi que le prouve une lettre des Ursulines, datée du 5 septembre. Le chapelain, M. Abgrall, malade et alité depuis assez longtemps, ne pouvait plus remplir son ministère. Dans leur simplicité vraiment trop confiante, les religieuses demandèrent à la municipalité la permission de lui choisir un successeur. Comme elles eussent dit s'y attendre, l'on se moqua d'elles, ni plus ni moins, en leur faisant cette réponse dérisoire : « Il est arrêté que les Ursulines pourront choisir un remplaçant de leur chapelain actuel, pourvu que le dit prêtre ait son domicile à six lieues de distance et qu'il soit possesseur d'un certificat de civisme délivré par le maire de son lieu d'habitation » (Archives municipales).

C'était tout simplement demander l'impossible et vouloir leur imposer un prêtre assermenté ; aussi, s'empressèrent-elles de refuser cette offre que condamnait leur conscience. Les mesures draconiennes des révolutionnaires allaient se multipliant chaque jour, pour arriver à la destruction de tout ordre religieux. Les administrateurs de district prétendirent à leur tour s'immiscer dans la direction de l'intérieur de la maison ; et, dans ce but, transmirent à la Supérieure d'alors, Madame Hélène Denis, femme d'une rare énergie, un arrêté du département en date du 19 juillet 1792, qui la destituait de sa charge et lui intimait l'ordre de procéder à l'élection d'une nouvelle supérieure et d'une économe, en présence d'un officier municipal.

Les Ursulines du monastère de Saint-Joseph ne s'émurent nullement et demeurèrent inébranlables dans la ferme résolution de repousser toute ingérence des séculiers dans leurs affaires. Les commissaires délégués, Pierre Le Vavasseur et Jean Le Dosseur, furent obligés de dresser procès-verbal de leur refus. Les quarante-cinq religieuses qui représentaient tout le personnel de la communauté le signèrent toutes de leur nom de religion, et déclarèrent hautement leur volonté bien arrêtée de rester unies et soumises aux voeux solennels de leur profession, à la vie à la mort. Voici les noms de ces braves Ursulines que nous avons trouvés dans les cartons des Archives départementales où sont inscrits les noms de tous les membres des ordres religieux d'hommes et de femmes, qui existaient alors dans le diocèse :

Hélène Denis, Supérieure ; Françoise Micault ; Mathurine-Françoise de Bédée ; Magdeleine des Noes ; Françoise Poulain ; Françoise Poulain ; Rose Le Vicomte ; Elisabeth Fleurianne des Noes ; Julienne Andrée ; Claudine Le Manon ; Marianne Hérisson ; Françoise de la Villéon ; Marguerite Urvoy ; Marie de Courson ; Catherine Rouault ; Annette Le Vicomte ; Jacquemine Bonvarlet ; Julienne Le Coqu ; Ursule Gallet ; Vincente Baudré ; Louise Durand ; Agathe Grolleau ; Françoise Berruyère ; Marie-Françoise Le Provost ; Louise Langlais ; Sainte Le Vicomte ; Sylvie Langlais ; Reine Le Vicomte ; Marie de Lesquen ; Marie-Louise Kermonru-Guillou ; Sainte Pansard ; Hélène Noël ; Jeanne Plestan ; Jeanne Bidart ; Perrine Gouédard ; Jeanne Basmeule ; Marie Eveillard ; Jeanne Corbel ; Pétronille-Jeanne Tardivel ; Jacquemine Loisel ; Marguerite Potier ; Hélène Ribourdouille ; Jacquemine Corolais ; Julienne Mahé (Archives départementales).

Hélène Denis, Supérieure des Ursulines, se retira à La Poterie, en 1793 ; les demoiselles Le Vicomte, à Morieux ; Marie Courson, à Moncontour ; Françoise Micault, Louise Durand, Marie Le Prévost, Ursule Gallet, Agathe Grolleau, Marie Guillou, Hélène Noël, à Lamballe, et Sainte Pansard, à Pléneuf.

Ces noms devraient être inscrits en lettres d'or dans les Annales de l'ordre, à cause du courage et de l'unanimité de celles qui les portaient à confesser la foi religieuse en face de leurs persécuteurs. Les menaces d'expulsion qu'on leur fit dans la suite ne réussirent jamais à effrayer ces saintes et héroïques filles de sainte Ursule. Pas un instant leur fermeté dans le devoir ne faillit. Que dis-je ? Elle ne fit qu'augmenter, au contraire, au fur et à mesure que leurs ennemis démasquaient le but odieux qu'ils se proposaient.

En agissant ainsi, ces saintes filles donnaient un exemple mémorable de fidélité et de courage dans la stricte observance de la règle à celles qui devaient, dans la suite, leur succéder dans leur poste de dévouement. D'ailleurs, eussent-elles fait toutes les soumissions possibles, elles n'en auraient pas moins été expulsées de leur retraite, dépouillées de leurs biens avec le déshonneur en plus ! ! ! La suite le fit bien voir.

Fortes de leur droit, elles ne craignirent pas, dans une lettre où respirent le calme et la dignité, de reprocher avec énergie à leurs lâches persécuteurs la pénible et triste situation qui leur était faite : « Nous avons perdu tous nos revenus, écrivaient ces courageuses femmes aux administrateurs révolutionnaires, nous ne vous demandons rien, si ce n'est que la permission de vivre, comme c'est notre droit, dans notre maison où nous croyons finir nos jours. Pourquoi nous chasser de chez nous ? Pourquoi nous transférer ailleurs ? Si l'on veut nous ravir la possession de notre demeure, au moins qu'on nous y laisse comme locataires ».

Cette requête fut signée par la Mère Supérieure, la Mère Préfète et la Maîtresse du Pensionnat, le 3 août 1792. Une nouvelle lettre de la municipalité leur apprit que toute condescendance à leur égard était impossible. Ces tyrans du jour, pour être dans le vrai, auraient dû dire que toute justice leur était refusée. On leur intima l'ordre de se soumettre sans plus de retard, de quitter l'habit religieux et de chercher un asile ailleurs. De plus, l'on promettait des passeports à celles qui s'éloigneraient du ressort de la municipalité et deux commissaires furent désignés pour assister au partage des meubles et effets mobiliers, en conformité à l'arrêté du Directoire départemental pris le 18 Septembre 1792. Le Dissez, fils, dit de Penanrun, et l'apostat Jean Verne avaient signé cette lettre d'injonction. Quant au citoyen Verne, il n'y a rien là qui nous étonne, car il était capable de tout en fait de déshonneur. Mais Le Dissez de Penanrun a lieu de nous étonner davantage. Il se fût grandement honoré, s'il fût resté fidèle aux glo­rieuses traditions de sa famille, en donnant avec dignité sa démission de maire, à l'exemple de l'honorable et courageux M. Micault de Mainville, plutôt que de se faire le plat valet de la franc-maçonnerie. Mais non ! Au lieu de prêter l'oreille à ces preux et loyaux chevaliers qui juraient devant Dieu et devant ses Saints de défendre le faible, la veuve et l'orphelin, et lui criaient du fond de leurs tombes : « Potius mori quam fœdari ! Plutôt la mort que le déshonneur ! » il préféra, le malheureux, donner libre cours à la haine que les loges maçonniques lui avaient insufflée contre la religion. Il aima mieux infliger à son nom la tache honteuse qui restera toujours attachée aux lâches expulseurs de pauvres religieuses sans défense.

Elle ne fut pas sans gloire cette période de la lutte où l'on vit, d'un côté, la force brutale représentée par des municipaux insolents et sectaires, et de l'autre, le droit de ces pauvres filles inoffensives qui n'avaient à opposer que leur patience, leur résignation et leurs larmes aux violences et aux insultes dont elles étaient l'objet.

Une nouvelle demande de sursis de la part des Ursulines demeura non avenue : « Il ne nous appartient pas, répondit-on, de dispenser de la loi, notre intérêt s'y oppose ». Ces hommes néfastes faisaient semblant de s'apitoyer sur le sort de leurs malheureuses victimes, tout en les invitant à quitter leur maison le 28 septembre au plus tard. Ils poussaient la moquerie jusqu'à leur proposer deux commissaires pour les protéger contre les insultes de leurs ennemis.

Toutes ces belles propositions et tous ces ordres qui foulaient aux pieds le respect dû à la propriété et à la liberté eurent lieu le 24 septembre, an IV de la liberté et le premier de l'Égalité et de la République ! ! !

Les religieuses, n'ayant plus aucun moyen de résistance, courbèrent la tête sous l'orage et cédèrent à la force. Leur départ fut fixé au 28 septembre 1792. Les municipaux qui avaient tout tenté, prières et menaces, pour entraîner ces saintes filles dans le schisme, se retirèrent sans que leurs ruses eussent pu persuader à une seule d'entre elles de trahir sa conscience, en se soumettant à leurs injonctions. Plus heureux que ceux de Dinan et de Guingamp, le monastère de Saint-Joseph de Lamballe ne vit pas un seul acte d'apostasie.

Le jour de leur expulsion fut un jour de grand deuil et de profond chagrin pour elles. Les sanglots et les larmes de ces vertueuses filles qui toutes se prosternèrent et baisèrent respectueusement la terre de cette communauté à laquelle on les arrachait de vive force, touchaient les coeurs les plus durs. Les témoins attristés de cette scène ne purent les voir sans attendrissement rentrer dans le monde, comme de pauvres exilées sur la terre étrangère. Leur couvent, c'était leur patrie ; là se trouvaient leur familles toutes leurs affections, toutes leurs espérances. On put voir ce jour, à Lamballe, combien étaient fausses les déclamations de Diderot, de La Harpe et de tant d'autres sur les prétendues victimes cloîtrées !

Les Ursulines de Saint-Joseph sortirent au nombre de quarante-quatre professes et d'une novice dont nous avons donné les noms. On leur laissa d'abord la liberté de se choisir un asile où il leur plairait, mais sans pouvoir se réunir pour prier, même en petit nombre. Quelque temps après, elles furent conduites à Saint-Brieuc où elles furent gardées à vue et soumises à un appel quotidien. Pendant deux ans, une maigre pension en assignats dépréciés dans leur valeur monétaire leur fut donnée ; et, quelques mois plus tard, l'on cessa complètement de leur payer cette indemnité dérisoire. Plusieurs d'entre elles ne survécurent guère à leur expulsion ; dès le 29 janvier 1796, neuf avaient déjà succombé sous le poids de leur chagrin et reçurent de leur juste Juge, avec la couronne de la virginité, celle non moins glorieuse de confesseurs de la foi. Le couvent de Saint-Joseph, autrefois le séjour du calme, de la paix et de la prière, fut transformé en maison d'arrêt, où l'on entassait nobles et plébéiens, vieillards et enfants, sous prétexte d'incivisme. Aux chants pieux des religieuses succédèrent, dans la chapelle, les plaintes, les gémissements des victimes et les horribles blasphèmes des gardiens civiques, la plupart du temps ivres. Un geôlier au coeur dur, vrai Cerbère qui distribuait à ses prisonniers la plus détestable nourriture, des pois pourris, du pain moisi et une soupe sur laquelle surnageaient des milliers d'insectes, eut la garde de la prison.

Quelques jours après l'assassinat juridique de Louis XVI, le 25 janvier 1793, des visites domiciliaires furent faites dans plusieurs maisons de Lamballe, suspectes de religion et de royalisme, sous l'odieux prétexte d'y découvrir des objets cachés par les nonnes Ursulines. Les religieuses qui n'avaient pu être renvoyées à Saint-Brieuc à cause de leur grand âge, furent rigoureusement consignées en ville et soumises à l'appel nominal quotidien, mesure aussi vexatoire qu'inutile. Après plusieurs tentatives infructueuses pour rentrer en possession de leurs immeubles et trente-trois années d'exil au milieu du monde, les Ursulines purent enfin rentrer dans leur maison. Trois religieuses professes et deux soeurs converses avaient survécu, entre autres la Mère Marie-Thérèse Le Vicomte, de Lamballe.

Voici comment l'une d'elles raconte leur retour : son récit simple et naïf laisse entrevoir toute la joie qu'elles éprouvèrent à cet heureux moment.

« Ce jour, 23 octobre 1825, nous eûmes le bonheur de rentrer dans notre sainte maison, après 33 ans et un mois de séparation et de trouble, au nombre de trois Mères et deux soeurs. Mais la divine Providence nous envoya cinq respectables Mères de Saint-Pol-de-Léon, toutes remplies de talents et de piété, et une postulante. Toutes les hospitalières de Saint-Thomas de Villeneuve nous firent toutes sortes d'honnêtetés et nous accompagnèrent. Nous nous rendîmes à la paroisse de Saint-Jean ; et, après les vêpres, que Mgr. Mathias Le Groing La Romagère chanta, nous nous rendîmes processionnellement à notre cher asile au chant du psaume : In exitu Israel. Rendues à notre chapelle, Monseigneur prêcha sur l'avantage que cette ville avait de posséder des ursulines, nous donna sa bénédiction et nous fit baiser son anneau. Nous passâmes ensuite dans notre choeur où nous chantâmes le Te Deum. Beau jour que nous ne devons jamais oublier ! Nous avions de jeunes enfants qui nous accompagnaient en portant un beau cierge à la main. Deux religieuses de Quintin nous vinrent pour l'instruction, le 21 ou le 22 février 1828. Nous fûmes au grand réfectoire le 13 octobre 1828. Amen ».

La bonne Mère oublie de dire qu'une foule immense et sympathique, accourue des campagnes environnantes, formait la haie sur leur passage et applaudissait à leur retour, de concert avec les habitants de Lamballe, par de vives acclamations. Dieu les récompensait ainsi de leur inébranlable attachement à la foi catholique et des souffrances endurées pour le triomphe de la cause. Depuis ce jour, la divine Providence veille sur elles d'une manière si visible qu'elle frappe leurs amis comme leurs ennemis.

(le diocèse de Saint-Brieuc durant la période révolutionnaire).

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