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Landerneau : Pillet et le Bref du Pape.

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Pillet et le Bref du Pape ; arrêté proscripteur du Département : arrestation des prêtres fidèles, leur incarcération au Château de Brest ; protestation de M. Leissègues : expulsion des Ursulines de Landerneau.

Les brefs du Souverain Pontife, en date du 10 Mars et du 13 Avril 1791, avaient paru. Ils étaient venus fortifier la foi et le courage des bons prêtres qui avaient refusé le serment ; mais ils avaient excité la fureur des constitutionnels, car la bonne foi ne pouvait plus être invoquée. Le Saint-Siège déclarait le serment impie et sacrilège. Et pour que nul des constitutionnels ignorât la décision de Rome, une main mystérieuse se chargeait d'expédier exemplaire sur exemplaire de ces brefs à ces pauvres égarés. C'est ainsi que Pillet se plaint à la police de recevoir des imprimés relatant une décision attribuée faussement au Saint-Siège ; d'ailleurs, en bon gallican, il ajoute que, à supposer que ce bref soit envoyé par le Pape, pour avoir en France force de loi, il lui faut l'approbation de l'Eglise de France réunie en Concile ou l'approbation du pouvoir civil. Il remet à la mairie chaque exemplaire qu'il reçoit ainsi, et au Secrétariat de la Mairie actuellement il n'y en a pas moins d'une douzaine. Les curés intrus des environs de Landerneau sont l'objet de pareils envois. Tous s'en plaignent au District ; des perquisitions sont faites chez des particuliers, le beau-frère de Pillet, M. Touët, Directeur de la Poste, est interrogé, il donne quelques renseignements qui aboutissent à des procès sans issue ; dans les moindres colis adressés à ces pauvres Messieurs, toujours la même main mystérieuse réussit à faire entrer un bref.

Averti de ces faits, qui doivent se produire dans tout le Département, Expilly publie un mandement que Pillet lit dans ses églises et dont il répand les exemplaires dans la ville pour répondre aux brefs du Pape. On goûtera le passage suivant :

« Nous connaissons, unis très chers frères, toute l'étendue du respect et de la déférence dûs au Saint-Siège ; mais ce sentiment même nous défend d'ajouter foi aux écrits qui ont paru à ce sujet sous le nom du Pape, écrits qui n'ont aucun caractère d'authenticité et où l'on ne peut reconnaître ni la sagesse ni la piété dont ce Pontife a donné jusqu'ici tant de preuves. Nous savons d'ailleurs quels sont les droits de l'Eglise et les limites de l'autorité du Pape, limites qu'il aurait vraiment outre-passées, s'il était vrai qu'il eût condamné la Constitution du Clergé de France. Il ne serait pas possible de se dissimuler que cette décision ne fût l'effet d'une surprise et l'ouvrage des mêmes hommes qui trament dans les cours étrangères la ruine de leur patrie.... ».

Là-dessus arriva un autre bref du Pape donnant des pouvoirs extraordinaires aux Vicaires Capitulaires de Quimper ; puis un mandement de Mgr de La Marche, adressé à ses prêtres du Léon, en réponse au mandement d'Expilly. La fureur des constitutionnels était donc à son comble quand s'ouvrit, le 15 novembre 1791, à Quimper, la session annuelle du Conseil du Département, dont Expilly et Gomaire faisaient partie. Le premier fut élu rapporteur du Comité de bienfaisance, le second, rapporteur du Comité des affaires ecclésiastiques. Et un décret fut pris, le 29 novembre, qui devait rallumer la persécution ; il portait leur signature. La persécution devait durer, plus ou moins violente, jusqu'en 1801.

Ce décret stipulait l'arrestation de tout prêtre non conformiste ; le texte en fut expédié à l'Assemblée Nationale. Mais avant d'être sanctionné (il ne le fut même jamais), le décret fut exécuté, et, dès le 1er décembre 1791, la chasse aux prêtres commença.

Le 2 décembre, le District de Landerneau prenait l'arrêté suivant : « Nous, administrateurs du District de Landerneau, autorisons les gendarmes et les gardes nationaux à se saisir, dans tout le ressort du District, de tous les Prêtres non assermentés remplacés ». Le décret était signé Le Bris, Gillart, président, Robert et Maguérès. Et au bas du décret, en nota bene, on signalait les noms de MM. de La Rüe ; Bodénez, à Chef-Du-bois, chez Mme Le Gonidec ; Gourmelon, chez son père ; Rivoal ; Bodros ; Eliard, chez M. Goury ; Le Bris, ex-recteur de Ploudiry ; Roussel, de Beuzit ; Marc, chez les dames de Moëlien, à Pennaru ; le Fr. Jean-Louis Larmor, ex-récollet ; Le Bris, de Kerambec ; Cessou [Note : Hervé-Marie Cessou, Docteur de Sorbonne, demeurait au manoir de Trémaria, paroisse de Saint-Houardon et avait plus de 80 ans] ; Leissègues de Légerville, chez son père. Mais le procureur du District, M. Le Gall, demande à surseoir à l'exécution du décret, et il écrit au Département pour tâcher d'obtenir une exception en faveur au moins du vénérable M. de La Rue qui est paralysé. Ce délai est mis à profit, car des indiscrétions ont fait connaître la teneur du décret, MM. Gourmelon. Roussel, Marc, Le Bris, Eliard, Bodros et Rivoal quittent secrètement Landerneau et vont sur les côtes attendre le moment propice pour passer en Angleterre.

Le 6 Décembre, le Département répond qu'il n'autorise aucune exception, et la nuit suivante, des charrettes réquisitionnées stationnent sur le quai de Léon ; des gendarmes, pénétrant au domicile des prêtres réfractaires, arrêtent au milieu de la nuit M. Guillou, aumônier des Ursulines ; M. Bodénez ; M. Leissègues de Légerville [Note : François Leissègues de Légerville, né en 1766, était professeur au Séminaire de Quimper ; ayant refusé le serment, il dut quitter Quimper ; il s'était retiré chez son père à Landerneau], ce dernier, malgré les protestations de son père qui est juge du District : « Mon fils, dit-il, n'a pas prêté serment, c'est vrai, mais il n'a pas été remplacé » ; le vénérable M. de La Rüe que l'on autorise à se faire accompagner de son domestique Jean Omnès pour soutenir sa marche. A ces prêtres on joint d'autres ecclésiastiques arrêtés. dans les environs comme le P. Larmor ; M. Jannou, recteur de Plozévet ; Roquinarc'h, vicaire de Landivisiau, etc. Le 7, au petit jour, les charrettes, escortées de gendarmes à cheval, emportent 15 ecclésiastiques vers Brest, où avant midi ils sont enfermés au Château. En rendant compte au Département de l'exécution de l'arrêté, le procureur, M. Le Gall, membre cependant de la Société des Amis de la Constitution, ne peut s'empêcher de blâmer la rigueur de cette mesure :

Landerneau, 8 décembre 1791. « Au Procureur-général du Département. Les ecclésiastiques non assermentés dont je vous ai adressé la liste, ont été conduits hier à Brest, excepté le sieur Julien qu'on a traduit dans nos prisons. Les sieurs Pellen et Rocquinarc'h, arrêtés le 6, ont augmenté le transport. J'ignore ceux qui ont été capturés depuis et je vous avoue que je n'ai plus le courage de m'en informer. M. La Rue, malgré ses infirmités, malgré les termes de votre lettre, a été transféré à Brest. Les observations que mon ministère m'autorisait à présenter ont excité la défiance du Directoire. Je ne vois dans le plus grand nombre des ecclésiastiques non jureurs que des hommes malheureux ; s'il en est de coupables, qu'on réunisse des preuves évidentes et que le glaive de la loi les atteigne comme citoyens rebelles et non pour une différence d'opinion sur le rite ou le culte ».

Hélas ! M. Le Gall ne conservera pasi toujours ces sentiments qui l'honorent, néanmoins c'est une voix de désapprobation qui s'est faite entendre à Landerneau. Le soir même de ce 8 Décembre, le Conseil se réunit à la mairie. Pillet est là, il n'a pas une parole de protestation. Mais si Pillet se tait, si les Municipaux se taisent, une voix s'élève magnifique pour défendre ces martyrs du devoir, celle du père de l'abbé Leissègues de Légerville. Ce dernier est premier juge du tribunal du District, personnage officiel par conséquent. Mais, blessé dans son affection pour son fils qu'on traite comme un bandit, pendant six mois il va remuer ciel et terre pour essayer de le sauver. Dès le 10 Décembre, il écrit au roi et à M. Cahier de Gerville, ministre de l'Intérieur. Ces lettres iront aucun résultat ; un mois plus tard, il reprend la plume et écrit au ministre :

« On exerce dans ce canton une tyrannie inouïe contre les prêtres non assermentés, pour cela seul qu'ils n'ont pas fait le serment, sans considérer que la loi ne veut pas qu'on puisse inquiéter les citoyens pour leurs opinions même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public. Ici régnait le plus grand ordre, tous vivaient en paix quand, par un caprice étonnant, il a plu au Directoire du District de Landerneau de venir la troubler. Ils ont, contre le droit des gens, fait enlever de nuit et par la force armée tous les prêtres qu'ils ont pu surprendre, ils les ont fait jeter sans aucune forme de procès au cachot du Château de Brest, où ils sont traités pire que des forçats ; ils y sont dans le même appartement quarante ou cinquante détenus, l'air y est le plus malsain, jamais il n'y est renouvelé, à peine peuvent-ils respirer. Ils n'ont que deux attitudes, couchés ou debout, n'ayant ni chaises, ni bancs, ni escabeaux pour s'asseoir ; on leur sert la nourriture la plus grossière et on ne leur permet pas d'en faire venir du dehors. Le projet parait formé : on n'ose pas les faire égorger, mais on veut les faire mourir à petit feu.

Au nombre de ces infortunés j'ai un fils que je soutiens innocent et, s'il l'est, je réclame sa liberté, c'est le droit de l'homme, ou, s'il est coupable, qu'on le livre à la justice pour être jugé suivant la rigueur des lois ».

Puis le brave juge, plaidant toujours la cause des autres prêtres avec celle de son fils, adresse la même plainte au Département et au District de Landerneau. Le District tient à sa proie et déclare :

« Vu les adresses au Roi du sieur Leisségues, considérant que si la qualité de père du sieur Leisségues lui fait un devoir d'employer tous les moyens pour obtenir la liberté de son fils, il doit savoir que la vérité, surtout pour un juge, doit être inviolablement rapportée. Considérant que le sieur Leisségues, n'écoutant que sa douleur, lui sacrifie cette vérité. Considérant que si pour se saisir des prêtres fanatiques dont le bien général exige la détention, il eût fallu prouver les crimes dont les apôtres de la rébellion étaient au fond les coupables, il eût été impossible, par les soins qu'ils prenaient de les commettre dans l'obscurité des ténèbres, de les convaincre, le District est d'avis que le sieur Leisségues fils soit, comme les autres conservé au Château ».

Le Ministre de l'Intérieur adresse au Département les lettres de M. de Leissègues en demandant de « prendre les mesures les plus promptes pour que les droits de l'humanité soient respectés et que la liberté soit rendue à ceux dont la détention n'est pas autorisée par la loi ». Le Département transmet cette lettre à la Municipalité de Brest, qui, feignant l'indignation, répond que le menu des détenus est succulent, leurs couchettes moelleuses, la preuve en est que les prêtres ne se plaignent pas. Aussi réclame-t-elle des poursuites contre le juge de Landerneau qui a assimilé les doux agneaux que sont les Municipaux de Brest « à des cannibales avides du sang des ecclésiastiques factieux », et maintient-elle fermées les portes du Château.

Non certes, les prêtres détenus ne se sont pas plaints du menu succulent que le geôlier leur sert à raison de 20 sous par jour et par personne, car il y a un aliment plus indispensable qui leur manque, et qu'ils font passer avant tous les autres, c'est la Sainte Eucharistie. Mais cet aliment-là, dès le premier jour de leur détention, ils l'ont réclamé. Le 18 Décembre, MM. de La Rüe et Bodénez ont écrit au Département pour obtenir qu'ils soit permis « à l'un d'eux de dire la messe les dimanches et les fêtes au moins et qu'on leur fournisse les moyens nécessaires pour la célébrer dans la salle de leur détention ».

Expilly comprend le désir de ses confrères, et, c'est à signaler à la décharge de sa mémoire, il fait écrire à Brest par le Procureur du Département, le 4 février 1792 :

« Il m'est parvenu qu'on s'oppose à ce que les prêtres détenus au Château de Brest disent la messe et même à ce qu'ils entendent aucune ; ce serait sans doute là une vexation étrange contraire à toutes les lois. Ces prêtres ne sont pas interdits. La loi du serment veut qu'ils soient déchus de toutes fonctions publiques, elle n'a pas entendu les priver de la faculté de dire la  messe. Veuillez bien faire cesser cet abus ».

Et dès le 10 février, si tous ne peuvent célébrer, parce qu'il n'y a qu'un autel et que les messes ne doivent se dire que de 3 heures à 8 heures du matin, tous ont la ressource de recevoir le « Pain des forts » ; et d'y puiser le courage nécessaire pour les longues années de souffrances qui les attendent. Ils sont gais, à preuve les passages suivants d'une lettre de l'abbé Boissière à M. de Saint-Luc : (Cf. Téphany, Histoire de la Persécution religieuse dans les diocèses de Quimper el de Léon, pp. 566 sq.).

Au Château de Brest, 14 Juin 1792. « .. .Nous nous portons à merveille... On mange ici beaucoup de pain, on fait peu d'exercice et cela n'accommode guère les tempéraments échauffés... La nation devrait hien nous permettre de respirer le grand air deux fois par jour. Mais elle préfère nous laisser en mue : sa volonté soit faite...

Grâce à Dieu, nous sommes disposés à tout et nous prendrons les événements comme ils viendront, soit bons, soit mauvais. L'aimable et joyeuse compagnie que nous avons ici nous fait oublier que nous sommes captifs... Je vous écris sur une table fort peu commode, sur mon grabat, qui me sert le jour de canapé et de bureau. Nous n'avons pas même de chaises...

... Le noviciat ne dure pas ici plus d'un ou deux jours... Il n'y a que l'odeur des latrines que nous ne pouvons corriger. C'est une infection surtout la nuit que les fenêtres sont fermées. Le jour, elle est plus supportable au moyen d'une quarantaine ou cinquantaine de fumeurs qui embaument les salles. Par ailleurs, mesdames les puces commencent à nous tourmenter. Toutes les paillasses et les couvertures ne sont pas neuves...

Quant aux exercices communs, ils sant réglés comme dans un couvent. Dès 3 heures on commente à dire des messes. A 7 heures et demie, la méditation et la messe de communauté. Puis les Heures. Vacat jusqu'à onze heures qu'on fait la lecture spirituelle et celle de l'histoire ecclésiastique. On récite ensuite les litanies du Sacré-Coeur de Jésus et quelques autres prières. On dîne après cela au grand couvert. Chaque individu porte et met devant lui son gobelet, sa cuillère, sa fourchette et sa pitance et, la réfection prise, le tout est remis sur la planche au chevet du lit. Vient la récréation, le bréviaire, etc,.. A 5 heures et demie, lecture en commun de l'Ecriture Sainte et de l'histoire ecclésiastique. Suivent quelques prières, surtout pour les bienfaiteurs. Le souper à 7 heures, récréation, prière du soir à 8 heures et demie, enfin on se couche à 9 heures et l'on dort, si l'on peut et comme l'on peut, très bien pour l'ordinaire... ».

D'après les instruction du Département, chaque détenu devait avoir par jour une livre et demie de pain, une livre de viande et une demi-bouteille de vin. La viande servie le plus souvent était celle de saumon. Ce poisson se trouvait en telle abondance à cette époque dans la rivière de Landerneau que soit frais, soit conservé, il formait l'alimentation des pauvres ; le saumon, dont la livre vendue 20 francs en 1923, coûtait alors 2 sous, était peu estimé. Dans un contrat de louage d'un domestique du meunier du Pont, à Landerneau, il était stipulé que 2 fois par semaine il n'aurait pas de saumon. Vu son prix, le saumon était indiqué pour le geôlier qui devait nourrir ses détenus à raison de 20 sous par jour., Mais des personnes pieuses veillaient sur les confesseurs de la foi ; s'il était interdit de rien recevoir du dehors, cette interdiction ne s'appliquait pas à l'hôtelier du Château, qui en chaque don voyait une économie. Et c'est ainsi que du Château du Bot parvenaient aux prêtres, pour varier leur menu, bottes d'asperges et artichauts. Parfois, dit encore M. Boissière, on a à dîner chacun « un oeuf moins un quart à la sauce à l'oseille ».

Nul ne pouvait leur faire visite, sauf une vieille demoiselle que tout le monde à Brest appelait la « grande Marguerite ». C'était Marguerite de La Rüe, la soeur du vénérable recteur de Saint-Houardon, connue pour sa grande charité, et se dévouant depuis longtemps à visiter les prisons. Elle obtint jusqu'au plus fort de la Terreur de pouvoir procurer des secours à tous les prisonniers. Elle avait vu avec fierté son frère au nombre des confesseurs, et si elle n'avait rien fait pour procurer sa délivrance, elle avait obtenu pour lui, pour M. Bodénez et M. de Leissègues d'être transportés à l'hôpital de la Marine. Le peuple avait pour cette femme la plus grande vénération et le plus grand attachement ; le bruit de son arrestation souleva un jour à Brest une véritable émeute ; on ne put l'apaiser qu'en jurant que « jamais la grande Marguerite ne serait inquiétée ».

Si les prêtres détenus ont trouvé indigne d'eux toute plainte autre que celle d'être privés de la Sainte Eucharistie, il y a cependant une chose que pendant toute leur détention ils défendront avec une opiniâtreté vraiment bretonne ; c'est leur honneur, leur dignité de citoyen. Inlassablement ils adresseront des mémoires justificatifs à toutes les administrations.

« Prisonniers depuis trois mois, écrivent au Département quarante-huit d'entre eux, le 29 février 1792, innocents avant que de l'être, innocents depuis qu'ils le sont, les soussignés se flattent que l'équité qui dirigea toujours les démarches de votre respectable assemblée la portera à prendre nos observations en considération. Les exposants demandent que leurs délits soient connus juridiquement ou que leurs chaînes, qu'on resserre journellement, soient brisées ».

Racontant cette défense menée avec tant de ténacité par nos prêtres bretons, M. de L Gorce, dans son Histoire religieuse de la Révolution française (T. 2 p. 105) est émerveillé : « Il y a, dit-il, quelque chose de plus extraordinaire que l'abus de pouvoir, c'est l'assurance osée de la justification ! ».

Pendant que ses confrères souffrent ainsi pour rester fidèles au devoir de leur sacerdoce, Pillet, le jureur, a d'autres soucis : avoir un jardin qui rapporte ! Le 5 janvier 1792, il demande au Conseil qu'on lui permette de prendre les arbres du jardin qu'il occupait étant vicaire de Saint-Julien, car une partie de ces arbres il l'a acquise de son prédécesseur et l'autre partie il l'a plantée lui-même. On lui répond que, le presbytère de Saint-Julien étant devenu un bien national, il ait à s'adresser au Directoire du Département.

Quant à nos Girondins, tout empêtrés qu'ils soient, comme nous allons le dire, dans les questions de rentrée des impôts et d'administration financière, ils n'oublient pas la persécution qui leur donne l'illusion de l'activité. Ils en ont fini, croient-ils, avec les prêtres réfractaires, puisque, illégalement d'ailleurs, ils ont réussi à les faire séquestrer à Brest. Mais il y a les religieuses. Les Ursulines ont vu leur aumônier, M. Guillou, arrêté le 7 décembre ; depuis lors, Pillet est allé leur offrir ses services, et les prier au nom de la Municipalité, de vouloir bien satisfaire à la loi du 14 octobre 1790, en nommant une nouvelle supérieure et une économe. Pillet a été éconduit, les religieuses préfèrent rester sans messe et sans sacrements que d'accepter les offres de l'intrus, Le 31 décembre, la Supérieure, Soeur Sainte Pélagie, répond au Conseil : « Nous n'entendons pas déroger aux lois de l'Eglise en nommant une supérieure, c'est-à-dire, que nous ne reconnaissons pour supérieure que celle qui a été élue canoniquement et approuvée par l'Evêque de Léon. Nous ne reconnaissons ni ne reconnaîtrons M. Expilly ni autre prêtre assermenté, ne reconnaissant pour Evêque et Supérieur que Monseigneur de La Marche, évêque de Léon et autres prêtres que ceux approuvés par lui. Nous ne ferons jamais serment, étant décidées à vivre et à mourir dans l'Eglise catholique, apostolique et romaine ».

Suivent les noms de 39 religieuses.

Trois mois plus tard, les soeurs étaient expulsées.

« Ce jour, 1er mars 1792, nous, maire, officiers municipaux et procureur de la commune de la ville de Landerneau, rapportons qu'en compagnie de notre secrétaire-greffier et suivi pour l'exécution de nos ordres de nos sergents de police, nous nous sommes rendus jusque et en la maison conventuelle des Religieuses Ursulines de cette ville et y étant environ les 9 heures du matin, nous avons fait sonner la cloche et demandé à parler à la Supérieure, et icelle s'étant présentée au grand Parloir, nous lui avons fait sommation de nous faire l'ouverture de la dite maison, et l'ayant, en effet, ouverte, elle nous a introduits dans un appartement dit l'Avant-choeur où nous lui avons, ainsi qu'à toutes les autres religieuses présentes, déclaré que nous allions continuer l'inventaire commencé le 28 février dernier, en vertu de l'arrêté du Directoire du District du même jour, dont elle dit avoir ample connaissance par la lecture que nous lui avons faite et le double que nous lui avons livré le même jour. En conséquence, après lecture à elles donnée (par répétition) du dit arrêté ainsi que de l'arrêté du Directoire du Département du 26 novembre dernier, faute à elles d'avoir obtempéré à la Loi du 14 octobre 1790, et d'avoir, en conformité de l'article 26 du Titre 2 de la dite loi, dont nous lui avons donné lecture, procédé à l'élection d'une nouvelle supérieure et d'une économe, nous leur avons commandé de sortir de la dite maison, sous peine d'y être contraintes par les voies de rigueur, en leur déclarant que, après la confection de notre dit inventaire, que nous nous réservons de continuer après leur sortie, le Directoire s'occupera du règlement de leur pécule. En conséquence, après avoir passé plusieurs heures à écouter leurs objections que nous avons réfutées comme étant sans fondement et tout à fait opposées aux Principes constitutionnels, ouverture ayant été faite des portes par nos sergents de police au moyen des clefs dont nous nous sommes saisis, répétition faite aux dites Dames de vider la dite Maison, elles en sont sorties dans l'ordre qui suit : 1° Marie-Josèphe Cotte, dite Ste Ignace ; 2° Anne Tréguée, dite Ste Agathe ; 3° Suzanne Kersaint-Gilly, dite Ste Ursule ; 4° Marie-Madeleine Quélen, dite Ste Reine ; 5° Marie-Jeanne Thomas, dite St Joseph ; 6° Michelle Ségalen, dite Ste Agnès ; 7° Marie Le Bras, dite St Michel ; 8° Marie-Françoise Nayl, dite Ste Geneviève ; 9° Marie-Louise Lescop, dite Ste Rose ; 10° Jeanne Quistinit, dite l'Ange-Gardien ; 11° Anne Trémen, dite Ste Euphrasie ; 12° Barbe Gourvez, dite Ste Thérèse ; 13° Marie Fagot, dite St Louis ; 14° Françoise Barbier, dite Ste Dorothée ; 15° Marie-Victoire, novice ; 16° Marthe, novice ; 17° Jeanne Croguennec, dite St Jean ; 18° Marguerite Kerforn, dite St Ange, ces deux dernières converses ; 19° Françoise Rolland, dite St Bernard ; 20° Jeanne Kersauzon, dite St Jean Népomucène ; 21° Marguérite Pinvidic, dite Tous-les-Saints ; 22° Annette Péron, dite Ste Julienne ; 23° Marie Péron, dite St Joachien ; 24° Marie Herrou, dite St Paul ; 25° Marie Hitel, dite Ste Anne ; 26° Anne Abgrall, dite Soeur Népomucène ; 27° N. Jézéquel, dite Soeur St Charles, ces six dernières converses.

Les Religieuses sus-dénommées étant sorties, nous, rentrés dans la Communauté, nous avons reconnu et vérifié qu'il y restait 12.

Le lendemain, après les mêmes formalités d'hier, nous avons réuni les soeurs restantes : 1° Françoise Thépaut, dite Ste Pélagie, supérieure ; 2° Renée Thépaut, dite Coeur de Marie ; 3° Marie Le Guével, dite Ste Angèle ; 4° Louise Le Nepvou, dite Ste Elisabeth ; 5° Anne-Roberte Le Rodellec, dite St Augustin ; 6° Françoise Kermarrec, dite de l'Enfant Jésus, leur avons enjoint de sortir sur le champ, elles ont obéi.

Ensuite nous avons témoigné aux ci-après dénommées savoir : 1° Jacquette Pencoat, dite Ste Barbe ; 2° Catherine Fagon, dite Marie de Jésus ; 3° Marie Catherine Jézéquel, dite St Pierre ; 4° Marie-Thérèse Grall, dite Ste Marie ; 5° Marie Lavanant, dite Ste Croix, et 6° Jeanne Abgrall, dite Ste Véronique, que nous désirions qu'elles restassent dans la maison jusqu'à ce qu'il plut au Directoire du District en décider autrement et prendre un parti relativement à la dite Communauté. Elles ont accepté nos propositions. En conséquence, nous les avons établies gardiennes de la dite Maison, nous réservant de nommer des gardiataires mâles pour la conservation des immeubles. Ces gardiataires sont Marc Guéguen et Nicolas Castillon, aux appointements de 30 livres chacun par moi ». (L. Saluden).

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