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Contraventions et Commissaire de police à Landerneau vers 1740

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Me Honorat-Etienne Mignan naquit à Landerneau, le 11 mars 1707, et fut baptisé le lendemain à Saint-Houardon. Son père était Etienne Mignan « Escrivain du Roy au Port et Arsenal de Brest ». Il fut nommé par son grand’père maternel Honorat Le Corre et par demoiselle Le Guenne, femme du sieur Godde, de cette ville.

En novembre 1736, il remplace comme Procureur le sieur Gabriel-Yves Ferrand démissionnaire en sa faveur. Il apporte le certificat exigé de catholicité (ce mot est orthographié, à la Cour de Landerneau, de toute façon, excepté la bonne : on trouve même « quatollisité ») [Note : Archives du Finistère : Réceptions de Procureurs et Notaires dans la Juridiction de Landerneau] : et ses répondants témoignent de son expérience des affaires déclarant qu'on l'avait vu « travailler à la pratique chez dix procureurs et advocats ». Entré en possession de son office, nous le voyons employé comme Interprète-Juré (1741-1743), et comissaire de police en 1742, 1747-1748..... Et. c'est tout ce que nous en savons.

Toutefois, nous possédons un gros in-folio intitulé : « La Conférence des ordonnances. Royaux„ nouvelle édition, etc., par Pierre Guénoys et L. Charondas Le Caron... A Paris, chez Pierre Chevalier, au Mont Sainct Hilaire, à la Cour d'Albret. M.DC.VII ». Il est bien vrai de dire : « Habent sua fata libelli… ». Avant d'échouer chez nous, ce vénérable ouvrage a couru depuis 1607 qu'il fut imprimé autant d'aventures que les plus grands glob-trotters, tels Télémaque et Ulysse : en 1739, cependant, il fut recueilli épave ballottée au hasard des ventes après décès, ? justement, .par notre Me Mignan, qui eut l'heureuse idée d'inscrire de sa main, à la suite de la Dédicace adressée par Charondas Le Caron à M. Messire Pierre Jeannin, conseiller d'Etat, un renseignement ainsi libellé :

« J'ai acheté le présent livre ce jour 17 septembre 1739, d'une femme de St-Thomas nommée Suzic qui Courroit Les Rües pour Le Vendre ». Signé : MIGNAN, P. à Landerneau.

Nous aimons à trouver cette information que, pour lors, Suzic, Suzon, ou Suzette promenait à travers Landerneau les Ordonnances Royaux, peut-être pas plus fière que si c'eut été pour offrir de porte en porte du poisson de l'Elorn ou de la Rade, de la laitue ou des échalotes.

Voilà, en résumé, tous les éléments biographiques (dont un bibliographique si l’on veut), sur ce bon Procureur ! C'est peu, mais hélas ! c'est tout. Et cependant, — direz- vous, — Me Mignan a beaucoup écrit, du temps qu'il était Procureur.

Certes, il a dû beaucoup écrire sur papier timbré de Bretagne, dans une prose fidèlement, servilement copiée dans les formulaires officiels, prose que l'on retrouve dans les modèles d'actes du vieux « Praticien françois » les « Formules d'actes et de procédure », et autres guides-âne à l'usage des expéditionnaires du temps. Dans le procureur, vous ne devez pas rechercher l'homme : il est un enregistreur et pour être exactement, exclusivement, scrupuleusement ce que l’on attend de lui, il ne doit rien modifier ou corriger à la forme des textes qu'il reproduit, ni y mettre du sien, pas plus que le photographe ou le phonographe-enregistreur ne peuvent se livrer à des fantaisies dans leur reproduction.

Heureusement notre procureur était doublé d'un commissaire de police : laissant de côté, les nombreuses minutes que l’avoué d’autrefois eut à rédiger secundum artem dans le cours de sa vie professionnelle, et à parapher, nous nous, attacherons à parcourir les procès-verbaux qu’il eut à dresser et dans lesquels, bien à son insu, il révèle sa personnalité, nous fournissant avec des détails sur l’emploi de quelques heures de son Curriculum vitœ, des traits légers, peu accusés au tableau de la vie populaire d'autrefois à Landerneau, quelques données sur l’observation du dimanche, point sur lequel Me Mignan semble avoir apporté un zèle particulier « conformément aux ordonnances et réglements de la Cour ».

***

Entre la théorie qui fait des populations d'avant 1789, des collectivités de brutes hypnotisées par des superstitions grossières, et celle qui, prenant le contre pied, en fait des assemblées de saints, d'une pureté sans tache, d’une foi exubérante, d'une charité ardente, confits en dévotion, il y a de la marge et assez d'espace pour pouvoir établir la vérité et baser une juste appréciation des hommes et des choses d'autrefois.

Certes, les braves et honnêtes gens sont nus avons l'honneur de descendre, eurent leurs défaillances, et ce qu'en proclament les prédicateurs et les magistrats ne les montrent pas toujours personnages édifiants, particuliérement en ce qui concerne le respect et la sanctification du dimanche.

Les ordonnances d'Orléans et de Blois, renouvelées par la Déclaration du Roi du 16 décembre, répétées dans leurs défenses par les règlements d'août 1712 et août 1715, proscrivent tout ce qui pouvait être un obstacle à l'observation du Jour du Seigneur.

D'autre part, en Bretagne même, les nombreux arrêts dressés par la Cour du Parlement, montrent que l'on ne se faisait pas faute de violer ces ordonnances et règlements puisque la justice devait sévir avec tant d'énergie contre les récalcitrants.

Enumérons quelques-uns de ces arrêts :

D'abord celui du 16 octobre 1627 sur la remontrance du Procureur général du Roi dénonçant que pendant la célébration de l'office et et aux Prônes de la grand-messe, on se retire dans les cimetières pour se battre jusqu'au sang ou aller dans les tavernes, ... condamne les contrevenants à 30 s. d'amende applicables à la Fabrique et les taverniers à 10 l. s'ils laissent entrer et servent à boire et à manger.

— Arrest, du 22 avril 1667, qui défend à tous marchands d'ouvrir ni vendre les jours de dimanches et fêtes ; à peine de 100 l. d'amende, applicable un tiers au dénonciateur, et les deux tiers aux hôpitaux de Rennes, et cela pour la première fois, quitte à plus grandes peines s'il échet.

— Arrest du 11 juillet 1670, à requête du recteur de St-Briac, ponant la peine de 10 l. d'amende contre les cabaretiers, de 6 l. contre les particuliers et autres qui couraient les nuits de dimanche aux fileries, rendries, bals et danses, déguisés et masqués, et allaient dans les Eglises, travestis, contrefaisant les nouvelles mariées. (!)
— Arrêt du 27 octobre 1681, portant défense à toutes personnes de danser et de jouer publiquement proche les Eglises et Chapelles, durant l'office divin.
— Arrêt du 4 novembre 1684 [Note : On était à la veille de la Révocation de l'Édit de Nantes (1685), ce qui rend cette considération d'autant plus topique] qui enjoint aux juges et officiers de Blain et de Plessé, de ne souffrir aucuns cabarets ouverts pendant l'office. L'avocat général dénonce les juges comme étant d'intelligence avec les cabaretiers, ce qui, — dit-il, « tourne au déshonneur de la Religion, dans un Pais rempli d'Huguenots, qui voient avec plaisir de peu d'ordre qu'apportent ces juges négligens ».
— Arrêt du 28 mai 1685, porté à la requête de Missire Jean Hamon, recteur de la paroisse de Guimiliau et trêves, Evêché de Léon. Le Recteur expose que les Fahriques ne rendent aucun compte des deniers de la Fabrique, consomment en vin et débauches qu'ils font ensemble, rédigent des semblants de délibération sur feuilles volantes, etc., pendant le Service divin ils sont aux tavernes. L'arrêt les condamne de ce chef à 50 l. d'amende.
— Arrêts du 25 novembre 1686, du 5 août 1715, du 3 octobre 1722, etc, etc
Nous venons de dire plus haut que Me Honorat Mignan semblait avoir apporté dans ses fonctions de Visiteur de police un zèle tout particulier pour le maintien des arrêts et règlements touchant l'observation du dimanche. Nous nous le représentons sortant de sa demeure, la perruque poudrée ou abondamment amidonnée, coiffé en bataille de son tricorne fraichement galonné, et portant à la main sa canne à pomme d’argent. Le brave Le Gouez, le sergent, valet de ville mais non laquais du Maire, l'escorte, enveloppé dans son manteau et portant sur l’épaule sa lourde hallebarde [Note : Cf. A. Babeau : La Ville sous l'ancien régime ; livre II]. Tous deux fiers et forts de leur ingrate mission, vont le pas et l'œil assurés, dictant, par leur attitude, à tout venant leur volonté de maintenir envers et contre tout, le bon ordre dans la cité, faisant comprendre à tout bon entendeur, selon l'expression emphatique mais sincère d'un humble juge de paix que nous avons connu, qu'il serait plus facile de faire dévier le soleil de sa course, qu'eux de leur devoir ».

***

Des procès-verbaux de Me Mignan, nous en avons retenu quatre passablement instructifs. Son premier constat marque ce qui suit :

« Ce jour de dimanche (18 mars 1742) nous nous sommes transportés sous les halles sur les neuf heures et demie du matin, après le troisième son du Service divin, ayant avec nous pour l'exécution de nos ordres Me Pierre Le Gouez, sergent de la principauté de Léon à Landerneau... Où étant aurions enjoint et ordonné aux poissonnières y étalées de se retirer sur le champ avec leur poisson, attendu que pendant le Service divin elles ne doivent pas débiter, à quoi lesdites poissonnières ayant satisfait eu ramassant leur poisson dans un endroit particulier n'y laissant seulement une d'entre elles pour le garder ».

Les poissonnières, de si bonne composition, ne se comportant pas comme de vulgaires harengères, poissonnières mais pas poissardes, ne furent pas imitées par les boulangers et les boulangères « aussi étalés sous lesdites halles ». Le digne commissaire les invite à déguerpir, mais eux, aussitôt d'invoquer la coutume, et sur la menace de confiscation de leurs pains, Jeanne Le Borgne et son mari, Guillaume Traouez, soldat de marine à la compagnie franche de Gudy, polir lors en quartier au Faou, de « proférer des injures et des invectives atroces ». Le brave Le Gouez dut intervenir et emporta le pain : le dernier mot, croyait-on, lui était resté.

Pas du tout — Me Mignan continue sa tournée, et lorsqu'à onze heures, alors que la messe paroissiale n'était pas finie, il repasse par les halles, il y trouve Traouëz et sa femme étalant leurs pains et les débitant plus que jamais. Ils protestent que la Messe était finie à Saint-Julien : là n'était pas la question, puisque les halles se trouvaient sur la paroisse de Saint-Houardon. Me Mignan, aprés avoir dressé un nouveau procès-verbal de contravention, se retira en songeant à part lui que tout n'est pas rose dans le métier.

Le dimanche de Pentecôte 1747 il rédigea le rapport suivant touchant sa visite du jour.

« Nous, Me Honorat-Etienne Mignan, commissaire de police à Landerneau, y demeurant paroisse de Saint-Hoüardon, savoir faisons que le dimanche de la Pentecoste vingt-et-uniesme de mai 1747, ayant avec nous Me Christophe Le Duf, sergent de la Juridiction de la principauté de Landerneau, avons sorti de notre demeure susdite, après neuf heures sonnés que commencent les grandes Messes paroissiales de Saint-Julien et de Saint-Thomas, à l'effet de faire notre tournée dans le cabarets, jeux publics et autres lieux pour réprimer les abus qui se pourraient rencontrer contre le bon ordre, la Religion, les ordonnances, arrêts et règlements de la Cour, et après avoir monté et descendu la rue de Ploudiry sans y avoir trouvé de contravention., sommes entrés dans un cabaret n'ayant pour enseigne qu'un Bouchon, situé au quartier de Toulcoq, trève de Saint-Julien, et parlant à la femme du nommé René Hélou, cabaretier y demeurant, luy avons demandé si quelqu'un buvait chez elle, à quoi elle nous a répondu qu'il y avoit deux particuliers dans une chambre haute mais qu'il n'y avoit ni verres ni bouteilles, qu'elle les leur avoit otés depuis que la grande Messe était commencée, ce que voulant vérifier, avons monté dans la dite chambre haute et nous y avons trouvé le sieur Guillaume Cornec, marchand-épicier de cette ville et Aubin Poullaouec, assis à une table, ayant chacun devant soi un goblet de vin blanc plain à razade, toutefois sans bouteille, l'ayant en apparence cachée, et leur ayant remontré..., leur tort et erreur de conduite l'hôtesse ne trouve à dire que pour ceux de la paroisse de Saint-Hoüardon où la Messe ne commençoit qu'à dix heures ».

M. Mignan « sans égard pour ce raisonnement spécieux », verbalisa et se retira.

Le dimanche, 20 août 1747, l'autre commissaire, Me Nicolas Onfrey, devait prendre sa semaine pour les tournées et visités à faire « pour le maintien du bon ordre et de la bonne police ». Il est retenu dehors par ses affaires et fait prier son collègue de le remplacer. Me Mignan envoie chercher Me Kergadevern, sergent, et à trois heures de relevée, alors que les vêpres commencent dans les différentes paroisses, et en sa compagnie, monte et redescend la rue de Plondiry ; visite les cabarets : tout y est de la plus grande correction et n'offre prise à une contravention. Au haut de la rue de La Fontaine-Blanche, on remarque cependant, que la boutique de Catherine Ségalen, femme de Jean Nicolas, boulangère et marchande fruitière, est ouverte « comme dans les jours ouvrables ».

On lui fait observer qu'elle est en défaut, mais elle riposte qu'elle allait fermer.. On lui confisque deux tourtes de pain et trois panniers de fruits trouvés sur sa boutique, que l'on dépose chez l'hôtesse du Cheval-Blanc « en attendant un temps plus convenable pour les faire porter à l'hôpital au profit des pauvres », toutefois « à l'exception d'un pannier de pommes vertes que l'on a fait renverser dans le ruisseau et fouler aux pieds, conformément aux règlements ». Quel souci de l'hygiène publique !

Me Mignan, malgré les exigences du service et les scrupules de sa conscience, n'est pas sans pitié, comme le Gendarme de Courteline. C'est lui qui nous en donne un témoignage dans ce même procès-verbal du 20 août. En poursuivant sa tournée, il voit encore ouverte, dans la rue du Couër, la boutique de la veuve de Bernard Le Blouch, marchande fruitière, mais, dit-il, « étant donnée son extrème pauvreté, nous nous sommes borné à lui faire fermer sa boutique et faire renverser dans le ruisseau et fouler aux pieds, un petit pannier de pommes vertes ».

Rue de Saint-Houardon, au bureau de la Poste, le vigilant commissaire sent son nerf olfactif se révolter ainsi que son amour de bon ordre et de l'hygiène. C'est un cloaque pestilentiel, d'une puanteur suffoquante que la paresse des « Boueurs » a laissé se former et s'accumuler. Ils sont deux et habitent Pencran, Me Mignan les fait chercher par Kergadavern après avoir, au préalable, réquisitionné pour l'accompagner, un caporal et deux fusiliers fournis par le corps-de-garde de la Place. Un d'eux, Madec, rencontré à l'instant en ville, est mis en geôle par le Commissaire ; le Sénéchal intervient et le fait mettre en liberté : les deux coupables se livrèrent sur le champ à un nettoyage en règle.

Le 30 juillet, Me Mignan trouva à récolter un nombre peu ordinaire de contraventions. Ce n’était cependant la foire de La Martyre., qui se passe au commencement de juillet : quel évènement donc avait amené à Landerneau l'affluence de monde mentionné dans le procès-verbal du 30 juillet tels les gens du duc de Penthièvre, les notables bourgeois de. St-Pot-de-Léon, etc. ? nous n'en savons rien ; en tout cas voici le relevé des opérations du Policeman, en ce jour.

« Nous, Me Honorat-Etienne Mignan, commissaire de police à Landerneau y demeurant sur le Pont, paroisse de Saint-Hoüardon, savoir faisons que ce jour de dimanche, trentième juillet mil sept cent quarante sept, sommes sorty de notre logis après neuf heures sonnées du matin, temps que commencent les Grandes-Messes de Saint-Julien et de Saint-Thomas de cette ville, pour faire nôtre tournée pour examiner les contraventions aux ordonnances, arrêts et réglemens de la Cour qui se peuvent commettre tant par les marchands, cabaretiers, perruquiers, maîtres de jeux qu'autres, et commençant par le quartier de Saint-Julien, avons remarqué la boutique du sieur Aballain L'aîné ouverte, y étant entré, l'avons trouvé razer un particulier, et lui ayant remontré qu'il était d'autant plus en faute qu'étant dans la maison la plus prochaine de l'église, le scandale etoit plus grand et qu'il n'avoit pas d’excuse valable à prôposer puisque de sa boutique il entendoit le prêtre à l'autel. Il nous auroit répondu que le particulier qu'il razoit, etoit un étranger et qu'il y en avoit tant présentement en cette ville qu'il falloit malgré soi se prêter à les servir, ce néanmoins nous lui avons déclaré que nous en rapporterions nôtre procès-verbal pour suricelui être statué à la première audience de police où nous l'avons interpellé de se trouver si bon lui semble.

Passant outre de la rüe de Ploudiry, avons remarqué des gens boire dans la cuisine du nommé Floch, cabaretier, y etant entré, ces particuliers nous ont dit être domestiques de la suite de S. A. S. Mongr le duc de Penthièvre et qu'ils ne faisoient que d'arriver en ville, sur quoi avons remontré audit Floch qu'il y avoit de l'imprudence de servir ces particuliers dans sa cuisine à la vue et au scandale de tous les passans, ce qui nous obligeoit à en rapporter notre procès-verbal pour y être statué ce qu'il appartiendroit à la première audience de police où il demeurait assigné pour déduire ses raisons si bon lui sembloit.

Entré dans l'auberge du nommé Trotabas, au Dragon-Vert, avons trouvé dans un cabinet, au premier étage, sur le derrière, un soldat de Ponthieu et un particulier étranger qui buvoient, quoique la femme dudit Trotabas nous avoit dit précédamment qu'elle n'avoit personne chez elle, sur quoi nous lui avons déclaré sa contravention et que nous en rapporterions notre procès-verbal et lui faire appliquer l'amande qui seroit prononcé s'il étoit vu appartenir à la première audience de police ou nous l'avons interpellé de se trouver ou son mary si bon leur semble.

Plus haut dans la meme rüe nous avons remarqué la boutique de la nommée Françoise Morvan, femme du nommé Jacques Jardinier, débitante d'eau-de-vie, de tabac et de chandelle, a demy ouverte ou nous étant approché l'avons trouvée qui débitoit de l'eau de vie à une femme dans une burette pour emporter, nous a-t-elle dit, chez elle, et ayant remontré à laquelle Morvan qu'elle ne devait débiter aucune chose pendant le Service divin, ny tenir sa boutique ouverte et y avoir exposé vis-à-vis la chandelle qu'elle débite, ny son enseigne de tabac dehors, elle nous auroit répondu, que ne recevant de jour que par sa boutique, elle ne pouvoit la tenir fermée, que son enseigne de tabac elle la tendit dehors de l'ordre du sieur de Roujoux, entreposeur, qui lui avoit dit d'en uzer ainsy quelque défense que la Police lui en fit, et qu'à l'égard de sa chandelle, quoiqu'elle fut exposée, elle n'en vendoit que le soir et qu'elle ne la retireroit pas, ce qu'elle avait exprimé avec des paroles de hauteur, et ayant remarqué que nous faisions notte pour rapporter notre procès-verbal, elle nous avoit dit en langue bretonne : « Ecrivez sur votre c… si vous voulez, je ne m'en soussie guère » [Note : Cette femme grossière se servit, vraisemblablement, des expressions bretonnes : « Skrivit var ho reor, m’ar kirit ; — evidon-me na ranket a fors »]. De tout quoi nous lui avons déclaré que nous fesions notre procès-verbal pour y être fait, droit à la première audience de police, ou nous l'avons sommé de se trouver, si bon lui semble, pour déduire tout ce qu'elle verra.

Passant ensuite dans la paroisse de Saint-Hoüardon, après dix heures sonnés, et que la messe paroissiale y était commencée, avons remarqué que la boutique du sieur Aballain Le Jeune etoit ouverte, y étant entré, l'avons trouvé qui razoit un particulier, pour quoi lui avons déclaré que nous en rapporterions notre procès-verbal pour y être statué à la première audience de police, ou il demeuroit assigné pour déduire ses raisons si bon lui sembloit.

Montant la rüe de Lafontaine-Blanche, avons entré en l'auberge du Croissant et demandé à la nommée Louise Gourvelin, veuve Joseph Donnart, hôtesse, si quelqu’un buvoit chez elle, à quoi elle nous avoit répondu d'un ton d'assurance et sans se déconcerter que les sieurs Cloarec et Kermeur, de cette ville, déjeunoient dans une chambre haute avec un Monsieur de la ville de Saint-Paul qui étoit en cette ville depuis hier, et lui ayant dit qu'elle ne devoit pas souffrir les Paroissiens tenir table chez elle pendant le Service divin, et que nous ne pouvions nous dispenser sur sa déclaration de rapporter contre elle, elle nous auroit répondu avec fierté qu'elle ne s'embarrassoit pas pour ce qui seroit fait, sur quoi nous l'avons sommée de se trouver si bon lui semble, à la prochaine audience de police, où il seroit fait droit sur notre procès-verbal, que nous avons rapporté audit Landerneau, et que nous affirmons contenir visité les jour et an que disant ». MIGNAN.

***

Nous l'avons vu plus-haut : tout n'était pas rose dans les fonctions d'un commissaire de police consciencieux, esclave des règlements et censeur implacable des manquements à leur observation intégrale.

Deux années d'exercices à fournir ! Sa semaine à faire, du dimanche matin au dimanche matin suivant ! Ce n'était pas indifférent.

Heureusement pour lui que ne vivant pas sous le régime du suffrage universel, son indépendance était plus facile à garder il n'avait ni amis à servir ni ennemis à ménager en vue d'une candidature, ni de contraventions ou de délits à oublier ou à mettre au clair, selon les besoins ou les calculs de son ambition.

Si Me Mignan avait songé à briguer les suffrages de ses concitoyens appelés à devenir ses électeurs, il lui aurait été difficile de procéder, comme il le fit, par exemple, dans sa visite du 17 avril 1747 « pour le fait de la Répurgation des Rites, » ; contre de notables commerçants et autres : procès-verbal contre un mercier, sur le Pont, le sr Cloarec « qui n'a point balleyé » ; lequel dit Me Mignan, « n'ayant pas voulu payer l'amande de dix sols que nous lui avons imposé, nons avons fait saisir sur sa boutique, deux paires de bas de St-Marceau à enfans ». Puis il retrouve et note la même contravention chez la veuve Tilly, autre mercière ; chez le sr Branda, marchand de drap et de soieries, au haut de la Halle ; chez le sr Bonaventure du Thoya, rue de la Fontaine-Blanche ; chez l'hôte des Trois Piliers, Place aux Vaches ; même place, chez Charles Sequin, tanneur ; chez le sr Duclos Le Gris, et tanti quanti ...... tous condamnés à dix sous d'amende.

Rappelez-vous de plus que Mignan opère à Landerneau, la ville célèbre par le bruit que l'on y fait,... ou les bruits que l'on y fait courir en toute facilité et rapidité, selon ce que l'on prétend dans la province et le royaume.

N'oubliez pas encore que dans l'exécution de son pénible mandat. Me Mignan peut se trouver à chaque pas en conflit avec officiers de justice, agents des Devoirs et autres.

Pour ce qui est de la justice, quiconque a étudié l’organisation de la police à travers les âges peut constater la concurrence qui a toujours existé entre cette institution et celle de la justice, depuis la République romaine jusqu'à nos jours : incompatibilité d'humeur, au moins, qui se traduit parfois par des éclats retentissants. Nous lisons, par exemple, dans le « Dictionnaire des Arrêts des Parlements de France » de Pierre Jacques Brillon, Paris, 1728, (T. V p. p. 187-188) le Nota suivant au sujet de l'Édit de Novembre 1699, « portant création de procureurs.. commissaires de police, etc. Nota. — Les officiers de Justice jaloux du retranchement qu'on venait de leur faire de la police (dont l'autorité flattait leur ambition, mais dont l'administration gratuite, accompagnée de peines, de dangers et de sollicitudes continuelles avoit été négligée de leur part, tandis qu'ils étoient occupez plus utilement aux fonctions plus lucratives de la Justice contentreuse) ne se contentèrent pas de susciter aux officiers de Police, une infinité de troubles dans leurs fonctions, droits, honneurs, prérogatives et privilèges, mais ils eurent soin d'adresser au Conseil une foule de Mémoires qui tendoient, plus ou moins, à faire supprimer ces tribunaux de Police nouvellement érigez..... ou du moins de brouiller tellement les choses que..... », leur action fut pratiquement impossible.

Pour la Police des Cabarets, le pauvre commissaire trouve une forte opposition dans les agents des devoirs. Il est vrai qu'il arrivait que la ferme des aides réclamait contre les fermetures de cabarets prescrites par les évêques et que le contrôleur général intervenait pour faire restreindre le nombre de ces fermetures [Note : C. A. Babeau. Le Village sous l'Ancien Régime, p. 229].

Nous avons vu dans le dernier des procès-verbaux donnés plus haut qu'une contravenante se targue de l'avis ou quasi-autorisation de l'Entreposeur des Tabacs pour désobéir aux arrêts concernant le dimanche.

De la part de ce fonctionnaire ce semblait un parti-pris, un système. Cela ressort d'un constat du 17 septembre 1747, où le commissaire, Me J.-B. Le Vaillant expose que pendant les grand'messes, faisant sa tournée, il remarqua, rue de Ploudiry, « la boutique d'un nommé François Abgrall ouverte avec une inscription sur quarton portant ces mots : De par le Roy, bureau pour la distribution du tabac, etc, et ayant remontré audit François Abgrall, qu'il ne convenait point d'avoir sa boutique ouverte ny de mettre cette enseigne contre le dehors de la fenestre de laditte boutique pendant le service divin, il nous a répondu qu'il ne faisait rien que par l'ordre de Mr de Roujoux et qu'ainsy sil trouvait occasion de vendre et de débitter du tabac pendant le service divin, il l'eut fait comme dans un autre temps, nous a de plus dit que Mes Mignan et Cloarec, aussy commissaires de police faisant leur tournée lui ont egallement fait les mêmes réprimandes et qu'ils leur a donné la même rèponce qu'à nous ».

Concluons : tout porte à croire que Me Honorat-Etienne Mignan fut un honnête homme ; se comporta en toute circonstance, vécut et mourut en honnête homme. Rendons à sa mémoire l’hommage qui lui est dû.

(Abbé Antoine Favé).

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