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DEUX INCIDENTS DE PROCESSION A LANDERNEAU
en 1748 et 1760

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I.

Le 24 avril 1742, Jean Edy étant recteur d'Ergué-Gabéric, on procédait en l'église de St-Guénal au baptême de Toussainte Coatmen. C'était un baptême carillonné s'il en fut. Le parrain et la marraine ne signent ; peut-être pouvaient dire pour leur excuse qu'ils étaient venus en ce monde le jour même où mourut leur maître d'école ! En revanche, sur le registre baptismal s'étalent comme un bouquet de fleurs, les paraphes de nobles et notables témoins.

Mre François Geslin, chevalier seigneur de Pennanrun ; Guillaume Billoart, major de la Milice bourgeoise de Quimper, noble maistre Jean-Bapt. François de la Roque, sr de Kerandraon, capitaine de la lieutenance colonnelle de ladite milice, greffier du siège présidial de Quimper. Mes Simon-Corentin Horellou et Clet Férec, notaires roïaux et procureur audit siège, Me Alain-Joseph Lozenay, doyen des huissiers-audienciers audit siège, et une signature d'honnête dame de la parenté de Mre J. Edy qui signe tout bonnement « La Euzenat ».

On voit que ces personnages savaient trouver facile et aisé dans la pratique, le fatidique axiôme : Cedant arma togœ : puisqu'ils cumulaient leurs états de service et leur rang dans la hiérarchie aussi bien au temple de Thémis que dans les camps de Bellonne.

Ce même 24 avril 1742, dans l’'après dîner, on faisait une chrétienne d'Urbanne Jourdren : les assistants étaient aussi nombreux et considérables qu'au premier baptême : c'était les mêmes : Geslin, Horellou, Férec, Lozenay ; … « noble ecuïer Jean-Bapt.-Franç. de La Roque, sieur de Kerandraon, greffier civil, criminel et de police et de la Garde des sacs du présidial de Quimper, capitaine de la lieutenance colonnelle dudit lieu ». Ces titres sont inscrits par le curé Fr. Philippe sous la dictée de l'intéressé qui, pour éviter toute erreur d'énumération, fait ajouter « sans préjudice de prendre d'autres qualités : ledit sieur de La Roque de Kerendraon a déclaré ne pouvoir signer ! ».

Que lui était-il survenu depuis la cérémonie du matin ? Quelle indisposition ? Un panaris lui avait-il poussé inopinément ?... La chose n'étant pas d'un intérêt capital à éclaircir, abandonnons-la au mystère qui l'enveloppe, pour ne retenir que cette constatation : à Quimper, les gens de justice faisaient bon ménage avec la milice bourgeoise. A Landerneau il n'en était pas de même.

De longue date, semble-t-il, sénéchal, procureur fiscal et officiers de judicature ne cherchaient que les occasions d'humilier maires, échevins et communauté de ville, y compris la gloire, peut-être bruyante, de la cité : la milice bourgeoise, cette milice bourgeoise qui relevait de son prestige et de son panache, l'éclat de cérémonies si répétées, jalonnant les annales de la ville des Rohan-Chabot.

On a dit que sous l'ancien régime, la vieille gaieté française n'abdiquait pas ses droits, qu'elle recherchait jalousement toutes les circonstances à fêtes et réjouissances populaires.

L'inspection des registres des délibérations de la communauté de Landerneau autoriserait à le croire. Par exemple prenons au hasard quelques mois de l'histoire de son administration municipale.

Délibération du 21 novembre 1745 :

Te deum, feux de joie, canonades par ordre du Roi. Au sujet des « avantages remportés en Italie ».

Id. 13 mars 1746, « prise de Bruxelles ».

Le 30 avril 1746, l'évêque de Léon arrive à Ploudiry : une députation lui y est envoyée le canon doit tonner de nouveau, la milice se retrouve sous les armes ; un vin d'honneur est offert par la ville au prélat.

Délibération du 22 juin 1746 : Te Deum et réjouissances à l'occasion de la prise d'Anvers.

Id. du 27 juillet, à l'occasion de la prise de Mons.

Id. du 22 août, à l'occasion de la prise de Charleroy.

Id pour la prise de Saint-Guislain......

Nous ne mentionnons que pour mémoire les soucis du protocole à l'occasion des fêtes données pour les passages et repassages par Landerneau de S. A. S. Monseigneur le duc de Penthièvre se rendant à Brest, Morlaix, ou en revenant.

Signalons toutefois, en bonne place, la délibération du 2 mars 1747, rélative à la bénédiction du, drapeau de la milice bourgeoise à célébrer le dimanche suivant à Saint-Houardon.

L’Arrest du 24 may 1721, du Parlement de Rennes, nous donne une idée de la célébration des fêtes à cette époque :

« Le Procureur général du Roy entré à la Cour, a remontré qu'il a eu avis que dans la plûpart des villes de la Province et gros Bourgs le jour de la Fête de Dieu, la jeunesse et artisans s'assemblent en armes, ayant à leur tête les officiers de milice bourgeoise, qui les mettent en haye le long des rues ou la Procession passe, tirant des coups de fusil, même dans les portes des églises où elles entrent, et celà sous prétexte d'honorer Dieu. Ce qui cause au contraire un grand scandale et fort souvent des malheurs, la plûpart de ces sortes de gens étant épris de vin ».

A ces causes, il requérait qu'il plût à la Cour y pourvoir sur ses conclusions.....

Citons encore les fêtes traditionnelles et d'institution où le soin d'en relever l'éclat retombe sur la milice bourgeoise. Comme à la Fête-Dieu et à la procession du vœu de Louis XIII, elle a charge de faire les salves d'usage qu'elle a peine à se faire rembourser, comme on le voit par l'insistance de ses réclamations périodiques.

Si le parti-pris de Messieurs de la Justice devient plus agressif, la communauté de ville prend à cœur de se relever aux yeux du public, et pour ne pas se trouver en retard, elle n'attend pas d'être en Juin (Fête-Dieu) ou a la veille du 15 Août (Assomption) pour délibérer sur les mesures à prendre. C'est dès le 13 Janvier 1760, qu'elle déplore ce qu'elle a été et déclare ce qu'elle veut être à l'avenir.

« De la part de Monsieur Dumoulin, maire actuel, est remontré que jusqu'à présent le Corps de la Communauté n'ayant été décoré que de l'habit noir dans ses marches aux processions d'ordonnance telle que celle de l'Assomption et du Sacre, ainsi est souvent confondu avec la plupart, des autres habitants et même avec gens du Bas peuple qui s'y trouvent aussi vêtus de noir et affectent de se faufiler dans les rangs. Il conviendrait donc, pour y obvier dans la suite, et pour la décence du Corps, que chaque membre eut une marque de distinction aux dites processions, ainsi qu'aux visites de cérémonies et autres cas d'Assemblées publiques, sur quoi Messieurs les Délibérants sont priés de délibérer. Signé DUMOULIN, maire ».

Le Conseil décide que la distinction proposée se résoudra au port de « l'habit et manteau court et à un rabat court uniforme comme le sont les députés aux Etats à l'exception du Maire en exercice qui suivant l'Usage ordinaire portera l'épée » …. Ce « sous le bon plaisir du duc de Penthièvre ».

Le conflit prévu, attendit, peut-être recherché devait éclater le 5 juin 1760, à l'occasion de la procession du Saint-Sacrement : c'est le Sénéchal lui-même qui nous en fournira les détails, dans un constat au bas duquel le Bailli refusa d’apposer sa signature, étant donné que dans d'espèce, on lui avait contesté la qualité de juge de police pour informer.

« Nous, Me Jan François Maingant Sénéchal et premier Magistrat civil criminel et de police de la juridiction de la principauté de Léon à Landerneau, sçavoir faisons que le jour cinquième juin mil sept cents soixante, nous nous sommes en compaignie de Monsieur le Bailly et procureur fiscal ayant pour adjoint le soussignant greffier et précédé pour l'exécution de nos ordonnances de Mes Goueznou, Kergadavern, Stéphan, Dubame sergens, transportés de notre audittoire, à l'issue de la grande Messe [jusques] en l'Esglise de Saint-Houardon à l'Effet de suivre la procession solennelle du Saint-Sacrement, qu'à la sortye par la grande porte de ladite Esglize, le Sieur Pierre du Toya armé d'un fuzil et bayonnette se disant Capitaine de la milisse bourgeoise de ladite ville de Landerneau dont un détachement estoit sous les armes, s'est placé entre le Day et nous, ce quy nous a déterminé à représenter audit du Toya que ce n'estoit point là sa place mais bien à la tête de ses soldats, et en conséquance nous luy avons ordonné de se retirer, à quoy il nous a répondu que nous ne devions point ignorer l’uzage et qu'il n'eut pas changé de place, ce que voyant, nous nous sommes bornés, pour évitter le scandalle et le tumulte qu'auroit causé notre retraite, à luy protester que nous aurions raporté notre procès-verbal à l'issue de la procession, avec d'autant plus de raison que seuls chargés de la police et du maintien du bon ordre en cette ville, nous n'aurions point requis la milisse bourgeoise de marcher, offrant de nous faire répetter sur le présant, sy requis est.

De tout quoy nous avons fait et raporté notre présant procès-verbal en la chambre du conseil de notre dite juridiction, environ une heure et demy de rellevée de ce dit jour ; sous notre signe, celluy dudit procureur fiscal, de notre adjoint et desdits sergents, M. le Bailly n'ayant voulu être à la rédaction ny signer notre procès-verbal parce qu'a-t-il dit, nos discussions raportés au présant regardoient les juges de police et que nous luy contestons cette qualitté ». MAINGANT, Sénéchal. MIGNAN, Procureur fiscal. JACOLOT, Greffier. STÉPHAN, G. DUBAME, KERGUADAVERN, GOUEZNOU.

L'affaire se poursuivit en grande diligence et occupa les délibérations de la municipalité, qui se solidarisa avec Du Thoya, d'autant plus, comme proteste ce dernier, il n'avait agi que du consentement de la communauté de la ville, par son ordre et une entente formelle avec elle.

Délibération du 26 juin 1760 ....
« De la part du sieur C.-G. Du Thoyas, l'un desdits échevins et officiers de la milice bourgeoise de cette ville, est remontré que M. Bourven, général et d'armes, luy a signifié le 25 de ce mois, de la part de MM. Mingant, sénéchal, et Mignan, procureur fiscal de cette juridiction, une requête qu'ils ont présentée à la Cour avec l'arrêt rendu sur icelle le 20 juin 1760, directement contre le remontrant à l'occasion de la place qu'il tint à l'escorte du Saint-Sacrement, en sa qualité d'officier de milice lors de la procession de la Fête-Dieu dernière. Par cet arrêt qui n'est relaté, signé ni garanti par aucun greffier, ni par aucun autre, ni passé en droit, .... », il lui est fait « défense de récidiver et il est condamné aux frais de ladite requête.

Le remontrant a lieu de penser que l'arrêt dont il s'agit a été surpris à la religion de la Cour. En effet, MM. Le Sénéchal et procureur fiscal ont supposé contre vérité par la requête sur laquelle ledit arrêt a été obtenue, que le remontrant commandant le détachement de milice bourgeoise s'est placé par innovation entre le prêtre officiant et le corps de justice. Il est cependant certain qu'il n'a fait que suivre l'usage qui est de tout tems pratiqué à Landerneau, avec édification, en pareille occurence, deux fois par lui-même, sans aucune altercation ni hocquet de la part de MM. les Magistrats. Et est aussi de notoriété incontestée que des troupes réglées ont suivi le même usage, soit la cavalerie, soit l'infanterie, soit de terre, soit de mer. D'ailleurs la communauté sçait que c'est par son ordre qu'il s'est exposé aux coups qu'on lui a portés... S'est pourquoi il se flatte qu'elle prendra incessamment les voyes qu'il conviendra pour s'opposer à l'exécution dudit arrêt et de faire le rapporter si elle le juge à propos.

Elle y est particulièrement intéressée puisqu'on voit « clairement par la teneur de ladite requête que lesdits Srs Mingant et Mignan visent ambitieusement à se rendre maîtres de la discipline militaire, en tous cas, de la milice bourgeoise de cette ville, et à l'exclusion et au préjudice des droits de la communauté, et pour ne laisser aucun doute à et égard, le remontrant représente en l'endroit la copie qui lui a été communiquée ». Signé P. G. DU THOYA.

A la suite de la remontrance de Du Thoya, se présentait une autre : il s'agissait encore de la milice.

« En l'endroit s'est présenté le sieur Poisson, marchand magazinier de cette ville, lequel a demandé qu'il lui fut permis de remontrer qu'il a plû à Son Altesse Sérénissime Mgr le duc de Penthièvre lui accorder son brevet de sous-lieutenant de la milice bourgeoise de la ville de Saint-Paul-de-Léon où il habitait avant qu'il vint venir s'établir à Landerneau..., sollicite qu'on ne le fasse point marcher en simple soldat lorsqu'on fera prendre les armes à la milice bourgeoise ».

Il est sûr et certain des sentiments du Maire (et il y correspond par un dévouement sans réserve aux intérêts de la communauté de ville) « quoique les sergens et autres officiers subalternes », ont persité à le maintenir dans le rang. (Accordé).
Signé : GILBERT POISSON.

Après quoi la délibération reprend sur le cas de P. Du Thoya. Les délibérants reconnaissent « qu'il a marché dans la place, qu'il a tenu qualité de commandant le détachement de la milice bourgeoise, donnée à la prière du clergé de la paroisse de Saint-Houardon, pour marcher à la procession de la Fête-Dieu dernière, que par l'avis de la communauté en suivant l'usage de tous temps pratiqué en cette ville jusqu'à présent sous les yeux mêmes de MM. Mingant et Mignan et sans opposition ».

Donc, il n'y a pas eu d'innovation : c'est pourquoi qu'ils sont d'avis que ledit sieur du Toya résiste et que à lui joint la communauté former opposition et qu'à cette fois Mgr le duc de Penthièvre et Mgr l'intendant soient priés d'intervenir.

La délibération du 16 juillet 1760 intervient.

Lecture est faite de la lettre de l'intendant autorisant la ville à se joindre à M. du Toya pour poursuivre opposition et pour donner leur rapport sur l'arrêt confiant l'affaire « à Mr Leplat procureur au parlement qui agira pour les demandeurs en rapport et sera chargé de les remettre à Mr le Chapellier, ou tel autre qu'il choisira dans le nombre des avocats plaidant en la cour pour dresser la requête ou plaider la cause ».

Comment finit la querelle ? Nous ne trouvons pas de traces de sa solution, si toutefois elle en a eu une. Probablement l'administration centrale ne vit pas qu'il fut nécessaire pour maîtriser cette tempête dans un verre d'eau de recourir au redoutable quos ego... du divin Neptune. L'entremise bénévole du duc de Penthièvre, l'intervention bienveillante de l'intendant avaient suffi.

Pierre Duthoya avait défendu l'honneur de la milice, qui sait ? même au-delà, Sa famille lui avait donné déjà des chefs, comme le montrent les rôles de la compagnie. Qu'on lise l'état de la Milice bourgeoise en 1695 : « laquelle compagnie contient le nombre de 145 hommes, compris les sergents et tambours, dont la moitié sont sans armes et hors d'état de suivre par rapport à leur indigence. M. du Toya, capitaine. M. David, Lieutenant ». Rolle du 3 avril 1748. « MM. du Toya et Le Gac, lieutenants. MM. Fauvel et Launay, enseignes ........ ».

 

II.

Avant 1789, trois villes de notre Finistère se trouvaient être à la fois sous la juridiction de deux Evêchés : Morlaix appartenait au diocèse du Léon et à celui de Tréguier ; Quimperlé relevait de l'évêché de Cornouaille et de celui de Vannes ; enfin, la rivière d'Élorn départageait Landerneau entre Cornouaille et Léon. On conçoit que ce régime pouvait être une source de tiraillements et de rivalités : des conflits, à l'occasion des processions, par exemple, devaient en provenir et, en effet, c'est un de ces conflits que nous exposons plus bas, d'après un procès-verbal de police de 1748.

A cette époque, Saint-Houardon (en Léon, comme Saint-Julien, qui dépendait du prieuré de Ploudiry), avait pour recteur noble Messire de Kerguélen, sieur du Merdy, et pour curé J.-F. Cloarec ; Saint-Thomas était administré par Mre Jean Tréguer, Chanoine-prieur, ayant pour Curé Alain Le Moign.

Messire de Kerguélen dirigea la paroisse principale de Landerneau pendant quatre ans. Quelle était sa trempe d'esprit, sa tournure de caractère, ses relations avec les chefs des autres paroisses ! Nous n'en savons que ce que l'on peut entrevoir dans la dénonciation dressée le 15 août 1748, par le lieutenant civil et criminel et le procureur fiscal et que nous reproduisons ici.

« L'an mil sept cent quarante huit ce jour quinziesme du mois d'aoust après midy, nous noble Me Jan François Le Guermeur, sieur de Villeneuve, advocat en Parlement, lieutenant civil et criminel de la juridiction de la principaulté de Léon à Landerneau, ayant avec nous pour adjoint le soussignant Me Jacques Jacolot., notre greffier ordinaire, de luy le sermant pris au bas requis, après luy avoir fait lever la main à la manière accoutumée, sçavoir faisons que nous estant rendus de notre audittoire a une de nos assemblées ordinaires environ les deux heures de rellevée de compaignie avec noble Me Jan-François Le Boy, sieur du Penher, advocat à la Cour et procureur fiscal de notre dite juridiction, précédé de notre dit greffier et de Mes Joseph Goueznou et Christophle Le Duff, sergent jusques en l'esglize de Saint-Houardon, paroisse principalle de cette ville, à l'effet d'assister aux vespres, ensuitte à la cérémonie de la procession génneralle de l'Assomption, les signaux donnés a l'issue des dits vepres au son des cloches des trois parroisses, pour l'assemblée et la réunion du clergé séculier et régulier de cette ville aux fins de ladite procession généralle et solennelle, reiglée et ordonnée par Louis 13, de glorieuse mémoire dans tout le royaume, ledit clergé randu en ladite esglize de Saint-Houardon environ les trois heures aussy de relevée à l'issue des vespres desdites paroisses, les corps de Justice et celluy de la Communauté de cette ville y estant pareillement randu, et la procession ayant sorty de l'esglize dudit Saint-Houardon à la mannière accoutumée pour aller suivant l'uzage à pareil jour et feste de l'Assomption, à l'esglize trévialle de Saint-Julien de cette ville, et ladite procession rendue au haut bout des halles, les congréganistes en corps à la teste d'icelle, avoint pris la routte ordinaire à la droite pour se rendre auxdites esglizes de Saint-Thomas et de Saint-Julien, et les Pères Capucins suivant aussy la mesme routte ».

On le voit, tout s'effectua jusques-là avec la plus parfaite correction et conformément aux usages les plus anciens et les mieux constatés et vérifiés de tout le monde. Messieurs de la Justice sont, comme d'ordinaire, précédés par les sergents revêtus, sans doute, du grand manteau de cérémonie et armés de leur hallebarde ; suivant l'usage traditionnel, la croix qui ouvre le défilé de la procession est portée par un religieux capucin ............

Mais voici un coup-de-théâtre bien inattendu :

« Mestre Jan de Kerguelen, sieur du Merdy, recteur de ladite parroisse de Saint-Houardon, portant l'immage de la Sainte Vierge auroit fait avertir par son bedeau, le religieux capucin qui portoit la première croix, de tourner à gauche pour prendre routte contre l'uzage par la rue de la Fontaine Blanche conduizant aux couvans desdits Pères Capucins et des Dames Ursellines de cette ville, ce qui aurait causé une grande émeutte parmy le peuple, troublé l'ordre et la marche ordinaire de la procession, et tellement mis la discorde dans le corps du clergé, que les sieurs Recteur de Saint-Thomas et Curé de Saint-Julien auroint thémoigné hautement audit sieur Recteur de Saint-Houardon leur surprize de telle novallité, et l’auroint interpellé de suivre la route d'uzacee ordinaire, mais ledit sieur Recteur de Saint-Houardon sans defférer à leurs dites interpellations, auroit en alongeant le bras et passant l'immage de la Vierge de la main droite à la main gauche, fait signe du bras droit de prendre ladite routte de la rue de la Fontaine Blanche. Ce que voyant lesdits sieurs Recteur de Saint-Thomas et Curé de Saint-Julien, se seroint tournés vers nous et nous auroint demandé acte de ladite entreprize de novallité, et se seroint dans l'instant, tous les deux avec leur clergé, séparé de la nouvelle marche du clergé de Saint-Houardon pour suivre les Congréganistes quy avoint desjà devancé et pris la routte ordinaire de Saint-Thomas et de Saint-Julien. Et avoint esté suivy en partye du corps de ville et du peuple, à quoy ayant voulu obvier dès le commancement de l'emeutte, trouble et novallité, nous aurions à la prière des sieurs Mair et Eschevins de ladite communauté de ville, fait avertir de notre part ledit sieur Recteur de Saint-Houardon, par le ministaire de Me Goueznou, l'un de nos sergens de service dont nous estions précédés de voulloir bien suivre l'encien uzage sans novallité, allin d'evitter de plus grands troubles et scandalles. Mais ledit sieur Recteur de Saint-Houardon auroit d'esdeigné notre avertissement, et renvoyé ledit Gouezuou brusquement et avec mépris, ce qu'ayant vu et remarqué, et attendit l'emeutte populaire nous nous serions nous-même approché dudit sieur Recteur et l'aurions averty et interpellé de suivre la routte ordinaire pour se randre à la mannière accoutumée auxdites esglizes de Saint-Thomas et de Saint-Julien ».

« Mais ledit sieur Recteur au lieu de porter estat à de sy justes représentations nous auroit dit et répondu avec beaucoup d'émotion et de colère hautement et à plaine teste après avoir fait un demy tour de corps pour tourner face vers nous et passé l'immage de la Vierge, de la main droite à la gauche, d'un air et d'un ton d'arrogance ces paroles méprizantes : C'est à vous à vous taire. Je suis maître sur mon térain. Et se seroit ensuitte retourné pour continuer et parachever sa nouvelle routte par ladite rue de la Fontaine Blanche ; et se seroit randu avec le seul clergé de sa paroisse (que nous aurions suivy avec la majeure partye dudit corps et communauté de cette ville pour evitter plus grand scandalle, sous nos réservations et protestations de raporter notre procès-verbal desdites novallités, troubles et insultes à nous fait en public et au mépris formel de la Justice), auxdites esglizes des Pères Capucins et Dames Ursellines et de là à ladite esglize de Saint-Houardon où s'est terminé le restant de la procession ...... ».

Rien dans ce récit ne donne à deviner ou à supposer quelle fut l'intention de Messire de Kerguélen en se livrant cette manifestation. Il revendiquait le droit d'êre maître sur son terrain : un incident antérieur, un conflit précédent expliquerait seul ce procédé, dont il eut à rendre compte au Parlement de Rennes. En effet, le procès-verbal nous donne à savoir que, dès le lendemain, 16 août, une copie de la poursuite fut expédiée au Procureur général :

« ....... Après tout quoy en conséquence de nos réservations et protestations cydessus, nous nous serions retirés en l’audittoire, lieu ordinaire de nos assemblées, pour dresser notre procès-verbal de tout ce que devant en présance dudit sieur Procureur fiscal (attandu l'absance et maladie du sieur Sénéchal) lors de la rédaction duquel procès-verbal se seroient présentés en notre dit audittoire lesdits sieurs Recteur de Saint-Thomas et Curé de Saint-Julien pour requérir dabondant acte de leurs interpellations susdites fait audit sieur Recteur de Saini-Houardon et leurs protestations contre lentreprize de novallité, trouble et scandalle publicq. Et aurions en l'état fait et conclud notre présant procès-verbal environ les six heures de rellevée en l’audittoire susdit en présence dudit sieur Procureur fiscal, sauf aux dits sieurs Recteur de Saint-Thomas et Curé de Saint-Julien, à se pourvoir par les voyes du droit aiusy qu’ils voiront, sous notre réservation expresse d'envoyer incessamment et de jour à autre à Monsieur le Procureur général un autant du présant pour requérir ce qu'il avisera bon estre pour le maintien de ladite procession et marche aux endroits accoutumés suivant l'encien uzage, pour celluy du bon ordre et du respect dû à la Justice, et pour la réparation de l'insulte à nous faite, et du scandalle causé par ledit Recteur de Saint-Houardon. Sous notre seign, celluy dudit sieur Penher Le Roy et de notre greffier, lesdits jour et an que devant ». DU PENHER LE ROY, Procureur fiscal. LE GUERMEUR, Lieutenant. JACOLOT, Greffier.

(Le 16 aoust dellivré à M. le Lieutenant une copie envoyée à M. le Procureur gennéral).

Qu'advint-il définitivement de la cause ? Nous pouvons seulement constater qu'en 1750, le sieur abbé du Merdy avait quitté Saint-Houardon, et qu'il fut remplacé par le Recteur de Beuzit, Fyot de La Briantay. Ce dernier nous fournit la date exacte dans une inscription en marge du Cahier des Inhumations « Le dimanche cinquiesme juillet mil sept cent cinquante, j'ai pris possession de cette paroisse de Saint-Hoüardon de Landerneau ».

Sur la garde du Registre des Baptêmes, il a eu, de plus, l'heureuse idée de nous conserver l'état de son personnel, dans une liste très complète, liste des anciens collaborateurs aussi, de Messire de Kerguélen.

« Clergé de Saint-Houardon eu 1750 : Noble Messire Jean-François Fuyot de La Briantay, Recteur. Messire Hervé Cessou, prêtre, docteur en Sorbonne, confesseur. Mre Jean-François Cloarec, curé. Mre 0llivier Cloarec, prêtre, confesseur. Mre Jean Laurens, prêtre. Mre Grégoire-Marie Poillier Valletière, prêtre. Mre Sébastien Mazéas, prêtre. Mre Joseph-Michel Gourvezan, prêtre, confesseur. Mre Yves Le Bourg. prêtre. Mre Jean Bernicot, prêtre. Mtre Jean Le Gall, diacre. Mtre François-Pierre Fuyot, sous-diacre. Mtre Nicolas Cabon de Keralias, accolythe. Mtre Yves Prigent, accolythe ».

Note : J.-M. de Kerguélen du Merdy remplaça, le 7 mars 1746, Nicolas-Mathieu Bleinhant de Kervéoc : il mourut en juin 1750. Il ne devait pas être de la famille des Kerguélen Cornouaillais, mais paraît être de Plouescat, où nous trouvons, en 1752, la naissance d'un Julien-François de Kerguélen dont le père était notaire de la juridiction de Kérouzéré : il était vicaire de Plouescat en 1790 et émigra en Angleterre en 1792.

(Abbé Antoine Favé).

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