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MORT GLORIEUSE DE RAGUENES, RECTEUR DE LANDUDEC DURANT LA REVOLUTION

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M. Raguenès, vicaire à Landudec, originaire de Crozon, fut arrêté sur cette dernière paroisse où il s'était réfugié. Il fut trahi, dit-on, par la femme du ci-devant entreposeur de Crozon ou par l'entreposeur lui-même [Note : Notes de M. Boissière] : voici dans quelles circonstances. Il pouvait avoir alors trente et quelques années. Caché au village de Gouandour, à 2 kilomètres du bourg, chez un fermier nommé Kerinec, très-dévoué au clergé catholique, M. Raguenès s'y tenait tranquille, sous l'habit de paysan qu'il avait dû prendre pour tromper ses persécuteurs, lorsqu'un jour le village fut visité par un piquet de soldats. Le prêtre n'avait eu que le temps de sortir, quand ceux-ci entrèrent dans la maison, lieu de son refuge. N'ayant pas trouvé leur proie, ils s'en retournaient. Sur leur passage, ils rencontrent, portant une bêche sur l'épaule, un jeune villageois qu'on leur désigne comme étant M. Raguenès. Ne voulant pas croire qu'on leur disait vrai, les soldats allaient continuer leur chemin, lorsqu'on insista en leur disant : « Regardez donc ses mains ; elles sont trop blanches pour être celles d'un cultivateur ». Ils s'emparent alors de la personne du prêtre qu'ils conduisent au bourg où ordre est donné de le mener à Châteaulin. C'est en vain, qu'avant de partir, le prisonnier demande à entrer chez sa mère pour lui dire adieu : on lui refuse cruellement cette consolation...

M. Raguenès est conduit, les mains liées, entre deux gendarmes, d'abord à Châteaulin, puis à Quimper où il est mis en prison, en attendant son jugement.

Dans le trajet de la prison à l'hôpital Sainte-Catherine où se tenaient les séances du tribunal, il marcha d'un pas ferme ; il était escorté par la force armée ; il avait un air modeste et content. Un peuple immense était répandu sur son passage : c'était le samedi des Rameaux, 12 Avril 1794. Tant en allant au tribunal qu'en retournant en prison, il avait toujours la vue baissée. Au tribunal, son juge, des enfants duquel il avait été le précepteur, voulant le sauver, l'engagea à déclarer qu'il n'avait pas été fonctionnaire public, parce qu'il n'y avait de peine de mort que contre les fonctionnaires publics, mais ce fut inutilement ; il répondit qu'il l'avait été.

Après qu'on eût entendu le témoignage de deux citoyens qui déclaraient reconnaître le prévenu pour être M. Raguenès, prêtre, il fut condamné à être guillotiné dans les 24 heures.

Le lendemain matin, le juge criminel, M. Kerincuff, vint le voir en prison, causa quelque temps avec lui et le pria de lui pardonner sa mort. M. Raguenès lui saute au cou, l'embrasse et lui dit : « Oui, Monsieur, je vous pardonne ma mort, et je souhaite que Dieu vous la pardonne aussi ».

Il déjeuna bien tranquillement avec sa mère, qui l’avait suivi à Quimper. Celle-ci voulait que son fils lui permit d'être présente à sa mort. M. Raguenès s'y refuse. Elle insiste en disant que la Sainte Vierge avait bien été présente au trépas de son fils. M. Raguenès répond avec un ton respectueux : « Ma mère, que dites-vous là ? il n'y a nulle comparaison à faire entre le fils de la Sainte Vierge et de misérables pécheurs comme nous. En grâce, retirez-vous et donnez-moi le temps de me préparer à mourir ». Sa mère prend congé de lui et sort aussitôt de la ville, bien contente, disait-elle, d'avoir un fils martyr.

Les gens du pays disent que M. Raguenès aurait ajouté, en l'embrassant pour la dernière fois : — « Allez, ma mère, quand vous arriverez au bourg de Crozon, les cloches sonneront l'angelus du soir. Elles vous annonceront la mort de votre fils, mais ne la pleurez pas ; chantez un Te Deum d'actions de grâces, car j'espère être alors au ciel ».

A neuf heures (il fut exécuté plutôt qu'on ne l'avait décidé), la force armée arrive à la prison pour le conduire à l'échafaud. Il marcha d'un pas si ferme et si fort qu'il étonna tous les spectateurs, même les patriotes les plus barbares.

Arrivé sur l'échafaud, il se met à genoux, fait une courte prière, se lève avec courage, se dépouille lui-même de sa veste et se place sous la guillotine. Le couteau tombe et lui coupe à peu près la moitié du cou. M. Raguenès parle encore. Le bourreau relève le couteau et le laisse tomber une deuxième fois. La tête n'était pas tout-à-fait détachée. Un général républicain, le plus grand scélérat peut-être qui ait paru dans le Finistère, était présent avec sa troupe. Il tranche complètement la tête d'un coup de sabre et dit : « C'est dommage que ce soit là un fanatique : il n'y a pas de républicain qui meurt avec autant de courage ».

Le corps de M. Raguenès fut enterré daus le cimetière de Loc-Maria, à Quimper.

Le peuple qui connaissait et estimait ce saint prêtre, avant de le vénérer comme martyr, a gardé de lui le plus pieux souvenir, si bien que les vieillards de Quimper parlent encore à leurs enfants de sa mort précieuse devant Dieu et devant les hommes.

Doué d'un caractère très-énergique ; pénétré d'une profonde horreur pour le schisme et ses fauteurs, M. Raguenès contribua par sa ferme attitude à maintenir les habitants de Crozon dans la ligne du devoir. C'est ainsi qu'il y paralysa, le plus qu'il put, la funeste influence de l'intrus Savina, un des prêtres qui se signala le plus par son patriotisme révolutionnaire et son ardeur à poursuivre ses confrères non assermentés. Dans une lettre écrite d'Espagne par un de nos prêtres émigrés, il est désigné, avec Guino, Saouzanet et quelques autres « comme un des plus enragés et des plus persécuteurs ». Il avait remis ses lettres de prêtrise au chef du District de Châteaulin, déclarant par là renoncer à ses fonctions ecclésiastiques. Cette déclaration se faisait sur les registres de la municipalité, et l'apostat y apposait sa signature.

Voilà l'homme contre l'influence duquel lutta, pendant près de trois ans, le jeune vicaire de Landudec, avec une persévérance et un courage que rien ne pouvait arrêter. Un jour que Savina présidait une procession dans le bourg, il ne craignit pas, avec un autre prêtre, nommé M. Sizun, de braver l'intrus et d'exhorter, en sa présence les paroissiens à ne pas le suivre. « Il ne vous est pas permis, leur disait-il, de suivre cet homme ; il n'est pas votre pasteur ; il n'est pas en communion avec l'Église ; fuyez-le : c'est un mercenaire ; c'est un loup... ».

On se demande sans doute comment M. Raguenès osait ainsi s'exposer au danger. Il savait, et ses ennemis le comprenaient, qu'il était à l'abri derrière ses dévoués compatriotes qui, réunis en masse, n'auraient jamais permis qu'on touchât à un des cheveux de sa tête... Ils eussent, pour le sauver, entamé une lutte dans laquelle les agents de l'intrus se fussent bien gardés de s'engager.

Au reste, les paroissiens de Crozon montrèrent, pendant les mauvais jours de la Révolution, qu'ils ne ressemblaient pas aux timides agneaux qui broutent le serpolet de leurs falaises et se laissent tondre par la main du premier venu. Attaché à sa foi traditionnelle et à ses prêtres, cultivateur et marin, l'habitant de cette presqu'île est naturellement doux et tranquille, mais il est ferme et plein d'énergie, le jour où l'on attaque violemment ses croyances, ses habitudes religieuses et les ministres de la religion qu'il vénère...

C'est ce qui explique pourquoi M. Raguenès et ses confrères purent rester pendant si longtemps cachés dans ce pays.

(abbé Joseph-Marie Téphany).

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