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LANLOUP SOUS LA REVOLUTION

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A défaut des comptes des receveurs et des registres des délibérations du général, la curieuse statistique de l'abbé de Kermen, publiée par M. Ropartz, donne d'intéressants renseignements sur la paroisse et montre, en particulier, qu'exception faite de quelques différends entre les recteurs et seigneurs du lieu, la bonne entente régnait à Lanloup avant 1788.

En cette dernière année, dans toute la Bretagne, la protestation du tiers contre son mode de représentation aux Etas généraux fut, comme l'on sait, le signal de la lutte entre différents ordres.

Le Roi ayant., par arrêté du 16 mars 1789, réglé l'élection des députés, les diverses paroisses rédigèrent à cette occasion leurs cahiers de doléances à présenter par leurs délégués à l’assemblée générale de la sénéchaussée dont elles dependaient. Celui de Lanloup ne nous est pas parvenu ; mais, d'après les actes qui suivirent, il est facile d’imaginer ce qu’il devait être.

Dans toutes les paroisse rurales, en effet, ces doléances étaient uniquement dirigées contre la noblesse et le fisc.

Contre la noblesse, les habitants demandaient la suppression de la dîme, puisque, disaient-ils, les nobles ne leur rendaient plus en échange aucun service ; la suppression des colombiers et garennes dont les hôtes dévastaient leurs récoltes ; enfin celle du monopole des moulins dont les meuniers avaient, comme nous l'avons dit, fâcheuse presse.

Contre le fisc, les habitants trouvaient que la ferme des devoirs avait trop d'employés inutiles et coûteux ; que les fouages étaient mal répartis, et que le droit sur les eaux-de-vie en particulier était inique, puisque ne s'appliquant qu'au détail, il frappait seulement les pauvres.

En un mot les habitants demandaient la suppression des privilèges féodaux et la répartition de l'impôt proportionnellement aux ressources de chacun.

Quant à la royauté, elle était hors de cause et il est probable que Lanloup, comme sa voisine Yvias, exprimait dans son cahier son attachement pour le plus chéri des rois et son éloignement pour le régime républicain qui « au lieu d'un maître légitime, donne cent tyrans insatiables » (Hervé POMMERET : L'esprit public dans le département des Côtes-du-Nord).

La plupart de ces revendications furent rapidement satisfaites, la noblesse et le clergé ayant solennellement renoncé à leurs privilèges dans la nuit du 4 août ; aussi les réunions du corps politique de la paroisse composé des notables sont bien calmes et se bornent à la lecture des procès-verbaux de l'Assemblée Nationale et des lettres patentes du roi, ainsi qu'à l'administration, des biens de la fabrique.

La constitution des municipalités ayant été décidée entre les deux fédérations de Pontivy, le corps politique de Lanloup se réunit à cet effet le 5 février et élut le premier maire, Claude le Cornec, et deux officiers municipaux seulement, Pierre Geffroy et François le Bitter, la commune ayant moins de 500 âmes. Il fut procédé le même jour à l'élection, comme procureur, de noble maître Alain Dieupart de Fermelonde, puis à la désignation de six notables et de quatre supplémentaires pour l’instruction du criminel.

Les fréquentes réunions qui suivirent ces élection ne furent guère différentes de celles de l'ancien corps politique et eurent surtout pour objet la gestion des biens de la fabrique, d'autant que des voleurs s'étaient introduits dans l'église et dans la chapelle Sainte-Colombe et avaient fait main basse sur la dernière cueillette.

La recherche d'un sacriste ou bâtonnier fut également laborieuse ; car, outre les fonctions multiples qu'il avait à remplir et qui sont énumérées soigneusement dans les registres, il devait, avant tout, s'entendre avec l'irascible recteur Guillaume Sallou, ce qui ne devait pas être très facile si l'on en juge par un procès-verbal du 28 février. Ce jour, en effet, le recteur vint déposer sur le bureau de la municipalité un pochon de soie fermé d'un ruban dans lequel se trouvaient les saintes huiles et la clef du tabernacle et refusa de les reprendre malgré les prières des officiers municipaux. Ceux-ci durent, pour que les offices fussent célébrés, en rendre compte au grand vicaire de Dol.

Certaines réparations étant également à faire dans l'église, la municipalité s'abouche, le 8 mars, avec Blévin, peintre de Saint-Quay, jouissant d'une certaine renommée locale, pour faire ces travaux. Celui-ci accepte mais à condition d'être payé en écus de six livres en, argent ; car, dit-il, s'il est payé en papier ou assignats, il ne peut faire le travail, son bénéfice étant si petit en argent qu'il ne peut en perdre la moitié du fait de la dépréciation des assignats.

La municipalité est d'ailleurs si contente du travail de Jean Blévin qu'elle profite de sa présence pour lui commander d'autres travaux, ayant d'autre part pas mal d'argent rentré un caisse qui semble parfois l'embarrasser. Alain Dieupart ayant remontré que pour la décence de l'église il faudrait bien dorer le fond blanc du maître-autel et repeindre les statues de saint Gilles et saint Loup, on décide d'étoffer le premier en noir avec un filet d'or sur son camail, de dorer sa crosse, sa petite croix et le globe qu'il tient, et de laisser la biche en couleur naturelle. Pour saint Loup, il fut convenu de dorer la mître, la crosse, les étoles ainsi que les filets de la chape, et de peindre celle-ci en rouge avec revers en vert, le rochet en blanc et la soutane en violet. Le sieur Blévin s'engagea en outre à peindre les lambris, décrasser et remettre à neuf le maître-autel, peindre la vierge du portail moyennant 4.000 livres, à condition toutefois que le bois et les chevilles nécessaires à la confection des échafaudages lui soient fournis. Il est bon d'ajouter que le salaire de la journée de travail venait d'être fixé à cette époque à 10 sols par la municipalité.

Peu après Alain Dieupart, nommé à la direction du district à Pontrieux, est remplacé par François le Bizler.

L'année 1790 s'achève à Lanloup dans le plus grand calme et le décret du 27 novembre de l'Assemblée Nationale sanctionné par le roi le 26 décembre, enjoignant à tous les ecclésiastiques et fonctionnaires publics de prêter serment, ne dut y être connu qu'assez tard. C'est en effet seulement le 6 février 1791 que le curé et son vicaire prêtent, devant la municipalité assemblée, le serment de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui leur est confiée, d'être fidèles à la nation, à la loi et au Roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le Roi pourvu qu'elle ne touche pas la religion catholique, apostolique et romaine.

Cette nouvelle constitution ne semble pas, comme ailleurs, préoccuper beaucoup la municipalité qui continue à gérer les affaires de la commune avec sérénité et passe, entre autres, marché avec Pierre Geffroy pour réparer la grosse cloche de l'église moyennant 50 livres en argent, puis la petite dont le battant menace de se décrocher.

Il est vrai que la veille, 5 février, cette municipalité si soucieuse de la beauté de son église venait d'y faire procéder aux plus regrettables mutilations en supprimant toutes les armoiries qui s'y trouvaient tant en bosse que dans les vitres. Le procès-verbal de cette destruction que la municipalité considerait comme un devoir et qui montre bien que seule l’abolition des privilèges seigneuriaux était visée, mérite d’être cité en son entier.

« Ce 5 février 1791, Nous, Claude le Cornec, maire de la paroisse de Lanloup, François le Bitter et Jacques le Bittoré, officiers municipaux, François le Bizler, officier de la commune, Pierre Ferlicot, Pierre Guézou, Vincent Rivoallan, Joseph le Mesle, Jacques Geffroy, Jacques Jégou, notables, rapportons qu'en vertu du décret du 16 juin 1790 qui supprime la noblesse héréditaire, les armes et armoiries, nous nous sommes rendus au bourg, paroisse de Saint-Loup, où le procureur de la commune a remontré que pour se conformer au susdit décret, les armes et armoiries qui existent tant en dedans qu'au dehors de l'église et plusieurs autres lieux dans l’étendue de notre municipalité devaient être supprimées et qu'il y avait lieu de vider l'église des bancs et accoudoirs qui peuvent y être et ne payent aucune redevance à la fabrique.

Faisant droit sur ce réquisitoire et après avoir fait demander aux propriétaires des différents bancs s'ils voulaient conserver leurs bancs en payant 5 sols par pied à la fabrique, Claude le Cornec, maire, nous a observé que relativement à son banc, il voulait bien, sous le le bon plaisir de la municipalité, payer à la fabrique la dite somme de 5 sols par pied, mais, pour nous mettre à l'abri de tout reproche, nous avons cru que nous devions commencer l'opération par le banc du dit le Cornec, maire, lui permettant néanmoins de le placer dans la suite à charge de payer par an la susdite somme de 5 sols par pied. Sur ce qu'aucun propriétaire ne s'est présenté, on a fait démonter les bancs par Joseph Rivoallan et Yves Richard :
1° celui, de Claude le Cornec (banc du. Boursech) ;
2° celui de Kerverret ;
3° celui de la Noë verte ;
4° celui de Kervégan ;
5° celui de Kerguistin ;
6° un a M. de Lanloup. Au-dessus d’icelui, étaient des armes en bois qui sont pareillement mis dehors.

Après quoi avons commencé par le nommé Guillaume Le Blanc, vitrier de Paimpol, à casser à coups de marteau les vitres armoriées qui se trouvent dans les fenêtres :

1° Dans deux carreaux de vitre aux fenêtres du midi et du nord du grand autel ;
2° Aux fenêtres du pignon du midi de l'église ;
3° En la longère à l'aile du midi de l'église, dans deux fenêtres y étant ;
4° Dans le vitrage de la fenêtre de Kerverret ;
5° En la longère du midi de l'église, entre la précédente chapelle et le portail est une fenêtre à laquelle il existe des armoiries qui sont cassées et brisées ;
6° Entre le clocher et le portail, une fenêtre à laquelle il existe des armoiries qui sont cassées et brisées ;
7° En l'aile du nord de l'église — longère du levant nord, deux fenêtres auquelles il y avait des armoiries qui sont cassées et brisées ;
8° Au pignon nord dudit aile est une fenêtre en laquelle il y a des armoiries qui sont cassées et brisées ;
9° Avons, par Joseph Rivoallan, menuisier, et le dit Guillaume Le Blanc, rasé des armes qui se trouvaient en l'autel et retable de la chapelle du rosaire ;
10° Avons commencé par les nommés Jean Corbin, Guillaume Coz et par deux autres nommés Le Courtois, piqueurs de pierres, raser les armes qui se trouvaient dans notre église tant en dedans qu'au dehors, savoir sur 2 pierres dans le portail et sur 3 pierres pavant l'église, en dehors en la longère du midi de la sacristie, au pignon du portail, et contre la longère du couchant de l'aile du nord.

De là nous sommes transportés jusques au pignon de Saint-Roch, ensuite au pignon levant du presbytère et au-dessus de la petite porte du presbytère. De là nous sommes transportés jusqu'à la porte cochère de M. de Lanloup au-dessus de laquelle il existait des armes qui sont cassées et brisées.

De là nous sommes transportés jusqu'à la chapelle Sainte-Colombe, aux deux pignons de laquelle il existe, tant au vitrage qu’au pignon du clocher, des armes qui sont brisés et cassés.

De là sommes transportés jusques à la cour de Kerverret ; y étant rendu, y avons vu qu'il existait des armes au dessus les portes qui sont brisées et cassées.

Et le tard venu nous avons renvoyé à un autre jour.

Advenu ce jour 17 mars dit an, sommes derechef transportés jusques à la maison de la Noë verte ; étant rendus, avons vu qu'il existait des armes et armoiries sur la grande tourelle côté du midi, qui sont brisées et cassées par les nommés Yves Mallargé et Jean Mainguy, ouvriers d'ardoises de Paimpol, ainsi que sur la porte cochère de la dite Noë verte, qui ont été brisées et cassées par les dits Mallargé et Mainguy et pour les quelles mains-d'oeuvre, sans comprendre le vitrier, il a coûté à la municipalité la somme de 27 livres 9 sols qui ont été payées par Jacques le Bitter, trésorier de l'église paroissiale de Lanloup.

Fait et arrêté le 27 mars 1791 sous les seings de ceux qui le savent et pour ceux qui ne le savent, les cy après ainsi que sera marqué en bas de chaque signature et le nôtre susdit secretaire de la municipalité.

Signé : Claude le Cornec, maire ; François le Bizler, procureur de la commune.
François le Bitter, officier municipal ; Pierre Ferlicot ; Rivoallan ; Jobic nul ; Jacques Jégou ; Loizel pour Jacques Geffroy.
G. LE TROQUER, secrétaire »
.

Le serment, prêté le 6 février, n’était, paraît-il, pas conforme à l'article III de l'Assemblée Nationale, aussi le curé prête-t-il, huit jours plus tard, serment en ces termes : « Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui m’est confié, d’être fidèle à la nation, à la loi et au Roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la contitution décrétée par l’Assemblée Nationale et acceptée par le Roi ».

Le vicaire, J.-M. Le Roux, prête serment dans les termes suivants : « Je jure de remplir ma fonction avec exactitude, d'être fidèle à la nation, etc... ».

Une copie de ces serments fut adressée au district, à Pontrieux.

Après la fuite et l'arrestation du Roi, à la fin de juin, des commissaires se rendent de Paimpol à Lanloup pour défendre aux nobles d'émigrer, d'entretenir des relations avec les émigrés et de s'emparer des armes défensives et offensives. Il s'ensuivit une petite manifestation au manoir de Lanloup dont l'écusson de la chapelle domestique fut brisé ; mais les registres ne mentionnent aucune adresse des patriotes à l'Assemblée, comme le firent beaucoup de communes, pour célébrer l'énergie avec laquelle s'était déployé « l'amour de la patrie, dégagé de cette aveugle vertu qu'on nommait l'amour de la patrie pour le roi ».

L'année 1791 se termine, comme la précédente, dans le plus grand calme après que la municipalité eut reçu à l'issue de la grand'messe le serment civique de Toussaint-Michel Loysel, ex-carme, natif de Saint-Brieuc, qui fat accepté comme prêtre et enfant de la paroisse.

En l'année 1792, la grande préoccupation de la municipalité est encore d'embellir et de réparer l'église. Ces travaux, n'intéressant pas Blévin, furent adjugés au sieur Castelly, de Tréméven, descendant d'une famille de peinturiers de Milan qui s'était établie à la lande Saint-Jacques, sans doute à l'époque de la Renaissance (Note de M. l'abbé Helliet).

La déposition du roi le 10 août, l'abolition du domaine congéable le 27, la proclamation de la République le 21 septembre et la substitution de la première année de l'égalité à l'an IV de la liberté paraissent avoir laissé parfaitement indifférents les habitants que leur église seule décidément intéresse et qui passent, le 7 octobre, un nouveau marché pour en faire gratter l'extérieur et blanchir l’intérieur, étant entendu qu’il sera fait un enduit grisé en carreaux ou faux taillé à la hauteur de trois pieds et demi.

Le même jour, la municipalité s'assemble pour prêter le nouveau serment exigé des fonctionnaires publics d'être fidèles à la nation, de maintenir la liberté et l'égalité ou de mourir en les défendant.

Le curé et électeur Guillaume Sallou prête, entre autres, le serment. Peu après, au renouvellement de la municipalité, il est élu maire ; Jacques Jégou et Jacques le Meur, officiers municipaux ; et Pierre Ferlicot, procureur.

Le nouvel élu qui sur plusieurs actes signe fâcheusement curé-mère (sic), inaugure ses fonctions en organisant, peu après l'exécution du roi, la Garde nationale, qui comprend 50 hommes.

Puis il fait envoyer à Pontrieux, à la fin de février, comme dons patriotiques pour les bataillons volontaires des Côtes-du-Nord, 2 paires de souliers, 2 chemises neuves, 3 clochettes rompues et un vieux chandelier en cuivre qui ne sont pas d'absolue nécessité, le tout pesant 40 livres.

Le 24 mars 1793, il ne s'agit plus de dons bénévoles, il faut fournir deux volontaires et l'enthousiasme n'est pas débordant parmi les jeunes gens pour aller à la frontière, pas plus d'ailleurs que du côté des parents et le jour du tirage au sort eut lieu, pendant deux heures, une séance d'invectives et de pugilat. Marguerite le Du, entre autres, épouse de Claude le Cornec, se jette sur le curé-maire et l'oblige à fuir dans la sacristie.

Je ne crois pas que les deux volontaires désignés par le sort, Yves Ollivier et Claude Ferlicot, allèrent jusqu'à Plouézec et il est fort probable que partis par la grand'route, ils rentrèrent, chez eux par les chemins creux, car nous en trouvons mention quelques jours plus tard.

Le 29 juin, il faut, un nouveau volontaire. L’enthousiasme n'est pas plus grand, aussi le conseil général des habitants et les célibataires désignent comme volontaire, sans d'ailleurs qu'il soit présent, Jean Guyomard, domestique d'Anne-Joseph de Lanloup, qui est sur-le-champ averti de se rendre à Pontrieux et qui naturellement n'eut garde d'en prendre le chemin.

Le 26 octobre, le district réclame cinq nouveaux volontaires qui sont tirés au sort et, le 3 novembre, on forme le comité de salut public.

Jusqu'ici les combats des frontières n'intéressent pas le moins du monde les habitants qui se moquent d'ailleurs totalement de la forme du régime et crient avec la même ardeur « vive la République » qu'autrefois « vive le Roi ». Deux seules choses les intéressent en effet : leurs terres et leur église.

Mais, le 12 novembre, ils sont tirés de leur quiétude par son de cloches et battement de tambour : Les administrateurs du district de Pontrieux exigent la levée en masse des citoyens pour aller combattre les brigands et les émigrés ennemis de la République qui sont sur le territoire de Dol et menacent Dinan. Voilà, certes, qui est plus proche ; mais d'un autre côté, quitter ses champs est bien dur ; aussi l'appel du district qui fut tant entendu dans le voisinage, ne semble guère avoir exalté les sentiments belliqueux des paisibles habitants de Lanloup. Le premier jour personne ne se présente, le second et le troisième il en est de même. On décide alors que trois volontaires suffiront car il ne faut pas dégarnir la côte, et d'ailleurs Plouha n'en fournit que cinq, mais on ne trouve encore personne. On tire alors au sort et, comme par hasard, le premier désigné est Jean Guyomard, ex-domestique du sr. de Lanloup, puis François Rouxel et Jean le Cornec. On cherche Jean Guyomard absent ; il finit par arriver et signe la délibération en ajoutant à son nom : bon citoyen, prêt de jurer la défense de la patrie ; mais au moment de partir, éclipse, et l'on doit envoyer son signalement détaillé dans toutes les directions : Agé d'environ 32 ans, taille 4 pieds 10 police, cheveux longs châtaignes presque noirs, barbe id. avec quelqu'une rouge, les yeux tendres et le dedans souvent rouge, front large, nez petit et aquilin, bien fait de corps et de jambes, assez léger de corps, sachant le français et écrire, sachant bien manier l’arme.

Le district ne fut que médiocrement satisfait et exigea, le 24 décembre, un nouveau volontaire que l'on dut également tirer au sort.

Le 18 janvier 1794, Pontrieux ayant ordonné le changement des noms des villages et villes dont les noms rappellent « le règne odieux de la féodalié et de la superstition », Lanloup ou Saint-Loup comme l'on disait indifféremment, voit son nom changé, officiellement du moins, en celui de Lanmor. Il n'y eut aucune protestation contre ce changement ; mais, par contre, opposition complète lorsque fut décidée, le 24 février, la destruction des croix, calvaires et images pieuses qui ornaient les fontaines et les façades des maisons.

Sur ces entrefaites, Toussaint-Michel Loysel, ex-prêtre, « marchant dans les sentiers de la philosophie », épouse, le 28 floréal an II, Gabrielle Corbin. Il ne tarda pas à être imité par l'ex-curé-maire qui, peu après avoir réitéré son serment avec la municipalité le 27 janvier, s'était retiré à Lanvollon.

A la fin de mars, les commissaires nommés par le Directoire parcourent le district, font fermer les chapelles et décident de « les purger de tous les signes ou tableaux dont la conservation laisserait quelqu'espoir aux fanatiques ».

On peut juger de l'effet produit par une telle mesure dans le pays, aussi vit-on chaque nuit à Lanloup, à partir de cette époque, des paysans en bande, tête nue, disant leurs chapelets et visitant les chapelles.

Les esprits étaient très montés et, entre autres, Marguerite le Du, déjà nommée, est partisante de la manière forte contre une municipalité trop docile au district. Elle refuse la clef des archives, prétendant que son mari n'a pas reçu ses appointements et insulte les municipaux. Elle va même, dit le procès-verbal jusqu'à châtier trois fois les citoyens présents à la délibération, insulte le maire et force tout le monde à aller boire, ce qui, sans doute, nécessita moins d'énergie.

Marguerite, conserva d'ailleurs toute sa vit celle habitude d'interpeller tout le monde, même à l'église. On rapporte qu'un jour, entre autres, après le retour d'exil du recteur, M. Guilcher, devenu vieux et lent à s'habiller, elle dit très haut dans l'église : « Ou il y aura messe, ou il y aura pas ». Le recteur sortit de la sacristie et lui répondit : « Il y en aura, Marguerite, je suis rendu » (Note de M. l'abbé Le Gall).

Mais peu à peu, grâce aux ordres de Hoche, il y eut détente et les habitants paraissent alors principalement occupés de l'achat des biens nationaux. Guillaume le Corner, en particulier, achète, le 26 brumaire an IV, le petit Saint-Georges et, le 30 messidor, Kertanguy, biens provenant des Harscouet.

La crise de la monnaie complique d'ailleurs les autres transactions et Lanloup, pendant ces années III et IV, cherche, semble-t-il, à se faire oublier.

Mais en l'an V une figure nouvelle apparaît, celle de J.-M. Maros qui d'abord est accepté comme notaire et prête, le 20 prairial, le serment suivant : « Je déclare jurer haine à la royauté et à l'anarchie, attachement et fidélité à la République et à la Constitution de l'an III et me comporter avec fidélité et avec zèle dans les fonctions qui me seront confiées ».

Peu après, Lanmor devenait chef-lieu de canton et Maros président de l'Administration, ce qui était loin d'être une sinécure.

Outre la correspondance volumineuse avec le district, il faut, en effet, s'occuper des fêtes pour essayer de ranimer les sentiments républicains des paysans indignés par les luttes religieuses qui sévissent dans la province et travaillés habilement par les émissaires chouans. Comme l'on redoute un débarquement d'émigrés ou d'Anglais dans la baie de Plouha ou dans celle de Bréhec, des troupes républicaines cantonnent à Lanloup et y donnent un peu d'animation.

La dépréciation de la monnaie s'accuse de plus en plus, l'on ne construit plus et, comme de nos jours, la crise du logement est aiguë. Jacques Guézennec prévient l'Administration, le 20 prairial an V, qu'il jouit à Bréhec d'une maison appartenant à Francoises Morice, que celle-ci lui a donné congé pour la Saint Michel, et demande un autre logis. L'Administration déclare que si Françoise Morice ne veut pas jouir par elle-même, il sera loisible à Guézennec d'en continuer la jouissance.

L'an VI n'est marqué par d'autre événement que la mort de Hoche. A cette nouvelle, parvenue trop tard, l'Administration est convoquée le 5 brumaire à Lanloup pour une grande cérémonie dont la pompe sera rehaussée, dit l'invitation, par la Garde nationale, la troupe de ligne, les ministres des cultes et le peuple, car l'Administration veut donner un tribut authentique de ses regrets.

Ce que pouvait être une telle fête républicaine à Lanloup, un procè-verbal du 2 pluviôse an VII vient nous l'apprendre et nous n'hésitons pas à le transcrire en son entier :

« L'an VII de la République française, ce jour, 2 pluviôse, nous, Mathieu Corbin, Guillaume Le Meur, Joseph le Mesle, F. Lesné, Joseph Le Cam, Le Cavorzin, Morand commissaire, rapportons qu'en exécution du Directoire exécutif du 3 frimaire dernier, nous nous sommes réunis au lieu ordinaire des séances de l'Administration où se sont joints à nous les douaniers, que décorés de nos costumes, escortés de la Garde nationale, d'un détachement de la 5ème Compagnie du 2ème bataillon de la 13 1/2 brigade d'infanterie légère en cantonnement, nous nous sommes rendus au temple de la réunion décadaire où le citoyen Morand, commissaire, a prononcé un discours analogue à la fête, à la suite duquel il a fait le serment ordonné par la loi du 24 nivôse an V conçu en ces termes : « Je jure haine, etc... ». Chacun des membres l'a répété et les citoyens présents dénommés ainsi que la troupe du cantonnement et la Garde nationale l'ont prononcé de la même manière. Il a été ensuite chanté des hymnes patriotiques, puis nous nous sommes rendus près de l'arbre de la liberté ; la troupe a exécuté des évolutions militaires après quoi nous nous sommes retirés au lieu ordinaire de nos séances où nous avons clos et arrêté le présent, les jour, mois et an.
Signé : MAROS »
.

Pour qui connaît Lanloup, les évolutions de la troupe sur sa minuscule place, laissent un peu rêveur, mais comme nous venons de le dire, il était indispensable de réchauffer la tiédeur des habitants qui n'étaient pas sans murmurer sur les conditions économiques désastreuses dues à la disparition de la saine monnaie et également à la rigueur de l'an VI. Chacun garde jalousement ses quelques provisions, aussi faut-il lire le diplomatique et solennel refus de l'Administration du canton à la réquisition de paille faite par le district pour l'armée le 11 messidor an VII :

« L'Administration déclare à l'humanité que la denrée la plus rare que l'on puisse trouver dans le moment est la paille. Tous les cultivateurs ont ressenti la longueur de l'hiver que nous venons d'essuyer. A deux mois que l'on comptait voir sa fin, il existait encore rigoureusement et les herbes attendues avec impatience ne croissaient point. Le fourrage étant dissipé, les bestiaux périssent et une grande quantité est morte dans le canton. A défaut de soutien les grandes métairies sont plus atteintes que les propriétaires. Les maisons où l'on pouvait autrefois convertir le tiers de la paille en fumier longtemps avant la récolte lors prochaine, fous, cette année, ont éprouvé le sort d'une pénurie absolue des fourrages au moins deux mois avant que les herbes ordinaires fussent en coupe.

Les vieillards racontent avec étonnement que jamais fut pareille année pour pareil objel. Ils avaient vu dans plusieurs maisons qu'on a été obligé de recourir à la paille des lits, au Bled pilé, au blé broyé, en un mot à toutes sortes d'expédients inusités pour soulager chétivement les bestiaux, qui sont d'ordinaire la grande ressource et l'espoir du cultivateur.

C'est pourquoi l'Administration déclare humblement et avec respect pour les lois et arrêtés de toute autorité, qu'elle a toujours suivis avec toute l'exactitude qu'elle devait, qu'il lui est impossible de prélever dans le canton aucune portion de paille, elle déclare la dite réquisition impossible ».

Les fêtes se succèdent aussi souvent que possible : le 26 messidor an VII, nouvelle fête, nouveau serment ; le 19 vendémiaire an VIII, nouvelle fête où après discours de l'un des nombres de l’Administration, « chacun à l'envi s'est convaincu que la chute du trône était le plus beau jour de la République française ; les faisceaux de la royauté étant brisés, le peuple devient libre. Rien de plus beau pour les Français généreux que cette liberté ! Pénétré de ces principes, l'on a avec allégresse, répété à différentes reprises les cris chéris de Vive la République ».

Quant au nouveau serment, il comporte l'addition : « Je jure, de tout mon pouvoir, de m'opposer au rétablissement de la royauté en France ou de toute autre tyrannie ».

Peu de temps après, le 17 pluviôse an VIII, les chouans vinrent quelque peu troubler ces fêtes. Débarqués sur les côles de Plouha, ils pillèrent plusieurs maisons de citoyens attachés à la Révolution par leurs opinions et par leurs propriétés nationales et assassinèrent six personnes dont Claude le Connec qui, d'après la tradition, fut enterré vif [Note : Voir le rapport du commissaire dans : Barthélemy et Geslin de Bourgogne, Etudes sur la Révolution, p. 284].

Ce fut le dernier acte de la Révolution à Lanloup.

Avec l'Empire, Lanloup cessa d'être chef-lieu de canton mais eut la joie de voir son église rendue au culte catholique le 22 thermidor an XII. La municipalité jura, avec le même empressement, obéissance aux constitutions de l'Empire et fidélité à l'empereur ; puis, le 18 septembre 1814, terminant le cycle de ses serments, elle prêta enfin le serment solennel suivant : « Nous jurons et promettons à Dieu de garder obéissance et fidélité au roi, de n'avoir aucune intelligence, de n'assister à aucun conseil, de n'entretenir aucune ligne qui serait contraire à son autorité et, si dans le ressort de nos fonctions ou ailleurs, nous apprenons qu'il se trouve quelque chose à son préjudice, nous le ferons connaître au roy ».

Depuis, Lanloup a repris son nom et sa vie d'autrefois. Modestement caché à l'entrée de la vallée de Bréhec, le bourg n'est guère animé l'hiver que par les charrettes des cultivateurs allant chercher à la grève le sable dont ils se servent comme engrais, et l'été par les nombreux touristes qui viennent y séjourner.

Mais, c'est surtout au printemps qu'il faut voir Lanloup, comme d'ailleurs toute la Bretagne, lorsqu'ajoncs et genês donnent à ses landes leurs parures d'or et que le ruisseau de Bréhec serpente au milieu des iris.

(R. Couffon).

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