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LE PARDON DE LANMODEZ (ou ILE-MAUDEZ)

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En Bretagne nul saint, après saint Yves, ne reçoit un culte plus suivi que le solitaire saint Maudez. Contemporain du roi Childebert ce bienheureux quitta la Grande-Bretagne, son pays natal, et vint débarquer non loin de Dol où il visita saint Samson. De là il s'enfonça dans la presqu'île bretonne et s'y fixa dans une solitude au bord de la mer, là où se trouve la paroisse de Lanmodez qui porte son nom. Aujourd'hui encore on aperçoit dans cette paroisse en un rocher baigné par les flots de la mer une cavité en forme de siège qui porte le nom de Chaire de saint Maudez ; une belle aubépine la surmonte, et à côté s'élève la vieille chapelle de Notre-Dame de Bonne Nouvelle. C'est là même, d'après la tradition locale, que vécut longtemps saint Maudez, aussi la paroisse de Lanmodez y célèbre-t-elle toujours, le deuxième dimanche de septembre, le pardon de son saint patron. Mais cette fête religieuse, quoique fréquentée des pèlerins, est moins pittoresque et moins intéressante qu'un autre pardon en l'honneur du même saint, célébré dans la même paroisse et dont nous parlerons à l'instant.

L'affluence des visiteurs auprès du bienheureux solitaire du VIème siècle força saint Maudez à quitter la terre ferme ; il alla chercher la tranquillité non loin de là, dans une petite île, au milieu de nombreux récifs vis-à-vis l'embouchure du Trieux.

Cette île, qui porte le nom d'Ile-Maudez, renferme encore maintenant l'un des plus antiques édifices religieux de Bretagne. C'est la cellule même qu'habita le saint moine, convertie en chapelle au moyen-âge. Appelée vulgairement Forn-Maudez (four de saint Maudez), c'est une sorte de tourelle d'environ trois mètres de diamètre intérieur, posée sur une éminence rocheuse, construite en appareil irrégulier et surmontée d'une calotte ou coupole de pierre.

L'édicule n'est éclairé que par la porte et une étroite barbacane ; à la base est une sorte de caveau ; les malades atteints de la fièvre y descendent et y passent la nuit en prières pour obtenir leur guérison. L'autel de ce petit sanctuaire « est incontestablement le plus ancien autel du diocèse de Saint-Brieuc, et il n'est pas téméraire de lui donner une date antérieure au Xème siècle » [Note : Gauthier du Mottay, Répertoire archéologique des Côtes-du-Nord, 288].

Depuis longtemps la cellule de saint Maudez sert de guide aux pilotes pour se diriger à travers les passes difficiles de l'embouchure du Trieux. « Quand ils la découvrent, les matelots saluent le saint et implorent son assistance ». Elle est aussi, depuis des siècles, fréquemment visitée par les pèlerins dont les abondantes aumônes permirent, au XIIème siècle, de fonder un prieuré, relevant de l'abbaye cistercienne de Bégard et une belle chapelle romane dans ce lieu consacré par de nombreux miracles.

Les archives des Côtes-de-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) conservent deux baux de la propriété du prieuré de l'Ile-Maudez, l'un de 1587, l'autre de 1634. « Nous y voyons que le fermier devait être toujours approvisionné de pain, de vin, d'autres vivres, de fourrages et d'un bateau en bon état, pour passer et nourrir les pèlerins et leurs chevaux. Il devait fournir au prieur un mouton gras pour l'aider à recevoir les prêtres et autres personnes honorables venant dans l'île le dimanche de la Pentecôte ; il devait continuer « les honnestetés accoustumées » à l'égard du prieur, du capitaine de l’île et de leurs suites, arrivant la veille du pardon de la chapelle » [Note : De Barthélemy et Geslin de Bourgogne, Anciens Evéchés de de Bretagne, IV, 2].

Comme l'on voit, le pardon de l'Ile-Maudez était fréquenté au moyen-âge. Jusqu'au moment de la Révolution les paroisses voisines ont continué de s'y rendre processionnellement en bateau chaque année. Nos ancêtres aimaient la poésie grandiose de ces processions à travers les écueils d'une mer toujours dangereuse.

Il reste encore quelques débris de ce prieuré que renversèrent les révolutionnaires : le portail de la chapelle et quelques arcades du cloître, le tout de style roman. Au milieu de ces ruines se dresse une chapelle moderne, ogivale et assez jolie, où l'on honore non seulement saint Maudez, mais encore Notre-Dame-des-Mers, saint Michel, saint Eloi et sainte Juvette sœur de saint Maudez. Depuis la bénédiction de ce nouveau sanctuaire en 1884, le pardon de l'Ile-Maudez a repris son ancienne importance et nous devons essayer de le décrire.

La chapelle de l'Ile-Maudez (Lanmodez en Bretagne),

Note : C'est aujourd'hui un petit édifice de plan rectangulaire orienté d'ouest en est, qui fut construit en 1884 à quelques mètres à l'est de l'extrémité orientale de la nef de l'ancienne église prieurale. Elle fut bénie le 1er juin 1885 ; sa longueur est de 8 m. 50 et sa largeur de 5 m. 72 hors-oeuvre.

C'est le lundi de la Pentecôte qu'a lieu maintenant ce pardon de l'Ile-Maudez. Il est très fréquenté par les marins des paroisses voisines, spécialement par ceux de l'Armor, gros village situé en Pleubian. Lorsque la mer est haute on s'y rend en bateau comme au moyen-âge ; quand elle se retire, les pèlerins viennent à cheval, parfois même à pied, quoiqu'il faille traverser plusieurs courants assez considérables qui en tout temps isolent l'Ile-Maudez de la terre ferme. Le culte rendu dans la nouvelle chapelle à saint Eloi, dont la statue est bizarrement décorée de fers à cheval, détermine du reste beaucoup de terriens à faire leur pieux voyage, montés sur leurs chevaux qu'ils lancent au milieu des flots, comme leurs voisins de Penvénan, dès que la mer commence à se retirer. C'est à qui de tous ces cavaliers, arrivera le premier dans l'île. Jadis même on permettait au vainqueur de prendre en arrivant au sanctuaire une poignée de sous dans le plat aux offrandes. Aussi cette course un peu désordonnée dans les rochers et dans les vagues ne manque-t-elle pas d'un certain attrait et offre-t-elle un coup-d'œil pittoresque.

Après les offices solennels célébrés par le clergé de Lanmodez dans la petite chapelle, a lieu une belle procession dans laquelle on porte une relique de saint Maudez. Puis les pèlerins vont visiter l'antique oratoire dit Four de saint Maudez ; ils se rendent ensuite à un rocher qu'on nomme le Lit de saint Maudez et s'y glissent à travers un étroit passage, en se rappelant la tradition signalée par le P. Albert Le Grand : « La nuit sainct Maudez s'alloit coucher en une caverne dans un roc, du côté du nord, vers la grande mer, qu'encore à présent on nomme Guelé sant Maudez, c'est-à-dire Lit de saint Maudez, n'ayant que la froide pierre pour matelas et chevet ; et voit-on encore en cette pierre la marque de son corps » [Note : Vies des Saints de la Bretagne-Armorique].

Les pèlerins boivent après cela bien dévotement de l'eau du Puits de saint Maudez « qu'il impétra par ses prières pour la commodité de ses religieux lesquels ne trouvoient point d'eau potable en ce lieu » [Note : Vies des Saints de la Bretagne-Armorique].

Ils terminent leurs dévotions par l'enlèvement de quelques parcelles de la terre de l'île qu'ils emportent respectueusement avec eux. D'après la tradition, avant l'arrivée de saint Maudez cette île était « inaccessible à tout homme à cause de la multitude des serpens qui y avoient leur refuge ; saint Maudez les en chassa par sa prière ». Aussi, continué Albert le Grand, la terre de cette île sert-elle depuis « d'antidote et remède très souverain contre les morsures ou piqueures des serpens et toutes sortes de bêtes venimeuses ; l'usage en est qu'on en verse quelque peu en la boisson qu'on veut boire, l'expérience de cette merveille se voit tous les jours » [Note : Vies des Saints de la Bretagne-Armorique].

Ce sont surtout les mères de famille qui recueillent cette terre de nos jours ; quand leurs enfants sont tourmentés par les vers, elles délaient un peu de terre de l'Ile-Maudez dans de l'eau sucrée et la font efficacement boire à leurs chers petits malades.

C'est ainsi qu'au jour de son pardon l'Ile-Maudez — ordinairement habitée par les seuls fermiers d'une petite métairie — se trouve envahie par les religieuses populations des côtes voisines et c'est un spectacle touchant qu'offre alors ce peuple breton allant et venant, le chapelet à la main, dans cette île battue par les flots, des ruines du monastère à la grotte du Lit de saint Maudez, du puits miraculeux au vieil oratoire de Forn-Maudez, partout où le bienheureux porta lui-même ses pas, se sanctifiant et priant pour ses frères.

(Abbé Guillotin de Corson, 1902).

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