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 Les registres secrets du Parlement de Bretagne, que nous mettrons plus d'une fois à contribution, et dans lesquels on peut puiser une foule de renseignements historiques curieux et inédits, consistent dans une collection de plus de quarante volumes in-folio, commençant en 1554 et se continuant sans interruption jusqu'en 1789. La Cour impériale (autrefois royale) de Rennes en possède la collection la plus complète. Aujourd'hui, nous empruntons au Ier volume de cette collection le récit assez pittoresque d'une émeute à Lannion, en 1554, à l'occasion de la perception d'un impôt établi pour la solde des troupes du Roi en Bretagne.

Les entêtés Bas-Bretons n'en furent pas moins obligés de payer, et sans doute aussi de réparer le dommage causé par leurs pen-baz aux têtes et aux membres des malheureux archers, ainsi que de restituer les chevaux, mallettes, manteaux et équipages pillés on volés dans la bagarre par les plus ardents des émeutiers.

« Procez verbal rapporté par nous Mathurin du Plessix escuier sr. dudit lieu, prevost sous MM. les connestables et mareschaux de France ordonné à la residence de Bretagne suivant certaine commission nous adressée par Mgr. de Gyé chevalier de l'ordre du Roy et son lieutenant au gouvernement dudit pays de Bretagne, en l'absence de Mgr. le duc d'Estampes dattée du 20ème jour de may present mois 1554, en vertu de laquelle nous sommes transportez, à la requeste et instance de Guillaume de Villeblanche se portant receveur des deniers mis et ordonnés pour la solde des gens de pied en ce pays de ce que touche la distribution faite par la jurisdiction de Morlaix et Lanmeur, de la ville de Landerneau, en laditte ville de Morlaix, accompagné de 14 de nos archers, en laquelle ville auroient communiqué aux senechal et procureur de laditte ville le tout de nostre charge, suivant quoy nous ont accommodé deux de leurs sergents lun nommé Allain Morice, et lautre Yvon Gigadeau avec lesquels et nosdits archers et mesme ledit de Villeblanche commis pour la recette desdits deniers selon la cottisation en faite par les juges dudit Morlaix, aussy avec nous le sr. de Kermene et Hervé de Villeblanche et assemblement nous serions transportez en la paroisse de Ploemilliau [Note : aujourd'hui Ploumilliau] pour faire recherche des plus apparents paroissiens sujets à ladite contribution, pour les constituer prisonniers par vertu de nostre dit pouvoir et par deffaut du poyement desdits deniers en quoy ils estoient cottisez par lesdits juges de Morlaix, où nous n'aurions trouvez personnes, bien entendu que lesdits paroissiens etoient au marché à la ville de Lannion distance de laditte paroisse d'environ une lieue et demie, vers laquelle ville avons pris chemin, et chemin faisant arrivant pres laditte ville avons trouvez plusieurs desdits paroissiens s'en retournant dudit marché, lesquels aurions pris et saisis jusques au nombre de dix ou douze desquels ne scavons les noms, mais un reconnu par ledit sieur de Kermené aussi paroissien de laditte paroisse de Ploemilliau que lesdits saisis par nous estoient de laditte paroisse et iceux fait jurer l'arrest en nostre compagnie et baillé en charge à nos dits archers et sergens ; et iceux voulant mener en laditte ville de Lannion en prison et ostage pour en repondre, pour quoy faire incontinent laditte prise faite, commandans à lun desdits sergens nommé Morice soy transporter vers les juges de laditte ville pour les avertir de nostre pouvoir et commission, ensemble de laditte prise desdits prisonniers et nous accommoder prisons, sur quoy se sont departis de nous pour ce faire, et nous arrivez pres le pont de laditte ville, avons entendu sonner une cloche en maniere de tocquesin en la chapelle au bout et près ledit pont de vers le chemin dudit Morlaix, et tout alors sortirent hors laditte chapelle et des veilles murailles qui sont vis-à-vis laditte chapelle, au devant de nous, plusieurs et grand nombre de personnes, commun populaire en tumulte et fort échauffé, lesquels avec pierre et longs bois et arbalestres tirent et ruerent sur nous et nos dits archers et antres de nostre ditte compagnie en sorte que nous et nos dits archers et autres de nostre ditte compagnie fusmes grandement blessez et outragez tellement que l'un de nos dits archers demeura sur la place comme mort, à raison des grands coups de pierres et bâtons qui luy furent donnez sur la teste, visage et autres endroits de son corps et en reste bien blessez par ledit populaire, lesquels nous ravirent et osterent par force lesdits prisonniers et fusmes contraints nous retirer tant à cause desdittes blessures et excès à nous fait que de la glande furie et multitude de peuple qui abondoit sur nous de plus en plus, et furent nos dits archers et autres de nostre dite compagnie demontez jusques à trois chevaux, leurs mallettes et manteaux pris et derobez, ensemble leurs équipages et arquebuses, javelines de bardes et autres armes ; et nous retirans nostre chemin vers ledit Morlaix, trouvâmes en la lande près la justice dudit Lannion, le sieur Kernisse qui nous a dit, après avoir entendu le scandal, qu'il estoit venu voir que s'estoit et nous dit que nous eussions à nous retirer et qu'il avoit empesché les paroissiens dudit Ploemilliau sonner le tocquesin pour courir sur nous, et tout ce que devant certiffié estre vray en veriffication de quoy avons baillé nostre present procez verbal sous nos seings, avec le seing de Guillaume Gervays commis pour l'absence de nostre greffe, le 21ème jour de may 1554. Ainsy signé M. Duplessis et Gervays pour l'absence du greffe » (P. D. V.).