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LES ÉGLISES SUCCESSIVES DE LIGNÉ

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Aux premiers siècles, saint Clair et ses disciples traversèrent le pays et y semèrent les vérités chrétiennes. Et d'autres après eux. Peu à peu, la grâce de Dieu aidant, les conversions se firent ; une station chrétienne fut fondée ici-même. Plus tard, à la fin du Vème siècle, au temps où saint Melaine gouvernait l'Église de Rennes, Nonnéchius, Cariundus, Cérunius, Clématius, celle de Nantes ; en ce temps où nous dit Procope, les cités armoricaines étaient chrétiennes, un prêtre, un moine, demeura en permanence en cette station qui posséda sa chapelle, ses biens, ses institutions de bienfaisance. Au siècle suivant, le VIème siècle, sous saint Félix, cette station se perfectionnant encore, reçut le nom de paroisse, et une église y fut érigée à Ligné, où pouvait être ce centre religieux, cette chapelle, cette église ? Il y a des raisons sérieuses de croire que ce fut sur la petite butte où est l'église actuelle. Aux alentours de l'édifice, dans les déblais enlevés lors de l'établissement des routes, dans le jardin de M. Menoret, dans les fondations de la nouvelle maison de M. Jourdon, dans la cour de la Sensive, il fut trouvé des ossements en grand nombre. Mais ce champ des morts est si vaste qu'il ne peut constituer un unique cimetière. Et comme nous savons que les cimetières entouraient les églises, nous ne sommes pas loin d'avoir la certitude que ce fut toujours là sur la butte, tantôt un peu plus à l'est, tantôt un peu plus à l'ouest, que se trouvait l'édifice du culte : lieu vénérable par son ancienneté, par sa destination sainte. Pensez-y quand vous assistez aux offices ; pensez à vos ancêtres qui vous ont précédés dans la prière, dans la réception des sacrements, dans les joies, dans les deuils de la vie.

L'église qui existait au IXème siècle connut un jour l'abomination de la désolation. Les Normands qui ne respectaient rien et s'acharnaient de préférence sur les biens religieux, la pillèrent et l'incendièrent. Ligné resta longtemps sans culte extérieur, sans prêtres, sans église.

Inévitablement la foi subit une éclipse. On retourna presque au paganisme ancien. Il fallut restaurer, reconstruire. L'autorité religieuse se mit résolument à l'œuvre. Pour procurer aux paroisses la présence indispensable du prêtre, elle fit appel aux ordres religieux. A quels religieux l'évêque s'adressa-t-il pour la direction spirituelle de Ligné ?

Les Pouillés d'Alliot et de J.-B. Chevas qui font connaître les anciens prieurés du diocèse, ne parlent pas de Ligné. Est-ce une preuve décisive qu'il n'y eut pas de prieuré avec des moines desservant la paroisse ? Ces auteurs eux-mêmes constatent certaines omissions. Ils ont aussi trouvé des mots illisibles. M. l'abbé Grégoire dut avoir la certitude de l'existence d'un prieuré : il nous dit qu'au XIIIème siècle Ligné était cure prieuré.

Mais d'où venaient ces moines ? Venaient-ils de Blanche Couronne, abbaye situé à La Chapelle-Launay ? En 1520, Mgr Brissonnet, abbé de ce monastère, vint s'interposer dans une querelle entre deux familles seigneuriales du pays. Ce faisant, il usait peut-être d'une autorité acquise en vertu des services rendus autrefois par sa communauté à la paroisse de ligné.

Venaient-ils de Saint-Méen, prieuré du Cellier datant de 1132 ? Sans aucun doute, ces moines travaillèrent à rétablir la religion aux confins de la forêt. La fabrique de Ligné leur versait une rente annuelle de trois livres. Pourquoi ?

Venaient-ils de Saint-Géréon ? Établis par saint Hermeland vers l'an 700, les moines de ce prieuré avaient dû, pour une bonne part, contribuer à l'évangélisation du pays. L'invasion normande les avait fait disparaître. Tous leurs titres, ainsi que ceux de l'abbaye d'Indre dont le prieuré relevait, étaient passés aux moines de Bourgdieu en Berry. Ce grand monastère envoya plusieurs de ses moines, vers l'an 1003, au prieuré de Saint-Géréon pour relever les ruines spirituelles du pays. Ceux-ci vinrent jusque chez nous, à Saint-Philbert où ils élevèrent une chapelle, probablement sur l'emplacement d'une première, renversée par les Normands. Ce sont peut-être quelques-uns de ces moines qui, à la demande de l'évêque, vinrent s'établir au bourg de Ligné et desservirent la paroisse. La fabrique, de vieille date, versait une rente de 5 livres au prieuré de Saint-Géréon. Pour quelle raison ?

En même temps qu'ils construisaient une cure-prieuré, les moines élevaient une chapelle publique dédiée à saint Mathurin.

Qui était ce saint Mathurin ? A vrai dire, l'histoire ne peut apporter de précision sur lui. Par contre, un manuscrit du XIème siècle a contribué à répandre sa légende. Né à Larchant, en Bourgogne, vers 280-290, de parents nobles et païens, il se convertit à leur insu et réussit à les amener à la foi. Devenu prêtre, il aurait été appelé à Rome par l'empereur pour guérir sa fille possédée du démon. L'ayant délivrée, il demeura dans la Ville éternelle où il exerça la charité et convertit nombre de païens. Il mourut trois ans après, mais son corps fut ramené en son pays natal à Larchant. On y construisit, à partir du XIIème siècle, une belle église qui malheureusement fut dévastée lors des guerres de religion et par une suite de tempêtes. Depuis 1925, les Beaux-Arts ont entrepris des travaux pour la restaurer.

Si la chapelle de Ligné fut dédiée à saint Mathurin, ce fut peut-être qu'elle en avait remplacé une autre qui était sous le vocable du même saint. Au reste, saint Mathurin avait alors et depuis longtemps une renommée extraordinaire dans la France entière. Un grand nombre de paroisses portait son nom. Quelques années plus tard les habitants d'Ancenis et de Varades éleveront en son honneur un autel dans leur église. A Couffé et à Oudon, une chapellenie portera le nom du saint.

La légende de la délivrance de la princesse impériale valut à saint Mathurin d'être invoqué pour guérir les fous appelés mathurins ou mathelins, et par extension les maux de tête. Il fut aussi chargé de rendre meilleures les femmes méchantes (Il ne devait pas manquer de travail !). Les bouffons le prirent pour patron, parce que leur métier est de faire les fous. Enfin les marins bretons s'étaient aussi mis sous sa protection [Note : D'après Vie des Saints t. XI, p. 58-60 par les Bénédictins de Paris].

Notre chapelle, de très vieille date, fut le lieu d'un grand pèlerinage. On y venait de toutes les paroisses environnantes présenter ses souffrances au bon saint ; on y venait de très loin, jusque de l'Anjou. Que de pèlerins se sont pressés dans ses murs ! Que de prières ferventes y montèrent vers le ciel ! Si de nos jours les étrangers viennent moins nombreux implorer la puissance de saint Mathurin, les Lignéens ont toujours l'âme fidèle, et célèbrent sa fête, le 10 mai, à l'égal des grandes fêtes liturgiques.

Sans grand style, mais de construction solide, la chapelle des moines-curés sut braver les siècles, du moins dans sa structure principale. Un personnage important, l'archidiacre Binet, l'avait visitée en 1685. Tout en montrant sa pauvreté, il constate la solidité de ses murs. « Nous avons vu que la maçonne est très vieille, dit-il, mais encore bonne, que les portes sont fort anciennes. La place n'y est point carrelée. Elle possède trois autels. Elle n'a pour ornements que trois vieilles images en bosse [Note : en relief] toute dépeintes ».

On dut y faire des réparations en 1741 : un morceau de tuffeau trouvé dans de récents travaux, porte cette date. Ce fut peut-être à cette époque que la belle fenêtre dominant l'autel fut diminuée de hauteur. La Révolution n'eut aucun respect pour elle : on vola la cloche qui appelait autrefois les fidèles aux offices ; on brisa ses portes et fenêtres. M. Thoret, après la tourmente, en 1808, répara ses blessures ; lors de l'insurrection de 1832, elle subit quelques dégradations qui furent réparées l'année suivante par le conseil municipal. En 1855, on renouvela totalement sa toiture. En 1875, la municipalité fit encore quelques dépenses pour son entretien.

Notre vieille chapelle, comme une aïeule très aimée, a toujours été entourée de vénération.

Pendant combien de temps la chapelle Saint-Mathurin, désignée dans les actes « chapelle publique », servit-elle d'église paroissiale ? Pendant combien de temps les moines restèrent-ils à la direction de la paroisse ? S'il faut en croire M. Grégoire, Ligné, au XIIIème siècle, avait son curé-prieur. Ce fut au siècle suivant que des prêtres séculiers vinrent remplacer les religieux. Ils élevèrent une église sur la butte là où était l'église détruite par les Normands. Un vieux document nous parle d'une chapelle adjacente à l'église et datant du XIVème siècle, érigée par les Maufrais, seigneurs de la Rochefordière.

Cette église avait été construite avec l'aide des seigneurs de la Musse. Ceux-ci s'en déclarèrent à maintes reprises les insignes bienfaiteurs. L'écusson de leurs armes était au grand vitrail, derrière le grand autel. Ils avaient la jouissance de certains droits honorifiques : banc seigneurial et enfeu au choeur de l'église.

Ces droits honorifiques donnèrent lieu à une querelle fameuse entre les deux seigneurs de la Musse et de la Rochefordière. Le seigneur de la Musse avait un banc très élevé. Il le mettait du côté de l'Évangile, devant la porte de la chapelle de la Rochefordière, pour empêcher ce seigneur de voir l'autel.

Celui-ci se plaignit amèrement du mauvais procédé. Un procès s'en suivit en la chancellerie de Bretagne. Pierre Chauvin, seigneur de la Musse, dut un peu reculer son banc. Cet arrêt ne fit qu'aggraver la querelle. Alimentée par d'autres causes, elle eut des conséquences tragiques. Le 10 janvier 1520, Pierre Chauvin rencontra dans les rues du bourg François Devay de la Rochefordière. Il y eut entre eux une violente altercation, et les deux ennemis en vinrent aux mains. Après une courte lutte François Devay tombe mort transpercé d'un coup d'arbalète par Didier Lambot, valet de la Musse. Le meurtrier et son maître furent saisis, puis relâchés, Pierre Chauvin s'étant engagé à verser 3 000 tournois à la veuve de François Devay.

Mais le différend continua : malgré l'arrêt de la chancellerie, le banc fut bientôt remis à la même place. En 1528, Marie Lebel, veuve de Pierre Devay, réclama encore au nom de son petit-fils ; son bon droit fut à nouveau reconnu, cette fois par Mgr Brissonnet, abbé de Blanche-Couronne. Mais le baron de la Musse ne voulut pas encore s'incliner. Ce ne fut qu'en 1546 qu'une transaction intervint entre les deux maisons : Bonaventure Chauvin baissa son banc de plusieurs pieds ; en retour il fut autorisé « à mettre banc et bâtir chapelle du côté de l'épitre ».

La nouvelle église ne fut point le chef-d'œuvre d'un grand architecte, bien que ce fut l'époque des majestueuses cathédrales, l'âge de l'art gothique. Telle nous la voyons au XVIIème siècle, avec sa petite chapelle toujours appuyée sur elle, telle elle dut être à quelque chose près à l'origine. Elle avait l'aspect de la chapelle Saint-Mathurin. Elle était plus longue et plus large ; c'était presque l'unique différence.

L'archidiacre Binet qui la visita en 1685 la représente en tous ses détails. Il nous la représente pauvre, bien pauvre. Elle était consacrée, nous dit-il, mais sans autre preuve que la tradition. La dédicace devait en être faite au jour de la fête de Saint Pierre-ès-Liens, le patron de la paroisse : ce qui était cause qu'on ne savait quel office célébrer ce jour, ou du saint Patron, ou de la Dédicace. Cette remarque du visiteur nous enseigne qu'alors le Patron de la paroisse était Saint Pierre-ès-Liens, dont la fête est célébrée le 1er août. Maintenant notre Patron est Saint Pierre apôtre, dont la fête arrive le 29 juin. Mais le bon Saint Pierre n'a pas dû être trop peiné de ce petit changement puisqu'en définitive c'est toujours lui qui préside à nos destinées. Le grand autel n'était pas consacré ; au-dessus se trouvait un autel portatif consacré, mais si mal placé que le saint sacrifice ne s'y pouvait faire qu'avec difficulté. Dans la nef il y avait deux autels, l'un dédié à la Sainte Vierge et l'autre à Saint Jean. Ce dernier avait perdu sa consécration : car il avait été démoli, puis rebâti sans être consacré à nouveau. Dans cette nef c'était le désordre : des pierres, des terres remuées, des matériaux de toutes sortes pour les sépultures s'étalaient çà et là. On n'y voyait aucune chaise suivant la coutume de l'époque, quelques bancs seulement, appartenant aux principales familles. A la sacristie, nous dit l'archidiacre, il y avait un coffre, le coffre des archives paroissiales, mais il était vide : les archives avaient été pillées. Par trois fois le recteur avait fait publier l'ex-communication contre les voleurs, mais en vain, personne n'était venu rendre les objets volés.

L'église était de structure modeste. Et elle était vêtue pauvrement comme la plupart des églises de nos campagnes. Comment aurait-il pu en être autrement, si faibles étaient les revenus de la fabrique.

Elle percevait la dîme sur deux cantons de terre : celui du Mesnil, le plus considérable, rapportait 25 livres.

Elle touchait 3 livres 10 sols pour les bancs respectifs de dame veuve Chanfort (Pontual du Pas-Richeux), noble homme Cosnier de la Clergerie, noble homme du Ponceau (année 1680).

Elle touchait aussi les présents offerts par les paroissiens « sur la planche et l'autel de Notre-Dame ». Vieille et chrétienne coutume que cette offrande, faite pour remercier Dieu et la Sainte Vierge des biens accordés, et attirer sur les familles les bénédictions divines.

Elle recevait une redevance, mais bien petite, sur les enterrements. M. l'archidiacre avait demandé au recteur combien prenait la fabrique pour chaque fosse « de ceux et celles que la vanité portait à se faire enterrer dans l'église ». Il lui fut répondu que les paroissiens réunis en assemblée capitulaire en avaient fixé le prix à un écu pour les grandes personnes ; et à 30 sols pour les enfants au-dessous de 15 ans.

Elle avait le produit de la « bouette » de Notre-Dame et du Saint-Sacrement passée dans l'église par les fabriqueurs les dimanches et les jours de fête.

Sa meilleure recette provenait de la quête faite par les « fabriqueurs » dans la paroisse et appelée comme de nos jours la guy-an-neuf. Les revenus étaient si minimes qu'ils ne pouvaient que faiblement contribuer à l'entretien et aux réparations qui devenaient parfois nécessaires.

Un édifice ne vit pas plusieurs siècles sans avoir besoin de réparations. Et il n'est pas improbable que celui-ci eut à souffrir aussi des luttes continuelles dont il était le témoin luttes contre les Anglais, luttes sans fin entre les Français et les Bretons, où l'on vit se dérouler des événements importants pour le pays.

Il arriva un jour où tombant de vieillesse l'église dut être remplacée par une autre. Ce fut l'œuvre de M. Massonnet, recteur de Ligné, 1787.

M. Leroux, recteur de Bonnoeuvre 1850, dit que le charitable pasteur paya de son argent la plus grande partie des dépenses. La bénédiction de l'édifice eut lieu en 1789, « le 15ème jour de janvier 1789, vu la permission accordée par M. de la Bourdonnaye, vicaire général, fut bénite solennellement l'église paroissiale de Ligné par M. Hervé de la Bauche, recteur de Couffé ». Après la bénédiction on transporta le Saint-Sacrement de la Chapelle Saint-Mathurin à la dite église.

(abbé Eugène Durand).

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