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Jean-Marie LE DASTUMER, prêtre mis à mort en 1799 par les colonnes mobiles
dans le territoire du diocèse de Vannes.

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410. — Jean-Marie Le Dastumer naquit à Locminé, rue de Baud, le 24 août 1763, de Mathurin et de Hélène Boué, son épouse. On le présenta au saint baptême le lendemain de sa naissance.

Tonsuré le 24 mars 1787, minoré le 8 mars 1788, sous-diacre le 20 novembre suivant, l’abbé Le Dastumer reçut le diaconat le 28 mars 1789 et la prêtrise le 17 septembre de cette même année. La Révolution était déjà depuis quatre mois commencée à cette époque.

Après son ordination sacerdotale, M. Le Dastumer revint dans sa paroisse travailler en qualité d’auxiliaire. N’étant point de ce fait, soumis à la loi du serment schismatique, (serment qu’il eût eu cependant tout intérêt à prêter s’il avait eu quelque ambition), le serviteur de Dieu remplaça souvent le clergé de Locminé en 1791 et 1792. Dès le 26 janvier 1791, sa signature figure sur les actes de catholicité ; on la retrouve pour la dernière fois le 18 septembre de l’année suivante.

411. — Cet ecclésiastique, rempli de zèle pour le salut des âmes, que les lois d’exil privaient des prêtres orthodoxes et laissaient aux mains des intrus, ne voulut point passer à l’étranger comme les décrets révolutionnaires l’y condamnaient. Il demeura donc à Locminé et aux environs, affrontant de 1793 à 1798 les lois persécutrices les plus redoutables.

Sept ans durant, de 1792 à 1799, bien souvent caché chez la famille Richard, de Locminé, et, bien souvent aussi, contraint de chercher refuge ailleurs, M. Le Dastumer, ainsi qu’en font foi des certificats de fiançailles recueillis sur son cadavre, accomplit tant à Locminé qu’à Remungol un fructueux ministère caché. Il devait à la fin succomber à la tâche qu’il s’était imposée. La mort ne le surprit pas. Comme les soldats de la Grande Guerre, il savait que chaque jour elle pouvait l’atteindre, et que, chaque jour, il pouvait faire d’avance le sacrifice de sa vie. Voici comment périt ce serviteur de Dieu :

412. — Les colonnes mobiles, animées en général, a-t-on dit, de la haine la plus violente contre le clergé orthodoxe, haine encouragée en sous-main par les autorités jacobines de l’époque, sillonnaient en tous sens la Bretagne. Le 25 février 1799, une compagnie du 2ème bataillon de la 58ème demi-brigade, sous les ordres du capitaine Desnoyers, parcourait le pays de Locminé et ses alentours. Trois militaires de cette colonne qui maraudaient, en quête de quelque mauvais coup à exécuter, firent, on ne sait comment, la rencontre de l’abbé Le Dastumer sur la route de Remungol [Note : La tradition courante à Locminé, c’est que Le Dastumer recherché activement dans cette localité s’en allait chercher un asile meilleur à Remungol. D’après les Mémoires inédites de Le Louer, un contemporain, il fut surpris récitant son bréviaire, et inhumainement massacré à coups de baïonnette], le reconnurent pour un prêtre et l’exécutèrent sans désemparer de deux coups de feu, à bout portant, dans la tête. Ils assouvirent ensuite leur rage contre sa personne en le lardant à coups de baïonnette. Enfin, n’oubliant pas que les lois accordaient une récompense à celui qui arrêtait un prêtre mort ou vif (telle la prime payée pour la destruction d’une bête féroce), ils chargèrent sur un bât le cadavre de leur victime et l’apportèrent au bourg de Locminé. Ils allèrent ensuite faire leur rapport dont la teneur intégrale ne nous est pas parvenue.

Naturellement, pour pallier leur crime, ils débitèrent l’excuse habituelle en pareil cas : « Notre prisonnier a voulu s’enfuir, nous l’avons terrassé d'un coup de feu ». Leur commandant accepta sans sourciller le boniment traditionnel. La « destruction » des prêtres réfractaires n’était-elle pas un des principaux buts de leur expédition ?

413. — Cependant tout le monde n’était pas dupe de ces audacieuses allégations ; les membres de l’administration municipale de Locminé les premiers. On en jugera en lisant la lettre qu’ils adressèrent, le 11 ventôse an VII, à l’administration centrale du Morbihan. En voici les termes. L’original subsiste aux Archives du Morbihan, liasse L 863 :

« Les colonnes mobiles se succèdent et parcourent souvent les campagnes qui nous avoisinent ; depuis deux décades, des prêtres réfractaires sont tombés en leur pouvoir. (L’un d’eux) Le Dastumer, était amené par trois traîneurs de la colonne d’Auray, qui s’en étaient séparés à Pluméliau sans motif légitime ; ils rejoignirent à Locminé la colonne qui y était rentrée. Les rapports ont appris que Le Dastumer a voulu se sauver en chemin, ce qui a mis les soldats a lieu de faire feu sur lui. Les larges blessures dont il était couvert annoncent bien que c'est à bout touchant : ce qui confirme dans cette idée est qu’il était percé d'une quantité innombrable de coups de bayonnette sur plusieurs parties du corps. Le procès-verbal du juge de paix et de l'officier de santé qui ont constaté la mort le 7 courant, en fait mention. La conduite de ces trois militaires semble opposée aux règles de bonne police qui réprime les outrages envers l’humanité ». Signé : Debroise, agent national. Le Padrun, présid. de l'admin. cantonale. Mouillard, adjoint.

On remarquera dans cette lettre qu’à côté des excuses exposées par les assassins, les municipaux de Locminé ont bien soin de faire ressortir « les larges blessures faites par des coups de feu tirés à bout portant, et la quantité innombrable de coups de bayonnettes dont le cadavre était percé ». Ni les coups de fusil à bout portant, ni les blessures à la baïonnette ne s’accommodent avec la version d’un individu qui s’enfuit. La relation du meurtre de M. Le Dastumer était si peu vraisemblable, que les autorités centrales du Morbihan jugèrent nécessaire de signaler le crime au général Schilt, commandant en chef dans le département : « Vous sentirez comme nous que si ces sortes d’exécutions se répétaient, elles ne feraient qu’aigrir l’esprit déjà mal disposé des habitants des campagnes, et nous vous invitons à donner les ordres les plus précis à la troupe pour que l’article 10 des Droits de l’homme et 232 de l’acte constitutionnel soient dorénavant religieusement observés dans notre ressort » (Arch. Morbihan, L 863).

414. — Le Dastumer était un bon et saint prêtre. D’après le citoyen Toursaint, commissaire du Directoire exécutif à Locminé, on trouva sur son cadavre « deux petites boëtes en étain (destinées à l’Extrême-Onction) ; une étole, un bréviaire, un autre livre intitulé Thésaurus sacerdotum, un chapelet et une tabatière : de tout quoi procès-verbal a été rapporté » (Arch. Morbihan, L 863). Sa mort, à Locminé, causa un deuil général. Son inhumation, qui eut lieu le 26 février aux trois heures de l’après-midi, fut l’objet d’une grandiose manifestation. D’après un rapport de Toursaint précité, « il y parut grande affluence, tant des gens de Locminé que des paroisses avoisinantes ». Le convoi funèbre partit de la maison de l’officier de santé Equester, sise au haut de la place, et, l’église étant fermée, on le conduisit directement au cimetière. Chose inouïe pour l’époque, deux croix précédaient les restes du serviteur de Dieu, que l’on prit soin de recouvrir d’une dalle qui avait servi naguère de pierre tombale au recteur Largement.

Depuis, on a érigé une croix à l’endroit où les assassins de la Révolution le mirent à mort. Elle porte sur son socle cette touchante inscription : « JOANNES-MARIA LE DASTUMER, SACERDOS, HIC CECIDIT, VICTIMA FIRMÆ SUÆ ADHŒSIONIS UNITATI ECCLESIÆ ».

On prit soin aussi de rédiger l’acte de décès du serviteur de Dieu le lendemain même de son trépas : on n’y mentionne pas le genre de mort dont il périt. Quant au lief du cadavre opéré par le juge de paix, ainsi qu’au procès-verbal de l’officier de santé relatés plus haut, l’un et l’autre ont disparu.

415. — Pour bien faire ressortir le motif déterminant de la mort de M. Le Dastumer, la Providence permit que ses assassins adressèrent une réclamation tendant à toucher le prix du sang. C’est toujours le décret de la Convention nationale du 14 février 1793, confirmé par l’article 82 de la loi du 28 mars de cette même année [Note : Voici ce qu’écrivait en effet le commissaire du Directoire, à Locminé, à Piednoel, l’un des assassins de M. Le Dastumer : « J’ai reçu, citoyen, votre lettre en datte du 14 germinal (3 avril 1799) ; par laquelle vous me demandez les cent francs que l’article 82 de la loi du 28 mars 1793 (vieux stile) accorde à toute personne qui aura saisi un prêtre réfractaire ; cette article de la Loi a été appuié par un arrêté du Dépt en datte du 11 vendémiaire an six (2 oct. 1797). En conséquence, citoyen, veuillez présenter au département une pétition sur papier timbré ; afin d’obtenir les cent francs qui vous sont dûes. S’est la seule marche que vous ayez à suivre pour obtenir cette récompense »], qui entre en jeu. Voici la requête en question dans son intégrité. On a même respecté l’orthographe :

Au citoyen Manhé, commissaire du Département du Morbihan et Vannes.

De Quimpaire, ce 3 fleurialle an VII.

« Citoyen. Nous avons eut l’honneur de vous presanter une petission le 26 germinalle au sujet d’un praitre réfractaire, nommée Dastumaire, que nous avons pris sur la route de Remingolle. N'ayant pas ressue se que la loi nous acquorde, nous vous prions de voulloir bien nous faire savoir s’il ait arrivée ou si nous seron obligée d’écrire au ministre pour sela. Vous obligerée, conssitoyen, Piénoyle, Brocsolle et Jacques Ebaire. Nous vous prions de voulloir bien nous faire réponse le plus tôt possible. Notre adresse ait au citoyen Harman Piénoille, fusillée de la 3e Compagnie du 2e bataillon de la 58e demi-brigade, en garnison à Quimpaire » (Arch. Morbihan, I. 314).

416. — Il existe encore à Locminé deux arrière-neveux et une arrière-nièce de M. Le Dastumer, portant son nom. Les uns et les autres conservent pieusement le souvenir de leur oncle martyr. Du côté maternel, un frère des écoles chrétiennes et sa sœur, domiciliée à Elven, sont aussi ses arrière-neveux. « Dès ma plus tendre enfance, écrit le frère Ruaud, j’ai toujours entendu ma mère en parler avec vénération ».

A Locminé même, la croyance au martyre de M. Le Dastumer est toujours vivace. Les gens du pays vont prier individuellement à la croix qui indique le lieu où il fut massacré et les mères y conduisent leurs enfants qui sont en retard pour marcher. Ainsi : 1° fidélité absolue de M. Le Dastumer à l’orthodoxie la plus scrupuleuse ; 2° zèle ardent qui l’a fait braver tous les périls pour se rendre utile aux âmes ; 3° mise à mort des plus cruelles en haine de la Foi (ses assassins l’exécutèrent en tant que prêtre pour s’assurer la prime promise) ; 4° acceptation pour le moins implicite de sa mort dont on ne peut douter et dont le port du Thésaurus sacerdotum sur sa personne nous est un bon garant ; 5° culte privé rendu à sa mémoire, tradition centenaire de martyr, tout semble se trouver réuni chez M. Le Dastumer pour soumettre sa cause à l’appréciation de la S. C. des Rites.

BIBLIOGRAPHIE. — R. P. Le Falher, Le Royaume de Bignan, op. cit., p. 586. — Sageret, Le Morbihan et la chouannerie morbihannaise, Paris, 1910, in-8°, I, p. 236-238. — R. P. Le Falher, Les Prêtres du Morbihan victimes de la Révolution, in-8°, Vannes, 1921, p. 278-280.

(Sources : Arch. du Morbihan, L 314, 327, 863).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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