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DOM MORICE DE BEAUBOIS

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Dom Pierre-Hyacinthe MORICE DE BEAUBOIS.

[Note : Cette notice est due à la plume bénédictine de Dom Malgorn].

Dom Pierre-Hyacinthe Morice de Beaubois naquit, le 5 Octobre 1693, au manoir noble de Beaubois, en Trélivalaire, paroisse de Lothéa. Son père s’appelait Yves, sa mère Marianne de Lohéac.

Le peu de détails que nous connaissons de sa vie dérive d'une source unique : la notice de D. Taillandier, reproduite dans les Biographies Bretonnes de Levot et résumée par M. de Kerdanet dans ses Notices chronologiques. On sait qu’il fit profession dans l’abbaye de Saint-Melaine, à Rennes, en 1713 ; qu’il fit ses études théologiques à l’abbaye de Saint-Vincent du Mans ; qu’il mourut à Paris, dans l’abbaye des Blancs-Manteaux, le 14 Octobre 1750.

Les travaux historiques occupèrent toute la vie de D. Morice. La puissante maison de Rohan en avait voulu à mort à D. Lobineau parce qu’il n’avait pas consenti à favoriser leur prétention à descendre directement des anciens rois de Bretagne. Cette prétention avait pour base une charte « archifausse », dit M. de la Borderie, attribuée à Alain Fergent. Espérant trouver un historien moins scrupuleux, « on s’est adressé au Général de Saint-Maur, pour lui demander un religieux afin de composer cette histoire. On a jeté les yeux sur un jeune homme qui demeure à Rennes, nommé Hyacinthe Morice, qui s’en est chargé... Il a de la piété ; mais il ne sçait pas trop le métier auquel il s’est prêtés » (Lettre de D. Liron, du 26 Février 1729).

Le cardinal de Rohan-Soubise, évêque de Strasbourg, écrivit au nouvel historiographe de sa maison, plusieurs lettres toutes remplies de ses folles prétentions, insistant sur la nécessité de maintenir la charte d'Alain Fergent, qui le faisait descendre en droite ligne du fabuleux Conan Mériadec, et que D. Morice lui-même jugeait suspecte. Il le presse de venir à Paris, d’y apporter tout ce qu’il possède « de mémoires et de titres sur la matière », et lui promet de lui faire ouvrir « la Bibliothèque du Roy et toutes les bibliothèques de Paris » (Lettre du 30 Janvier 1730).

D. Morice se rendit donc à Paris, accompagné de D. Duval, breton comme lui. Il fut reçu dans l’abbaye des Blancs-Manteaux, et se mit aussitôt d’arrache-pied à la construction de ce branlant édifice : Histoire généalogique de la maison de Rohan, formant deux volumes in-f° demeurés inédits.

A la base de ce travail se place un incident qui a été sévèrement jugé. Les papiers historiques laissés par D. Lobineau avaient été placés sous les scellés par ordre du parlement de Bretagne. Or, D. Morice et le sieur de Bédée, président honoraire aux Enquêtes du Parlement, « ensemble ou séparément, ne se génèrent pas pour fouiller, fourrager sans nulle réserve dans la succession historique de Lobineau... Le 11 Mai 1729, les commissaires désignés par les Etats... constatèrent que les papiers étaient épars, en désordre... sans aucune trace de scellé. On n’avait pas respecté le sceau des Etats... Ce qui rendait l’affaire plus grave encore et plus louche, c’est que Bédée était l’intime des Rohan-Rohan, et que le religieux à qui il avait livré subrepticement le trésor historique de Lobineau venait d’être officiellement choisi pour historiographe en titre de cette fastueuse maison » (A. de la Borderie, Correspondance historique des Bénédictins Bretons, p. 250). C’est-à-dire que ce cambriolage fut exécuté par Bédée, avec la complicité de D. Morice, à l’instigation des Rohan.

En travaillant à cette histoire généalogique, D. Morice se vit en possession d’une telle masse de documents de toutes sortes et de toutes provenances, que l’idée lui vint d’élargir son cadre, et d’écrire une Histoire de Bretagne. Il s’en ouvrit aux Etats réunis à Rennes, en Octobre 1740. Les Etats souscrivirent à trois cents exemplaires, et financèrent pour 10.000 livres, à titre d’acompte. Le prospectus qu’il lança dans le public en 1741 annonçait le Projet d’une Nouvelle Edition de l'Histoire de Bretagne de Dom Lobineau, revue, corrigée et augmentée de trois volumes..., par Dom Hyacinthe Morice.., L’ouvrage aurait donc cinq volumes in-f°, à savoir deux volumes d'histoire proprement dite, et trois volumes de pièces justificatives. Ces derniers parurent d’abord, en 1742, 1744 et 1746, sous le titre de Mémoires pour servir de Preuves... Quant à l'histoire elle-même, D. Morice se ravisa, et l’ouvrage parut sans qu’il y fût question de D. Lobineau : les puissants protecteurs du nouvel historien avaient intérêt à ce que des lettres d’authenticité fussent délivrées à leur ancêtre Conan-Mériadec : il les eut. L’ouvrage parut sous le titre Histoire ecclésiastique et civile de la Bretagne. Le premier volume seul était terminé lorsque D. Morice mourut d’apoplexie, le 14 Octobre 1750. Le second parut en 1756, sous le nom de D. Taillandier.

Les Etats de Bretagne, qui patronnaient cette oeuvre, contribuèrent aux dépenses pour une somme totale de 35.200 livres, selon le calcul fait par M. Hippolyte du Cleuziou.

L’oeuvre historique de Dom Morice a été diversement appréciée : elle a eu ses approbateurs excessifs et ses détracteurs outranciers. Elle n’a mérité « ni cet excès d’honneur, ni cette indignité ». On ne peut nier qu’il ait poussé trop loin la préoccupation de faire sa cour à la famille de Rohan : ce qui rend d’emblée suspecte son impartialité en certaines questions et, pour un historien, cette suspicion est grave. On ne saurait non plus l’absoudre d’avoir participé au cambriolage de l’héritage historique de son défunt confrère. Mais, ces réserves faites, on ne contestera pas que son oeuvre représente un travail immense, tant pour la collection de documents si nombreux, épars un peu partout, que pour la rédaction de son Histoire proprement dite. Il y a usé sa vie. S’il n’a pas toujours eu dans le discernement et l’utilisation des documents l’esprit critique de D. Lobineau ; s’il y a trop facilement fait état des affirmations des Bouchard, des Le Baud, etc., il n’en reste pas moins que, telle qu’elle est, son oeuvre est un monument que même l'Histoire d’Arthur de la Borderie et Barthélemy Pocquet ne fera pas oublier. Ses Preuves sont une mine où les historiens de l’avenir trouveront toujours à puiser.

(Archives de l'Evêché de Quimper et du Léon).

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