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L'abbé Charlès

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Après la Révolution, Jacques Lasbleiz avait été nommé desservant de Mahalon. Comme son vicaire, M. Charlès, il était né à Landrer, en Plogoff. Agé de 61 ans en 1803, il avait été promu au sacerdoce le 27 Mars 1773.

Malade, il se décharge sur M. Charlès du soin de diriger la paroisse. « M. Charlès, dit-il, dessert seul cette succursale depuis le 13 Décembre 1803, puisque depuis ce temps je n’ai pu le seconder en rien », et il supplie qu’on lui laisse ce vicaire. Bientôt, M. Lasbleiz, se considérant dans l’impossibilité de desservir Mahalion, profite de l’occasion que lui fournit Mgr. André de se retirer. En même temps, l'Evêque propose à M. Charlès de le nommer à l'Ile de Sein. Il répond par un refus, alléguant que, depuis plusieurs semaines, il doit prendre, par ordre du médecin, des tisanes pour tempérer l'âcreté du sang, occasionnée par ses suées tant à Plozévet qu’à Mahalon. « La nourriture que je pourrais avoir à l'Ile, ajoute-t-il, ne serait pas propre à l’adoucir, tout y étant sallé... » (sic). Il termine sa lettre au chanoine Boissière en lui souhaitant bon courage et grande patience pour pouvoir supporter les importunités de tant de prêtres !

En 1807, il déclare que « le paysan est dans une grande misère. Il a beaucoup à payer et il ne peut faire argent de rien ».

Pendant son exil en Espagne, M. Charlès avait appris l'espagnol, et, plus tard, il aimait à terminer ses lettres en cette langue quand il écrivait à M. Le Clanche, secrétaire de l'Evêché. Celui-ci avait partagé son sort, d’où l’amitié qui les unissait. Toutes les lettres de M. Charlès sont teintées de neurasthénie. Il était, à vrai dire, encombré de besogne. Déjà chargé de Mahalon et de Meilars, le vicaire général lui demande, en 1809, de s’occuper aussi de Guiler. Il répond : « M. de Tromelin me prie de me charger de Guiler. Il ne savait pas, sans doute, que je desservais Meilars il y a longtemps. J’ai donné la pâque à ceux de Mahalon, à ceux de Guiler, à ceux de Meilars en grande partie, et à ceux qui se sont présentés d’ailleurs avec la permission requise dans le temps de la pâque. Il y a plusieurs années que M. de Meilars ne pouvait presque rien. Aujourd’hui, il est devenu tout à fait incapable. Vouloir que je desserve ces trois paroisses, c’est me demander l’impossible. J’ai encore desservi Mahalon, Meilars et Plozévet du temps de la maladie de feu M. Jannou et de l’attaque de paralysie de M. Pennanech. J’étais alors plus fort. Je sens aujourd’hui que j’ai été victime de mon trop grand zèle. J’ai essuyé, depuis, deux fortes maladies. Je crois qu’une troisième n’est pas éloignée. Elle sera peut-être la dernière. Voyez donc, Monsieur, s’il y a quelque moyen de me soulager, en envoyant des prêtres dans ces deux endroits. Si on n’envoie du secours à la campagne, on n’y verra bientôt aucun prêtre. Il coûte à mon coeur d’annoncer de pareilles nouvelles à Sa Grandeur. Je suis sûr qu’elle en gémira. Je vais donner la pâque aux enfants de Mahalon et à ceux de Guiler. Exigera-t-on que je la donne à ceux de Meilars ? Je suis aux ordres de Monseigneur. Il sait que je n’ai jamais refusé de travailler, il verra aussi que je ne puis résister à tant de fatigues ».

Quinze jours plus tard, le 29 Mai 1809, il annonce la mort de M. Alain Pennanech, recteur de Meilars : « Moins plein de jours que de bonnes oeuvres, il vient de passer à une meilleure vie. Il est mort le 27 Mai, à l’âge de 63 ans. Vu la grande disette de prêtres, je crois que je serai obligé de desservir Meilars. Je le ferai pendant que je serai bien portant. Que l’on envoie à Landudec un prêtre qui desservira Guiler, ou que l’on donne la desserte de cette succursale à M. Massé, qui a deux vicaires. Guiler est beaucoup plus près de Pouldergat que de Mahalon. Si cet arrangement plaît à Sa Grandeur, je la prie de me munir de tous les pouvoirs nécessaires pour conduire le peuple de Meilars qui est dur et ignorant ».

On lui accorde provisoirement les pouvoirs nécessaires, jusqu’à ce que Monseigneur en ait autrement statué.

Un an après, Guiler n’avait pas encore de recteur, et M. Charlès se plaint à M. l'abbé Le Clanche : « M. l’abbé de Tromelin, dans sa lettre du 6 Mars 1809, me priait de vouloir bien administrer les sacrements aux habitants de Guiler et leur procurer les secours spirituels dont ils pourraient avoir besoin pendant la vacance de cette succursale. Je trouve qu’elle est trop longue. Avant son invitation, j’avais commencé à écouter ces malheureux, mais bons catholiques, rejetés de toutes parts. Cette année, j’ai encore commencé à les disposer au devoir pascal, et j’espère achever cette bonne oeuvre si le bon Dieu me conserve la santé. Mais je dirai naïvement à Sa Grandeur que je ne puis pas les secourir en santé et maladie. Les villages les plus éloignés de Guiler sont à deux grandes lieues de Bretagne du bourg de Mahalon. J’ai été dans ces villages voir des malades, et toujours à pied. Je n’ai pas de cheval et ne veux pas des leurs. Ils ne me conviennent nullement. Je n’ai pas pitié de mon corps. Je sens cependant, qu’à force d’aller, il s’affaiblit beaucoup. Un bon desservant à Landudec pourrait se charger de la succursale de Guiler. La paroisse de Mahalon est beaucoup trop grande pour un seul prêtre. Je connais, cher ami, la grande disette de prêtres. Aussi, quand vous annoncerez ma triste situation à Sa Grandeur, veuillez bien user de ménagement. J’aime mieux crever (sic) de fatigues que de la voir mourir de chagrin. Elle est beaucoup plus nécessaire à son diocèse que moi dans ce pays... ».

Il ajoute, en espagnol, que leur ami commun, Mével, recteur de Primelin, est délivré de sa fièvre (H. Pérennès).

Le 14 Décembre 1810, voici qu’il revient sur le même sujet : « Je vais encore vous annoncer que je ne puis pas desservir Guiler. Je dirai avec S. Martin : Non recuso laborem, mais aussi avec le saint homme Job : Nec fortitudo lapidum fortitudo mea, nec caro mea aenea est ».

En 1813, il répond à une circulaire au sujet des chapelles de la paroisse : « Il y a deux chapelles dans la paroisse de Mahalon. Elles appartiennent à la commune. Sans être nécessaires au culte, elles sont utiles à cause de la dévotion du peuple. Elles ont été jusqu’ici assez bien réparées, et continueraient de l’être, si la quête n’était pas défendue. Je vous ai toujours représenté que le peuple de Mahalon était pauvre mais religieux. Je suis sûr qu’il serait étonné, pour ne pas dire scandalisé, si on interdisait ses chapelles ».

René Rochedreux avait été nommé à Meilars, qu’il quitta en 1813. Et M. Charlès écrit à l'Evêché : « Vous n’ignorez pas la sortie de M. Rochedreux de Meilars. Depuis son départ, ces pauvres gens se jettent sur mes bras. Je leur ai procuré jusqu’ici les secours spirituels que j’étais en droit de leur donner. On parle de noces qu’on prétend faire à Mahalon. Vous sentez bien que je ne puis pas les faire sans être autorisé par Sa Grandeur ».

Une attaque de paralysie l’empêcha bientôt de suffire à sa propre paroisse. « Tous les confrères qui m’ont fait le plaisir de venir voir m’ont blâmé parce que je n’avais pas demandé un vicaire. Je ne l’aurais pas encore fait, si mes forces s’étaient rétablies à mon goût. Elles se rétablissent, mais fort lentement. Rien ne me gêne dans le ministère que lorsqu’il faut aller voir des malades au loin. Je n’ai jamais été grand cavalier et je pense qu’il est trop tard aujourd’hui de commencer à en faire l’apprentissage. Veuillez donc, Monsieur, intercéder pour moi auprès de Sa Grandeur pour qu’elle m’accorde un vicaire. Priez-la de ne pas m’envoyer un de ces gens que personne ne veut. Je voudrais avoir un jeune prêtre que j’instruirai de mon mieux ».

Cette lettre, datée du 16 Mars 1818, resta sans réponse. Le maire de Mahalon, Cariou, écrivit à son tour à l'Evêque, exposant « que Monsieur Charlès est dans l’impossibilité de continuer l’exercice de ses fonctions, étant atteint de paralisie ; il y a au moins deux ans, que depuis qu’il est malade il ne peut pas se transporter chez personne ; qu’il y a environ deux mois qu’il n’a pu dire la messe ; que depuis le commencement de sa maladie il n’a pu confesser personne ; en conséquence, nous vous prions d’avoir la bonté de lui envoyer de l’aide, parce que notre commune est actuellement sans culte... ».

A la fin de cette lettre, M. Jaffrey, curé de Pont-Croix, ajouta ces mots : « J’atteste et certifie la vérité de l’exposé ci-dessus, et je prie Monseigneur de vouloir bien y avoir égard... ».

Un vicaire fut enfin accordé : M. Guiffant. Mais déjà M. Charlès était à toute extrémité. Il mourut le jeudi 4 Février 1819, âgé de 55 ans seulement, usé par ses années d’exil et le travail formidable que lui donnèrent Mahalon, Meilars et Guiler.

(H. Pérennès)

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