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ABBAYE NOTRE-DAME DE MELLERAY |
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Description de l'église abbatiale de Melleray.
Nous avons précédemment fait connaître ce qu'étaient les bâtiments claustraux de Melleray. Mais il convient de nous arrêter plus particulièrement à décrire l'église abbatiale, dédiée à Notre-Dame et consacrée en 1183. Quoiqu'il ait été l'objet de quelques restaurations dans le cours des siècles, ce temple ne se présente pas moins comme un type très curieux et très rare en Bretagne, des édifices religieux qu'élevèrent les Cisterciens an XIIème siècle. Il se compose d'une nef ajourée de longues fenêtres cintrées, et accompagnée de deux collatéraux dont un seul subsiste aujourd'hui. Des arcades ogivales, on partie bouchées maintenant et au nombre de cinq de chaque côté, reposent sur de massifs piliers carrés, ornés seulement d'un simple tailloir ; ces arcades faisaient communiquer la nef avec ses collatéraux.
L'extrémité
occidentale de ces nefs a été malheureusement reconstruite, de sorte que la façade
romane, en beau granit rouge — pierre de taille employée dans tout l'édifice
— ne subsiste plus. Au-dessus d'une porte assez moderne, avec attique ornée
d'un écusson aux armes de Bretagne, apparaît une jolie baie, de style ogival
fleuri, à meneaux et ornementations du XVème siècle.
Il n'existe point d'inter-transept, et là se trouve la singularité architecturale de l'église de Melleray : les nefs rejoignent un long transept roman, éclairé à ses extrémités par des fenêtres cintrées, et sur ce transept s'ouvrent le choeur et quatre chapelles, le tout sur une même ligne vers l'orient ; ce choeur, beaucoup moins élevé que la nef, est voûté en ogive et terminé par un chevet plat ; de chaque côté, deux voûtes d'ogive, également à chevet droit, forment de petites chapelles qu'occupent presque entièrement leurs autels. C'est bien le plan de certaines églises romanes du XIIème siècle, mais ici l'abside et les absidioles sont remplacées par des chevets droits de la plus grande simplicité ; pas une colonne n'apparaît à Melleray, ce sont des murs bruts, solidement construits, ajourés tantôt d'ogives, tantôt de pleins-cintres comme on faisait à l'époque de transition du roman à l'ogive, mais aucune décoration ni à l'intérieur ni à l'extérieur, pas même de contreforts.
L'ancien chevet droit du choeur n'existe plus : dans le courant du XVème siècle il fut garni d'une vaste et belle fenêtre de style ogival flamboyant, dont nous avons gardé bon souvenir ; dans son tympan, on voyait encore l'écusson du duché de Bretagne d'hermines plein. Depuis une dizaine d'années, cette baie a disparu ; on a reconstruit complètement le chevet du choeur et l'on y a placé trois petites fenêtres romanes qui sont mieux à l'unisson du style de tout l'édifice, mais qui ne produisent pas le bel effet qu'offrait la riche fenêtre ogivale.
Les nobles bienfaiteurs de Melleray au moyen-âge avaient rempli cette belle fenêtre du chevet de vitraux peints, où brillaient leurs blasons. Au milieu du XVIIème siècle, on y voyait encore une splendide verrière, dont une description fut faite en 1663 au point de vue héraldique, par les commissaires chargés de dresser un procès-verbal de l'état des églises dépendant de la baronnie de Châteaubriant.
On apercevait alors, au haut de cette « grande et principale vitre du maistre autel, les armes de Bretagne, au dessous desquelles il y a deux escussons en parallèle, dont l'un porte de Bretagne et l'autre party de Bretagne et de pals contre pals d'or et de gueules », qui est d'Amboise. Ces armoiries devaient être celles de Pierre II, duc de Bretagne, et de sa vertueuse épouse la Bienheureuse Françoise d'Amboise.
« Au-dessous, sont encore en parallèle deux autres escussons des armes de Chasteaubriant, et, encore au-dessous, un autre escusson desdites armes de Chasteaubriant. Au bas de la dicte victre, sont quatre figures peintes, trois d'hommes et une de femme : la première, porte sur ses vêtements my party de bandes contre bandes d'argent et de gueules et de l'alliance de Bretagne ; la seconde figure porte de Chasteaubriant ; la troisième, de Montmorency [Note : Ces armoiries étaient celles des Montmorency-Laval, famille qui posséda pendant près d'un siècle la baronnie de Châteaubriant : les comtes de Laval, issus, en effet, d'un puîné de Montmorency, portaient les mêmes armes que les ducs de Montmorency, sauf l'adjonction de cinq coquilles d'argent] et la quatrième, qui représente une femme, porte party de Montmorency et de Chasteaubriant ».
Il nous est impossible maintenant de nommer ces divers personnages qui devaient, pour la plupart, appartenir à la famille des barons de Châteaubriant.
En 1663, on retrouvait encore les armoiries des barons de Châteaubriant dans « une petite vitre de la nef du costé de l'évangile ».
A cause de leur châtellenie de Vioreau, les sires de Châteaubriant étaient les premiers prééminenciers à Melleray après le duc de Bretagne. Aussi avaient-ils dans l'église abbatiale une litre seigneuriale qui apparaît encore extérieurement, et que le procès-verbal de 1663 décrit comme suit :
« Dans ladite église, il y a une lizière qui comprend tout le tour de ladite église, depuis le maistre-autel jusqu'à la grande porte ; ladite lizière chargée de plusieurs escussons, les uns de Chasteaubriant et les autres party de Montmorency, et de bandes contre bandes d'argent et d'azur à la fasce d'argent à la bande ondée de sable, au chef d'argent chargé d'une rose de gueules », qui est des Ursins.
Cette litre semble bien avoir été repeinte par ordre d'Henri II, duc de Montmorency et baron de Châteaubriant, époux de Marie-Félicie des Ursins.
Malheureusement, le courage abandonna là nos hérauts d'armes de 1663 ; ils reculèrent devant la description des autres armoiries peintes et sculptées dans l'église Notre-Dame de Melleray. « Nous avons vu, disent-ils, que le tour du lambris de ladite église est rempli d'un si grand nombre d'armes différentes, peintes sur iceluy, qu'il serait trop long et ennuyeux d'en faire ici mention ». Actuellement, que toutes ces armoiries ont disparu, l'ennui ne nous gagnerait certes point si nous pouvions au moins en retrouver la description.
Au XVIIème siècle, il y avait encore un certain nombre de tombeaux à Melleray, tant dans l'église abbatiale que dans le cloître ; voici comment les décrivent les commissaires de 1663 :
« Au
haut et milieu du choeur, proche le maistre-autel, il y a un monument eslevé de
trois pieds de hauteur ou environ, sur lequel est une figure couchée, qui représente
un homme armé, dont nous ignorons le nom, à cause qu'il n'y a aucunes
inscriptions ny armes.
Au
costé dudit monument, il y en a un aultre, eslevé sur quatre petites colonnes
à hauteur d'un pied de terre, sur lequel est la figure d'un abbé.
Soubs la voulte qui sépare le chanceau du choeur, est encore un aultre monument, eslevé de deux pieds ou environ, sur lequel est la figure d'un homme armé, dont nous n'avons pu non plus apprendre le nom ».
On peut conjecturer avec vraisemblance, que le premier de ces tombeaux était celai de Geffroy VIII, baron de Châteaubriant, tué les armes à la main, au combat de La Roche-Derrien, et inhumé à Melleray, en 1347.
Le second monument ne serait-il pas, plutôt que celui d'un abbé, le tombeau d'Henri, évêque de Nantes, décédé en février 1235, après avoir choisi sa sépulture à Melleray, où il fut effectivement enterré (De la Nicollière, Armorial des Evêques de Nantes, 45) ?
Quant au troisième chevalier, c'était peut-être Pierre de Coësmes ou Hamelin de Saffré, inhumés à Melleray vers le milieu du XIIIème siècle.
Deux nobles familles, bienfaitrices insignes de l'abbaye, celle des sires de Rougé et celle des Le Boeuf, seigneurs d'Issé, avaient leurs tombes dans le cloître de Melleray. Esgaré de Rougé y fut enterré vers 1183, — Bonabes II, sire de Rougé, en 1242, — Bonabes IV, également sire de Rougé, en 1377, —Jeanne de Rougé, fille de ce dernier et femme de Geffroy de la Tour, seigneur de la Tour-Landry, vers 1379 (Voir Du Paz, Histoire généalogique des principales maisons de Bretagne, 164 et 167).
« Estant entrés dans le cloistre principal de ladite abbaye — continuent les commissaires de 1663 — nous avons vu plusieurs pierres tombales fort anciennes, sur deux desquelles sont représentés deux hommes armés, et autour de l'une on peut lire ces paroles, en lettres gothiques : Cy gist Bonable de Rougé ».
Le Manuscrit des Blancs-Manteaux nous a conservé une portion plus longue de l'inscription gravée sur cette pierre tombale du sire de Rougé : « Cy gist le léal chevalier Bonabes de Rogé (qui) fust sire de Saint-Lou (?) à qui ce moustier fut moult chier et por ce le voulut pour sa sépulture eslire l'an M.CCXLII. Le monde delessa et nous le premier jour de mai, a dreit pour Dieu que merci en ait. Amen ».
Cette tombe représentait un chevalier couché, portant sur le genou un écu dont la croix était pattée d'argent et le fonds de gueules (Archives de la Loire-Inférieure, H. 75).
Ce sont bien, en effet, les armes des sires de Rougé, et ce personnage est évidemment Bonabes II, seigneur de Rougé, dont du Paz parle en ces termes : « Il vescut fort longuement et aima l'abbaye de Melleray, à laquelle il fit beaucoup de biens ; au cloistre de laquelle il fut inhumé devant la porte du Chapitre après son décès qui arriva le premier jour de may, l'an de grâce 1252 ». Nous venons de voir que l'épitaphe porte 1242.
L'autre pierre tombale représentant également un chevalier bienfaiteur de Melleray, offrait une inscription plus facile à lire, que voici : Cy gist Monsor Brient Le Bouf (Note : lire Le Bœuf), le Vieil, segnor de Nozei et d'Icé, qui transit au mois de mars, l'an de grâce MCCL. Priez pour luy, Dex li face pardon. Amen.
Sur la tombe était figuré un homme couché, revêtu de son armure, portant un écu sur lequel était gravée une croix cantonnée de quatre lions ; « aux deux costés de la figure sont deux aultres escussons, dans chacun desquels il y a la figure d'un boeuf ».
Cette tombe renfermait le corps de Brient Le Boeuf, qui avait donné en 1230, aux religieux de Melleray, sa terre d'Abbaretz ; il appartenait à la famille des sires de Châteaubriant, descendant d'un certain Le Bœuf, fils puîné de Tihern et d'Innogwen et frère de Brient, premier baron de Châteaubriant ; la famille Le Boeuf prit pour armes : de gueules à un bœuf passant, regardant d'or, la queue entre les jambes remontant en pal et fourchée ; mais Brient Le Boeuf, fils du précédent, portait, en 1275, dans son sceau, une croix cantonnée de quatre lions.
Une troisième dalle du cloître de Melleray, datée de 1285, recouvrait la sépulture de la femme d'un Brient Le Boeuf, soit de Brient le Vieux, soit de Brient, son fils. L'inscription portait, en effet : Cy gist dame Perronnelle de Rogé, femme (de) Monsor Brient Le Bouf et seur (de) Monsor Olivier de Rogé, qui trespassa l'an CCLXXXV : Priez pour elle.
De tous ces tombeaux, il ne restait plus naguère à Melleray que l'une de ces dernières pierres funéraires ; on la voyait encore, il y a quelques années, dans le cloître, présentant toujours l'effigie d'un chevalier. Quant aux monuments qui se trouvaient dans le choeur de l'église abbatiale, ils ont complètement disparu.
On n'aperçoit plus également « plusieurs escussons de peinture ancienne » qui se trouvaient aux derniers siècles dans la sacristie de l'église abbatiale ; ces armoiries étaient : de gueules à la croix pattée d'argent, qui est de Rougé ; — de gueules à la croix d'or cantonnée de quatre lions de même, qui est Le Bœuf ; — d'or à dix merlettes de gueules posées en orle, au franc quartier de même, qui est de Chemillé (Archives de la Loire-Inférieure, H. 75).
L'Etat de l'abbaye de Melleraye, en 1790, nous décrit bien trop brièvement son église, voici comme il s'exprime : « L'église porte la date de 1183 ; nef du XIIème siècle ; choeur du XVème. Le maître-autel est construit à la romaine, avec gloire et deux anges adorateurs ; il est de marbre blanc. Il y a aussi deux petits autels en marbre de couleur, et deux autres en bois doré et sculpté ; ces derniers sont placés en dehors de la grille. Le clocher contient 3 cloches (l'une de 4 pieds 8 pouces de tour), et une horloge établie en 1697 » (Abbé Grégoire, Etat du diocèse de Nantes, 2ème partie, 19).
Il n'est pas peut-être sans intérêt de rapporter ici ce que renfermait la sacristie de Melleray au commencement du XVIIème siècle [Note : Ce qui suit est extrait du procès-verbal de 1603. Archives de la Loire-Inférieure, H. 76] : « Un parement d'autel composé de deux pièces de velours tanné et toile d'or, esquelles y a en chacune quatre escussons où il y a trois lions rampant et au haut desquelles il y a deux figures Nostre-Dame et Monsieur sainct Jacques, avec une bordure au long de l'autel où il y a douze chefs d'apostres de mesme estoffe, le tout fort vieil. — Une croix d'argent doré, — deux calices et leurs plataines aussi d'argent doré, — plus une chapelle de drap d'argent composée de sa chasuble, deux daumoires, estolles et fanons. — deux mîtres en broderies fort vieilles, — une chapelle de velours rouge aussi composée de chasubles, daumoires, estolles et fanons, — plus deux chapes servant au choeur, l'une de demyostade rouge avec des figures en broderies, l'autre d'estofle bleue aussi en broderies et les figures fort vieilles, — quatorze aubes, partie desquelles rompues et déchirées ».
C'était absolument tout ce qu'avaient les religieux pour célébrer les saints Mystères en 1603 : aussi l'abbé Jean Giraud réclamait-il aux moines « deux autres parements d'autels pour la feste de Nostre-Dame et pour les Trespassés, deux autres chapes de choeur et deux chapes pour les trépassés, et un ciboire d'argent pour mettre la sainte Hostie lorsqu'on la porte à la procession le jour du Sacre », car on est « contraint la porter sur une plataine sur le calice ». On voit qu'à cette époque la sacristie de l'abbaye se trouvait dans un véritable état de pauvreté.
En 1790, l'état de choses était plus convenable, et la sacristie renfermait « deux ostensoirs, trois calices, deux ciboires, deux bénitiers, deux flambeaux, une lampe, deux croix, deux encensoirs, une boite aux saintes huiles, deux paires de burettes, le tout d'argent, un calice de vermeil (et on avait déjà envoyé à la Monnaie une valeur de 33 marcs d'argent) ; quatorze chasubles, douze dalmatiques, vingt-quatre aubes et un dais ».
La bibliothèque contenait « 757 volumes et deux armoires de manuscrits classés » (Abbé Grégoire, Etat du diocèse de Nantes en 1790, 2ème partie, 19).
Hélas ! que sont devenus les manuscrits et les archives de Melleray, qui nous intéresseraient tant aujourd'hui ?
En dehors de l'église, tout le monastère de Melleray a été rebâti, comme nous l'avons dit, dans le courant des XVIIIème et XIXème siècles ; seul le grand portail d'entrée est antique. Construit en granit rouge, il présente une large ouverture ogivale, décorée d'oves romans ; de chaque côté, des colonnes groupées forment contreforts : quoique plus ornementé que l'église, nous ne croyons pas que ce portail lui soit postérieur de beaucoup d'années.
Mais nous ne regardons pas comme ancien l'écusson qui le surmonte. Nous tenons néanmoins à signaler ce blason, parce que nous n'avons pu retrouver les armoiries de l'abbaye de Melleray au moyen-âge. L'écusson dont nous parlons est ainsi composé : parti au 1er d'hermines plein, qui est de Bretagne ; au 2ème d'azur à une ruche d'or, accompagnée de trois abeilles de même, volant de la pointe vers la ruche. Ce sont, comme l'on voit, des armes parlantes, se rapportant au nom latin de l'abbaye Mellarium, et rappelant aussi la légende apocryphe de l'origine du monastère (Guillotin de Corson).
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