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ABBAYE NOTRE-DAME DE MELLERAY |
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Fondation de Notre-Dame de Melleray.
Au XIème siècle, le pays de Châteaubriant se trouvait en grande partie couvert de bois ; c'était dans une sorte de clairière s'ouvrant au milieu des forêts de Teillé, d'Araize, de Juigné, de Domnèche et de la Forêt-Pavée, que Briant, premier baron de Châteaubriant, avait construit sa forteresse, devenue le chef-lieu d'une importante seigneurie. Sur la lisière méridionale de ces forêts s'étendaient quelques paroisses déjà anciennes, parmi lesquelles il faut noter celles de Moisdon et d'Auverné, l'une et l'autre d'une étendue assez considérable ; puis au-delà régnait, comme une seconde enceinte de bois, appelés encore de nos jours les forêts de l'Arche, de Vioreau et d'Ancenis. Au centre de toutes ces forêts habitait un vénérable ecclésiastique, Rivallon, prêtre, c'est-à-dire très vraisemblablement recteur d'Auverné [Note : « Quodam religioso presbytero Rivalono de Averne » (Dom Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 585)]. Vers l'an 1134, deux hommes, vêtus de bure, et paraissant appartenir à quelque ordre religieux, vinrent lui demander certain soir l'hospitalité ; ils étaient bien las, ayant longtemps erré dans les grands bois [Note : « Jam longe lateque istam regionem deambulaverant » (Dom Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 585)], aussi furent-ils fraternellement accueillis par le bon prêtre d'Auverné — dès cette époque l'hospitalité chrétienne, paraît-il, distinguait les presbytères bretons. |
Rivallon, tout en hébergeant ses hôtes, s'enquit naturellement du but de leur voyage, et voici ce qu'ils lui racontèrent :
Il y avait à peine quinze ans qu'un monastère avait été fondé, en Anjou, par des religieux, disciples de saint Etienne, abbé de Cîteaux. Cette abbaye cistercienne du Loroux avait promptement donné naissance à un second monastère, construit dans la paroisse du Loroux-Béconnais et nommé Pontron. Cette année même, 1134, Martin, abbé du Loroux, avait confié la nouvelle abbaye de Pontron à un saint religieux appelé Foulques, et c'était ce Foulques qui envoyait en Bretagne les deux moines reçus à Auverné. Que venaient-ils y faire? Comme de diligentes abeilles, ils essaimaient d'Anjou chez nous, cherchant dans nos bois une solitude bien profonde pour s'y établir et donner naissance, à leur tour, à quelque autre monastère.
Puis les deux religieux expliquèrent au prêtre d'Auverné la règle de Cîteaux qu'ils suivaient : elle était fondée sur la pauvreté, le travail, la prière, le silence et l'abstinence la plus sévère. Ils recherchaient de préférence le fond des bois, demeurant volontiers avec les bêtes sauvages, habitant des huttes grossières faites de branches d'osier entrelacées, ne vivant que de pain bis, d'herbes et de légumes. Ils se levaient la nuit pour prier, et exerçaient entre eux et autour d'eux la charité si recommandée par Notre Seigneur. Rivallon, rempli d'admiration pour ses hôtes, les engagea à prendre un repos que leur longue course avait bien mérité, et leur promit de leur faire connaître dans les environs une solitude qui leur plairait.
Le lendemain, en effet, le bon prêtre d'Auverné conduisit lui-même les deux Cisterciens dans un bois situé non loin de chez lui, mais en le paroisse de Moisdon ; à peine arrivés en cet endroit, les religieux demeurèrent ravis de l'aimable solitude qu'offrait ce désert, des vastes ombrages de ses grands arbres et de l'admirable tranquillité qu'on y trouvait, loin du bruit et des tracas du siècle ; ils tombèrent à genoux pour en remercier Dieu [Note : « Ibi multas gratias agentes Deo pro venusta heremi solitudine, largam opacitatem memoris a strepitu remotam soecularium ceperunt curiosius contemplari et mirari » (Dom Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 586)].
Ici nous avons le regret de détruire une jolie légende : l'on dit souvent que Melleray doit son nom à la première visite que firent en ce lieu les moines de Pontron ; ils y seraient arrivés seuls, égarés dans les forêts et repoussés même par les habitants des villages voisins harassés de fatigue et dévorés par la faim, ils auraient trouvé dans le creux d'un vieux chêne un rayon de miel sauvage ; bénissant Dieu de cette heureuse rencontre, ils se seraient rassasiés de cette bonne nourriture fournie par la Providence, et auraient, en souvenir du fait, appelé ce coin de bois Melleray « Mellearium » [Note : Mellis alvearium].
Malheureusement pour la légende, nos bons religieux ne vinrent point seuls en ce lieu, ils y étaient conduits, avons-nous dit, par un prêtre très hospitalier, Rivallon d'Auverné, et celui-ci leur apprit lui-même que la solitude qui les charmait tant s'appelait le Vieux-Melleray [Note : « Cum duce Rivalono de Averne, qui eos die praecedenti benigne susceperat hospitio, in hunc locum qui Vetus Melereium dicitur deveniunt » (Dom Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 585)] ; ils n'eurent donc point à lui donner un nom qu'il portait depuis longtemps déjà.
Cette dénomination de Vieux-Melleray indique même l'existence, dès cette époque, d'une autre localité portant également le nom de Melleray. Il est vraisemblable que cette dernière était le bourg actuel de Melleray [Note : Appelé de nos jours La Meilleraye, commune du canton de Moisdon, arrondissement de Châteaubriant], situé à une demi-lieue de l'abbaye.
C'était alors une trêve de la paroisse de Moisdon, et il semble que ce fut du temps même du prêtre Rivallon, que les Bénédictins de Saint-Florent de Saumur y fondèrent un petit prieuré appelé Saint-Etienne de Melleray. Peut-être cette fondation fut-elle le résultat de l'entrée au monastère de Saint-Florent, d'Hamon de Moisdon, fils de Péan, seigneur de Moisdon ; toujours est-il que vers l'an 1150, les frères de ce nouveau religieux investirent l'abbaye de Saint-Florent des biens que leur père commun lui avait donnés en la paroisse de Moisdon [Note : Bulletin et Mémoires de la Société archéologique de Nantes et la Loire-Inférieure, XVI, 84].
Au XIIIème siècle, le prieuré de Melleray (Priorartus sancti Stephani de Melereio) renfermait seulement deux moines, qui devaient soixante-dix sous de rente à la mense abbatiale de Saint-Florent. En 1600, il était en commende et aux mains de dom Claude de Bruc, bénédictin de l'abbaye de Redon ; à cette époque le fonds principal du temporel du prieuré de Melleray consistait en la terre noble du Chastellier relevant du roi. Autour de ce prieuré se forma une agglomération d'habitations qui forma ce qu'au moyen-âge on appelait « la ville de Melleray », simple bourg aujourd'hui, mais ayant jadis une certaine importance, à cause de la baronnie de Vioreau, dont il faisait partie [Note : Le territoire de Melleray fut séparé de Moisdon et érigé en paroisse en 1767].
Nous ne reparlerons plus de ce prieuré de Melleray, qui n'avait d'autres rapports avec l'abbaye de Melleray, que le voisinage et la similitude de noms.
Enchantés de cette découverte du Vieux-Melleray, dont l'aspect austère les charmait, les Cisterciens s'informèrent aussitôt du nom du possesseur de ce désert. Rivallon leur apprit que c'était Alain, seigneur de Moisdon ; aussitôt les religieux se dirigèrent vers sa demeure. Ils furent bien accueillis de ce seigneur, qui leur accorda immédiatement le terrain et le bois nécessaires pour construire un monastère ; bien plus, il voulut venir lui-même fixer, avec ses gens, les limites de la future abbaye de Melleray [Note : « Nec mora dominum loci illius Alanum de Maidon adierunt, qui statim quaesitum locum cum terra adjacenti et nemore eis concessit ad construendum cenobium, ipse postmodum cum suis per circuitum fines disterminans Abbatiae » (Dom Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 586)]. Ces limites furent le sentier conduisant à la fontaine de Tufeaus, le chemin Bernard, la frontière de la paroisse d'Auverné et le fief Guihenoc ; sur le territoire de Moisdon, le seigneur concéda aux moines tout droit d'usage dans les bois et dans les pâturages vagues et communs [Note : La fontaine de Tufeaus est appelée aujourd'hui la fontaine Fermée ; quant au chemin Bernard, il part du bourg de Melleray et se dirige vers Riaillé en traversant la forêt d'Ancenis].
Cet Alain de Moisdon ne fut, du reste, pas le seul fondateur du nouvel établissement religieux ; non seulement sa femme, surnommée la Superbe ou l'Orgueilleuse, et son fils, Clérembaud, donnèrent leur consentement à cette pieuse donation, mais un autre seigneur et sa famille prirent à cet acte religieux une part tellement importante, qu'il semble être le propre frère du fondateur ; il se nommait Haimon Le Bigot, mais l'on voit ailleurs que ses enfants et petits-enfants prenaient aussi le nom de Moisdon ; Le Bigot devait être un surnom donné à ce seigneur qui avait pour femme Duoée, et pour enfants Péan et Anne, celle-ci mariée à Yvon de Rougé ; tous s'empressèrent de souscrire avec Alain à la fondation de Melleray (Dom Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 586). Le clergé de Moisdon voulut sanctionner lui-même cet acte religieux ; au bas de la charte de fondation de Melleray se trouvent les noms d'Auffroy, moine du prieuré de Moisdon, membre de l'abbaye de Saint-Florent de Saumur, et de Guillaume, prêtre ou recteur de Moisdon.
Heureux de la tournure que prenaient les événements, et pleins de reconnaissance envers leurs bienfaiteurs, les deux moines remerciant vivement Dieu du succès de leur mission, vinrent s'enfermer dans la solitude de Melleray. Ils se mirent aussitôt à l'oeuvre, alternant leurs prières avec les travaux de la hache et de la scie, abattant les arbres, nivelant le terrain, élevant leurs maisonnettes, construisant enfin une chapelle provisoire. Tous ces travaux durèrent plusieurs années, et ce ne fut qu'en 1142 (Dom Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 586) que Foulques, abbé de Pontron, envoya à Melleray un nouveau groupe de moines, et mit à la tête de toute la communauté un abbé aussi distingué par sa science monastique que par ses vertus (Guillotin de Corson).
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