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Charles PAIRIER, prêtre guillotiné à Rennes
en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II.
 

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68. — L’abbé PAIRIER, fils de Pierre et de Julienne Thé, naquit au village de la Hardouinais, en Miniac-sous-Bécherel, le 17 mars 1747. Ses parents l’envoyèrent étudier à Dinan, au collège des Laurents, où il finit sa philosophie en 1767. Il subit tous ses examens préparatoires à l’admission aux saints ordres avec la mention « passable » et reçut la tonsure et les mineurs à Dol, par dimissoire en date du 9 septembre 1767. Il attendit pour le sous-diaconat jusqu’au mois de mars 1772, et c’est encore des mains de Mgr de Hercé qu’il reçut le premier des ordres sacrés. Il fut fait diacre à Rennes, par dimissoire en date du 30 mars de cette même année, mais c’est son évêque, Mgr des Laurents, qui lui conféra la prêtrise à Saint-Sauveur, en Saint-Malo, le 27 mars 1773, à l’âge de 26 ans. (Arch. d'I-et-V., G, 89).

M. Pairier, après son ordination sacerdotale, demeura dans sa paroisse natale, où il habitait avec sa mère, au village de la Hardouinais. Il y jouissait de l’affection et de l’estime de ses concitoyens, lesquels, à l’élection des municipalités, le choisirent pour le premier maire de Miniac. Il sut si bien s’acquitter de ses fonctions, qu’elles lui furent continuées jusqu’au mois de septembre 1792, date de l’application de la Loi du 26 août précédent.

69. — Lorsqu’à cette époque, le recteur de Miniac, dut prendre la route de l’exil, comme insermenté, M. Pairier le remplaça dans ses fonctions et signa tous les baptêmes de ses compatriotes depuis le 9 septembre jusqu’au 14 du mois suivant. A ce moment, la tenue des registres d’Etat civil ayant passé aux laïques, il n’est plus possible de constater, documents en mains, le ministère qu’il accomplit près de ses concitoyens, mais des historiens assurent « qu’il leur fit beaucoup de bien par les secours spirituels qu’il donnait aux fidèles ».

N’étant pas considéré par la loi comme fonctionnaire public ecclésiastique, M. Pairier put demeurer ouvertement dans sa paroisse, quoique réfractaire, jusqu’à la promulgation de la Loi des 21 et 23 avril 1793, qui condamnait à la déportation à la Guyane tout prêtre ou religieux qui n’aurait pas au moins prêté le serment du 14 août 1792. Or, l’abbé Pairier, on le sait par ses interrogatoires, ne prêta jamais comme prêtre aucun des serments prescrits par les lois qui réglaient le sort du clergé catholique. Cependant, malgré les sanctions redoutables auxquelles il s’exposait, cet ecclésiastique continua d’habiter Miniac, où il pouvait se croire en sécurité, si l’on s’en rapporte à un épisode qui eut cette paroisse pour théâtre, le 1er novembre 1793. A celte date, vers les 11 heures du matin, le maréchal des logis Ignace Davonay et Joseph Grolard, tous deux gendarmes de Hédé, se trouvant à Miniac, rencontrèrent l’abbé Pairier, « qu'ils sommèrent de les suivre », ce qu’il se refusa d’exécuter. Ils tentèrent alors, prétendirent-ils ensuite, de l'entraîner de force, « mais plusieurs particuliers présents coururent au bourg et bientôt un attroupement d’environ 25 personnes » se forma autour des représentants de la force publique, qui, se voyant en péril, relâchèrent leur prisonnier.

70. — Malheureusement, le 10 du mois de juin de l’année suivante, comme l’abbé Pairier revenait de Saint-Pern dans la soirée, il tomba dans le bourg de Miniac au milieu d’une patrouille composée de gardes nationaux de Bécherel. Des témoins contemporains assurent que ces hommes étaient assez disposés à laisser aller le bon prêtre, « mais ils en furent empêchés par un ancien habitant de Miniac, qui se trouvait parmi eux, lequel insista beaucoup pour qu’on le retînt ». On conduisit M. Pairier d’abord à Bécherel, puis à Montfort, le 12 juin, et enfin à Rennes, où il fut enfermé dans les prisons de la Porte Saint-Michel.

Non seulement l’abbé Pairier pardonna à cet homme qui le livrait à ses bourreaux, mais en digne disciple de Jésus-Christ, il recommanda plusieurs fois à ses parents, dit Tresvaux du Praval, « de ne vouloir aucun mal à celui qui s’était montré si cruel à son égard, et les pria même de lui faire du bien, ainsi qu’à sa famille, si l’occasion s’en présentait ».

71. — Les Souvenirs de Mgr Brûté renferment une émouvante page sur l’abbé Pairier : « Ma mère, écrit l’évêque de Vincennes, le vit passer sous ses fenêtres se rendant au palais de justice. Elle fut frappée de l’aspect remarquable de M. Pairier, un grand prêtre à cheveux gris, aux traits célestes et à la démarche pleine de dignité ; et en ce moment elle fut témoin d’une circonstance qui donnera l’idée de l’esprit de l’époque, mieux qu’une longue description.

La guillotine était à Rennes dressée en permanence sur la place publique, souvent ensanglantée et portant parfois des têtes exposées. En passant avec leurs prisonniers pour se rendre au tribunal, les gendarmes avaient l’habitude d’appeler l’attention de leurs victimes sur l’instrument fatal, et les forçaient à le regarder. — « Regarde donc, dit l’un d’eux à M. Pairier ; dis donc bonjour à madame la guillotine ; ne vas-tu pas l’épouser ? » — Et la foule criait en même temps : « A la guillotine ! A la guillotine ! » — Cet ecclésiastique ne parut pas faire attention au propos de son gardien et ne détourna pas la tête, mais il continua à marcher modestement à la suite des autres prisonniers. Le gendarme, offensé de ce que M. Pairier n’eût pas obéi à son ordre, lui donna un coup violent au visage, en disant : « Veux-tu regarder où je te dis ? Tu seras bientôt là toi-même ! » — « Je la vois, », répondit tranquillement M. Pairier ». Ces mots me furent rapportés par des témoins très rapprochés des prisonniers ; mais le soufflet ne sortit pas de la mémoire de ma mère, et de longues années après, elle en parlait souvent à l’occasion de ces terribles scènes : « De tous ceux que j’ai vus se rendant au tribunal et de là à l’échafaud, aucun n’avait un aspect si vénérable que M. Pairier » [Note : Souvenirs de la Persécution révolutionnaire à Rennes (Revue de Bretagne et de Vendée, VIII, 454) et Vie de Mgr Bruté de Rémur, in-6° , Rennes, 1887].

72. — L’interrogatoire de l’abbé Pairier par un juge du Tribunal criminel fait défaut dans son dossier, mais cet interrogatoire, simple constatation d’identité d’après les termes de la loi, manque habituellement d’intérêt. En revanche, nous en possédons trois autres que l’on a publiés ailleurs et qui éclairent parfaitement sur la mentalité de cet ecclésiastique, lequel, d’après ses réponses, n’était nullement l’ennemi des réformes que l’Assemblée Constituante avait réalisées en France, si elles se fussent tenues dans leur domaine propre et n’eussent point touché à la Constitution même de l’Eglise. Il était, dit-il, demeuré dans sa paroisse natale, confiant dans la sympathie dont il jouissait parmi ses compatriotes, auxquels il rendait des services de toutes sortes, tout en étant « navré des événements dont il était témoin ». Par ailleurs, les réponses de M. Pairier témoignent de beaucoup de circonspection. Il prend garde de fournir de nouveaux arguments contre lui à ses accusateurs et ne leur avoue que ce qui lui est impossible de leur cacher : telle sa réponse dans laquelle il prétend n’avoir jamais célébré la messe depuis dix-huit mois. Il évite aussi soigneusement tout ce qui pourrait compromettre des tiers et, à part sa mère et ses sœurs, il prend garde de nommer quelqu’un, sachant par avance combien une imprudence de langage de sa part serait terrible pour la personne qui en serait l’objet.

M. Pairier fut condamné le 16 juillet 1794 à la peine de mort par le Tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine. Les motifs invoqués pour justifier cette sentence, on les a déjà vus appliquer plusieurs fois : le prévenu est demeuré, quoique insermenté, sur le territoire français, en violation de la loi qui expulsait du sol de la République révolutionnaire tous les prêtres « fanatiques ».

Le lendemain 17 juillet, M. Pairier subit le châtiment mérité pour une faute aussi impardonnable. Il fit preuve en la circonstance des mêmes sentiments de Foi et de piété dont il avait fait montre précédemment. S’il ne put égrener, en marchant au supplice, le chapelet qu’il portait sur lui lors de son arrestation, et que le Comité révolutionnaire de Rennes lui avait confisqué « comme un signe de ralliement pour les brigands », ses lèvres murmurèrent bien souvent le nom de Marie jusqu’à ce que le couperet de la guillotine vînt jeter son âme entre les mains de Celle qu’il avait tant de fois invoquée.

Nombreuses sont encore à Miniac-sous-Bécherel et à Saint-Pern les personnes qui s’honorent de leur parenté avec M. Pairier. Sa maison d’habitation est encore possédée par un des membres de sa famille. Tout ce monde est persuadé de son martyre.

BIBLIOGRAPHIE. — Guillon, Les Martyrs de la Foi, op. cit., t. IV, p. 231, qui orthographie Perrier. — Tresvaux du Fraval, Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne, op. cit., t. II, p. 23-24. — Mgr Bruté de Rémur, loco citato. — Guill. de Corson, Les Confesseurs de la Foi de l’Archidiocèse de Rennes, op. cit., p. 42-44. — L’abbé Lemasson, Les Actes des prêtres insermentés de l’archidiocèse de Rennes, etc., op. cit., p. 82-91, a publié toutes les pièces officielles du procès de M. Pairier.

(Dossier n° 244 des actes du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, série B, Parlement, aux archives d'Ille et-Vilaine. Cf. en plus, même dépôt, les dossiers des comités révolutionnaires de Rennes, Montfort et Bécherel).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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