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Vestiges monastiques des îles de l'embouchure du Trieux :

l'île Saint-Maudez et l'île Verte.

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Lorsque l'on descend l'une des deux routes qui, passant de chaque côté du manoir de Kertanouarn, — la vieille route à l'est, la nouvelle, construite en 1933, à l'ouest, — arrivent au port langoustier de Loguivy-de-la-Mer, en Ploubazlanec, on a devant soi le splendide panorama de l'embouchure du Trieux ; cette rivière, après avoir serpenté depuis le manoir féodal de La Rochejagu entre deux rives boisées qui lui donnent l'aspect d'un fiord nordique, vient se jeter dans la Manche au milieu d'un grand nombre d'îles auxquelles les géographes ont donné le nom d' « Archipel de Bréhat », du nom de la plus importante.

On voit d'abord au premier plan les différents hameaux qui forment aujourd'hui l'agglomération de Loguivy-de-la-Mer, et que domine, sur la colline de Créac'h-Baélan, la tour en ruines d'un ancien moulin à vent ; à droite, s'arrondit la courbe de la baie de Launay ou anse de Gouern, et la grève s'étend en direction de l'Arcouest, dominée par une autre tour de moulin à vent ruinée, celle de Lannévez.

Le Trieux débouche sur la gauche, derrière le petit port de Loguivy, où, suivant la marée, les côtres langoustiers et les barques des pêcheurs côtiers sont échoués ou à flot. De l'autre côté de la rivière dont l'estuaire s'élargit rapidement, c'est, précédée de l'Ile à Bois, la rive trégorroise de Lanmodez et Kermouster ; puis le sillon du Talberg, longue et mince langue de sable s'avançant dans la mer, derrière laquelle se profile la silhouette du phare des Héaux.

Enfin, voici les îles : d'abord, sur la droite, Bréhat, la plus grande, qui est commune et paroisse ; elle est entourée d'un chapelet d'îles et d'une poussière de rochers ; les plus importantes sont, à l'est Logodec et Lavret, à l'ouest Biniguet, Raguenez et l'Ile-Verte ; puis isolée sur la gauche, de l'autre côté de l'embouchure du Trieux, s'étend dans toute sa longueur l'île Saint-Maudez, appelée plus communément Ile Maudez.

Ce splendide paysage, que l'on ne se lasse pas de contempler, est changeant et varié ; il change selon que la mer est haute ou basse, il change surtout selon que le ciel est clair et ensoleillé ou couvert et brumeux : on se croirait par moments devant un paysage méditerranéen avec une mer azurée, et quelques heures plus tard on pourrait s'imaginer être transporté en un coin de la côte écossaise ou scandinave.

Le Trieux marque la limite historique du Goëllo (ancien évêché de Saint-Brieuc) et du Trégor (ancien évêché de Tréguier). Mais, au point de vue religieux, nous sommes ici en territoire dolois : les anciennes paroisses de Lanmodez, Perros-Hamon, Lannévez, Bréhat, avec les îles qui en dépendaient, notamment Ile Saint-Maudez et l'Ile-Verte, ainsi que la paroisse plus éloignée de Kérity, de l'autre côté de Paimpol, relevaient au spirituel du diocèse de Dol, dont elles constituaient, selon l'expression consacrée, des « enclaves » aux évêchés de Tréguier et de Saint-Brieuc.

Or, à deux reprises, lors de l'émigration bretonne aux Vème et VIème siècles d'abord, et au Moyen-Age ensuite, les Îles de cet archipel furent un centre de vie monastique. Nous voulons simplement ici présenter les vestiges qui subsistent des monastères du Moyen-Age à l'Ile Saint-Maudez et à l'Ile-Verte. Mais auparavant, nous allons essayer de résumer brièvement nos connaissances actuelles concernant les monastères de la période de l'émigration. Les Etablissements Monastiques du VIème siècle : Saint-Maudez et Saint-Budoc.

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Les Etablissement Monastiques du VIème siècle : St Maudez et St Budoc.

Un ancien sceau de l'Abbaye de Beauport, publié par les auteurs des « Anciens Evêchés de Bretagne » (Tome IV), montre saint Riom et saint Maudez traversant la mer dans une même barque, le premier tenant la croix épiscopale et le second la crosse abbatiale. Ce sceau symbolise les émigrations des Bretons de Grande-Bretagne en Armorique au cours de la seconde moitié du Vème siècle et au début du VIème, sous la conduite de leurs chefs religieux.

Deux de ces saints nous intéressent particulièrement ici : saint Mandez et saint Budoc.

§ I. — SAINT MAUDEZ.

En publiant dans les mémoires de la Société d'Emulation des Côtes-du-Nord (année 1890) le texte des deux vies de saint Maudez, Arthur de la Borderie a établi de façon indiscutable que les détails donnés dans la Vita Prima, rédigée au XIème siècle, pouvaient être considérés comme vraisemblables, tandis que, dans la seconde de ces deux vies, qui lui est postérieure, venaient se greffer des épisodes légendaires et miraculeux ajoutés après coup par son rédacteur pour l'édification des lecteurs. Il paraît donc établi que, né en Irlande, saint Maudez, ou Maudé, fut très probablement disciple de saint Tugdual (A. de la Borderie, « Histoire de Bretagne », tome Ier, page 363) ; puis, après s'être installé en premier lieu sur la terre ferme, entre la rivière de Tréguier et le Trieux, à l'endroit qui est devenu la paroisse de Lanmodez (Monastère de Maudez), il vint s'établir ensuite dans l'île qui lui fait face : elle s'appelait Guelt Enès (Insula Indomita, l'île Sauvage), et devint depuis lors l'île Saint-Maudez ; il se retira dans cette île, non pour y vivre dans la solitude comme les historiens ultérieurs l'ont prétendu, mais au contraire pour y fonder un monastère de type breton où il eut notamment pour disciples saint Bothmael et saint Tudy.

L'établissement du premier monastère de l'île Saint-Maudez remonte donc à la première moitié du VIème siècle et à Saint-Maudez lui-même. Les restes de constructions circulaires qui existent toujours dans cette île seraient les vestiges des cellules de ce monastère primitif.

Voir   Vestiges monastiques des îles de l'embouchure du Trieux (Bretagne) " Le prieuré cistercien de l'île Saint-Maudez ".   

§ 2. — SAINT BUDOC.

A une époque légèrement antérieure, au cours de la seconde moitié du Vème siècle, un autre Breton insulaire, saint Budoc, avait fondé également dans une île voisine de Bréhat un établissement monastique, sorte de séminaire ou d'école, où ses disciples les plus célèbres furent saint Guénolé et saint Jacut. Mais ici deux opinions s'affrontent sur l'emplacement de ce monastère : était-il situé à l'Ile-Verte ou à l'Ile Lavret ?

La plupart des auteurs du XIXème siècle et des historiens plus anciens se prononcent en faveur de l'Ile-Verte ; c'est l'opinion notamment de Dom Lobineau (« Histoire de Bretagne », tome 1er, page 77 ; — et « Vie des Saints de Bretagne », vie de saint Guénolé, page 44) ; — de Geslin de Bourgogne et A. de Barthélemy (« Anciens Evêchés Bretagne, Diocèse de Saint-Brieuc », tome III, page VIII ; et tome IV, page 6, note 2) ; — de la « Gallia Christiana » (tome XIV, Province de Tours, 1856, page 1070) ; — et de Gaultier du Mottay (« Répertoire Archéologique du Département des Côtes-du-Nord », page 288).

Par contre, plus récemment, on a situé à l'Ile Lavret, qui se trouve à l'est de Bréhat, l'établissement de saint Budoc ; c'est l'opinion entre autres d'A. de la Borderie (« Histoire de Bretagne », tome Ier, page 295) ; — du savant Dom Gougaud (« Les Chrétientés Celtiques », page 123) ; — et de René Couffon (« Essai sur l'Architecture Religieuse en Bretagne du Vème au Xème siècle », dans mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne, 1943, page 27 ; — et « Répertoire des Eglises et Chapelles du Diocèse de Saint-Brieuc », dans mémoires de la Société d'Emulation, 1938, article Bréhat, page 53).

Nous nous bornerons à faire ici les observations suivantes pour résumer brièvement cette question.

1° Ile-Verte : Les fouilles exécutées sur cette île en 1858 par les auteurs des « Anciens Evêchés » y ont révélé les traces d'un établissement antérieur à celui des Cordeliers, et qui aurait d'après eux daté de l'époque de l'émigration bretonne : « Les bâtiments du XVème siècle reposent sur une épaisse couche de briques et d'ardoises qui atteste l'importance des bâtiments des Vème et VIème siècles. Nous ajouterons, pour les archéologues, que pas une des nombreuses tuiles que nous avons extraites des décombres ne portait de crochets ; quelques-unes étaient vernies en couleur verte, et beaucoup faites de vase grise, mais fort dures » (Tome IV, page 6, note 2). On peut admettre comme à peu près certain que les Cordeliers en construisant leur monastère à l'Ile-Verte au XVème siècle, ont été amenés à détruire ce qui pouvait subsister des ruines et même des substructions des édifices antérieurs.

2° Ile-Lavret : Arthur de la Borderie a retrouvé les traces et publié le relevé d'un monastère de la même époque dans l'Ile Lavret (« Histoire de Bretagne », tome Ier, page 296). L'église occupait une ancienne villa gallo-romaine, de plan rectangulaire, ayant 12 mètres de long sur 6 mètres de large, dont le grand axe est dirigé d'est en ouest ; il subsistait alors deux pans de murs d'appareil gallo-romain, hauts d'environ 2 mètres et longs de 3 à 4 mètres. D'après La Borderie, cette villa gallo-romaine aurait été construite dans la première moitié du IVème siècle, puis ruinée par les Barbares au Vème. Saint Budoc l'aurait réparée pour en faire son église, ce qui est attesté par la différence entre les assises régulières en moellons carrés comportant quelques assises en arête de poisson de la construction gallo-romaine, et la maçonnerie grossière de la réparation du cénobite irlandais.

A l'est de cette église se trouve un cimetière portant le nom populaire breton de Beret ar Chapel, Cimetière de la Chapelle, où l'on a relevé dans des fouilles une soixantaine de squelettes inhumés tête à l'ouest et pieds à l'est, ce qui constitue un indice certain de sépultures chrétiennes.

A une faible distance de l'église de Saint-Budoc et du Beret ar Chapel on a retrouvé les cellules circulaires des moines. Les fouilles effectuées en 1890-91 par l'abbé Lasbleis, originaire de Bréhat et professeur au Séminaire de Tréguier, ont mis à nu les fondations de huit cellules ou logettes, assez grossières de construction, de forme circulaire ou presque, dont le diamètre intérieur est d'environ 3 mètres mais quelquefois de 5. Rangées en ligne du nord-est au sud-ouest, ces cellules se trouvent à environ 20 mètres à l'est du Beret ar Chapel : trois d'entre elles se touchent presque, les autres sont séparées par des distances de 4, 5 ou 10 mètres, et la dernière au nord-est est à 40 mètres des autres. Mais il paraît, par les traces laissées sur l'herbe en automne, qu'il y aurait bien d'autres cellules non encore mises à jour. L'Ile Lavret, conclut A. de la Borderie, est ainsi un type de monastère scoto-breton. Il est curieux de noter en passant que cette coutume d'après laquelle chaque moine breton possédait sa cellule indépendante fut par la suite reprise par saint Bruno et devint la règle de l'ordre des Chartreux.

Enfin on a retrouvé deux puits, dont l'un dans le Beret ar Chapel.

Le nom même de l'île, Lavret, viendrait précisément du nom qui lui fut donné à l'époque de saint Budoc, Laur Enès (Lavrea ou Laureaca Insula, l'Ile des Lauriers), en raison, dit la tradition, de la valeur des études qu'y accomplissaient les jeunes clercs ; mais peut-êre aussi, croirions-nous, du fait de la végétation qui y croissait, les arbustes méditerranéens poussant facilement dans ce climat doux de la côte et des îles. La Borderie, confrontant les deux hypothèses qui situent l'emplacement du monastère de Saint-Budoc l'une à l'Ile Verte, l'autre à l'Ile Lavret, se prononce donc nettement pour cette dernière ; la similitude de nom entre Lavrea et Lavret crée en effet une forte présomption étymologique en faveur de celle-ci, et ce serait donc à tort que les historiens antérieurs ont placé à l'Ile-Verte la Laur-Enès où s'établit ce saint.

Il nous a paru intéressant de résumer ici la thèse du grand historien de la Bretagne, qui a en outre publié le plan des importants vestiges retrouvés dans les fouilles de l'Ile Lavret ; il est en effet à peu près impossible de se procurer de nos jours le tome Ier de son « Histoire de Bretagne » édité en 1896, et c'est d'autre part un point extrêmement précieux pour notre sujet : car les cellules de Lavret sont en tous points semblables à celles que nous trouvons à l'île Saint-Maudez.

3° On peut donc, sur la foi de ces auteurs, affirmer que l'Ile-Verte et l'Ile Lavret portent l'une et l'autre des vestiges de monastères des Vème et VIème siècles ; il semble que l'un d'eux, établi dans l'Ile Lavret, fut indiscutablement celui de saint Budoc lui-même, tandis que l'autre fut l'établissement fondé à l'Ile-Verte par un autre cénobite contemporain, mais moins célèbre, — l'un de ses disciples peut-être ? — dont l'histoire ni la tradition n'ont pas retenu le nom. L'autorité de ces grands historiens que furent La Borderie, Geslin de Bourgogne, et de Barthélemy, ne peut pas être mise en doute.

Presque toutes ces îles de l'archipel bréhatin durent être d'ailleurs à l'époque de l'émigration bretonne des centres de vie monastique ainsi celle de Biniguet (l'Ile Bénie), qui est appelée « Ecclesiam Binivet » dans la bulle d'Innocent III de 1198 et fut donnée alors à l'abbaye de Saint-Riom. Et n'est-il pas probable que saint Riom s'installa, temporairement au moins, lui aussi, sur l'île appelée, d'abord C'Haro Enès (l'Ile aux Cerfs), puis Guirwinill, et enfin Saint-Riom, île située dans la baie de Paimpol en face de Pors-Even, et où fut établie sous son vocable à la fin du XIIème siècle une abbaye de Chanoines Réguliers tirés de Saint-Victor de Paris qui eut une très brève existence ; les auteurs des « Anciens Evêchés » ont suffisamment parlé de cette abbaye (tome IV, page 1) pour que nous n'ayons pas à y revenir.

4° Les traditions populaires conservées dans la région ne sont pas précises ; elles situent des anciens monastères tant à l'Ile-Verte qu'à Lavret et l'on ne peut pas en tirer de conclusions certaines. Quelle valeur faut-il d'autre part attribuer au chant en dialecte du Goëllo rapporté par les auteurs des « Anciens Evêchés » (tome IV, page 13) ? Ce chant place dans la bouche de « archevêque » de Dol les paroles suivantes :

« Sur un rocher de Ille-Verte est un couvent, au sein des mers ; - Au sein des mers est un couvent élevé jadis par les Saints ».

Pour en tirer un renseignement précis, il faudrait être sûr que ce gwerz  a bien l'ancienneté que lui attribuent ces auteurs, lesquels s'appuient sur le fait que le différend entre Tours et Dol fut terminé par le Pape Innocent III en 1199, date à laquelle l'église de Dol perdit définitivement ses prétentions au titre archiépiscopal.

Voir   Vestiges monastiques des îles de l'embouchure du Trieux (Bretagne) " Le couvent franciscain de l'île-Verte ".   

En conclusion, nous dirons que saint Budoc établit son monastere à l'île Lavret, dans la seconde moitié du Vème siècle, tandis que saint Maudez fonda le sien dans l'île de Guell Enès, devenue Ile Saint-Maudez, au cours de la première moitié du VIème. Ils sont honorés l'un et l'autre comme abbés, fondateurs de monastères, le premier le 4 janvier et le second le 18 novembre.

Ces premiers monastères subsistèrent sans doute jusqu'au IXème siècle, époque à laquelle ils furent sûrement détruits par les invasions normandes ; à cette époque en effet nous voyons les reliques de saint Maudez, qui étaient jusqu'alors conservées dans l'église de son île, suivre l'exode des reliques des autres saints bretons et être transportées par les moines de ce monastère insulaire jusqu'en Berry, à Bourges, pour y être mises en sûreté dans l'église métropolitaine ; ce transfert aurait eu lieu en l'année 878 selon Dom Lobineau (« Vies des Saints de Bretagne », page 84) ; cette date n'est cependant pas établie avec certitude (P. Barbier).

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