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Louis-Marie COÜNAN DU JARDIN, prêtre guillotiné à Saint-Brieuc
en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II.

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151. — Louis-Marie COÜNAN DU JARDIN, fils de François-Joseph Coünan, sieur du Jardin, notaire royal et procureur à Morlaix, et de demoiselle Jeanne-Perrine Gourbrein, naquit à Morlaix, le 25 août 1754, et fut baptisé le même jour dans l’église paroissiale de Saint-Mathieu, qui faisait alors partie du diocèse de Tréguier.

Se sentant attiré vers le sacerdoce, le jeune Coünan lit son séminaire à Tréguier. Malgré l’état déplorable des registres d’insinuations de l’ancien diocèse de Tréguier, on a pu retrouver que le 22 février 1776, M. François-Joseph Coünan, sieur du Jardin, père et garde naturel des deux enfants nés de son mariage avec défunte Jeanne-Perrine Gourbrein, demeurant à Morlaix, quartier des Halles, sur la place Saint-Mathieu, assura à son fils, Louis-Marie, clerc tonsuré, demeurant au séminaire de Tréguier, la somme de 60 livres de rente viagère, afin de lui constituer son titre clérical, pour lui permettre de continuer la carrière ecclésiastique.

Deux mois plus tard, l’abbé Coünan du Jardin recevait les mineurs et le sous-diaconat à Tréguier, le 6 avril, des mains de son évêque, Mgr de Lubersac. Il fut fait diacre dans la même ville le samedi des Quatre-Temps du mois de mai 1777. Enfin il reçut la prêtrise l’année suivante, le 19 septembre, de son ordinaire et toujours à Tréguier.

Son évêque utilisa bientôt ses services dans sa paroisse natale, dont il le nomma vicaire en 1779. L’abbé Carron, son premier biographe, apprécie avantageusement alors sa conduite : « Un zèle plein d’ardeur pour la sanctification de tous ses paroissiens et qui ne se démentit pas un instant, signala sa conduite. Mais ses forces ne répondirent point à l’étendue, comme à l’activité de son zèle ». Après qu’il eut soutenu ses pénibles travaux l’espace de six à sept ans, sa faible santé le contraignit d’accepter le 19 mai 1788, de Mgr Le Mintier, évêque de Tréguier, un canonicat dans l'église de Notre-Dame du Mür, collégiale royale de Morlaix, qui lui valait 700 livres par an.

Ce prélat l’avisa de ses intentions par une lettre fort aimable datée du 12 mai précédent et dont on a ailleurs publié le texte.

« La place du nouveau chanoine, écrit M. Carron précité, ne fut point, du reste, un poste de repos. Il ne borna pas ses obligations à la récitation ou au chant des heures canoniales. Il se fit un devoir sacré, pour tous les moments dont il pouvait disposer, de prêcher et de confesser, et ce fut avec une constante édification qu’il parut dans la chaire chrétienne et au saint tribunal ».

M. du Jardin n’occupa pas trois années entières son canonicat à Notre-Dame du Mür. Par son article 20 de la Constitution civile du Clergé, l’Assemblée Constituante supprima tous les chapitres, tant collégiaux que cathédraux ; en outre elle imposa le serment d’observer le règlement schismatique qu’elle venait de décréter, à tous les ecclésiastiques qui voudraient occuper un poste dans la nouvelle organisation du clergé que ses administrations s’efforçaient d’instaurer en France.

152. — Conformément à ces lois, Notre-Dame du Mür fut fermée quelques jours après le 20 octobre 1790. Se trouvant sans emploi, non seulement M. Coünan du Jardin n’eut point l’ambition sacrilège de faire une rapide carrière dans l’église constitutionnelle au prix d’un serment schismatique, mais, tout au contraire, par une réponse que lui adressa quelque peu après son évêque, il semble bien avoir manifesté à celui-ci ses regrets d’avoir été trop tard avisé pour s’être associé aux ecclésiastiques trécorrois, qui approuvèrent par leurs signatures le manifeste de Mgr Le Mintier contre la Constitution civile.

Ainsi qu’il appert encore de la réponse de ce prélat, il paraît bien aussi que l’ex-chanoine lui avait par la même occasion posé un certain nombre de questions sur la conduite à tenir en quelques cas embarrassants. On lira avec intérêt les instructions que lui adresse, le 31 janvier 1791, Mgr Le Mintier. Elles sont marquées au coin de la sagesse et de la prudence. On les a ailleurs fait connaître au public.

Cependant, le Directoire du Finistère, par son arrêté du 2 juillet 1791, venait d’ouvrir l’ère de la persécution dans ce département. M. du Jardin, qui se trouvait alors à Morlaix sans aucune attache officielle et qui peut-être avait besoin de se créer des moyens d’existence, crut bien faire en acceptant les fonctions de précepteur qu’on lui offrait. Il quitta donc Morlaix, d’après ses propres déclarations, le 18 juillet 1791, et se rendit dans les Côtes-du-Nord, près de Bothoa, à la maison de Kerauter, située en la trêve de Sainte-Tréphine. Il y demeura jusqu’au 18 février 1793, remplissant les fonctions d’instituteur dans la famille de Lauzanne qui lui donnait l’hospitalité.

153. — Survint l’arrêté du Directoire des Côtes-du-Nord du 1er décembre 1792, qui, condamnant à l'exil tous les prêtres insermentés valides de ce département, rendit bien difficile, sinon impossible à M. du Jardin de prolonger davantage son séjour à Kerauter. Mais quelles que fussent les pénalités auxquelles il s’exposait, cet ecclésiastique zélé ne put cependant se résoudre à quitter la France, où les prêtres demeurés fidèles à l’Eglise romaine, du fait des lois d’exil, se trouvaient alors très peu nombreux. Aussi lorsque l’ex-chanoine quitta le vieux manoir, où dix-huit mois durant il avait trouvé refuge, dut-il mener une vie errante, semée de périls de toutes sortes, désormais sans cesse aggravés par une législation de plus en plus draconienne et qui ne devaient prendre fin qu’avec son trépas.

Suivant Tresvaux du Fraval (au tome 1er, p. 532 de son Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne, op. cit.), M. Coünan du reste ne se faisait nulle illusion sur le sort qui l’attendait « engraissant, disait-il en parlant de lui-même, la victime pour le sacrifice ». De même l’abbé Carron, qui avait pu recueillir des témoignages contemporains, raconte qu’un jour que M. Coünan était malade, il aurait dit à un de ses confrères : « Je ne veux pas mourir à présent, à moins que ce ne soit sous le fer de la guillotine. » (Op. cit., I, p. 34). Ainsi s’acheva pour ce vaillant ministre du Christ l’année 1793, qui venait par ses lois des 20 et 21 octobre (29 et 30 vendémiaire an II) de rendre si précaire l’existence des prêtres réfractaires.

Depuis le mois d’avril 1793, M. Coünan, d’après son propre témoignage, s’était rapproché des environs de Saint-Brieuc et résidait habituellement à Plaintel, la paroisse du saint abbé Cormaux, d’où il voyageait, dit-il, « tantôt à Plédran, tantôt à Saint-Carreuc, Lanfains ou autres localités ». Malheureusement pour lui, on ne tarda pas bien longtemps à soupçonner sa présence en ces lieux et un soir que l’on avait appris qu’il se trouvait au bourg de Plaintel, les révolutionnaires de Quintin expédièrent un détachement de la garde nationale de cette localité avec mission d’arrêter l’intrépide apôtre.

154. — Connaissant le lieu où se retirait M. Coünan, les sans-culottes de Quintin arrivèrent au milieu de la nuit au bourg de Plaintel, et s’en furent droit à la maison d'une pauvre filandière, appelée Jeanne Richecœur, fille de Dominique et de Catherine Eveillard, laquelle vivait avec sa mère, veuve à cette époque, sourde et presque aveugle. Malgré leur état voisin de l’indigence, elles donnaient asile aux prêtres persécutés.

Faisant aussitôt irruption dans la chambre où dormait leur victime, les vaillants jacobins s’en saisirent sans résistance. Yves du Boüilly, juge de paix de Quintin, qui faisait partie de cette glorieuse expédition, nous a gardé le détail de cette arrestation, ainsi que l’interrogatoire qu’il fit aussitôt subir à M. Coünan.

Celui-ci reconnut sans hésiter sa qualité de prêtre réfractaire, sans domicile fixe, n’ayant pour toute fortune que son bréviaire, sa montre et son bâton. On découvrit cependant caché sous la paille une custode de vermeil contenant des hosties consacrées et une ampoule avec des saintes huiles.

Nous lisons dans les Martyrs de la Foi de l’abbé Guillon, que M. Coünan vit sans émotion la troupe qui venait l’arrêter, la reçut avec affabilité et partit avec elle pour Saint-Brieuc, causant avec les gardes nationaux durant la route d’un ton calme et même amical.

155. — Le tribunal criminel des Côtes-du-Nord siégeant à Saint-Brieuc, scrupuleux observateur de la loi, avait au moins le mérite de ne pas faire languir les prévenus qu’on lui amenait. Les lois des 29 et 30 vendémiaire an II (20-21 octobre 1793), destinées à assurer l’extermination du clergé insermenté demeuré caché en France pour y faire du ministère, étaient en effet formelles. Aux termes de l’article 5 de cette loi, tout ecclésiastique insermenté saisi sur le territoire français, devait être immédiatement traduit devant le tribunal criminel de son département, et là, à la suite d’un simple interrogatoire d'identité destiné à constater sa qualité « de réfractaire au serment », on devait le condamner à mort et l’exécuter dans les vingt-quatre heures, sans aucun appel, ni recours possible au Tribunal de cassation. C’est cette loi atroce que subit l’ex-chanoine de Notre-Dame du Mür.

M. Coünan arriva à Saint-Brieuc aux premières heures de la matinée du 31 janvier 1794, ainsi qu’en fait foi son acte d’écrou dont on a retrouvé et publié le texte ailleurs.

A peine averti de la présence du prisonnier dans la prison briochine, l’accusateur public s’empressa de rédiger et d’adresser au président du tribunal, un acte d’accusation dont on a publié le texte ailleurs. Il y réclame contre le prévenu l’application de la loi contre les prêtres réfractaires, c’est-à-dire la mort.

156. — Le cas de l’abbé Coünan en effet était très clair. Il était prêtre insermenté, par conséquent obligé à la déportation. Or, il n’avait pas quitté la France. Afin d’y faire du ministère, il y était demeuré en contravention avec les lois persécutrices qui l'en chassaient. Les objets saisis sur sa personne ne laissaient aucun doute sur ses travaux apostoliques.

Du reste, le confesseur de la Foi n’essaya pas d’user de réticences : ses réponses sont d’une admirable franchise.

Il reconnaît avoir administré les sacrements en secret à des malades dans les maisons où il passait. Il déclare que ce sont bien des huiles saintes et des hosties consacrées que l’on a saisies dans sa chambre. Il proclame nettement qu’il n’a prêté aucun serment. Par ailleurs, il se garde de toute révélation compromettante pour des tiers, et à part les noms de quelques communes où il a passé, le juge n’obtint sur ce sujet aucun renseignement du proscrit. Du reste, le texte intégral de l’interrogatoire de ce prêtre a été publié et ne laisse subsister aucune équivoque sur ses admirables sentiments.

La constatation de l’identité de M. Coünan ordonnée par la loi étant achevée, le Tribunal criminel des Côtes-du-Nord rendit sa sentence : Conformément aux articles V, XIV et XV de la loi du 30 vendémiaire an II, c’était la mort, exécutoire dans les vingt-quatre heures avec la confiscation des biens.

157. — M. Carron, dont on a dit la valeur du témoignage, rapporte « qu’après sa condamnation, l’on reconduisit M. Coünan dans la prison pour qu’il y attendît son heure dernière. Il demanda aussitôt la liberté d’entrer dans la chapelle, alors désaffectée, et s’y tint à genoux une grande partie du temps qu’il y passa. Enfin, entre les quatre et cinq heures du soir, avant de monter à l’échafaud, il distribua ses habits aux prisonniers. Il ne lui restait que son bréviaire dont les assistants arrachèrent les feuilles et se distribuèrent les feuillets comme autant de reliques. » (Op. cit., I, p. 342).

Si l’acte de décès de M. Coünan n’a pas été consigné sur les registres d’état civil briochins, fait qui n’est pas rare à cette époque, on a relevé deux actes qui ne laissent aucun doute sur l’exécution de ce prêtre. On croit bon de reproduire ici l’une de ces pièces : Elle a pour auteur la propre sœur du supplicié qui demande la main-levée sur les biens de son frère, en même temps qu’elle affirme sa croyance à son martyre.

« Aux citoyens composant l’administration centrale du canton de Lannion, département des Côtes-du-Nord, expose Marie-Pauline Coünan Du Jardin, de la commune de Morlaix, Finistère, que Louis-Marie Coünan, son frère, prêtre, a été condamné à la peine de mort, par jugement du tribunal criminel du département des Côtes-du-Nord, séant à Saint-Brieuc, dans le courant de janvier 1794 (v. st.) ; l’exposante, citoyens administrateurs, ne rappellera à votre sensibilité les époques désastreuses où une horde de cannibales ensanglantait le territoire français de milliers de victimes ; Louis-Marie Coünan, frère de l'exposante, est mort martyr de sa religion. La Convention nationale, rendue à son intégrité, a signalé son attachement aux principes de la justice en rendant la loi du 21 prairial an III. Cette loi dispose article 1er : « toutes les confiscations de biens, autres que celles prononcées par les tribunaux ou commissions révolutionnaires, militaires ou populaires et même par les tribunaux ordinaires jugeant révolutionnairement jusqu’au jour de l’installation du tribunal révolutionnaire réorganisé en vertu de la loi du 8 ventôse de l’an III, sont considérés comme non avenues, et les séquestres sont levés ». Signé : Marie-Pauline COÜNAN. A Morlaix, le 19 germinal an IV (7 avril 1796).

BIBLIOGRAPHIE. — Les pièces du procès de M. Coünan sont conservées aux Archives des Côtes-du-Nord, à Saint-Brieuc, parmi les Actes du Tribunal criminel. Ouvrages consultés : Carron, Les Confesseurs de la Foi dans l'Eglise gallicane, Paris, 1820, tome I, p. 338 à 345. — Guillon, Les Martyrs de la Foi dans la Révolution française, Paris, 1821, tome II, p. 494-495. — Tresvaux du Fraval, Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne, op. cit., II, p. 532. — Abbé Lemasson, Les Actes des prêtres insermentés du diocèse de Saint-Brieuc, mis à mort de 1794 à 1800, in-8°, Saint-Brieuc, 1928, où figurent p. 1-20 toutes les pièces officielles du procès de M. Coünan.

(Archives des Côtes-du-Nord, série L, dossiers du tribunal criminel des C.-du-N.).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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