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LA CONFRERIE DE LA TRINITE

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Confrérie de la Trinité. 

Ce qui contribua à donner de l'importance à la collégiale de Notre-Dame-du-Mur et à lui venir en aide pour son entretien, fut la translation en cette église par Jean II à la fin du XIIIème siècle, de la confrérie de la Trinité déjà existante en l'église priorale de Saint-Mathieu depuis près de deux siècles. 

Voici comme s'exprime à ce sujet Albert Le Grand dans son catalogue des évêques de Tréguier : « Sous le pontificat de Raoul, 1098-1117, l'an 1110, fut fondée en l'église priorale monastique de Saint-Mathieu, es-fauxbourg de Morlaix, la confrairie de la Sainte-Trinité par concession de ce prélat, de Hamon, vicomte de Léon, seigneur propriétaire de Morlaix, et de Daniel, abbé de Saint-Mathieu, comme il appert par ce mémoire affiché au premier pilier du coté de l'Evangile, hors le choeur de l'église collégiale de Notre-Dame le Meur à Morlaix, escrit sur velin l'an 1486 à la diligence de Guillaume Rolland, Yves Kervoualch et François Prouff, lors abbés de la dite confrairie, et rafraîchi l'an 1547 ; dont voici la teneur : 

« Hœc sunt nomina fratrum de confraternitate, qua constituta fuit affiante spiritu sancto, apud Montem relaxum, in honorem St. Trinitatis et St. Matthæi apostoli et evangelistœ anno millesimo centesimo decimo ab incarnatione Domini, concedentibus Radulpho trecorensi Episcopo, Daniele abbate S. Matthœi et Hoarvœo vice comite », puis suivent les noms des confrères : 

Imprimis monachio : 

Haemo monachus S. Mathœi et ejusdem Castelli et confraternitatis prior. Hervœas monachus St. Melanii ; Bili monachus St. Jacuti (c'est St. Jacques au bout de la halle du dit Morlaix)

Sacerdotes : Daniel, Halcuin, Yvo, etc. 

Laïci : Herveus vice comes, etc. 

Mulieres : Adevisia, Orven, etc.

puis suivent les conditions de cette société et confrèrie qui sont telles : 

« Horum auteur fratrum inter se tales saint conditiones : quatenus. dicti monachi et clerici, ipsi et omnes suae possessiones in tutela sunt et deffensione Hervœi vice comitis et aliorum fratrum laïcorum sub juramento constituti : ipsi vero Herveus vicecomes et ormes laïci patres, in ordinibus et beneficiis monachorum et clericorum fratrum recepti sunt : ipsi vero inter se laïci sic in pace permanere affirmaverunt ut nulli alteri foris faciat dolo vel traditione. Cum vero unus de confraternitate illa mortuus fuerit, illi debent monachi et clerici missam annualem, et laïci aliam » (Albert Le Grand, catalogne. « Les conditions de cette confrérie sont ainsi établies : Les moines et clercs ainsi que tous leurs biens sont constitués sous la foi du serment, en la garde et protection du vicomte Hervé et des autres frères laïques. En retour le vicomte Hervé et tous les frères laïques sont reçus à la participation des biens des moines et des clercs et agrégés à leur ordre. De plus les laïques entre eux s'engagent à vivre en paix et à ne se chercher chicane ni par fraude ni par trahison »).

D'après ces statuts sommaires, la confrérie de la Trinité ne semble avoir été dans son origine qu'une sorte de société de secours mutuel, tant pour les intérêts temporels que pour les intérêts spirituels des confrères ; dans la suite, sans perdre son caractère de confrérie, cette association eut un but plus précis quant à ses intérêts matériels, ce fut la protection du commerce de fil et de toile qui ne tarda pas à devenir une source de véritable richesse pour la ville de Morlaix. 

Dans une supplique au Parlement, le prévôt de Notre-Dame-du-Mur déclare en effet en 1680 « que la dite confrérie de la Trinité fut établie par les vicomte de Léon, dès 1110 ans, et depuis par les ducs de Bretagne en l'église de Notre­Dame-du-Mur (en 1295) pour le bien du commerce, avec pouvoir de nommer tous les ans. trois abbés-experts en l'art de texier pour faire les visites des toiles qui se débitent au dit Morlaix »

Mais avant de parler des règlements qui furent portés pour maintenir la bonne réputation du marché de toile de Morlaix, nous allons citer in extenso une ancienne pièce, qui tout en nous donnant les noms des fabricants de toile des trois paroisses de Morlaix au commencement du XVIème siècle, nous montrera en même temps l'importance que les confrères attachaient, au lien religieux qui les unissait jusque dans la mort. 

31 mai 1507. « Comme d'anciennetté et dantiquité eust esté et soit bien et honorablement entretenue une confrairie appelée la Prairie de la Trinité, sçavoir principalement en la chapelle de la Trinité de Notre-Dame-du-Mur et mesmes en aultres églises de ceste ville de Mourlaix par les ouvriers en l'art de texier, et en laquelle chapelle, au-dessus l'aultier de la Trinité, ceulx confraires ont faict mettre et poser une belle vitre en laquelle est en escript « celle vitre appartenant à ladite confrairie pour icelle confrairie l'avons réédifié o la fenestre de pierre de taille d'icelle vitre, et y sont et apparaissent les insignes et merches de ladite confrairie et y estoinct au temps précédent et de l'antiquité comme en est chose notoire, ce que dénote l'ancienete d'icelle, désirant ceulx confraires augmenter et adnotter ce que ensuit à leurs statuts anciens. 

Pour ce du jourd'hy eu notre court de Mourlaix devant les notoires soubscripts furent en droit présents et personnellement establis à ce jour de lundy, lendemain de la Trinité, deuxième jour de may l'an 1507 : 

Yvon Partevaux, Jehan Le Maguer, Guyon Le Moign, Denys Labbé, Bertrand Floc’h, Guillaume Maillard, Paul. Guyomarch, Hervé Barazer, Guillaume Partevaulx, Henry Sec'h, Jehan Le Roux, Michel Tavel, Jehan Léon, Pierre Guillemot, Yvon Nicolas, Yvon an Lan, Hervé Menez, Jean Tanguy, Hervé Paul, Philippe Le Marec, Pierre Le Guéguen, Vincent Quéré, — desmourants en la paroisse de Saint-Mahé. 

Alain Bihan, François Guéguen, Salomon, Salomon Le Hegarat, Jehan Barazer, Yvon Bonyou, Tanguy Guyomarch, Guil­laume Le Gaffré, Charles Le Gaffré, Jegon Biot, Jehan Quéméner, Tudgual Guillou, Yvon Le Marec, Jehan Le Correoc, Tanguy Guillou, Jehan Le Jolis, Hervé Corre, Thomas Auffray, Philippe Boulbin, Jehan Morvan, Jehan Simon, Jehan Le Cillant, — desmourants en la paroisse de Saint-Melaine. 

François Le Jeune, Yvon Le Boullouc’h, Paul le Barbarin, Alain Mahé, Yvon Coroller Le Du, Jehan Quéré, Jehan Roull, Jehan Guéguen, Jehan Marc, Gilles Keryel, Jehan Garin, Yvon Garin, Jehan Dol, Gabriel Quéré, Hervé Mehuhere, Jehan Guillou, Yvon Balanen, Jehan Le Moigne, Hervé Cozian, Guillaume Gourchant, — desmourants en la paroisse de Saint-Martin. 

Guillaume Corre, Guillaume Moal, Yvon Le Citaran, Yvon Le Lansque, Paul Corre, Yvon Bihan, Yvon Le Maillart, Tanguy Folcalvez, Yvon Penzenec, Yvon Coroller, Michel Le Citaran, Olivier Kermarhec, Alain Hamon, Estienne Laurens  Jehan Guyonvarch, — desmourants en la ville neufve, en la dite paroisse de Saint-Martin. 

Lesquels... ensemble plusieurs autres confrères de la dite confroirie estant prendre leur réfection et disner chez Martin L'Honoré ou estoit leur yvel ? et bannière, auquel lendemain et disner d'iceluy jour sont les dits confrères accoustumés de traicter et adviser des affaires et négoces touchant leur université, ont cogneu et cognoissent avoir en ce jour délibéré, statué et ordonné... d'un commun accord sauff décret si mestier est que doresnavant à lors que deceix adviendra a nul d'eulx de leurs femmes et daultres leurs confraires et leurs femmes présents et advenir successeurs en la dite confrairie, ceulx confraires en suyvant l'oeuvre de charité en l'advenir temps pour eulx et leurs dits successeurs sont et seront subjets de leurs personnes, ils ou leurs femmes, sil n'y à excusation légitime, se trouver et rendre pour accompaigner le corps en enterrement du frère ou soeur à qui ledit cas de deceix adviendra et se tenir au service qui se fera pour l'âme du trépassé tansdits que le dit corps soit mis en sépulture a paine d'une livre de cire paiable en nom de paine en cas et pour chacun deffault, qui sera mis et converty pour aider à l'entretènement des cierges flambeaux et lumières de la dite confrairie et en cas du dit deffault ils et chacun d'eulx ont donné faculté aux abbés de présent et du temps advenir de leur autorité propre sans mestier de justice de povoir faire exécution en leurs biens de la valleur et pris de lad. livre de cire, scavoir en la maison de tel qui sera constitué aud. deffault, pourvu que premier soit faict a scavoir dudit deceix effoiz et plantes qu'il eschoira, auxd. abbés qui de présent sont et le seront au temps advenir en lad. confrairie respectueusement et successivement et que ceulx abbés en leur messaige amprès lad. notification leur faicte scavoir comme dict est, advertissent ce que soinct subgiects faire ceulx confraires qui au temps seront en vie se troubver aud. enterrement de la forme et manière que dict est et de l'heure d'iceluy enterremant ; Scavoir les confraires des mourans en lad. paroisse de Saint-Mahé, en l'enterrement de leur frère ou seur décédé en lad.. paroisse sans estre subjiect aultrement que de leur plaisir d'aller à l'enterrement d'aultre leur frère ou seur trépassé en daulcune aultre paroisse, et pareillement les confraires desmourans en lad. paroisse de Saint-Melaine ainsy le feront pour ceulx qui décéderont en leur d. paroisse et à l'esgard des confrères de présent et en l'advenir desmourans en la paroisse de Saint-Martin, tant ceulx de Bourret que des forbourgs et bornes dud. Saint-Martin et mesmes ceulx de lad. Ville-Neufve à la fois que deceix adviendra à leur frère ou seur, soit de la Ville-Neufve ou d'aultre endroit de lad. paroisse de Saint-Martin, sans passer lesd. bornes, semblablement, seront tenuz le faire pour leur frère ou seur trépassé... Ce que ont stipulé et accepté Yvon Quemener, Hervé Lancien et Jehan Le, Garin, abbés de l'an présent aujourd'huy choesis pour et .en lad. confrairie et fut faict et gréé en l'hostel de la demourance dud. l'Honoré en la rue de l'Ospital fauxbourg dudit Morlaix led. lundy dernier jour de may 1507 »

Les abbés élus parla confrérie avaient un rôle important à exercer, pour maintenir la bonne qualité des toiles qui se vendaient au marché de Morlaix ; ils devaient examiner si elles étaient confectionnées dans les conditions de largeur et de quantité de fils exigées par les règlements. Pour cela, ils en faisaient la visite et prélevaient, au profit de la confrérie de la Trinité, 2 sols sur chaque pièce de cent aulnes, la ville y faisait ensuite apposer un sceau qui était la consécration de sa bonne qulité. Dans la pratique, ce droit de visite pouvait peut-être donner lieu à quelques abus, mais toujours est-il qu'il était un peu gênant pour les fabricants et les marchands ; toutes les toiles ne se fabriquaient pas à Morlaix, mais comme c'étaient les toiles de ce marché qui étaient en réputation, tous ceux qui les fabriquaient dans le pays voisin, avaient intérêt à les y rendre pour les vendre à l'étranger comme toile de Morlaix ; or il arrivait que pour gagner davantage, des texiers peu scrupuleux fabriquaient des toiles qui n'avaient pas la laise réglementaire et, pour éviter la visite des abbés de la confrérie, ils se gardaient bien de les exposer au marché de Morlaix, mais les confiaient à des entremetteurs ou commissionnaires qui trouvaient le moyen de les empaqueter et de les embarquer sans les soumettre an droit de visite et de sceau. Cet abus devait nécessairement entraîner la dépréciation des toiles de Morlaix à l'étranger, et, c'est contre cet abus que la confrérie de la Trinité lutte pendant tout le XVIIème siècle comme on pourra s'en convaincre par les nombreuses pièces que nous allons rapporter à ce sujet. Ce droit de visite était en effet pour les confrères non seulement, une sauvegarde des intérêts de leur commerce, mais aussi une source de revenus pour l'entretien de la confrérie, de sa chapelle de la Trinité et même de l'église de Notre-Dame-du-Mur elle-même, qu'ils considéraient un peu comme la leur et qu'ils entretenaient en grande partie à leurs frais. C'est ce qui résulte de la requête présentée au Parlement par les prévôts et abbés de la confrérie au mois d'août 1631. 

Aux seigneurs du Parlement, Supplyent humblement les prévots esleus et abbés de la confrairie de la Sainte-Trinité, establie à Morlaix par les ducs de cette province et successivement par les roys de bonne mémoire, et confirmée par Sa Majesté régnante... en possession immémoriale du droit de la visite des toiles qui s'apportent et s'exposent en vante en la dite ville, tant aux marchés d'icelle que par les maisons des vandeurs et achepteurs, marchants, commissionnaires et tisserands suivant les droits et privilèges qui leur ont esté octroiés par les lettres de leurs Majestés, pour voir et scavoir comme experts, sy les dites toiles sont de la bonté, maison, quantité de filz, manufacture, laize et longueur ordonnées par les dites lettres et statuts de la dite confrairie affin qu'il ne se commist aucun abus par les tisserands et ouvriers, ny par les marchands vandans et acheptans les dites toiles ny autres qui peust apporter préjudice au trafficq et commerce, et là où ils trouveroient fautes, manques ou vices, de le déférer aux juges des lieux afin de faire adjuger les amendes qu'ils verroient raisonnables vers Sa Majesté et une livre de cire pour chaque faute à la dite confrairie, qui a accoustumé d'estre employée en services divins, messes, prières et oeuvres pies pour prier Dieu pour les âmes des dits princes trépassés et prospérité des vivans et autres bonnes intentions et le soustien de la dite confrairie. 

Et ont les dits provost et abbés de temps en temps sy bien et exactement observé les dits statuts... que l'ont peut dire qu'ils ont rendu et amené ce commerce sy florissant et et sy profitable à toute la province, voir à tout le royaume, qu'il ne se trouve rien d'esgal en aucun lieu pour ce qui est d'une sorte de marchandise, pendant qu'ils n'ont pas reçu de trouble et empêchement sur leurs fonctions, au contraire de ce qui est arrivé à Pontivi, où l'on a veu autrefois le plus grand trafficq de toilles de toute la province, qui a esté entièrement perdu par les abus en la laize réduite à demie aulne, un tiers et un quart d'aulne, par chacun à sa volonté, mais puis quelques années le nommé Jan Jezaguel, paysan, tisserant de la paroisse de Landiviziau, ayant esté mis curateur d'un pupille auquel il auroit trouvé bonne somme de deniers contans, s'adviza d'aller demeurer en un des faubourg de la dite ville où il a depuis commis et exercé les plus grands abus qu'il se peut dire au faict des dites toiles, conseillant et sollicitant les toiliers, tisserands et marchands qui portaient les toiles en la dite ville, de les plus claires, y mettre moins de filz et moins bonnes, et outre beaucoup plus étroictes que de coustume, et les cachait et latitoit en sa maison, le débitant dissimullement de sorte qu'il auroit rendu le commerce à un si grand désordre et abus, que les toiles ordonnées et statuées par les lettres des ducs et roys et la cour de trois quartz et deux tiers d'aulne au moins de laine à demie aulne. De quoy il a tiré des profitz si excessifs et extraordinaires qu'à moins de 18 ans il est devenu riche de plus de 60,000 livres de meubles et de 3,000 livres de revenu sans aucun hasard du monde, prenant et cachant seulement les dites toiles chez luy et les revendant, parce que à mesure qu'il faisoit diminuer la quantité de filz, qu'il les faisoit vendre plus claires et estroites et moins bonnes, il en avait beaucoup meilleur marché et les vendoit toutefois pour bonnes à des anglais et autres du pais, personnes peu entendus et intelligents au trafficq, en quoy il estoit fomenté par quelques particuliers, habitans de la dite ville, la plus part commissionnaires pour aucuns des dits anglais et autres étrangers et mesmes pour aucuns marchands d'autres villes de ceste province et du royame qui ne voyoynt a l'abus, comme leurs toiles estantes mises par leurs commissionnaires, en grands ballots et paquects ou pacquetons pour être vendus directement en Espagne, Angleterre ou  ailleurs, et les dits commissionnaires ne se soucyant guères de ce qui est nécessaire pour l'utilité publique et .entretien du commerce, ains seullement de faire les bouges et remplir leurs bourses, estant assez récompansés pour les achapts de mauvaise marchandise comme de la bonne, se payans par leurs mains sur les deniers que l'on leur envoie et baille pour emploier audites toiles ; pour les quelz commissionnaires et particuliers le dit Jézecquel avoit de coustume de faire des achapts moyennant quelque profit, dont le désordre fut tel et arriva à ce point qu'une bonne partie des dites toiles furent amenées à une demie aulne de Paris de laise qui n'estoit bonne à aucun usaige que pour serviettes seulement. 

« En sorte que les dits provosts et abbés, contraints tant par la nécessité de leur charge que par l'utilité du commerce, ils firent des visites de toiles en la maison du dit Jézecquel, qui y feist telle rébellion qu'il fallut y faire condescendre les juges et ses geans, et, sur leurs procès-verbaux des fautes et vices des dites toiles, le firent condamner en des amendes au Roy et à la dite confrérie. De quoi indigné, il se portit appelant et après longue ennuyeux et fort coutageuse procédure, furent ces condamnations confirmées sans dépens toutefois parce que cestoit la première fois. En quoi la dite confrérie fut intéressée comme n'ayant point de fond pour soustenir les longues procédures. Et ayant depuis ledit Jézecquel récidivé et souffert pareilles condamnations, proterve et opiniâtre, il s'en rendit encore appelant et pratiqua aucuns des dits commissionnaires et particuliers, après leur avoir promis des indemnités pour intervenir afin de faire empescher que les dits provots et abbés n'aissent droict de visite des toiles aux maisons des marchands et achepteurs, ains des tisserands seulement. Ce quy eust esté le plus grand des abus, parce que outre que cela est ordonné par les lettres, privilèges et arrest de la cour, il est vray que en la dite ville, il ne se faict pas une pièce des sortes de toiles qui s'exposent aux marchés pour être portés aux pais étrangers, ains s'y apportent d'ailleurs des éveschés de Léon, Tréguier et la Cornouaille, et la moindre partie passait par les marchés et presque le tout se portait dissimullement de jour et de nuict aux maisons des dits particuliers et commissionnaires qui les faisoit incontinent mettre en ballot sans souffrir aucune visite. Aussi la cour confirma les condamnations avec départs contre le dit Jézecquel »

Ils demandent en conséquence « à être continués et confirmés dans leur droit de visite sur les toiles, avec ou sans la présence du syndic, qui étant marchand lui-même de toiles fautives se refuse d'assister à leur visite ». 

D'un autre côté, il n'était pas impossible que quelques abus ne se soient glissés dans la levée de la taxe et dans les dîners et collations, dont se gratifiaient de temps en temps les confrères, comme nous avons pu le constater par l'acte de 1507, cité plus haut. Toujours est-il que c'était là un grief que leur reprochaient les marchands soumis au droit de 2 dols par pièce de cent aunes de toile exposée au marché de Morlaix, comme nous l'apprend une curieuse enquête de 1643, dont nous allons extraire les dépositions du premier et du dernier témoins, avec les noms de tous les autres marchands appelés en témoignage.  

8 juin 1643 (E. 8). « Enquestre par René Pinart, sieur de Caselan, conseiller du Roy et maître ordinaire de ses comptes de Bretaigne, sur certains debvoirs que lèvent les prévosts et abbés de la confrérie de la Trinité. 

« Pierre Lorans, marchand de fils et de toille de Sizun, village de Kerfenoy, âgé de 27 ans, dépose que depuis les 6 ans derniers, il fréquente les marchés et foires qui s'y tiennent à Morlaix, et que aux dits jours de marché, certains personnages que l'on nomme abbés ou prévots de la frérye de la Trinité, lèvent et exigent sur chacune pièce de toille de cent aulnes 2 sols, et an dessoulz en proportion, soubz prétexte de faire dire plusieurs prières et messes pour la prospérité des marchands et entretien de la dite confrérie et église Notre-Dame-du-Mur, où elle est desservie, et n'avoir cognaissance qu'ils employent les dits deniers aux effets cy-dessus, ains qu'il a notamment ouï dire que les dits abbés les divertissent et les employent à leur usage particulier, festins et débauches ordinaires, et que les marchands font clameur de la dite levée et deniers, à cause de mauvais usage qu'ilz en voyent ainsi faire, et payeraient volontiers le dit debvoir de 2 sols par piecze de toille, s'il était veu et administré par personnes qui l'emploiassent utilement à l'entretien des dites frérie et église, et dit avoir entendu de ses prédécesseurs que le dit droit se lève et prend de temps immémorial. Et est sa déposition, laquelle lui leue, y a persisté et signé » Pierre LORANS.

Suivent les dépositions de : 

- François Guéguen, marchand de fil et toile, de Guiclan, village de Kerfainec. 

- Michel Tugdual, marchand de fil et toile, de Sizun, village de Tyfenez. 

- Guillaume Guimarch, marchand de fil et toile de Lomenoc, en Plounéventer. 

- Pierre Grall, de Sizun, village de Liquendrain. 

- Guillaume Lorans, de Guimilliau, village de Kervion. 

- Alain Corre, de Sizun, village de Pouloudu. 

- Yves Rannou, de Tréguer, en Plougar. 

- Yves Briand, de Pemprat, en Taulé. 

- Jacques Prou, de Saint-Sénon, en Saint-Martin, Morlaix. 

- Hervé Berthélé, de Pencoat, en Plougourvest. 

- Jan Lorans, de Kerlan, en Pleiber, Saint-Thégonnec. 

- Olivier Guen, de Kerholloc, en Guimilliau. 

- Auffret Tanguy, de Kercoat, en Pleiber, Saint-Thégonnec. 

- Fiacre Maury et Yves, son frère, de Kerantran, en Lanévret, qui s'expriment ainsi : « Fiacre et Yves, hantant les marchés de Morlaix, 4 ans sont, déposent que de tout temps les abbés de la frérie de la Trinité exigent 2 sols par pièce de toille qu'ils appor­tent au dit marché, sous ombre de prières qu'ils disent faire dire pour eux et pour l'entretien de l'église où les prières se font, qui est Notre-Dame-du-Mur. Que pour eulx ils ne scavent sy les dits deniers s'employent au dit entretien, mais que le bruit commun des marchands et de tous ceux qui ont ouy parler des dits abbés est qu'ils sont divertis en festins, bonne chère, ce quy est cause qu'ils ne donnent que à regret les dits 2 sols par pièce, attendu l'abus que l’on en fait, mais qu'ils n'oseraient n'y avoir manqué, dans la crainte qu'ils ont que le dit abbé ne leur fasse plus grande exaction, arrestant leurs toiles et les faisant condamner à des amendes pour des fautes qu'ils disent estre en leurs marchandises, mais qu'ils payeraient volontiers les 2 sols par piecze, s'ils estaient receus et administrés par personnes qui les emploieraient suyvant l'intention qu'ils ont de contribuer à l'entretien et ornement de la dite église de Notre-Dame-du-Mur, en recognoissance des graces et des faveurs qu'ils reçoivent journellement par son intercession, et ont dit estre l'intention de tous les marchands trafficquants en la dite ville, dont la plupart se disposent de nous venir trouver, sachant que l'on faisait information cy-dessus, sans qu'ils en ont été divertis par les menaces des dits abbés qui menaçaient de maltraiter tous ceuls qu'ils scavaient avoir rien déposé contre euh et leur ayant expressément défendu de ne point passer par devant la maison où la dite information se faisait, ayant sceu qu'on appelait les dits marchands qui passaient pour les interroger sur les faits ci-dessus, que mesure il y avait des personnes aux advenues de la dite maison pour les empescher d'y entrer, les menaczant de dire leurs noms aux dits abbés s'ils y entraient, ce quy aurait été cause que l'on n'en aurait peu ouir en si grand nombre »

Cette enquête  révélait une telle tension dans les rapports des différents intéressés, que tôt ou tard elle devait aboutir à un éclat violent. C'est ce qui ne tarda pas à se réaliser, comme le constate le procès-verbal dont suit la teneur : 

27 mars 1645. René Le Ségallen, seigneur de Mesgouez, conseiller du Roy et son baillif, et lieutenant général civil et criminel du siège royal de Morlaix, scavoir faisons que le 11ème jour de mars 1645, environ les 11 h. 1/2, comme nous sortions de l'auditoire ... nous seroient venus trouver Philippe Hamon et Yvon Le Gac, provosts, et esleus l'an présent de la confrairie de la Sainte-Trinité, desservie en l'église de Notre-Dame-du-Mur, les quels nous auroient remontré qu'ils auroient cy-devant désiré et se seroient mis en debvoir plusieurs foys de faire les ordinaires visites des toilles suyvant les privilèges octroyés à ceux de ceste confrairie par les lettres patentes des Roys et Ducs. Contenant pouvoir de faire les dites visites avecq deffense à toutes personnes de les y troubler. Ce qu'ils n'ont pu effectuer à cause des rébellions qu'ils y ont trouvé et ont esté souvent battus et excédés mesme leurs prédécesseurs en la dite charge, au risque et péril évident de leurs vyes, de sorte qu'ils sont contraints de quitter et abandonner du tout les dites visites, s'il ne nous plaist les protéger et mesme fortifier de nostre présence. Les quels troubles et empeschement procèdent de ce que par une très mauvaise obstination opiniastreté et monopole des faiseurs, vandeurs et achepteurs des toiles, il ne se fait vante ni achapt, puis quelque temps d'aucune toille, qui soient de bonne manufecture, largeur et longueur prescrites par les lettres patentes de Sa Majesté... Au contraire depuis les derniers règlements de la cour, rendus sur la laise, longueur, bonté, qu'il faut que les toilles ayent à peine de confiscation d'icelles... Ils les ont fait faire, vendues et acheptées, trois fois plus abusivement et fautivement qu'avant les règlements, auquel temps bien qu'elles fussent passables et que la plus grande partie se trouvaient bonnes, toutefois à cause que l'on prévoioit que les abus qui sy glissaient estoient importants et pouvoient apporter du préjudice à l'advenir, la cour auroit voulu y pourvoir... Mais à présent c'est à grande peine que de cent pièces il s'en trouve 2 ou 3 de bonnes, ayant desjà réduit les toilles qu'ils exposent en vente pour trois quarts d'aulne de laise à deux tiers, celle de deux tiers à la largeur de demye aulne d'estoupé ; et c'est la cause pour laquelle ni les faiseurs, vendeurs, achepteurs et négociateurs, n'ont voulu souffrir les visites pour ne subir aucune confiscation ni amende avec menaces d'excéder, estropier et assasigner les dits provots et esleus comme ils ont fait les précédants s'ils osent et entreprennent aucune visite ; soit au marché ou aux maisons des particuliers commissionnaires, où la plus grande part des dites toilles se portent, directement de jour et de nuict sans les faire exposer aux marchés, estant vray que de cent pièces de tolite. qui s'aportent en ceste ville, il ne s'expose pas 13 pièces au dit marché, ce qui cause et fomente extrêmement l'abus que les paysans, faiseurs et vendeurs des dites toilles, disent hautement qu'ils seroient bien simples et idiots de faire leurs toilles d'autre façon puisqu'ils trouvent journellement la deffaicte d'icelles en la sorte qu'elles sont, ce qui donnera sans doute et dans peu de temps subject au cez et perte du traficq, veu que les dites toilles sont vendues en un tel abus, et difformosité qu'elles ne peuvent avoir d'emploiz, une grande partie n'ayant pas plus d’un tiers de laize et la plus grande part soubz demi-aulne de Paris ; débordement du tout extraordinaire d'avoir réduit les petites marchandises de 8 ou 10 sols l'aulne à une beaucoup moindre laise que les draps d'or et d'argent, velour, panne et aultres étoffes, de 15, 20 ou 30 livres l'aulne, et la perte de ce traficq sera sans doubte suivy incontinent, qui causeroit la ruine enthière de ceste province, car comme il n'y entre et vient or et argent que pour les achapts des dites toilles, les trettes pour les bestiaux, chevaux et cavalles se faisant la plus grande part par lettres de change, oultre que les vins et grains de lin enlèvent 3 fois plus d'argent qu'il ne s'en emploict au dit bestail et chevaux, il arrivera indubitablement que le traficq venant à cesser, qu'il ne restera dans deux ans après, un sol dans le pays ni de quoi suporter les grandes charges qu'il faut contribuer pour les affaires du Roy et de l'Etat. Outre qu'il faudra que la plus grande part du peuple qui ne scavent faire autre labeur que ourdir et faire la toille, filer, blanchir et dévider du fil, meurent de faim ou deviennent voleurs, occasion que pour aporter quelque remède à ce grand désordre, ils nous ont suplyés affin d'asseurer les dites visites en quelque faczon de nostre présence et empescher le trouble de descendre ce jour en la maison de ville au marché de toilles pour arrester partie de ce qui s'y trouvera et estre visitées... et ensuite toutes les semaines aux dits marchés, et mesmes aux maisons des particuliers, jusques à ce que les dites toiles soient réduites aux formes prescrites par les dits arrêts et règlements... inclinans à laquelle requeste, nous aurions ordonné qu'il sera par nous descendu à une heure de relevé de ce jour au marché de toille en la maison de ville et que le procureur du Roy sera adverty de se trouver avec nous à la dite fin

Et la dite heure advenue se seroient rendus en nostre logis lesd. procureur du roy et Guy Cam, greffier d'office, duquel aurions pris le serment en tel cas requis, et fait mander M.M. Claude Henrion et Jean Pen, sergens de ced. siège ; et en compagnie des cy-dessus nommés nous nous serions rendus en lad. maison de ville où estant entrés en la cour d'icelle, dans la gallerye en laquelle se tient les marchés des toilles, où ayant trouvé escuyer Jan Calloet, sr. de Lostennery, advocat et conseiller desd. provosts, sur son réquisitoire, nous aurions faict commandement auxd. Henrion et Pen de fermer les deux portes qui donnent sur la cour de lad. maison de ville afin de pouvoir faire visite et arrester les toiles qui se trouveroient fautives. A quoy obéissant, lesd. sergens auroient fermé lesdites portes et à l'instant y auroict accouru quantité de marchands toilliers pour debvoir se sauver et exempter leurs toilles de la visite, desquels auroient lesd. sergens arrêté quelques pièces que nous aurions faict mettre dans la salle des consuls en lad. maison de ville. 

De quoy se seroict soulevé une telle émotion et sédition parmy tous lesd. marchands toilliers qu'ilz auroient à grande foule accourus à la porte qui donne vers la porte de Nostre-Dame et par force et viollance osté la garde de ladite porte à l'un des sergens, à force de l'excéder de coups, et auroient ouvert ladite porte. Et par ce moyen se seraient évadés plus de deux cents personnes avec leurs dites toilles, cryant et jurant qu'il nous fallaict rompre la teste, ce que voyans, comme aussi les excès que l'on commettoict à la dite porte en l'endroit desd. sergens et provosts, nous y serions allé et saisy d'un que nous aurions trouvé le plus proche de lad. porte qui les maltraictoit ; lequel nous auroict esté arraché des mains par grande quantité d'autres marchands toilliers à nous incogneus qui se seroient mis incontinent à jurer et cryer derechef qu'ils nous romperoient la teste et à ceux de nostre compagnie et au mesme temps nous auroient si rudement poussé qu'ils nous auroient jetté par terre et se seroient saizy les uns de sabots, les autres de battouers à lavander, autres de pieds de palles que l'on a accoustumé d'estaller au devant de lad. porte à jour de marelle pour nous en debvoir assommer ; et entre autres l'un desdits marchands toilliers auroict levé la main en laquelle il avoict l'un des battouers, à son imitation quantité d'autres, sans que aurions esté retiré d'entre leurs mains par nostre dit greffier, qui nous auroict dict que l'un des dits toilliers avoict levé la main en laquelle il avoict un crocq à pezer pour nous en debvoir descharger sur la teste. Et non contans de ce, nous estans retirés dans la cour de lad. maison de ville, en leur remonstrans que ce n'estoict que pour le bleu du pays ce que nous faisions, affin d’oster l'abus et tacher de conserver le commerce ; lesdits séditieux auroient jetté grande quantité desd. sabots, cuilleres et pierres, tant après nous pour nous debvoir assommer que pour aussy assommer nos assitans, ce qu'ils eussent indubitablement faict sans que pour éviter leur furye nous aurions esté contraincts de monter en la gallerye du costé de Léon, de laquelle nous aurions veu quantité de paysans jetter à nostre arrivée des pièces et charges de toille par la fenestre et lesd. sédicieux qui les prenoient à mesure que l'on les jettoict. 

Et au mesme temps nous seroict venu trouver led. Pen, lequel, ayant la main droicte blessée, nous auroict monstrer un crocq à pezer qu’il auroit osté à l'un des sédicieux duquel il venoit d'estre blessé, lequel nous aurions ordonné estre déposé au greffe, comme aussy le bonnet de l'un des sédicieux nous représenté par led. Henrion et enfin lesd. sédicieux se seroient retirés, jurant le saint nom de Dieu qu'il nous falloict assommer, après avoir demeusré à la porte de lad. maison de ville plus de deux heures, croyans que nous eussions sorty. 

Et enfin s'estant retirés, aurions descendu en la salle des consulz où lesd. provost et esleus nous auroient fait voir 57 demye pièces de toille tant fine danlais que commune, lesquelles, nous aurions faict chiffrer et numérer par nostre greffier et réservé de procéder à la visite diceux en présence du syndicq et des jurats à lundy prochain... et le requérant led. procureur du Roy et led. provost, avons ordonné qu'il sera informé d'office contre lesd, sédicieux et pour ceste, soit permis d'obtenir et faire fulminer lettres monitoriales pour, passé de information, estre procédé vers eux ainsi qu'il appartiendra, et ce faict, nous nous serions retirés après avoir rédigé le présent.

Et comme nous sortions hors la porte de lad. maison de ville, plusieurs vendeurs d'escuelles et sabots se seroient mis à pleurer de leur faire raison de la perte que leur a faicte lesd. séditieux ayant rompu aux uns pour 20 sols, aux autres pour 12 et à partye à 10, auxquels nous aurions enjoinct de se trouver en nostre maison pour faire le raport de leur perte pour passé de ce estre ordonné ce que de raison ». 

Le 13 a lieu la visite des toillés, et plusieurs pièces sont reconnues défectueuses et les délinquants sont condamnés, sçavoir : 

- Hervé Le Maudir, de Landiviziau, à 4 livres de cire ou 4 livres d'argent. 

- Jean Guillerme, de Plouegar, à 4 livres de cire. 

- François Pouliquen, de Guimilliau, à 12 livres de cire. 

- Ollivier Caroff de Sizun, à 6 livres de cire. 

- Tanguy Pouliquen, de Guimilliau, à 9 livres de cire. 

- Jacques Minossec, à 7 livres 1/2 de cire. 

- Yvon Le Louen, de Sizun, à 4 livres de cire. 

- 0llivier Inisan, de Plousidy, à 15 livres de cire. 

- Yvon Le Stang, de Plousidy, à 11 livres de cire. 

- Jean Hergouac'h, de Plousidy, à 6 livres de cire. 

- Amice Pichon, de Guimilliau, à 5 livres de cire. 

- Yvon Kerboul, de Plounéventer, à 13 livres de cire. 

Plusieurs autres propriétaires de pièces de toilles sont également condamnés à des amendes analogues, mais ils sont encore inconnus ne s'étant pas présentés pour réclamer leur bien. 

De plus, les abbés renouvelèrent leurs plaintes au Parlement des abus introduits par les marchands de toile insoumis aux règlements et réclamaient son appui pour les faire exécuter.

20 novembre 1649. A Nos Seigneurs du Parlement, « Remonstrent très humblement Jacques Coant, Pierre Compaigne et Claude Coloigner, à présent eslus et prévost de la confrairie de la très Sainte-Trinité. Disant que comme ainsi soit que les nommés les Srs de Launay Coran, de Landerneau, de Querferec, de Lesneven. et Coatanllen, de Saint-Paoul, qui sont les personnes de tout l'évesché de Léon qui fomentent, portent et supportent davantage les abus et dereglements qui se treuvent à présent aux manufactures, laises et longueurs de toiles qu'on appelle daulas commun et autres qui se font aud. évesché, pour les exposer après en vente, par les achapts ordinaires qu'ils en font aux dites villes et aux environs sur les champs pour les faire porter et décharger à tous les jours, voir à toutes les nuitz de la semaine aux maisons des facteurs et commissionnaires et achepteurs de toiles de Morlaix sans les faire aucunement passer par les marchés, visittes et sceau, ce qui a donné cause à un si grand désordre que les toiles qui sont exposées en vente par 3/4 à l'aulne  de Paris de laize n'ont que 2/3 de largeur et celles que l'on vent pour 2/3 à ladite mesure n'ont que 1/2 aulne, ou les plus larges le travers de 2 doigts de plus, et celles qui doibvent, suivant le dernier arrêt, avoir 1/2 aulne et 1/12 à la dite mesure, n'ont pas 1/2 aulne et encore une partie de 3 à 4 doigts moins, autres n'ont pas plus d'un tiers ou quart 1/2 de largeur et davantage sont si claires qu'il y manque une grande quantité de fil tellement qu’elles ne sont bonnes à aucun usage. 

........ Et se seroient en haine de ce que les précédents élus auroient les dits Coran et autres fait condamner à quelques amendes par denier, au Roy et de cire à la dite confrairie ; advisés, aux derniers états de Vannes en juin et juillet dernier, de faire une dénonciation des supposés abus et vexationg violences et exactions qu'ils disoient avoir esté commise par les dits élus et prévosts au préjudice du commerce et auraient obtenu arrêt du 19 juillet dernier par lequel il est dit que les marchands toiliers qui vendront des toiles à Morlaix ne pourront être contraints de les porter vendre en la maison commune, et. qu'ils auront la liberté de les exposer en vente en tel lieu et à tel jour que bon leur semblera sans qu'ils puissent être arrêtés par les chemins, et la dite ordonnance sera publiée aux diocèses de Léon, Tréguier et Cornouaille, aux jours des marchés et prônes des grand'messes. 

Si disent et remontrent les suppliants qu'il y a plus de 200 ans que lad. confrairie a esté exigée en ladite ville avec faculté aux maîtres texiers, versés et entendus en cet art, à la diligence desquels elle a été fondée de faire des visites sur les dites toiles afin de sçavoir si elles sont bonnes, ce qui fut octroyé et confirmé 1° par le duc Pierre le 5 mars 1452, et depuis par autres lettres de tous les Rois et encore par S. M. régnante autorisant telles visites tant sur les lieux qu'aux pays étrangers, où on les l'ait porter pour y être vendus avec faculté de prendre par chacune faulte qui s'y trouve, une livre de cire pour la confrairie, qui est après employée et convertie aux frais des offices, prières, services et messes qui se chantent journellement ; et outre leur est enjoint déférer les dites faultes à la justice pour faire condamner les contrevenants en amendes vers le Roy afin d'assurer la continuation du trafic le plus utile et profitable de toute la province et pour lequel on y apporte or et argent qui se distribuent par tous les endroits et cantons d'icelle.

Davantaige en l'an 1575, les habitants des dits 3 éveschés firent leurs remontrances au roy Henry III sur ce qu'ils voyoient qu'on commençoit à commettre des abus aux dites toiles et à les faire plus claires et moins longues et que cela causeroit la perte du commerce ; comme il est est arrivé au canton de Pontivi, et ensuite la ruyne et désolation de la province, pour laquelle prévenir auraient obtenu de Sa Majesté, lettres par les quelles très expresses inhibitions auraient esté faites à tous texiers et marchands, de plus faire vendre et achepter aucunes toiles qui ne fussent de bonttez, largeur et aulnoiges portés par les statuts de la confrairie. Au dit temps les marchés pour la vente des dites toiles estoient en plusieurs maisons de particuliers, en la rue Bourret, aux faubourgs de la dite ville, aux quelles on faisoit les visites d'icelles, à cause qu'il n'y avoit pas d'autres lieux destinés pour les dits marchés, mais en l'an 1605 les habitans obtinrent lettres de deffunt de bonne mémoire le roy Henry IV, portantes permission de faire construire une maison commune et en icelle des galeries avec des presses pour y tenir les marchés des dites toiles, aux quelles presses on devait mettre en garde les dites toiles, attendant la vente et pour subvenir aux frais des bâtiments, eurent permission de lever un sol pour chacun pot de vin et six deniers pour pot d'autre breuvaiges, qui se débitteroient aux hôstelleries, cabaretz d'icelle ville pour un temps. Ce qu'ils ont fait et continué jusqu'à présent, près des quelles maisons, galeries et halles, plusieurs années sont, ou auroit mis et establi d'authorité de la court... le marché des dites toiles, à 2 jours par semaine, le mercredy et le samedy, qui sont aussi les seuls jours aux quels le marché de toutes denrées ont tenu en cette ville. Au moyen de quoy est advenu que par plusieurs années, toutes les toiles y étant portées auroient continué d'entre passablement bonnes, mais les habitants de Morlaix y ont cessé à faire le trafficq des dites toiles et d'en faire porter sur mer à leurs risques, et commencé à exercer des factures et commissions pour des estrangers, ils auroient fait décharger les dites toiles à tous les jours mesmes de nuit, directement en leurs maisons, sans les faire passer par les marchez, même quelques-uns auroient changé la route des vendeurs et voituriers et iceux accompagné avec armes, pour les faire descharger en leurs dites maisons, de sorte que les esleus et prévots qui étoient en charge y ont fait descendre les officiers du dit Morlaix en la maison d'un particulier, rue Bouret, ou auroit esté trouvé un grand nombre de toiles deffectueuses, ils l'auroient condamnés en amendes vers le Roy et la dite confrairie, dont s'étant rendu appelant, la court par arrest du 7 juin 1629, a confirmé la sentence des dits officiers et défendu de faire aucunes toiles de moindre largeur que celle statuée par les dites lettres patentes ».

(Sur cet arrest, le syndic de Morlaix remonstra à la cour qu'on pouvoit tolérer une moindre laise). « Une enquête fut ordonnée à ce sujet par la court et exécutée tant à Morlaix qu'à Landerneau, Lesneven, Saint-Pol, Lannion, Lantreguier, Saint-Malo, et la court ayant vu le tout par arrêt du 22 juin 1630, auroit réglé les laises des dites toiles à demi-aulne et un 12e à l'aulne de paris avec deffence d'en vendre à l'avenir de moindre lèze. Mais après, le mesme syndic, sous prétexte qu'il y avoit grande quantité de toiles ja faites qui n'étoient de cette bonté et longueur, obtint arrest de la cour du 14 juillet 1630, portant délay de 6 mois, pendant lequel on les pourroit vendre, pendant lesquels les toiliers espérant toujours autre prolongation, auroient fait leurs toiles beaucoup plus mauvaises que de précédent... Si que de 100 pièces, il n'y en a pas 10 qui ayent une demi aulne et pas une de large. La cause principale desquels désordres procède du voisiné de Morlaix et des acheteurs des dites toiles qui ne hasardent pas une pièce pour eux sur la mer, mais les achètent pour autres de divers lieux éloignés et se payent par leurs mains de leurs factoraiges, autant pour les mauvaises toiles que pour les meilleures, et les toiliers qui les font vendre chez eux sans passer visite, ne se donnent pas le soin de les faire meilleures »

(Les visites sont donc nécessaires pour assurer la bonne confection des toiles et l'empêcher de deprécier et ruiner le commerce) « estant très vray que sans ce trafficq des toiles l'on ne pourrait subsister dans le pays, parce qu'il ne s'y rend aucun denier, or ny argent, que pour les achats d'icelles et que le provenu s'employe aux achats des fils par tous les cantons de la basse Normande et Poitou, où les toilliers vont exprès les achepter ce qui aide à soustenir le paouvre peuple et une infinité de paouvres femmes et familles qui sans les filleries périraient de paouvreté, ainsi que aux cantons auxquels se font lesdites toiles, les trois parts du peuple ne scavent et n'ont appris à faire autre chose que blanchir, dévider les fils, et, faire lesdites toiles et ce commerce venant à faillir il est constant qu'ils couvriront les autres cantons de voleurs puisque tons les moyens de vivre autrement leur manqueront et cela s'est vu depuis l'an ou 1 an 1/2 que le commerce auroit diminué. 

« Et au contraire en Hollande, Flandre et Allemaigne au moyen qu'ils ont le commerce libre aux pays étrangers, ils faisoient très grande quantité de toiles de bonne manufacture et largeur qui s'y portent vendre et à raison de ce, celles de cette province préprisées jusques-là, qu'aux pays plus éloignés s'y défend l'abord des toiles de France et tout cela provenant des désordres et malversations qui s'y commettent, dont on ne peut espérer remède que de l'autorité de la Cour ordonnant d'observer les anciens règlements sur la confection et la visite des toiles par les eslus et prévosts de la dite confrérie ». Pour tourner la difficulté les texiers et marchands de toile fraudeurs, voulurent prétendre à l'élection de prévôts et d'abbés choisis parmi eux et plus accomodants que ceux de la confrérie de la Trinité de Notre-Dame-du-Mur, niais ceux-ci s'y opposèrent par la requête suivante adressée au Conseil privé du Roi. 

7 septembre 1657. Registre du conseil privé du Roy. « Vu requeste présentée par Jacques et Jan Coant, Yves et François Guéguen, Pierre Le Maistre, Pierre Guillerm, François Lespaignol et René Derrien, prévosts et abbés, et ayant passé par les charges de la confrérie de la Trinité tant en leur nom que pour les autres consorts, anciens prévosts et abbés faisant le corps de ladite confrérie, contenant que les droits et privilèges de ladite confrérie sont de visiter tant aux marchez qui se tiennent en la maison de ville dudit Morlaix dans les métiers de texiers artisans, qu'aux magasins des marchands et dans les navires, toutes les toiles qui se fabriquent et trafiquent, pour mulcter d'amende celles qui se trouvent deffectueuses, et empêcher par ce moyen qu'il ne s'en transporte qui ne soit de la bonté requise suivant les statuts, afin de maintenir dans les pays étrangers le crédit du grand commerce desdites toiles qui se fait audit Morlaix, qui se ruinerait sans cette police, et de recevoir pour l'entretien du service divin de ladite confrérie les aumosnes des marchands qui sont réglés par la coutume immémoriale à 2 sols par chacune pièce qui se vend au marché, que lesdits droits, et particulièrement celui de visite et police ayant de tout temps suscité beaucoup d'ennuy à ladite confrérie, et particulièrement les texiers artisans dudit Morlaix qui font les toiles les plus défectueuses, et les marchands de leur intelligence qui les acheptent d'eux, les dits texiers auraient fait divers procès tant aux suppliants qu'à leurs prédécesseurs aux dites charges, pour tâcher de leur oster la direction de ladite confrérie, et de faire nommer eux-mesmes aux dites charges de prévost et abbés, espérant, s'ils en fussent venus à bout de pouvoir par ce moyen s'affranchir entièrement de toute crainte de visite, et qu'ils pourraient faire dorénavant, sans aucune appréhension, leur manufacture et commerce de mauvaise foi, s'ils avaient pu devenir eux-mêmes juges de leurs propres fautes, mais que le Parlement de Bretaigne, informé de la mauvaise conséquence de leurs desseins, et ayant jugé qu'il y avait de la contrariété que les texiers artisans deussent eslire ou estre eslus visiteurs, puisque c'estoient eux-mesmes qui faisaient les fautes qu'il fallait punir, les aurait toujours déboulés de leurs prétentions, et maintenu les suppliants dans la direction de la dite confrérie et droit d'élection des dites charges d'abbé et visiteurs, avec défense aux dits texiers artisans de les y troubler, et ce par divers arrêts : 

Le 23 novembre 1652. — Les texiers sont déboutés de prétendues lettres de maîtrise qu'ils auraient obtenues à dessein de s'introduire en la dite confrairie .... 

Le 23 septembre 1653. — Les suppliants sont mis en la protection de la cour contre les texiers. 

Le 12 juin 1654. — Les texiers sont condamnés à des aumosnes pour avoir contrevenu aux règlements faits pour l'élection des abbés le jour de la Trinité, et avoir fait entre eux une assemblée et prétendue nomination séditieuse... 

Le 28 avril 1655. — Est ordonné que l'élection des charges de Prévost et abbés se ferait par les suppliants en la manière accoutumée, avec défense de les y troubler, en sorte que les dits texiers n'auraient jamais eu le moindre avantage dans leurs prétentions jusqu'à ce qu'ayant été protégés par des personnes considérables de Morlaix, qui se trouvèrent si puissants au Parlement de Bretaigne par leurs parents que les suppliants furent obligés d'évoquer le dit procès.... le Parlement ayant passé outre, au préjudice de la dite évocation, les dits suppliants et abbés nommés par eux furent dépossédés, et les texiers établis en leur place à la dite confrérie, et par arrêt du 29 mai 1656 leur fut permis de faire entre eux une assemblée et nomination le jour de la Trinité. 

Les suppliants, s'étant pourvus en cassation, obtinrent l'évocation du procès au Parlement de Paris qui le 12 décembre cassa l'arrêt du 29 mai, et par nouvel arrêt de Paris du 25 mars 1657, confirmant et expliquant celui 12 décembre, étant ordonné qu'au lieu, jour et forme ordinaire, il serait, par tous les suppliants, le jour de la Trinité, procédé à l'élection d'abbés, avec défense aux dits texiers de les y troubler, et de faire entre eux aucune assemblée et nomination. 

Les suppliants, en exécution, nommèrent pour prévost et abbés Guillerm, Derrien et Lespaignol ; mais les texiers, au préjudice des deffenses expresses, des arrêts et règlements de la confrérie auraient par l'appui du sieur Nouel Diouquel, et, autres habitants de Morlaix nommé des abbés, soutenu une sédition populaire suscitée par leurs femmes et enfants, avec force excès chassé les suppliants du marché de la maison de ville, où ils faisaient leurs fonctions, et se seraient mis en leur place. 

Le 20 juin intervint un arrêt du Parlement qui maintint les texiers en la nomination d'abbés de la confrérie, avec défense aux suppliants de les y troubler, avec défense au baillif de publier l'arrêt du Conseil du roy en faveur des suppliants. 

Le 30 juin les texiers s'attroupent de grand matin en la maison de ville avec leurs fauteurs, et, par violence séditieuse, avec coups et menaces en auraient chassé les suppliants qui y faisaient leurs fonctions. 

A ces causes supplient sa Majesté d'annuler l'arrêt du Parlement du 20 juin, et que les arrêts du Conseil du roy soient exécutés, et les suppliants maintenus dans leur droit de visite »

Cette supplique des abbés de la Trinité ne fut pas écoutée et l'arrêt du 20 juin 1657, favorable aux texiers fut maintenu. Ceux-ci, soutenus par la municipalité, triomphaient et pouvaient se flatter d'avoir désormais des abbés fort tolérants sur le droit de visite, ils n'obtinrent du reste cet appui de la communauté de Morlaix que grâce à des concessions « quantité de déclarations préjudiciable aux droits de la confrérie »

Si bien que le commerce de toile moins surveillé déclina peu à peu et les ressources de la confrérie diminuèrent également au grand préjudice du bon entretien de l'église collégiale de Notre-Dame-du-Mur.

(Peyron)

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