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HISTOIRE DE L'EGLISE DES JACOBINS DE MORLAIX

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Histoire. — Si l'on en croit une ancienne note marginale d'antiphonaire, recueillie par les Bénédictins au XVIIème siècle, l'église dite des Jacobins fut fondée en 1238 [Note : Et non en 1237 comme l'a écrit M. de la Borderie en publiant ce texte : « Anno. Domini MCC. XXX. VII, in Parasceve, convenerunt Foucaldus patronus noster et Radulfus cementarius de Lanmor in viridario comitis… etc ecclesia Fratrum ». Ce vendredi saint précédant Pâques, nous sommes en 1238 n. st.], peu après l'arrivée des Dominicains ou Frères prêcheurs à Morlaix, par un certain Foucaud, qualifié « patronus noster ». Il passa marché avec Raoul de Lanmeur, « cementarius », le vendredi saint (2 avril). La fondation proprement dite de l'église et du couvent eut lieu le dimanche dans l'octave de l'Ascension (16 mai), en présence d'Étienne, évêque de Tréguier.

La construction de cette église dut suivre d'assez près celle des Jacobins de Paris, fondée par saint Louis pour l'ordre nouveau et qui, comme celles d'Agen et de Toulouse, offrait une particularité favorable à la prédication, car son plan rectangulaire, sans bas-côté ni transept, était divisé en deux vaisseaux par une file de colonnes, mais je ne crois pas que cette dernière disposition ait été appliquée ici dès le XIIIème siècle. Celle qui fut obtenue plus tard, probablement au XIVème siècle en accolant un bas-côté au nord du vaisseau primitif, en diffère par la dissymétrie du plan et de l'élévation.

La date de cet important remaniement ne nous est pas donnée par les textes. Le dominicain Albert le Grand, — dont le témoignage mérite ici peut-être plus de créanse que de coutume, car il dut avoir à sa disposition les archives du monastère où il vécut, — ne cite que des noms de donateurs : Alain Minot pour le chœur, le jubé et la rose du chevet ; Yves Faramus pour la chapelle de Notre-Dame, la sacristie et le grand dortoir. En 1341, Charles de, Blois aurait donné des arbres de ses bois pour la réparation des dortoirs, et, en 1430, Jean Validire, évêque de Léon, ancien prieur du couvent, aurait fait lambrisser l'église à neuf. Les enfeus s'y multiplièrent à la fin du moyen âge.

Le couvent fut supprimé en 1792, les bâtiments claustraux transformés en casernes, etc, et bientôt l'église en magasin public. Sous la Terreur, le maître-autel en marbre, probablement du XVIIème siècle, comme les retables de Saint-Jean-du-Doigt et de Sizun, les orgues, les grilles du chœur, qui passent pour avoir été fort belles, et la statuaire furent détruits ou dispersés. Sous le Concordat, on en fit une écurie pour la remonte. Le niveau sol fut profondément baissé, comme on le voit aujourd'hui ; les baies et les enfeus furent maçonnés et l'église définitivement déshonorée par le plancher d'un grenier à fourrage. On détruisait encore des meneaux en 1851, sous les yeux du Congrès de l'Association Bretonne.

En 1874, M. Edouard Puyo, maire de Morlaix, fit restaurer la charpente, déboucher les grandes baies et installer au premier étage une bibliothèque et un musée.

Enfin, le 19 décembre 1913, sur le rapport de. M. Magne, l'église des Jacobins a été classée parmi les Monuments historiques.

Morlaix (Bretagne) : église des Jacobins.

Intérieur. — Tel qu'il est vers 1914, réduit au gros-œuvre, mutilé, cloisonné, divisé en deux étages par un plancher qui emboîte les chapiteaux, encombré au rez-de-chaussée par le matériel de la ville, aveuglé et déformé par le musée du premier, ce monument est d'une étude ingrate et forcément incomplète. Il mérite cependant d'être analysé dans la mesure du possible, à cause de la rareté des édifices du XIIIème siècle en Basse-Bretagne.

Cette église comprenait à l'origine une nef unique, toujours debout et dont on peut voir l'élévation sud près des bâtiments conventuels transformés vers 1914 en caserne. Les fenêtres hautes en tiers-point, recoupées en deux lancettes et un oculus, ont un remplage bien caractéristique du XIIIème siècle. Cette nef était simplement faite de quatre murs non appareillés, épaulés par des contreforts, et non voûtée, sans clocher, sans sculpture : l'ordre de saint Dominique, à ses débuts, exagérait encore la sobriété de Citeaux et de Prémontré. L'entrée en tiers-point, à double voussure chanfreinée, est ménagée dans la façade occidentale.

Puis, à une époque que les moulures des bases et ce qu'on voit des crochets retroussés de certains chapiteaux m'inclinent à placer au XIVème siècle, le mur goutterot du nord fut défoncé par l'adjonction d'un collatéral. Le collage se voit nettement à l'extérieur du chevet. L'église fut ainsi divisée en neuf travées par des piles à huit pans, comme celles de la nef du Kreisker et des chœurs de Ploujean et de Plougasnou, mais beaucoup plus élancées. Les bases encore aplaties ne débordent pas le socle cubique orienté. Aux quatre premières travées, le tore supérieur est réduit à une demi-baguette, la scotie à une rainure à peine marquée. A partir de la cinquième, la scotie a pour ainsi dire disparu ; un renflement imperceptible remplace la moulure supérieure et se relie à la pile par un cavet.

Les chapiteaux sont en partie cachés par le plancher. Ceux de la première travée paraissent, moulurés comme au Kreisker ; ceux des trois suivantes présentent au-dessus de l'astragale un rang de crochets retroussés, dont on ne voit pas l'amortissement. Des crochets absolument semblables se voient dans la nef et sur la façade occidentale de Saint-Pol-de-Léon. A partir de la cinquième pile, on remarque bien que la décoration change, en même temps que s'est modifiée légèrement celle des bases, mais il est imposible de la définir. Le tailloir de la dernière colonne, qui affleure le plancher au premier étage, est octogone, sans doute comme les autres.

Les grandes arcades en tiers-point qui relient ces supports se composent de deux rangs de claveaux flanqués de deux tores entre des gorges ; les boudins supérieurs sont seuls rehaussés d'un filet.

La nef unique du XIIIème siècle, éclairée à ses deux extrémités, présentait sans doute, au non, des fenêtres hautes symétriques de celles du sud. L'adjonction du collatéral sous le même rampant prolongé du toit n'a pas permis de les conserver.

Le remplage de la baie occidentale doit être une adjonction de la fin du XIVème siècle ; un arc en tiers-point encadre une petite rose reposant sur la joue de deux lancettes latérales et sur la pointe d'une lancette centrale et plus courte. La rose circonscrit six quatre-feuilles disposés en cercle autour d'un septième. Les lancettes sont recoupées par un meneau en deux arcades tréflées, surmontées chacune d'un autre trèfle et qui supportent ensemble un quatre-feuilles percé dans l'écoinçon. Une traverse horizontale sert d'entretoise.

La rose du chevet est plus tardive encore et ne doit guère remonter au delà des premières années du XVème siècle. Le premier cercle est fait de petits arcs tréflés reliant par les seize branches qui rayonnent d'un oculus à redents. Le second cercle est formé par des trèfles, le troisième par des six-lobes. Sous le cintre qui l'encadre, la partie droite de la baie est séparée de la rose par une traverse horizontale et divisée par des meneaux en huit compartiments, arcades tréflées sous un trèfle. Dans les écoinçons, on relève, à côté d'un quatre-feuilles, de véritables mouchettes qui dénotent une période très avancée de la décoration rayonnante.

Morlaix (Bretagne) : église des Jacobins.

Le bas-côté s'éclairait aussi aux extrémités par des baies en arc brisé. Celle de l'ouest est maçonnée et celle du chevet contient un remplage en forme de portique refait au XVIème ou au XVIIème siècle. A l'intérieur, l'archivolte que l'encadre retombe sur des chapiteaux à crochets retroussés, contemporains des piles et des grandes arcades.

Les fenêtres qui s'ouvrent au nord forment deux groupes séparés par la saillie d'un pignon formant faux transept, œuvre bien postérieure de la période flamboyante ; le groupe de l'ouest, aveuglé, présente le même profil que les fenêtres hautes du sud : épannelage à arêtes abattues dans la partie courbe, simple ébrasement dans la partie droite, mais le tracé est beaucoup moins élancé. Il ne reste du fenestrage que quelques amorces, qui me font conjecturer l'existence de trois arcs en tiers-point, tracés avec la même ouverture de compas que le cintre de la baie et se recoupant réciproquement, comme aux fenêtres hautes de la première travée de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, ou au chevet de la chapelle de Kernitron à Lanmeur. Ce type normand bien connu se rencontre dès le XIIIème siècle et persiste au XIVème siècle. Ces baies datent evidemment de la construction du bas-côté.

Au contraire, celles qui sont à l'est du faux croisillon ont été refaites. Les épannelages sont moins épais. Trois arcades tréflées supportent une rose à six lobes entre deux trèfles. En face de la sixième travée, la fenêtre est en plein cintre et la rose est un quatre-feuilles. Enfin, la fenêtre de la dernière travée était plus étroite.

Quant au faux transept qui fait saillie au droit de la quatrième et de la cinquième travée, le double enfeu à cordon en accolade, creusé dans le mur de fond, et la double baie flamboyante qui le surmonte indiquent une adjonction de la fin du XVème ou du commencement du XVIème siècle. Mais un texte de 1499, cité par le chanoine Peyron, accordant un droit de tombe près de celle de François Le Marant, rapproché de ce fait, que M. Le Guennec a reconnu les armes de cette famille aux enfeus du transept, autorise à penser que la construction en devait être achevée à cette date.

 

Extérieur. — A l'extérieur, la façade occidentale présente la porte d'entrée et la baie, déjà signalées, entre cieux contreforts retouchés au XVIIIème siècle. A droite de la porte, le bénitier extérieur forme une petite niche en accolade entre deux écus, au-dessus d'une cuve godronnée. La hauteur de ce bénitier, connue à l'intérieur celle des socles, prouve que le sol de l'église a été considérablement baissé. Dans l'axe du bas-côté, sous la baie maçonnée, on a ouvert au XVème siècle une porte en tiers-point, encadrée par un cordon, avec écussons aux sommiers et à la clef.

Toute l'église est construite en moellon et couverte d'un crépi, sauf le pignon en saillie sur l'élévation latérale nord qui est appareillé. La double baie est profilée en cavet et ornée d'écus, comme ci-dessus, sous le classique cordon en accolade, à pinacles, crochets frisés et fleuron. Dans l'écoinçon du pignon, les armes de Bretagne ont été martelées. Tous les contreforts du nord ont été plus ou moins retouchés.

L'élévation latérale sud offre les fenêtres hautes du XIIIème siècle que j'ai décrites et, en outre, vers l'est, un oculus à simple ébrasement et une fenêtre en plein cintre encadrant une rose à six lobes et deux lancettes.

Au chevet, on notera le collage du bas-côté. Citons en fin deux inscriptions réemployées dans le mur de la caserne, dont l'une, relative à une donation de 1424, n’a ja mais été interprétée d'une manière satisfaisante.

Morlaix (Bretagne) : église des Jacobins (musée).

Musée. — L'archéologue trouvera dans le musée des Jacobins quelques pièces du moyen âge, notamment :

Une gisante, qui ne paraît pas reinonter au delà du XIVème siècle ou de la fin du XIIIème, faussement attribuée par le catalogue à certaine Julienne, dont la tombe plate en cuivre connue par des descriptions anciennes, ne saurait étre confondue avec celle-ci.

Une statue déhanchée de la Vierge allaitant, l’Enfant Jesus du XVIème siècle.

Un saint Jacques le Majeur, eu pèlerin, statue de granit de kersanton également, mais plus tardive.

Divers fragments de bois sculpté, dont un groupe, taillé dans une poutre, représentant la Vierge couchée, allaitant et saint Joseph assis au pied du lit, des statues de saint-Roch, de saint Louis, du XVIème siècle et deux petits panneaux de bon style où figurent en relief un pape, Innocent III ou Honoré III, et saint Dominique.

Plusieurs débris, très intéressants de maisons de bois de la ville (XVIème siècle) : un personnage traité en charge, tenant une branche par les deux mains et formant console ou gousset ; surtout deux colonnes d'assemblage de limons spirales de ces escaliers si particuliers dont Morlaix était abondamment pourvu et dont j'énumère ci-dessous les derniers exemples.

Des vues en relief de Morlaix, exécutées par M. Baader en 1824, et une collection charmante de dessins à la plume d'après d'anciennes estampes, dus à M. Louis Le Guennec, permettent de se représenter facilement l'énorme quantité de richesses artistiques stupidement détruites par ceux-là mêmes qui les possédaient.

(Par le Vicomte Alfred DE LA BARRE DE NANTEUIL).

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