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LA COLLEGIALE DE NOTRE-DAME-DU-MUR |
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Le vendredi 28 mars 1806 s'écroulait à Morlaix la tour de l'église de Notre-Dame-du-Mur. C'était le dernier morceau (Note : Notre confrère M. l'abbé Abgrall nous fait remarquer qu'il reste encore, dans l'intérieur des maisons construites sur l'emplacement de la collégiale, quelques pans de mur et des enfeus qui donnent une idée du caractère architectural de l'édifice. Il rappelle également qu'au moment de la chute de la tour un enfant de trois ou quatre ans demeura enseveli sous les décombres pendant plus d'un jour et n'en sortit vivant que par une protection évidente de la divine Providence. Cet enfant est entré plus tard dans les ordres sacrés) de ce magnifique bâtiment élevé par la piété des ducs de Bretagne, et entretenu par la généreuse et singulière dévotion des habitants de Morlaix pour leur sainte Patronne. Maintenant encore cette dévotion est des plus populaires dans toute la ville. |
Origines et importance de la collégiale de Notre-Dame-du-Mur.
Le pape Innocent XI (1676-1689) (Note : Archives départementale du Finistère. G. 185. « Plurimi Britanniœ loci ab Anglis miserandum in modum sœpius fuerunt devastati, ipsaque rationum camera regia in urbe Nanetensi, ubi et arca actorum ejusdem provinciœ, fuit combusta... ipse Mons relaxus ab eisdem anglis plura expertus fuit incendia in quibus fere omnia loci acta et instrumenta certum fecere naufragium et verisimile est erectionis bullam quae nec in bullario etiam incendiato reperitur, perisse in tam communi excidio »), dans la bulle par laquelle il reconnaît à Notre-Dame-du-Mur le titre de collégiale, constate non sans amertume que les actes primordiaux de la fondation ducale aussi bien que la bulle pontificale qui l'a confirmée ont péri, soit par l'incendie de la chambre des comptes de Nantes, soit par suite des incursions des Anglais sur les côtes de Bretagne, et tout spécialement à Morlaix, soit par l'incendie du bullaire lui-même. En revanche, à partir du XVIème siècle, les documents abondent aux Archives départementales du Finistère sur cette église dont l'histoire est étroitement liée à celle de la ville de Morlaix.
Comme le déclare Innocent XI dans la bulle déjà citée, cette église fut fondée par les ducs de Bretagne dans l'enceinte du château de la ville de Morlaix pour leur service particulier « dicta ecclesia Domina Maria de Muro fuit fundata ab antiquis Britanniœ ducibus pro suo domusque sua servitio intra castelli Montis relaxi muros ». C'est donc à cette circonstance que cette chapelle doit son nom du Mur, et ce n'est qu'après coup qu'on a pu voir une certaine analogie entre ce mot mur et le mot breton meur, et traduire Notre-Dame-du-Mur par Sainte-Marie Majeure, à raison de la prééminence que possédait cette chapelle sur toutes les églises de la ville de Morlaix ; Albert le Grand l'appelle il est vrai « N.-D.-Le-Meur », mais outre qu'au XVIIème siècle on écrivait meur pour mur, comme esleu et receu pour élu et reçu, nous possédons un acte de deux cents ans antérieur, qui, comme l'acte pontifical, traduit Notre-Dame-du-Mur par « capella B. M. de Muro », et cet acte émane de Mgr Jean de Coatquis, évêque de Tréguier, le 7 mars 1454 (R.G. 300).
Le fondateur de Notre-Dame-du-Mur fut Jean II, duc de Bretagne (de 1286 à 1305), qui mourut à Lyon écrasé par la chute d'une muraille le jour même de l'entrée du pape Clément V en cette ville (Notre : Lettre d'Innocent XI, déjà citée. « Lugduni occubuit sub cujusdam parietis casu in ingressu Clementis papae felicis memoriae »). La fondation fut faite en 1205, pour 8 chapelains auxquels fut assurée une rente de 200 livres monnoye ou 240 livres tournois, équivalant à cette époque à une somme de 24.000 livres. S'il faut s'en tenir à l'estimation des chanoines du Mur dans un mémoire de 1752 (R. G. 486).
La pose de la première pierre de la chapelle de Notre-Dame-du-Mur se célébra solennellement le jour de l'Assomption, 15 août 1295, comme nous l'apprend Albert Le Grand (Catalogue des évêques de Tréguier), en présence de Mgr Geffroy Tournemine, évêque de Tréguier, Guillaume de La Roche-Tanguy, évêque de Rennes, Henri (de Calestrie), évêque de Nantes (originaire du diocèse de Tréguier), Thébaud de Maréac (de Pouancé), évêque de Dol, et Guillaume de Kersauzon, évêque de Léon.
En même temps le duc Jean transféra dans cette chapelle la confrérie de la Trinité pour les fabricants et marchands de toile, déjà établie dans l'église priorale de Saint-Mathieu, et dès lors une partie des revenus de cette confrérie, dont nous parlerons plus tard, fut affectée à l'entretien des chapelains et à l'augmentation du service divin dans la chapelle du Mur.
Cet édifice ne fut achevé qu'après plus d'un siècle et demi de travail. Albert Le Grand nous apprend (Catalogue des évêques de Tréguier) que ce fut « frère Even Begaignon, de l'ordre des frères prêcheurs du couvent de Morlaix, devenu en 1360 évêque de Tréguier, qui officia à la position de la première pierre du magnifique portail de l'église collégiale de Notre-Dame-le-Meur, où le duc Jean IV, assisté de plusieurs princes, barons et seigneurs, mit la première pierre le jour de l'Assomption Notre-Dame l'an 1366 ».
Ce ne fut qu'en 1426 que l'on commença la construction de la tour, et seulement en 1431 que sur des instances du duc Jean V, les huit chapelains furent réunis sous la présidence d'un prévost pour former un véritable collège « si bien que cette église qui n'était qu'une simple chapelle fut érigée dès lors en sainte chapelle et église collégiale » [Bulle d'Innocent XI. « Instante Joanne V, octo capellanos addito, sub nomine prepositi, capite eos in collegium rite erectos esse, sic que prefata ecclesia qua prius vocabatur capella postmodum erecta est in sanctam capellam, ecclesiamque collegiatam »). Cette érection en collégiale fut faite par le R. P. abbé de Daoulas, Etienne Petit, qui reçut à cet effet une délégation spéciale d'Eugène IV [« Loc. cit. prebende dicti collegii... erectae sunt per Rev. patrem Stephanum monasterii B. M. de Daoulas abbatem ad hoc delegatum a predecessore nostro felicis recorationis Eugenio IV (1431-1447) »].
La dédicace de l'église n'eut lieu qu'en 1468, le 25 avril, jour ou Mgr Christophe du Chastel, de la maison du Chastel Tremazan, en Léon, consacra solennellement l'église collégiale de Notre-Dame-du-Mur.
L'érection en collégiale de Notre-Dame-du-Mur (1431) donna occasion aux chapelains de prétendre à la préséance dans les processions et cérémonies de la ville, préséance qui jusqu'à ce moment paraît avoir appartenu aux religieux de Saint-Dominique, des contestations s'élevèrent à ce propos entre les frères prêcheurs et les chanoines du Mur, et nécessitèrent l'intervention de l'évêque de Tréguier, Jean de Coatkis (ou Coatquis ou Coetquis) qui, par une ordonnance du 7 mars 1454 [Note : Il est à remarquer cependant que Mgr de Coetquis ne prit possession de son évêché et encore par procureur que le 16 mars 1454. La chose s'expliquerait en entendant la date du 16 mars 1454 (selon le nouveau style, c'est à-dire 16 mars 1454, et la date du 7 mars 1454 (ancien style), c'est-à-dire 7 mars 1455 (nouveau style)], concilia les deux partis en prescrivant qu'à la suite de toutes les autres croix marcheraient de front les deux croix des frères prêcheurs et des chanoines du Mur, celle-ci à droite, celle-là à gauche [Note : Archives départementales T. G. 500. « Quod de cetero in processionibus et aliis cleri congregationihus solemnihus crux capella B. M. de Muro et crux religiosorum (o predicatorum) simul ac pariter incedant, una earum aliam non precedente, seu etiam subsequente, sic quod et ineedat crux dicta capella a dextra, illa vero crux dictoru religiosorum bajuletur a sinistra, quacumque alia cruce casdem ambas cruces in processionihus predictis more solito precedentibus »].
Mais la collégiale du Mur ne devait pas tarder à établir sa prépondérance sur toutes les églises de la ville, ses prétentions allaient même jusqu'à vouloir présider, non seulement lors des processions générales, mais encore aux enterrements. En 1540, maître Léonard Fabri, vicaire perpétuel du recteur de Saint-Mathieu, voulut s'élever contre une pareille prétention, et obtint le 15 février 1541, de l'évêché de Tréguier, une ordonnance favorable à sa cause (T.G. 500) ainsi conçue : « Nous, vicaire général de révérend P. en Dieu, Louis, par la miséricorde de Dieu cardinal de Bourbon, du titre presbytéral de Sainte-Sabine et évêque de Tréguier. Ordonnons à tous les chapelains, prêtres ou curés de ne se mêler ni directement, ni indirectement de l'administration des sacrements aux paroissiens de Saint-Mathieu au préjudice de maître Léonard Fabri, vicaire perpétuel et recteur de cette paroisse, sans son expres consentement, leur défendons de conduire à la chapelle de Notre-Dame-du-Mur aucun cadavre ou d'y célébrer ses obsèques ou même des services sans que le dit vicaire ou son suppléant ne soient convoqués ; défendons pareillement aux chapelains de Notre-Dame-du-Mur, d'empêcher le vicaire de Saint-Mathieu de faire porter aux enterrements la croix de son église, élevée sur sa hampe, devant le cadavre, comme aussi il leur est interdit de troubler et de molester le dit vicaire dans la perception des fruits et émoluments qui lui appartiennent comme recteur de la dite paroisse, sous peine de suspense pendant trois jours et de 100 livres d'amende, à moins qu'ils n'apportent devant nous, vendredi prochain, de justes moyens d'opposition à notre présente sentence. Donné à Tréguier, le 15 février 1541 ».
L'opposition ne se fit pas attendre, car le 23 février 1541 nous voyons « Philippe Crémeur, comme procureur des nobles bourgeois de Morlaix, appeler comme d'abus de cette sentence à la cour de Parlement de ce pays et duché ».
Mais pendant qu'on plaidait de part et d'autre, la mort ne suspendait pas pour cela ses coups, et chaque enterrement était une nouvelle occasion de troubles, les deux parties craignant par une concession sembler faire un abandon de ses droits. De là des conflits incessants qui dégénéraient souvent en scandale. Le 23 novembre 1543, une enquête fut dressée « contre les violences et troubles scandaleux que causait Messire Léonard Fabri, tant aux processions qu'aux enterrements, au sujet de la marche et préséance », en conséquence le vicaire de Saint-Mathieu fut décrété de prise de corps, mais élargi le 21 janvier 1543 (1544 n. s.) sous le cautionnement des bourgeois de Morlaix : Jean Langlois, Guillaume du Plessix, Vincent Quintin et Pierre Le Diouguel qui se portèrent caution de 200 écus d'or sol et promirent de rendre et représenter et trouver M. Léonard Fabri, et « d'iceluy répondre devant Vincent Kerleo, official ».
Les violences du vicaire de Saint-Mathieu nuisirent sans doute à la bonté de sa cause, car la nouvelle sentence de l'évêché de Tréguier, le 2 décembre 1543, qui régla l'ordre des préséances aux processions et enterrements, fut beaucoup moins favorable au vicaire de Saint-Mathieu que celle du 15 février 1541.
Cette lutte pour les préséances continua jusqu'au moment de la révolution entre la collégiale et les vicaires ou recteurs des trois paroisses de la ville ; mais cette église était reconnue par tous comme le lieu de réunion pour les manifestations publiques du culte de la communauté de ville.
Dans le principe, et avant la construction d'un hôtel-de-ville, c'était à Notre-Dame-du-Mur que se réunissaient les bourgeois pour délibérer sur les affaires de la ville. C'est ainsi qu'en 1570 (G. 185), l'assemblée de la municipalité se tient « au lieu dit l'œupvre du Mur ». Ce lieu était sans doute le porche donnant sur le perron de l'église. Comme semble l'indiquer la mention. suivante (G. 185) « le 16 may, congrégation générale des nobles, bourgeois, manans et habitans de la ville et fauxbourg de Morlaix, congrégés à son de campane en forme de corps politique sur l'oeuvre et perron de Notre-Dame-du-Mur, lieu de tout temps immémorial accoustumé auxdicts bourgeois de s'assembler pour traiter de leurs affaires ».
Notre-Dame-du-Mur était donc pour la ville de Morlaix ce qu'était pour Quimper Notre-Dame-du-Guéaudet, une sorte d'église municipale.
C'était à Notre-Dame-du-Mur que se chantaient les Te Deum d'usage lors des réjouissances publiques, pour la naissance des princes, les victoires remportées sur les ennemis du Roi, comme pour fêter le roi du papegault.
Le 20 août 1548, lors de son passage à Morlaix, Marie Stuart assista au Te Deum chanté en l'église de Notre-Dame-du-Mur ; et au XVIIIème siècle la délibération suivante des chanoines du Mur nous montre que leur église était toujours à la disposition de la municipalité pour la manifestation publique de ses sentiments patriotiques. « 4 septembre 1721. (R.G. 492) Avant vêpres, M. de Forville, procureur en charge, étant entré en la grande sacristie, lieu accoutumé à tenir le chapitre, et y ayant trouvé Mrs de Fouiller, de Querjean, Le Roux, de Queravel, tous chanoines, a remontré que le son des cloches ne contribueroit pas peu à rendre plus solennel le feu de joy et autres réjouissances publiques, que la communauté fait faire ce jour pour l'heureuse convalescence du Roy, ce qu'elle n'avoit pu faire lorsque le Te Deum a été chanté en cette église pour le même sujet, n'ayant pas encore reçu l'ordre, pourquoy il requert de la part de ladite communauté qu'il plaise à MM. du chapitre qu'il permette qu'on sonne lesdites cloches pendant qu'on mettra le feu au bûcher, sur quoy MM. les chanoines délibérants ont permis qu'on sonnât lesdites cloches et qu'on mit des pots à feu et autres illuminations dans la tour ».
De quelques événements dignes de remarque dans l'histoire de Notre-Dame-du-Mur.
Lors de l'invasion des Anglais qui saccagèrent Morlaix en 1522 et brûlèrent les titres de la collégiale, Albert Le Grand (Catalogue des évêques de Tréguier) remarque « que deux seules personnes se mirent en défense (une servante, dont il raconte l'histoire bien connue) et le recteur de Ploujean, chapelain de Notre-Dame-le-Meur, lequel ayant levé le pont de la porte de Notre-Dame monta dans la tour d'où à coup de mousquet il versa en poudre plusieurs des échauffés, mais enfin il fut miré et tiré ».
Pendant la Ligue, la tour et le clocher de Notre-Dame-du-Mur furent sur le point d'être détruits, car, comme nous le raconte Albert Le Grand, le maréchal d'Aumont s'étant emparé de Morlaix le 25 août 1594, pour réduire le château que tenaient encore les ligueurs, établit une batterie sur la plate-forme de la tour de Saint-Mathieu, non encore achevée, et une autre batterie, encore plus voisine du château, « en la haute guérite de Notre-Dame-le-Meur, d'où dès le samedi 27 août les mousquetaires incommodèrent extrêmement les assiégés du château, car aucun n'osait se montrer sur les remparts et bastions qui ne fut miré et tiré ; pour se tirer cette épine du pied, le dimanche 28 août, ils (les ligueurs assiégés) pointèrent leur canon contre cette tour et la battirent tout le jour de quatre canons foudroyants les tourelles et guérites et ébranlant bien fort l'aiguille, ce que voyant les habitants et craignant la ruine de la dite tour et de l'église, ils prièrent Me d'Aumont de faire changer cette batterie, ce qui fut fait ».
Nous trouvons mention de cet événement dans les comptes de Notre-Dame-du-Mur (G.186). « Au mois d'août 1594 en lit une tente de toille d'étoupe en l'environ de ladite église pour couvrir les gens de peur d'être vus des gens de guerre de M. le maréchal d'Aumont, qui approchait de la ville, coût 38 sols ».
Le comptable ajoute : « Il est à noter qu'au mois d'août 1594 M. le maréchal d'Aumont entra à Morlaix pour le Roy, dont les gens de guerre du parti de l'union, qui étaient dans le château, tirèrent des coups de canon coutre l'église et la ruinèrent, occasion qu'il fallut faire plusieurs frais. Et d'autant que les comptables auroient été avertis que M. l'évêque de Tréguier étoit en délibération de faire déclarer l'église du Mur interdite à cause du sang qui en avait été infusé durant ces derniers troubles, ils assemblèrent MM. de Plogastel (c’est-à-dire l’archidiacre de Plogastel), et MM. les recteurs de Ploujan, Plougonven, M. Yves Larcher et autres pour délibérer ce qui restait faire, auxquels donnèrent à dîner qui coûta 42 s. 6 d. ».
Les comptables remarquent, non sans quelque amertume, que l'église « fut rétablie des deniers qu'on amassa par les quêtes et des dons que les particuliers firent sans que jamais la communauté (il s’agit de la communauté de ville) y ait contribué ».
En 1618 (Voir Albert Le Grand, Catalogue), « le jour de saint Barnabé au mois de juin (dans la nuit du 11 juin) (G. 187, Compte de 1619), il y eut à Morlaix une si horrible tourmente d'éclairs, de tonnerre et de foudre qu'on pensait la fin du monde être venue et la foudre tombant sur la tour de Notre-Dame-le-Meur abattit quelques brasses de la pointe de l'aiguille ». On eut encore recours aux quêtes pour faire face aux frais de restauration.
Albert Le Grand nous rapporte un accident, qui arriva de son temps, et qui n'eut pas de suites fâcheuses grâce à la protection de Notre-Dame. « L'an 1628, dit-il, au mois de novembre, le sacriste de l'église de Notre-Dame-le-Meur s'étant présenté à la fenêtre de la tour, où demeurent les sacristes de cette église, tomba à bas sur le bord du fossé de la rivière de Kefleut, à vue de la poterne du Spernen, sans avoir aucun membre rompu ni démis, mais seulement le corps meurtri de la chute qui fut au moins de 20 pieds de haut.. Préservation miraculeuse qu'à bon droit tout le monde attribua à la singulière protection de la maîtresse qu'il servait, dévotement honorée et réclamée en cette église ».
Terminons par la relation d'un fait analogue de la protection de Notre-Dame en faveur de la ville de Morlaix. Il est rapporté en ces termes sur le registre des délibérations de la collégiale du Mur (R.G. 484).
5 mars 1672. « Sur la remontrance faite par M. le doyen que dans l'incendie nouvellement arrivé en cette ville, le danger fut si grand que le feu ayant passé d'une maison à une autre vis-à-vis et pris à une image de la Vierge, toute la ville étoit menacée d'un embrasement universel, lorsque quelques personnes d'une singulière piété, se ressouvenant que cette sainte Dame étoit révérée en cette église comme patrone et gardienne des ville et pays de Morlaix sous le titre de N.-D.-du-Mur, ne lui eurent pas plus tôt fait voeu sous ce nom que l'on vit les flammes passer au-dessus de la maison où l'image de cette glorieuse et miséricordieuse protectrice étoit attachée, si bien que dans un embrasement si surprenant où il a péri jusqu'au nombre de six personnes, par un secours manifestement céleste le feu ne put passer plus loin que la maison où il avoit premièrement pris et par cette protection miraculeuse qui mérite des reconnaissances éclatantes et magnifiques, cette ville a été préservée des désolations que l'on a vues, non seulement dans les Etats voisins, mais même dans quelques-unes des meilleures villes de la province, et d'autant que les prières publiques sont les plus agréables à Dieu, et qu'en cette église qui est celle du public et la mère de toutes les autres églises de la ville, il se fait journellement un sacrifiée de louange ordonné par les anciens ducs de ce pays pour la prospérité de l'Etat et du commerce et la conservation de cette ville qu'ils ont mis sous une si auguste protection... On chantera ici tous les jours après Vêpres l'antienne Sub tuum, en attendant qu'il se trouve quelques personnes assez zélées pour fonder cette dévotion à perpétuité... en l'honneur de Notre-Dame gardienne de cette ville ».
La pièce suivante démontre encore comment la chapelle de Notre-Dame-du-Mur était un centre renommé de dévotion. 27 juillet 1666. Devant les notaires gardes flottes du Roy au Châtelet, Messire Henry de la Mothe Houdancourt, commandeur des Ordres du Roy, archevêque d'Auch, grand aumônier de feu Sérénissime et très Auguste dame Anne d'Autriche, reyne mère de S.-M., d'une part, — et M. Yves de Colloët, prévost de l'église collégiale royale de Notre-Dame-du-Mur, étant de présent à Paris. Lequel archevêque a déclaré : « Que S. M. non contente des témoignages de tendresse, zèle et piété pour la mémoire de ladite Dame reyne sa mère qu'elle a fait paraître par le grand nombre d'aumônes, charités, prières et sacrifices que depuis le jour de son décès elle a incessamment fait faire pour le repos de son âme, ayant d'abondant encore souhaité de faire dire pour elle le nombre de cinquante mille nouvelles messes dans les plus célèbres églises de l'Europe et de son royaume, et principalement en celles qui sont dédiées à l'honneur et culte de la T. S. Vierge. Comme celle de la collégiale royale de Notre-Dame-du-Mur à Morlaix est de ce nombre, S. D. M. y en auroit destiné le fonds de mille pour estre employé partie en fondation dé 6 messes basses annuelles et le reste en célébration de 520 autres messes à l'effet de quoi elle luy auroit destiné une somme de 750 livres. Mais comme led. Sr. Archevêque a appris que lad. église est pauvre et qu'il luy est plus avantageux que tout ce fond soit employé en fondation ; en sorte qu'il est plus de l'intérêt de ladite église de convertir le fonds desdites 520 messes en accroissement de fondation desdites 6 messes annuelles pour de basses seulement qu'elles étaient les fonder à perpétuité à haute voix. Pour cet effet, sur les 750 livres fondées, on dira au maître-autel de la Vierge 6 messes hautes à diacre et sous-diacre avec un Libera et un De profundis pour ladite reyne ; la première le 20 janvier, jour de son décès ; les 5 autres tous les lendemains des 5 fêtes les plus solennelles de la Sainte-Vierge, qui sont la Purification, l'Annonciation,. l'Assomption, la Nativité et la Conception ».
Revenus de la collégiale.
Nous ne saurions mieux faire pour donner un aperçu des revenus de la collégiale que de reproduire le mémoire suivant (R.G. 486) que les chanoines adressèrent en 1752 au Roy, pour obtenir une augmentation de ressource. Après avoir parlé des 240 livres assignées aux chapelains par Jean II lors de la fondation, en 1295, les suppliants ajoutent : « Cette somme qui suffit à peine aujourd'huy pour payer les gages d'un suppot du bas choeur, faisait subsister honorablement, au temps de la fondation, tous les membres qui composaient le chapitre ou qui en dépendaient. L'intention du fondateur était que le service divin fut célébré dans cette église comme es églises cathédrales, ce qui fait présumer que la prévosté fut rentée comme les premières dignités des cathédrales et les canonicats à proportion.
D'ailleurs, il est certain que la somme de 240 livres, au temps de la fondation, était très considérable, la preuve s'en tire de la valeur qu'avaient alors les espèces, car on estimait dans ce temps que la pension et entretien d'un homme, était d'environ 100 sols tournois ; or, dans cette supposition, qui est démontrée vraye par l'histoire des temps dont il s'agit, la somme de 240 livres en 1295 est égale à celle de 24,000 livres en 1752, en estimant aujourd'hui la pension et entretien d'un homme, 500 livres. Ceci est encore mieux prouvé par l'exemple de l'église du Folgoët, fondée par le même duc Jean II. Elle ne fut composée que d'un doyen. et trois chanoines et il lui fut assigné 80 livres dont l'assiette fut faite sur des biens de campagne, et vaut aujourd'hui 8,000 livres de rente, ce qui prouve que si la fondation de l'église du Mur avait été faite de la même manière, elle monterait aujourd'hui à 24,000 livres.
L'augmentation de 2,400 livres pour le chapitre et de 200 livres pour l'église, accordée par le roy Louis XIV, est si éloignée de pouvoir suffire au plus simple nécessaire, des 21 personnes établies par l'acte de fondation, et à l'entretien de l'église, qui est un des plus anciens monuments et des plus beaux édifices de la province, qui tombera en ruine faute de réparation.
Le prévot, qui est la 1ère dignité à la nomination du Roy et le 1er bénéfice d'une des plus considérables villes de Bretagne, n'a que 450 livres de revenu, assistances comprises, et les seules dépenses extraordinaires auxquelles la bienséance oblige dans cette place, absorbent au-delà du revenu du bénéfice. Les recteurs de Saint-Mathieu, de Saint-Melaine et Saint-Martin retirent au moins chacun 1,500 livres de leur paroisse ; le prévot du chapitre qui est en possession de les précéder partout, n'a cependant que le tiers de leur revenu, et les chanoines n'en ont pas le quart. Ces considérations firent tolérer dans les trois derniers siècles la jouissance d'autres bénéfices incomparables avec la prévosté ».
L'an 1486. — Pierre de Penhoat était prévôt du Mur et archidiacre de Plougastel.
L'an 1504. — Guillaume de Guizconou, prévôt et chanoine de Tréguier.
L'an 1506. — Richard Henry, prévôt et recteur de Garlan (Ib. 1526).
L'an 1533. — Tanguy Le Barbu, prévôt et recteur de Saint-Martin.
L'an 1543. — Charles Ponmerot, prévôt et recteur de Plouëzol.
L'an 1594. — Nicolas de La Bouessiére, principal et archidiacre de Plougastel.
L'an 1598. — François Le Levier, prêtre et recteur de Ploujan.
L'an 1609. — Pierre de Calloët de Trofos, prêtre, grand archidiacre et vicaire général de Tréguier.
L'an 1642. — Yves de Calloët, prévôt et chanoine de Tréguier.
L'an 1686. — René Oriot, de la ville basse, prévôt, aîné de là maison, riche de 4,000 livres de rente de patrimoine.
L'an 1709. — Hyacinthe de Calloët, prévôt et prieur de Montfort.
L'an 1715. — Jacques René de Calloët, prévôt.
L'an 1740. — Georges-Yves de Kerret, prévôt-prieur de Saint-Mathieu, et nommé par le Roi au prieuré de Saint-Martin.
L'an 1749. — Guillaume Duval Le Marant, recteur de Plemeur-Gautier, nommé par le Roi à la prévôté dont il donne sa démission pour s'en tenir à sa paroisse.
L'an 1750. — Pierre-Guillaume Le Franc des Fontaines, prévôt actuel, vicaire général de Tréguier.
Cette longue suite de prévôt du Mur qui ont possédé, en même tempe d'autres bénéfices incompatibles, prouve l'impossibilité d'occuper décemment cette place, sans d'autres biens d'églises ou de patrimoine.
Les revenus des canonicats sont également insuffisants.
En voici un bref état :
- Dons des ducs de Bretagne lors de sa fondation : 240 livres.
- Don du Roi Louis XIV, du 1/4 des deniers d'octroi de Morlaix : 2.400 livres.
- Don du même, de 2 sols par pièce de toile vendue à Morlaix, le 10 octobre 1656, mais supprimé pour ne point gêner la liberté du commerce. Cet article aurait suffi pour rétablir la fondation s'il avait subsisté.
- Les fondations de divers particuliers, 800 livres argent et 50 quartiers de froment, évalué 6 livres le quartier, année commune, le tout : 1.100 livres.
- Fondation de la messe de cinq heures, spécialement annexée au sacristain qui la dessert : 270 livres.
Total : 4.010 livres.
Charges sur le revenu du chapitre :
- A M. le prévost, pour préciput à raison de sa dignité : 150 livres.
- Pour décimes et subventions : 341 livres.
- Pour gages de 2 chantres ou suppots : 300 livres.
- Pour le diacre et le sous-diacre d'office qui ne sont tenus au choeur que pour les grand'messes : 200 livres.
- Pour l'instruction des enfants du choeur qui sont nourris chez leurs parents, l'église n'étant pas en état de remplir à cet égard, les intentions des fondateurs : 36 livres.
- Pour réparations : 36 livres.
- Pour partie des gages du bedeau, la fabrique donnant le reste : 30 livres.
- Pour le sacristain chargé de la messe de 5 h : 270 livres.
Total : 1427 livres
1427 livres déduites du total, reste 2582 livres, qui donne à la prévosté, y compris le préciput de 150 livres : 436 livres.
A chacune des autres prébendes : 285 livres.
Revenus de la fabrique :
- Don de Louis XIV : 200 livres.
- Fondations de divers particuliers : 650 livres.
Total : 850 livres.
Charges :
- A l'organiste : 200 livres.
- Au sacristain : 120 livres.
- Au bedeau : 75 livres.
Pour l'huile des lampes et l'horloge : 36 livres.
Pour la cire : 300 livres.
En réparations, pour les biens de fabrique : 40 livres.
Total : 771 livres.
Il ne reste à la fabrique que 79 liv. pour réparations et entretien de l'église, qui manque actuellement d'ornements, dont le pavé rompu a besoin d'être renouvelé et dont plusieurs grandes vitres menacent ruine.
C'est cette nécessité extrême qui encourage le chapitre de Morlaix à présenter au Roy l'indigence où il est et celle d'une église, où les paroisses même d'un autre diocèse, Saint-Martin, s'assemblent pour les cérémonies publiques, et où l'on prêche exclusivement le sermon de la dominicale, pendant toute l'année.
Cette église est d'ailleurs considérable par ses édifices ; elle a une tour à laquelle peu de morceaux d'architecture dans le royaume peuvent être comparés...
Feu M. de Kervers, évêque de Tréguier, s'employa en 1738, pour obtenir an secours du Roi plus considérable que celui de 2,400 livres ; il était sur le point de l'obtenir lorsque son retour de Paris et la mort de M. de Calloët, prévôt, en empêchèrent le succès.
MM. de la communauté de Morlaix, chargés en partie de l'administration du temporel de cette église, ont travaillé depuis 200 ans avec plus de zèle que de succès à procurer son rétablissement. Les chanoines demandent en conséquence au Roi un secours pour prévenir la ruine entière de l'église.
Le Franc des Fontaines, prévôt, vicaire général de Tréguier. Jouy, doyen. Durechou, Moisant, de Kerouriou, de Kerven. S.-J. Jouault des Préaux, chanoines.
(Peyron)
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