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Le Général de l'ancienne paroisse de Mûr

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La fabrique de l'église de Mûr (aujourd'hui Mûr-de-Bretagne) était depuis fort longtemps, locataire d'un grenier où elle logeait le grain que les habitants ont la coutume d'offrir à saint Pierre, après la récolte ; elle y entassait aussi une foule de débris. En juillet 1887, les propriétaires voulant reconstruire en partie la maison, reprirent possession de leur grenier, et la fabrique de saint Pierre fit procéder au déménagement. Cette maison avait anciennement été louée comme presbytère, et depuis le commencement du XIXème siècle jusqu'en 1846, une de ses chambres avait servi de salle de mairie ; des papiers furent trouvés dans un coin du grenier, quelques-uns provenaient de la mairie, le plus grand nombre concernait la fabrique. En les triant pour rendre à chacun ce qui lui appartenait nous avons trouvé sur la paroisse de Mûr, ses monuments religieux, son organisation avant la révolution, des renseignements qui, outre l'intérêt local qu'ils présentent, offrent le tableau de l'existence peu connue d'une grande paroisse féodale au XVIIIème siècle. Ces documents ont été complétés par des titres de propriétés que nous possédons, et par des pièces déposées au presbytère, que M. le curé de Mûr a bien voulu nous communiquer.

On croit généralement que les paroisses féodales, c'est-à-dire celles qui relevaient d'un seigneur féodal, et non du roi directement, étaient soumises à une sorte de servage et n'avaient aucune liberté, même dans le dernier état de l'ancien droit ; cette idée est absolument fausse. Mûr est un type parfait de la paroisse féodale ; toute la terre appartient à des seigneurs, nul ne relève directement du roi : le duc de Rohan possède par lui-même quelques propriétés, mais la majeure partie est aux mains de seigneurs, ses vassaux, qui ont droit de justice. Les seigneurs afféagent leurs terres soit à titre d'héritage, soit à titre de domaine congéable, il n'y a pas de propriétés allodiales, c'est-à-dire de terres possédées suivant le droit commun, en dehors de la mouvance féodale. Nous sommes donc en pleine féodalité : presque tous les habitants sont séparés du roi par le duc de Rohan et ses vassaux, deux degrés de l'échelle féodale les isolent de l'autorité royale. Suivant les récits qui ont cours partout, nous devrions trouver ici une population soumise à l'arbitraire de son seigneur, n'ayant le droit ni de gérer ses affaires ni de défendre ses intérêts ; il en est tout autrement : les paroissiens se réunissent en assemblée générale, font eux-mêmes rédiger les rôles d'impôts, nomment des égailleurs pour la répartition, des collecteurs pour la perception, jugent les réclamations des contribuables, gèrent les finances de la paroisse, vérifient les comptes des fabriciens qu'ils ont nommés, votent, en cas de besoin, des impositions additionnelles, prescrivent des mesures de police ; ils discutent leurs droits, les soutiennent et les font valoir en justice même contre leur recteur, les seigneurs et le duc de Rohan ; ils refusent au gouverneur de Pontivy de payer l'impôt du guet qu'ils croient ne pas devoir ; ils ne consultent même pas leur seigneur pour plaider ; c'est seulement quand ils ont perdu leur procès qu'ils ont recours à lui, et le seigneur prend fait et cause pour la Paroisse.

Doit-on penser que c'est là un fait isolé, que les fiefs se trouvaient à cette époque aux mains de seigneurs exceptionnellement généreux et serviables, que d'ailleurs le seigneur pouvait avoir un intérêt personnel à combattre les empiètements des agents de son suzerain sur un pays soumis à la haute justice de Launay-Mûr ? Ou bien faut-il admettre que la noblesse prenait réellement souci des affaires intéressant la population ? Quand on parle de féodalité, on s'imagine toujours voir des seigneurs tout puissants imposant leurs volontés à la population qui leur est soumise, et n'ayant jamais d'intérêts communs avec elle : nous venons de signaler le cas d'un seigneur prenant la défense de la paroisse quand celle-ci vient plaider contre son suzerain ; nous allons trouver un gentilhomme qui prend directement part aux affaires paroissiales. Le 29 juillet 1691, un procès-verbal d'une séance tenue sous le porche de l'église, rédigé par deux notaires, nous montre un fabricien rendant ses comptes, et remettant à son successeur les titres concernant la paroisse. Ce fabricien sortant est noble homme Estienne Hamonic, sieur de Kergoric. La noblesse ne vivait donc pas dans un état d'antagonisme, ni même d'isolement, vis-à-vis du reste de la population. Nous n'avons pas recherché ce qui se passait ailleurs, nous nous plaçons seulement au point de vue de la paroisse de Mûr, sans vouloir sortir de ce cadre.

Les habitants n'étaient pas taillables et corvéables à merci ; leurs obligations envers leurs seigneurs étaient réglées par des contrats librement consentis ; la majeure partie prenait les terres seigneuriales en location à titre de domaine congéable. Cette sorte de convention n'est qu'une variété du bail à ferme dans laquelle le preneur, au lieu de fournir simplement, le mobilier, le matériel agricole, les bestiaux, est aussi chargé des foins, pailles, engrais, édifices, clôtures et arbres fruitiers ; le tout est estimé, remboursé au colon sortant et acheté par le colon entrant. Ce bail pouvait aussi bien être consenti par des roturiers que par des nobles, et s'appliquer à des terres allodiales ; mais quand le propriétaire était seigneur féodal, il annexait au bail des clauses ayant pour objet de soumettre le preneur à sa juridiction. S'il avait un moulin, il lui imposait l'obligation de ne pas moudre ailleurs ; c'était un moyen d'assurer une clientèle au meunier son locataire ; chaque fief avait son moulin. Le preneur s'obligeait généralement à transporter les matériaux nécessaires pour la réparation du château de son propriétaire, des halles, de l'auditoire de la seigneurie, et du moulin qu'il s'obligeait à suivre : là se bornaient les corvées. A Mûr, les fiefs étaient vastes et fractionnés en une quantité de petites tenues ; les charges se répartissaient entre un grand nombre de tenanciers ; d'un autre côté les châteaux n'étaient pas habités au XVIIème siècle, on les laissait tomber en ruine ou tout au moins on y faisait peu de réparations. La corvée seigneuriale consistait non pas en journées de travail personnel, mais en charrois : les tenanciers conduisaient seulement leur attelage [Note : Un arrêt du 9 novembre 1676, cité par Baudom de Maison-Blanche dans son Traité du domaine congéable (tome Ier, page 162) établit que les colons, lorsqu'ils font des corvées, ont droit à leur nourriture et à celle de leur harnais. Le même auteur (tome II page 274) dit qu'en Rohan les corvées ne sont pas déterminées à un nombre fixé annuellement et qu'elles ne sont dues qu'autant que la tenue comprend des bâtiments et est assez grande pour entretenir bêtes d'attelage]. Les comptes du sieur Le Bohec, régisseur en 1783, attestent qu'il a payé pour le seigneur les journées d'ouvriers occupés les uns à faire des plantations, et réparer les fossés de la Roche-Guehennec (château du comte de Noyan), les autres à tirer de la terre, charger les charrettes des vassaux et faire des bardeaux pour réparer la chaussée du moulin de Launay-Mûr.

Le contrat fixait la redevance, et le propriétaire, fut-il seigneur ou non, ne pouvait rien réclamer de plus ; le taux des redevances était peu élevé : le régime du domaine congéable avait pour effet de perpétuer les familles dans la même tenue. Pour changer de domanier, il fallait procéder aux formalités coûteuses et compliquées du congément, puis trouver un nouveau preneur ayant assez de fonds pour acheter le renable et les bâtiments ; aussi le propriétaire foncier changeait très rarement ses domaniers, Il en résulte que ceux-ci continuaient à jouir de leur terre au prix qui avait été fixé plusieurs siècles auparavant et que le prix de location restait bien au-dessous de la valeur réelle. Nous trouvons néanmoins quelque baux à domaine congéable du XVIIIème siècle ; ils nous donnent même un renseignement précis sur la valeur locative des terres : la redevance convenancière est généralement fixée à raison d'un boisseau d'avoine grosse par grand journal, ce qui fait, à peu de chose près, un minot (62 litres) par hectare.

Dans certains cas, le bien faisait retour au seigneur ; l'hypothèse la plus fréquente est celle de décès du preneur sans héritiers directs ; en outre le seigneur percevait des droits de mutation. Mais il ne faut pas oublier qu'il avait en échange des charges à supporter ; il devait assurer à ses frais le service de la justice et de la police. Ainsi, le sieur Le Bohec, dans les comptes que nous avons cités tout à l'heure, mentionne qu'il a payé, en 1783, au concierge de la prison de Pontivy neuf livres par chaque mois de geôlage de Julien Euzenat ; à maître Cadoux, serrurier, pour avoir ferré le prisonnier 1 liv. 10 s. ; à Hervé, aubergiste, pour le dîner d'Euzenat et des deux sergents qui l'ont conduit de Pontivy à Mur pour subir un interrogatoire 1 liv. 16 s.

Le personnel de la justice seigneuriale se composait d'un sénéchal ou juge, d'un procureur fiscal et d'un greffier ; ces fonctions étaient le plus souvent confiées à des notaires du pays et des avocats de Pontivy. Ce tribunal devait procéder comme les justices royales, et était tenu de se conformer aux lois générales ; il était compétent au civil et au criminel. Les décisions rendues par la justice de Mûr, pouvaient être déférées en appel à la cour seigneuriale de Pontivy et à la juridiction royale de Ploërmel [Note : Ces renseignements sont fournis par un aveu de la seigneurie de la Roche-Guehennec du 19 février 1549]. Les fiefs de Launay-Mûr et de la Roche-Guéhennec avaient haute justice ; leur tribunal pouvait prononcer la peine de mort, il la prononça en effet une fois au XVIIIème siècle, contre un assassin. Sa décision fut confirmée en appel devant le Parlement et le condamné fut exécuté à Rennes en octobre 1782.

Le droit de halle, au bourg de Mûr, appartenait à la seigneurie de Coëthuan-Mûr. Nous n'avons pu déterminer exactement la situation de cette halle ; il est certain qu'elle ne se trouvait pas au même endroit que le bâtiment actuel. Des pièces, déposées aux archives de la mairie, établissent que celui-ci a été élevé, vers 1820, sur un terrain cédé le 17 mars 1819, par Mme Marie-Louise Chrétien, veuve de M. Etienne-René Calloët de Lanidy, dont les propriétés n'avaient pas pour origine le fief de Coëthuan. Un contrat du 28 septembre 1736, relatif à la grande maison (construction très ancienne), qui existe actuellement (au début du XXème siècle), et se trouve sur la rue menant de l'église à la route nationale de Vannes à Lannion, en face la rue de la Pompe, indique que cette maison joignait du côté levant, la place et ancienne halle de la châtellenie de Coethuan-Mûr ; de cette indication on doit conclure que la vieille halle se trouvait plus au nord de la place de l'église, mais on ne peut se rendre compte de son aspect et de ses dimensions ; il parait probable qu'elle n'était pas accolée à la grande maison, mais plutôt édifiée isolément au milieu de la place.

L'assemblée générale des paroissiens, appelée par abréviation le général de la paroisse, ou même simplement le général, avait des pouvoirs très étendus que nous avons sommairement indiqués plus haut.

Il paraît qu'à l'origine cette assemblée était, comme son nom l'indique, la réunion de tous les paroissiens. Ses séances avaient lieu dans l'église, où, sur l'invitation du recteur, la paroisse se formait en corps politique. Ce détail nous est fourni par l'acte suivant du 1er janvier 1658.

DÉLIBÉRATION.
Des paroissiens de Mûr, du 1er Janvier 1658. Le mardy premier jour de janvier jour et fête de la Circoncision, l'an mil six cent cinquante et huit, au prône de la grande messe dominicalle dicte et célébrée en l'église paroissialle de Mur par vénérable et discret messire Guillaume Galerne, recteur de laditte paroisse, en grand amas et congrégation de peuple en forme de corps politique tant pour le service divin que pour disposer de leurs affaires publiques eux regardans, où entre autres étaients présents en leurs personnes sçavoir Mes Jean le Drogo, Thomas le Bigot et Jean le Perreu, fabriques de laditte paroisse, François le Masson, Hervé Jouanno laisné, Hervé Jouanno, le jeune, Hervé le Drogo, Jean le Ralle, Louis le Ralle, Guillaume Roperts, Mathurin le Ralle, Guillaume le Mentec, 0llivier le Mouël, Jean le Bigot, Yvon Duaut, Maurice le Masson, Pierre Léauté, Guillaume Henry, Jean Le Mouël, Guillaume Le Bras, Yvon le Denmat, Laurent Léauté, Gonnery le Denmat, François Galerne, Henry le Forestier, Olivier l'Hermitte, Guillaume Guillo, Guillaume Madoré, Yvon l'Hermitte, Yvon le Forestier, Yvon Josselin, Guillaume Audren, Guillaume le Barse laisné, Hervé le Barse, 0llivier Fraboullet, François le Perric, Yvon Talmont et Yvon le Mouël, tous et chacuns habitans de laditte paroisse de Mûr représentant la plus saine et mere [Note : Sic, pour maire, du latin majorem, la plus grande, la plus nombreuse] voix d'icelle, auxquels et chacuns a été fait sçavoir et donné à entendre en langue vulgaire par messire Jean Jean en absence de messire Jean Pensivy, curé dudit Mur, comme vénérable et discret messire Guillaume Galerne, recteur dudit Mur, prétendoit les mettre en action au siège présidial de Vannes à ce que les dits paroissiens eussent étés déffinitivement et provisoirement, sauf leur recours vers les tréviens de Saint-Guen et Saint Gonnec, condamnés luy bâtir à neuf ou en tout cas luy mettre en dues réparations la maison presbitorialle de laditte paroisse située au bourg de Saint-Guen, tant de couverture, murailles, jardins, meubles de bois, lingerie, vesselles, etc., comme à gens de telle qualitté et dignité appartient, de tout quoy la date maison rectorialle est de très longtems dépourvue, fors seullement d'un bout de la vieille maison, où il y a quelques vestiges de couverture et de l'autre bout quelques vieilles murailles ruinées sans aucunes couvertures, au reste dépourvue, désaisie et dégarnie de tout, soit de garniture, de planchés, barasseaux, meubles de bois, lingeries et autres jusques aux portes et fenêtres de laditte maison rectorialle qui sont pouries et de nulle valleure, à tout quoy concluait ledit sieur recteur, jointz les commandements du seigneur illustrissime et reverendissime Evesque et comte de Cornouaille notre prélat aux … et faisant ses visites ordinaires, faisant obligation au susdit sieur recteur de faire les dits paroissiens lui mettre en dues réparations laditte maison presbitorialle pour y loger et ce de jour en autre. A quoy lesdits paroissiens ont d'une commune voy dits et déclaré n'avoir à débattre de luy mettre en réparation laditte maison tôst ou tard, mais ledit sieur recteur se mit en possession d'icelle paroisse et leur fit promesse de les soulager en toute chose à son possible, le suppliant de rechef d'y persister pour le présant sans les inquietter desdittes réparations, veu même qu'il est bien logé au bourg de Saint-Guen et que les dittes réparations causeroient de grands coutaiges et misères auxdits paroissiens, de quoy ils n'ont les commodités pour le présant pour y survenir : ce que ledit sieur recteur a consanti auxdits paroissiens tâchant de les soulager et gratifier le plus qu'il peut, comme il a fait de précédant. De quoy lesdits paroissiens l'ont unanimement remercié, priant Dieu de luy prolonger les jours et luy donner paradis à la fin, premièrement à ce, non seullement à cause du déport qu'il lui plait leur faire des dittes réparations, mais encore à cause de l'amittié et obligation très grande qu'ils lui ont pour les autres faveurs et bénéfices particuliers reçus de sa part, demeurant toutefois lesdits susnommés paroissiens et chacun d'eux à un et d'accord que laditte maison presbitorialle est entièrement non logeable et dépourvue de toutes sortes de meubles de bois comme lits, coffres, tables, buffets, lingeries etc , et pour ce qui est des murailles et reste de couvertures restant debout, icelles veilles, caduques et nulle valleur, d'autant qu'ils menassent, et ne demeurent en la charge dudit sieur recteur, au contraire lesdits paroissiens de la ditte mère paroisse de Mur ont promis et soy sont obligés pour ce qui est de leur chef et interrest, sauf à y faire contribuer lesdittes deux trèves de Saint-Guen et Saint-Gonnec (aujourd'hui Saint-Connec), qui doivent aider et participer aux dittes réparations lorsque requis sera, et ainsy y sont fondés à acquitter, libérer et indemniser ledit sieur recteur s'il est inquietté par ses supérieurs à ce faire durant son vivant, ou ses héritiers présomptifs après son décès envers le futur recteur et tous autres de toutes telles quelles réparations qu'il leur pouroit prétendre, tant en principal que accessoires, attendu que lesdits paroissiens ny autres de par eux n'ont rendu laditte maison en réparation, ny la clef d'icelle audit sieur recteur, ny même au précédant recteur, comme il appert, par déclaration du dimanche sixiesme jour de feuvrier 1603 dont il demeure déchargé à laquelle libération et indemnité comme dit est lesdits susnommés et général desdits habitants des paroissiens de la mère paroisse de Mur se sont obligés sollidairement l'un pour l'autre et un seul pour le tout, renonçant au bénéfice de division et ordre de discutions de corps et biens, libérer, indemniser et acquitter ledit sieur recteur et ses héritiers, comme dit est, même par exécution, vente ensuivante de leurs biens meubles, que par arrest et hôtaiges de leur personne, le tout comme pour deniers royaux, sauf audits paroissiens de Mur de faire contribuer lesdits tréviens de Saint-Guen et Saint-Gonnec et participer auxdittes réparations à la mannière accoutumée et comme ils sont fondés, comme est dit ci devant. Tout quoy a esté leu auxdits paroissiens et répetté en terre prophane et l'ont ainsi voullu et consanti, promis et juré tenir ; partant à ce faire et tenir nous soussignants, notaires de la cour de Pontivy, siège principal du duché de Rohan, pairie de France, et par icelle avec soumission et prorogation de juridiction expressément y jurés des parties cy dessus, comme par leur propre barre, les y avons condamnés et condamnons, néant moins indices ny autres exceptions quelconques. Fait, gréé, signé et condamné en toute maire forme d'actes, obligations, renonciations et serments au bourg de Mur, sur le pas du cimittière de l'église d'icelle, sous les signes desdits Drogo, Guillo et l'Hermitte pour leurs respects, de messire Jean Jean, Hervé Fraboullet, Hervé Robic, Louis Le Forestier, François Quéro, Yves Guergadic, 0llivier Pierre, Izaac Stéphan et Louis Audreu, tous et chacuns praistres, à requestes desdits paroissiens sus nommés qui ne signent, et celluy dudit sieur recteur pour son respect, ledit jour et an que devant. Ainsi signé, J. Jean prestre, H. Fraboullet, Jean Le Drogo, V. Lhermitie, H. Robic, J Deshogues, Y. Garnot, J. Stéphan, Louis Audren, 0l. Pierre, F. Quéro, Y. Guergadic, G. Guillo, Galerne recteur de Mûr, Louis Udo nottaire et Deshogues autre nottaire fidellement collationné à l'original sur commun nous apparu et représenté par vénérable et discret messire Hervé le Coq, prêtre recteur de Mur demeurant au bourg paroissial dudit Mur et luy randu par nous soussignants nottaires de la cour et juridiction de Pontivy siège principal du duché de Rohan pairie de France sous son signe et les notres ce jour quatriesme novembre mil sept cent cinquante sept (?), les deux mots qui se trouvent rayés réprouvés. Signé : H. le Coq, recteur de Mur. Paulon, notaire. Goujon, notaire.

Cet acte indique bien comment les choses se passaient : la question en litige, annoncée en chaire, était discutée par les paroissiens. L'assemblée se composait de toute la paroisse réunie pour les offices divins. Il paraît toutefois que les assistants formaient deux catégories : l'une composée des notables (l'acte en désigne nominativement trente six) ayant voix délibérative ; l'autre comprenait la masse des paroissiens qui, sans doute, ne prenait pas part aux discussions et était seulement appelée à donner son approbation aux propositions arrêtées par les notables. La discussion se passait dans l'église même ; cela paraît bizarre, on serait tenté de croire que l'annonce seule devait être faite dans l'église et la réunion avoir lieu, soit dans l'église, soit sous le porche. A cette époque, la sacristie était trop petite et se trouvait au delà du sanctuaire, mais le porche était très vaste. Nous voyons une réunion du général s'y tenir en 1691. Le porche, lieu couvert sans être clos, destiné par les règles liturgiques à donner abri aux catéchumènes non encore baptisés, est bien le local tout indiqué pour réunir les délibérants, c'est-à-dire choisir dans le public les notables les plus capables d'émettre un avis, les consulter, recueillir leurs voix, tandis que le reste de la foule assiste à la délibération en se tenant dans le cimetière ou dans la nef de l'église ; cette coutume serait conforme aux usages des anciens Germains : De minoribus rebus principes consultant, de majoribus omnes : ita tamen ut ea quoque, quorum penes plebem arbitrium est, apud principes pertractentur (Tacite, De moribus Germanorum, § XI), Le porche servait-il pour les réunions ordinaires, l'église pour les cas spécialement intéressants ? Ou bien l'usage a-t-il été modifié entre les deux dates de 1658 et 1691 ? En tous cas, c'est bien dans l'église même que se tient la réunion de 1658 ; en effet :

1° On parle d'un grand amas de peuple et si on désigne nominativement trente-six notables, on n'indique pas que ces personnes aient changé de place et se soient groupées pour délibérer.

2° On passe sans transition de l'annonce faite au prône à la délibération, il n'y a pas signe d'une interruption qui eût été nécessaire si on avait quitté l'église.

3° On indique deux lectures du procès-verbal : la dernière en terre profane. La première avait été donc faite en terre non profane, c'est-à-dire dans l'église même, le porche n'est pas terre sacrée, puisqu'il est ouvert aux infidèles.

Le fait de traiter dans l'église des questions profanes répugne à nos moeurs actuelles. Il n'y avait rien de plus fréquent autrefois : le clergé se chargeait de faire connaître les actes officiels depuis les ordonnances du roi jusqu'aux procès-verbaux relatant les délibérations du général ; en outre les officiers ministériels profitaient de la réunion des fidèles pour faire des publications. Ils devaient sans doute les faire en dehors, au pied de la croix ou à la porte du cimetière : les énonciations contenues dans divers actes en fournissent la preuve ; mais le clergé avait fini par tolérer qu'elles eussent lieu dans l'église même, au moins pour certaines affaires. Il y eut des abus, le Parlement intervint : le 4 avril 1784 nous voyons le général enregistrer un arrêt faisant défense à tous notaires et gens de justice, de troubler les recteurs ou curés dans leurs fonctions sacerdotales et de leur adresser des sommations ou exploits après l'office paroissiale commencé, et même après l'heure fixée pour le commencer. Les annonces se faisaient au prône ou au moment des dernières oraisons de la messe appelées post-communion, d'où un avait tiré par corruption l'expression : publier à la poste-commune.

A la fin du XVIIème siècle (1691 et 1692) le général se réunit encore sous le porche. Dès le commencement du XVIIIème (1714), la réunion a lieu dans la sacristie ; dans les derniers temps on sonne douze coups de la moyenne cloche, pour annoncer aux douze notables l'ouverture de la séance. La fin de la délibération est ajournée à l'après-midi, si on n'a pas fini au moment où la grand'messe commence.

Les délibérants étaient souvent inexacts : nous voyons, à la date du 18 mai 1783, le procureur fiscal leur recommander l'exactitude et leur rappeler que les séances doivent commencer à huit heures de Pâques à la Toussaint, à neuf heures, de la Toussaint à Pâques.

La convocation du général est annoncée à l'église ; elle se fait, suivant les cas, sur l'initiative du recteur, ou des agents des autorités royales et seigneuriales, ou du fabricien de l'église paroissiale.

Il est douteux que les délibérations fussent inscrites sur un registre avant 1691, elles étaient rédigées par des notaires, et la minute qu'ils conservaient devait dispenser de tenir un registre. De 1691 à 1725, on trouve des registres, mais ils sont mal tenus, on y inscrit seulement des décisions importantes, on reste plusieurs années sans y rien mentionner ; de 1725 à 1790, les registres sont assez régulièrement tenus.

Le général désignait lui-même son greffier, souvent il lui était difficile d'en trouver. Le 10 décembre 1756, les délibérants voyant l'inexactitude du sieur Gaumon, leur greffier, le remplacent par messire 0llivier Jean, prêtre de Mûr. Le 26 juin 1757, Messire Jean, déclare qu'il ne peut continuer. En effet sa nomination n'était pas correcte ; on pouvait à la rigueur admettre qu'il remplaçât une fois le greffier manquant inopinément, mais il ne pouvait accepter d'une façon permanente les fonctions de greffier, qui régulièrement ne devaient pas être remplies par un ecclésiastique. Le général décide qu'on prélèvera six livres sur la quête de Saint-Pierre pour salaire du greffier ; le 29 juin M. Billon, notaire, accepte ces conditions.

Le 8 janvier 1759, en l'absence du greffier, la délibération est rapportée par Messire Hervé le Coq, recteur, à la prière des délibérants.

A la date du 18 mars 1736, on transcrit sur le registre une lettre du 7 du même mois par laquelle le marquis de Coëtlogon, comme patron et fondateur de l'église, ordonne au sieur de Cannon Le Vieulx, son procureur, de réunir le général, de procéder à la destitution du sacristain et à son remplacement, vu ce qui lui a été représenté sur la mauvaise conduite dudit sacristain. La transcription est accompagnée de deux signatures de notaires ; il est dit que la requête a été lue au prône et soumise au général ; on indique les délibérants présents, mais la signature d'aucun d'entre eux n'est apposée. Ce procès-verbal est l'oeuvre de mauvais plaisants. A la suite est inscrite une délibération du général, dûment signée, qui déclare que l'insinuation ci-dessus a eu lieu sans son consentement et sans qu'aucun des délibérants qui y sont dénommés ait signé, « sauf aux intéressés à en tirer telles inductions vers la personne qui a porté la main sur le registre, par toutes les voies de droit et coutume ». Le recteur déclare de son côté qu'il ne veut pas entrer dans les discussions policières des commères, et le général enregistre un arrêt du Parlement, du 2 mai 1736, portant défense de faire aucun trouble ni violence aux délibérants de la paroisse de Mûr, sous peine de procès criminel et de dommages-intérêts. Quant aux faux commis, les inculpés sont condamnés aux frais, le jugement sera publié à l'issue de la grand'messe et inséré au registre des délibérations.

En dehors du fait singulier qu'il vise, cet arrêt nous fournit des renseignements précieux sur l'organisation et le fonctionnement du général ; il trace pour la paroisse de Mûr un véritable règlement auquel on se réfère dans la suite comme ayant force de loi. Le général doit se réunir tous les ans, afin de nommer douze délibérants, choisis parmi les anciens fabriciens qui ont rendu leurs comptes, pour composer le corps politique avec le juge local, le procureur fiscal et le recteur qui aura la première place, signera le premier, et opinera immédiatement avant le président, celui-ci devant opiner le dernier et recueillir les suffrages. Les délibérants nommés doivent assister à toutes les assemblées sous peine de dix livres d'amende, sauf légitime excuse insérée dans la délibération. Les absents seront remplacés par d'anciens fabriciens ayant rendu leurs comptes et payé le reliquat. Les convocations seront faites huit jours à l'avance, à l'issue de la grand'messe paroissiale. Les séances seront tenues dans la sacristie de Mûr sous la présidence du juge local ou du plus ancien marguillier délibérant. Le compte-rendu sera dressé et signé par un notaire désigné par le général. On procèdera de même pour la confection des rôles.

Ajoutons que les délibérants devaient être âgés de vingt-cinq ans au moins et que les fabriciens en charge avaient, de droit, entrée au conseil pendant le temps qu'ils exerçaient leurs fonctions.

Suivant le règlement « le général se reunira pour nommer des délibérants qui composeront le corps politique ». Ce texte évoque à notre esprit l'idée de l'élection des délibérants par la généralité des habitants, soit au suffrage universel, soit au moyen d'une désignation arrêtée par les notables et soumise à l'acclamation du peuple. En fait les choses ne se passaient pas ainsi : les membres du corps politique désignaient leurs successeurs : souvent même ils procédaient individuellement à cette désignation et ratifiaient en corps le choix fait par chaque membre sortant, ou le modifiaient, ou maintenaient dans ces fonctions leurs collègues qui auraient dû être remplacés. Ce procédé était généralement suivi en Bretagne, nous ne voyons pas qu'il ait soulevé de protestations. Peut-être à une époque reculée, les délibérants étaient-ils nommés par acclamation dans une réunion de tous les paroissiens, mais cet usage avait fini par tomber en désuétude. Le principe de l'intervention populaire apparaît encore d'une autre façon : on considérait la désignation arrêtée par le corps politique comme un simple projet analogue aux rapports des commissions dans nos assemblées actuelles ; les délibérations étaient publiées au prône ou à l'issue des offices ; les paroissiens ne protestant pas après lecture, leur silence s'interprétait comme approbation et tenait lieu de vote. Au fond, aujourd'hui, on procède d'une façon analogue pour l'adoption des rapports qui ne soulèvent pas de contestations. Le vote à main-levée avec contre-épreuve, au cas où les délibérants ne se donnent pas la peine de lever la main, est, avec addition d'une légère formalité, la constatation d'un acquiescement tacite. De nos jours encore nous avons remarqué que des conseils municipaux ne considéraient leurs délibérations comme définitives qu'autant qu'elles avaient été rédigées par écrit, lues et signées. Jusque là il n'y a rien d'arrêté, le vote dans la première séance n'est que l'expression d'un sentiment qui doit servir de base à la rédaction d'un projet, mais chaque conseiller est maître de sa voix jusqu'au moment définitif, au moment où il signera après lecture. Ce n'est pas seulement le procès-verbal de la séance précédente qu'on approuve quand on revient au bourg pour donner sa signature, c'est la question même qu'on examine à nouveau, on ne sera engagé qu'après avoir arrêté et signé la rédaction définitive. Souvent même, en cas de désaccord, les opposants refusent de signer le procès-verbal qui constate le sentiment de la majorité : ils considèrent que signer, c'est approuver la décision. Cette interprétation de notre organisation municipale actuelle nous paraît absolument fausse et contraire à la loi, mais elle existe en fait autour de nous ; n'est-ce pas un souvenir de l'ancienne pratique des corps politiques auxquels a succédé le conseil municipal ? Cette tradition qu'on retrouve cent ans après la disparition du général des paroisses  semble indiquer que les délibérations du général ne devenaient définitives et exécutoires qu'après avoir reçu l'approbation tacite de la généralité des habitants ; toutefois nous devons dire que, si cette approbation a été une formalité essentielle dans des temps plus reculés, il est certain que dans le dernier état du droit, sauf certains cas exceptionnels, elle n'était plus exigée.

Le renouvellement des délibérants ne se faisait pas chaque année conformément aux prescriptions du règlement. Le corps politique était d'ailleurs excusable, il était difficile de trouver d'anciens fabriciens ayant rendu leurs comptes. Les fabriciens étaient assez souvent maintenus deux ans de suite dans leurs fonctions ; en outre, ils se hâtaient peu de régler leur comptabilité. Nous trouvons fréquemment des délibérations ayant pour objet de donner pouvoir à quelques notables afin de faire rentrer les reliquats dus à la paroisse, quelquefois même d'actionner en justice les retardataires. Il faut dire que les comptes étaient établis sur une feuille de timbre par un notaire. D'un autre côté, les fabriciens faisaient des avances ; leur compte comprenait presque toujours les reliquats dûs par leur prédécesseur. Ainsi le retard d'un seul entraînait celui de tous ses successeurs. Parfois, les comptables, se fiant sur les lenteurs des recouvrements qu'ils avaient à effectuer avant d'arrêter leur compte, et craignant de perdre les sommes qu'ils avaient touchées, plaçaient ces dernières. C'est ainsi que le 10 décembre 1756, Charles Nicol et Perrine Kerdrain, sa femme, viennent supplier les délibérants d'accepter le principal d'un constitut de 700 livres qu'ils tiennent de Julien Le Masson, fabricien de Saint-Suzanne, qui leur a remis cette somme des deniers de la chapelle le 18 juillet 1748. Ils finissent par trouver que les arrérages s'accumulent et menacent de former une lourde charge. Julien Le Masson, présent à leur requête, reconnaît le fait, le général accepte le remboursement, sauf approbation de l'évêque de Quimper. Celui-ci, au cours de ses visites, le 26 avril 1757, reçoit une supplique de Charles Nicol et ordonne qu'il soit fait ainsi qu'il est requis. Charles Audren, fabricien de Sainte-Suzanne, nous fournit dans son compte de 1753 des renseignements sur ce constitut. Le contrat avait été reçu par M. Le Bris, notaire, le 18 juillet 1748, et garanti par hypothèque sur une tenue à domaine congéable, sise au bourg de Mûr, appartenant à Charles Nicol et Perrine Querdrain, sa femme.

Cet exemple suffirait à expliquer les difficultés rencontrées par le général pour se recruter parmi les fabriciens non reliquataires. Aussi il n'est pas étonnant de voir le 9 janvier suivant (1757), les délibérants exposer que, pour obéir à l'arrêt du parlement inscrit au registre, ils devraient renouveler tous les ans les membres du conseil, mais que, personne ne se trouvant en état de rentrer dans le corps politique, on ne peut faire de changements. La situation tarda à s'améliorer. En janvier 1781, le procureur fiscal de Pontivy recommande encore aux délibérants l'observation rigoureuse des prescriptions de l'arrêt de la Cour à ce sujet : il rappelle qu'on ne doit composer le corps politique que d'anciens fabriciens ayant purgé leurs comptes, à commencer par les plus anciens, en sorte que les douze délibérants doivent être remplacés tous les ans, autant que possible, par des successeurs.

Le 18 mai 1783, M. Le Bohec, procureur fiscal, réitère les mêmes observations et demande le remplacement de deux délibérants qui n'ont pas rendu leurs comptes. Le général rencontrait souvent de vives résistances de la part des comptables et n'osait user de rigueur envers eux : M. Le Bohec et M. Hémery, greffier, exposent dans un procès-verbal, que le 29 mai 1783, les délibérants refusent de signer le compte-rendu d'une séance ayant pour objet de constater que des comptes sont en retard et d'en activer la liquidation ; les délibérants motivent leur refus en disant qu'ils ont peur que M. Moigno, un des comptables, ne leur fasse des procès.

Le 17 décembre 1786, les délibérants, considérant que la plupart d'entr'eux ne savent ni lire ni écrire, chargent Joseph Le Ralle de Kerdanio et Le Denmat de Guergadic d'inspecter et vérifier les délibérations, veiller à la conduite des fabriciens. Une consultation d'avocats, annexée au registre, établit que cette mesure ne saurait être exécutée : le général ne peut continuer indéfiniment les pouvoirs des délibérants qu'il désire conserver ; on doit chaque année en changer six au moins ; on pourrait seulement demander au procureur général de laisser les personnes les plus capables assister aux séances les années où elles ne peuvent faire partie du corps politique, mais sans leur donner voix délibérative.

Le général est chargé d'établir, pour le service militaire, la liste des célibataires ayant moins de quarante ans et des hommes mariés ayant moins de vingt ans ; de payer un chirurgien qui vient les examiner ; de fournir des miliciens au roi ; de les remplacer quand ils ont fini leur temps ; de veiller à ce que les miliciens se présentent quand ils sont appelés ; de solder les frais de leur logement et équipement.

Quand une troupe est de passage, la paroisse doit la loger et lui fournir des voitures et attelages pour porter les bagages ; cette charge était quelquefois très lourde. Le 4 février 1785 nous voyons le général demander qu'on diminue le nombre des chevaux et voitures pour conduire les troupes, attendu la faiblesse de la paroisse.

Le grand chemin (c'était la route de Pontivy à Corlay) est entretenu par les paroissiens sous la direction d'un syndic désigné par l'intendant de la province. Le général donne son avis sur les demandes en dégrèvement formées par les prestataires. Ces deux renseignements sont fournis notamment par une délibération du 8 avril 1781, dans laquelle le général, après avoir émis son avis sur une demande de dégrèvement, réclame le changement du sieur Le Bohec, syndic, qui est allé habiter Pontivy. Son éloignement l'empêche de veiller à la confection du chemin, de faire part au général des ordonnances y relatives, de sorte que le général ne peut en avoir connaissance que tardivement et par voie indirecte, d'où il arrive souvent des inconvénients ruineux pour la paroisse.

La répartition et le recouvrement des impôts dûs au roi sont confiés au général de la paroisse ; c'est lui qui fait établir les rôles ; pour y parvenir ils nomment des égailleurs qui sont chargés de la répartition ; les rôles sont établis par quartiers (dîmes ou frairies) ; dans chaque quartier un collecteur désigné par le général est chargé du recouvrement et émarge les rôles en traçant une croix devant chaque article à mesure qu'il est soldé.

Les mandements des fouages doivent être publiés au prône dès qu'ils sont reçus par les marguilliers ; le général doit s'assembler le même jour ou le dimanche suivant pour nommer des égailleurs. Il adjuge dans la huitaine la rédaction du rôle à celui qui demande le moins, lors même qu'il ne serait pas notaire. Le prix ne doit pas excéder cinq livres, papier compris, pour les rôles au-dessous de deux cents livres et quatre deniers pour livre de l'excédent. Les rôles sont sur papier libre : l'égail (répartition) ne peut être fait au cabaret, mais en un lieu décent. Le rédacteur ne peut travailler qu'en présence et de l'avis des égailleurs. Chaque copie doit être signée par les égailleurs ou une personne âgée de vingt-cinq ans requise par chacun de ceux qui ne savent signer. Les sommes à recouvrer doivent être écrites en lettres. Les ratures et interlignes doivent être approuvées. Une copie est remise aux collecteurs, l'autre est déposée aux archives. Les égailleurs ne peuvent diminuer leurs impositions ni celles de leurs parents jusqu'au degré de cousins germains, sauf le cas de diminution dans leurs biens dont la preuve soit constante. La collecte est adjugée moyennant une remise de dix-huit deniers pour livre au maximum à défaut d'adjudicataires, le général désigne des collecteurs. On ne peut rien ajouter au rôle. Les rôles sont exécutoires de plein droit huit jours après la publication. Le collecteur rend compte au général le premier janvier. Les collecteurs peuvent payer au receveur des fouages un quart en menue monnaie ; les receveurs doivent ouvrir leur bureau de 8 heures à midi et de 2 à 6 en été, à 5 en hiver ; s'ils s'absentent, les collecteurs peuvent consigner. Les receveurs sont responsables de leurs commis et ne peuvent se faire substituer par eux qu'autant qu'ils sont agréés par la commission intermédiaire des Etats de Bretagne, et ont prêté serment.

Ces renseignements nous sont fournis par un grand nombre de délibérations, et par un extrait des registres des Etats de Bretagne du 21 mai 1767.

Le général ne se contentait pas de nommer les égailleurs, collecteurs et rédacteurs de rôles ; il s'inquiétait de leurs agissements, leur adressait des observations, et les révoquait au besoin ; ainsi, le 20 juin 1743, les délibérants déclarent avoir connaissance que le nommé Le Vieulx a fait marché avec les collecteurs de faire pour eux toute affaire, tant de deniers royaux que d'autres ; en même temps il s'est fait nommer égailleur. On ne peut admettre qu'il gère toutes les charges à la fois. En conséquence le général le révoque, le remplace par Guillaume Le Coq de Tressau, et comme ledit Le Vieulx a été ci-devant suspecté, est d'avis qu'il ne s'ingère à l'avenir de faire aucune recette des deniers publics, directement ou indirectement. Le 8 août 1745, le général procède à une enquête sur les agissements du même Le Vieulx et de son neveu Lostys ; on établit que M. Lostys a été chargé de la rédaction du rôle à la suite d'une adjudication dans laquelle il avait promis de le faire gratis, évinçant par cette offre M. Billon qui demandait dix-huit livres pour ce service. Le procès-verbal n'indique pas quelles étaient les prétentions de M. Lostys, mais une note écrite par lui à la suite constate que, pour éviter un procès, il rend à la paroisse la somme de dix-sept livres dix-neuf sols, qui lui revenait pour la confection du rôle ; cette note laisse à penser qu'il soutenait avoir offert après l'enchère de M. Billon un rabais d'un sou et non la confection gratuite du rôle.

Le général est appelé à donner son avis sur les réclamations et demandes en réduction d'impôts ; il s'acquitte soigneusement de cette mission, et discute les dires des réclamants. Souvent il prouve qu'ils ont dissimulé une partie de leurs propriétés sur lesquelles l'impôt doit porter, et qu'au lieu de réduire leur taxe on devrait l'augmenter.

Le général s'occupe des questions relatives à l'assistance publique. En avril 1745, un nouveau-né est trouvé sous le porche, le recteur le baptise et lui donne les noms de Vincent Le Porche ; le général s'assemble, il décide que tous les paroissiens doivent contribuer à la nourriture et à l'entretien de cet enfant qui est confié à Mathurin Le Bihan, moyennant une somme de quarante-cinq livres par an : la pension sera payée de six mois en six mois. Si l'enfant meurt entre deux échéances, l'argent reçu d'avance sera versé pour l'entretien et le luminaire de l'Eglise. Les égailleurs ordinaires répartiront la dépense entre les contribuables.

Le général est aussi chargé de faire donner des secours aux pauvres. Le 6 mai 1770, en exécution d'un arrêt du parlement rendu le 3 du même mois, il dresse la liste des pauvres de la paroisse, à laquelle on ajoutera ou ôtera dans la suite, suivant les occurrences. 0llivier Le Ralle du Pontquern et Mathurin Guillo sont chargés d'une somme de 150 livres, qu'ils emploieront dans la semaine en achat de blé, pain, farine, qui seront apportés et distribués le dimanche. Ils continueront les distributions jusqu'à concurrence de la somme reçue, et rendront compte de l'emploi à la Pentecôte. De la Pentecôte à la Saint-Jean, Yves Le Basser et Fraboulet de Kervo seront chargés des distributions ; de la Saint-Jean à la récolte, Quitterel et Ropers, recevront pour le même objet de l'argent du coffre-fort, s'il y en a, sinon on fera un emprunt. Le troisième dimanche de mai, Guillo et Le Ralle rendent compte de leur mission ; on tire des archives une somme de 225 livres qu'on remet à Le Basser et Fraboulet pour la provision des pauvres pendant trois semaines. Le 23 janvier 1785, le procureur fiscal fait recommander au général de se conformer aux ordonnances concernant les mendiants. On ne doit pas laisser mendier les vagabonds étrangers au pays : les mendiants ont reçu ordre de se retirer dans leurs paroisses natales ; les inconnus qui cherchent l'aumône prennent souvent ce prétexte pour faire des découvertes et préparer un vol. Ils sont quelquefois plus à l'aise que ceux qui font l'aumône ; en tous cas ils diminuent la part de charités qui devrait être réservée aux paroissiens malheureux. Le général ordonne des quêtes et charge Pierre Guillo de porter le plat des pauvres. Il devra plutôt se servir d'un chapeau pour exciter la charité ; ce qui sera ramassé au dit chapeau sera employé pour le soulagement des pauvres infirmes et honteux. On désigne des délégués qui, chacun dans leur quartier, examineront ponctuellement les besoins et nécessités des pauvres ; si les offrandes ne suffisent pas, on prendra telle voie qui sera vue pour y pouvoir. Quant aux autres mendiants qui ont coutume de chercher, on exhorte toute la paroisse à la charité envers des concitoyens ; on enjoint autant que possible de repousser les étrangers qui volent la rétribution due aux paroissiens pauvres.

Le 27 novembre 1785, en réponse à une communication de l'intendant qui conseille de faire un approvisionnement de chanvre et de lin, de le livrer aux pauvres pour le filer, le général déclare qu'il faudrait avancer une somme trop considérable, qu'on ne serait jamais remboursé. Le 26 mars 1786, le général enregistre un arrêt du Parlement prescrivant aux paroisses de subvenir aux besoins des pauvres. Il nomme des délégués qui, conjointement avec le recteur, distribueront le blé appartenant à l'église ; les pauvres de la paroisse auront seuls droit à ces secours. Quand les blés de Saint-Pierre seront consommés, on tirera des archives ce qu'on pourra pour la subsistance des pauvres. Le général demande qu'au prône on avertisse les pauvres étrangers de se retirer dans leurs paroisses et de ne plus mendier dans celle-ci et qu'on invite les pauvres honteux à donner leurs noms.

Le 14 mai 1786, le général organise des ateliers de charité sur le grand chemin. Les seigneurs de Mûr, quoique n'habitant pas la paroisse, s'inquiétaient des malheureux ; ils faisaient remettre tous les ans une certaine somme au recteur pour les pauvres ; les comptes des régisseurs en font foi.

Les arrêts du Parlement qui portent règlement de police doivent être transcrits au registre des délibérations et publiés par le recteur ; parmi les arrêts de cette nature, il en est un du 16 août 1719 qui défend d'inhumer dans les églises autres personnes que celles y ayant droit dans leurs enfeux ; cette décision est motivée par la crainte des maladies contagieuses. Elle fut publiée par M. de Kerneguez, alors recteur de Mûr. M. Le Berre, son successeur, avait renouvelé plusieurs fois cette publication. Le 10 avril 1735, les enfants Labour, de Coëtnohen er Bras, protestent contre cette mesure et déclarent qu'ils ne s'y soumettront pas ; le recteur, les prêtres de la paroisse et M. Julien Lostys, ancien praticien de la juridiction de Mûr, investi des fonctions de juge en l'absence du sénéchal, leur adressent des remontrances, mais les récalcitrants ne tiennent pas compte de cet avis : ils ameutent une partie de la population et, étant autorisés d'une clameur publique audit arrêt aussi opposante, ils continuent leurs protestations. Le recteur requiert le sergent Audren qui leur signifie l'arrêt de 1719 et leur expose que, s'ils persistent à y contrevenir, ils seront poursuivis par toutes les voies de rigueur et de justice. Malgré cette sommation, ils inhument dans l'intérieur de l'église le corps de Catherine Le Drogo, leur mère, décédée la veille. L'inhumation a lieu sans le consentement ni le ministère du clergé, qui n'a cessé de s'opposer à leurs prétentions et s'est retiré après les prières et cérémonies d'usage, et quoique le recteur eût fait préparer une tombe dans le cimetière de la paroisse.

La nomination des fabriciens appartient au général ; il en nomme tous les ans un pour l'église paroissiale, un pour Sainte-Suzanne, un pour Saint-Jean, un pour Notre-Dame de Pitié, un pour la confrérie du Saint-Sacrement, un pour la confrérie du Saint Rosaire. Quelquefois, lorsqu'il y a de grands travaux, il désigne deux fabriciens au lieu d'un ; il choisit des mandataires pour passer des marchés, surveiller les ouvriers, suivre les procédures. Les comptes des fabriciens sont soumis au général et approuvés par les commissaires de l'évêché ou par l'évêque lui-même au cours de ses visites. Le général poursuit les comptables en reddition de comptes, reçoit les reliquats, en donne décharge, accepte les donations faites à la paroisse, poursuit ses débiteurs, plaide et transige sur ses droits, ordonne les travaux, approuve les plans et devis, vote l'acquisition d'ornements et autres objets nécessaires au culte.

Pour faire face aux dépenses, il a deux ressources : le trésor de la paroisse, c'est-à-dire les sommes déposées aux archives qui proviennent presque uniquement des reliquats de comptes des fabriciens. Il peut aussi voter des impositions qui sont assises et recouvrées comme les centimes additionnels de nos jours.

Quelquefois les délibérants prescrivent des mesures pour la conservation des propriétés, la police et la gestion des affaires paroissiales. Ainsi, le 16 juin 1771, ils font défense aux fabriciens de donner des cierges pour les processions à d'autres que messieurs les juges et procureurs fiscaux de Mûr et de Pontivy. Dans la même séance, « considérant que les particuliers attachent fumier et autres choses aux murs du cimetière », ils défendent désormais d'y rien mettre ; ils avertissent ceux qui ont creusé de recharger les trous qu'ils ont faits sous peine d'être entrepris. Le 12 février 1786, le général donne ordre au sacristain de fermer régulièrement les portes de l'église et du cimetière, de sonner l'Angelus aux heures ordinaires.

Lorsque les Etats-généraux sont convoqués, le général choisit deux délégués qui prendront part aux opérations électorales, feront connaître les doléances de la paroisse et participeront à l'élection des députés du tiers-état.

Le 1er février 1789, François Le Bigot, fabricien de Saint-Pierre réunit les délibérants ; il expose que les généraux de plusieurs villes et paroisses voisines ont pris des arrêtés manifestant le voeu unanime de l'ordre du tiers de sortir de l'état d'inertie et d'avilissement où le retiennent depuis si longtemps les Ordres de l'Eglise et de la noblesse ; après lecture des délibérations prises par la ville de Pontivy et par les députés du tiers réunis à Rennes en décembre 1788 et janvier 1789 ; l'assemblée de Mûr :

« Considérant que l'ordre du tiers supporte infiniment plus de charges publiques que les deux autres ordres ; que les habitants de la campagne sont grevés de l'entretien des grands chemins, du charroi des bagages des troupes, corvées qui les enlèvent à leurs travaux, même au moment où leurs récoltes nécessitent le plus de soins ;

Considérant que ces abus blessent les principes de la justice et de la raison, même ceux de la constitution, suivant lesquels la répartition des charges publiques doit se faire en raison des facultés et de l'aisance de chaque membre des trois ordres qui composent l'Etat ; que l'un d'eux ne doit pas être plus grevé que les autres ;

Considérant que le tiers-état n'a pu jusqu'ici faire entendre ses justes réclamations et se faire réintégrer dans des droits primitifs et imprescriptibles, parce qu'il n'a jamais été admis dans les assemblées nationales ou provinciales en nombre suffisant pour balancer les suffrages des deux autres ordres ;

Considérant que le meilleur des rois, uniquement occupé du bonheur d'un peuple qui le chérit et l'honore, lui tend une main secourable et veut bien accueillir les représentations de la partie la plus nombreuse et la plus opprimée de sa famille ;

Excitée par la bienfaisance de Sa Majesté et désirant se conformer aux voeux unanimes de l'ordre dont elle fait partie, l'assemblée de Mûr déclare adhérer aux arrêtés pris par la municipalité de Pontivy et les réunions tenues à Rennes, se joindre aux autres députés des communes et corporations pour solliciter au nom des habitants de Mûr :

1° Que le nombre des députés du tiers aux Etats de la province soit égal aux autres députés réunis des deux autres ordres ; que dans les commissions intermédiaires, et pendant la tenue des Etats, l'ordre du tiers fournisse autant de membres que les deux ordres ensemble ; que dans l'assemblée générale des Etats et dans ses commissions, les voix soient comptées par tête et non par ordre.

2° Afin d'assurer une défense égale à toutes les classes des citoyens ; afin que les habitants des campagnes soient représentés comme ceux des villes, l'assemblée demande que les généraux des paroisses des campagnes aient un ou plusieurs représentants, en proportion de leur étendue et du nombre de leurs habitants, pour concourir avec les municipalités à la nomination des députés, soit aux Etats généraux, soit aux Etats de la province ; que ces députés et les commissaires qui les choisiront ne puissent être pris parmi les ecclésiastiques ou les anoblis, ni parmi les personnes du tiers qui sont sous la dépendance du gouvernement ou des seigneurs à raison de charge, office, commission, emploi ou autrement ;

3° Que MM. les recteurs des villes et campagnes, témoins de la misère du peuple, soient admis aux Etats dans l'ordre du clergé en nombre convenable pour chaque diocèse : qu'ils soient librement élus parmi les prêtres de condition roturière et ayant au moins dix ans de rectorat ;

4° Que le président de l'ordre du tiers soit toujours électif à chaque tenue d'Etat et soit choisi à la pluralité des voix par les membres de son ordre seulement ;

5° Que l'une des places de procureurs-généraux, syndics des Etats, soit à l'avenir irrévocablement occupée par un membre du tiers ; que le greffier soit pris alternativement dans cet ordre et dans celui de la noblesse ;

6° Que tous les impôts réels et personnels soient dorénavant supportés d'une manière égale et proportionnelle par les trois ordres à raison de leurs facultés et de leur aisance ;

7° Que la corvée en nature, qui enlève tant de bras à l'agriculture et dans des moments si précieux, soit entièrement supprimée ; qu'il y soit suppléé par une imposition sur les trois ordres qui profitent également de l'avantage des grandes routes ;

8° Que le logement des troupes de passage et les frais pour le transport de leurs bagages soient supportés par les trois ordres ; que dans les villes destinées au casernement des troupes, des casernes soient construites, et les frais de construction répartis également sur les trois ordres ;

9° Que le droit de franc-fief, si onéreux pour l'ordre du tiers, et dont la perception se fait d'une manière opposée aux règles du droit et de la raison, soit supprimé et cesse désormais d'entraver le commerce des biens ;

10° Que le tirage au sort pour les milices de terre et de mer soit aboli : il ne tend qu'à enlever à l'agriculture, au commerce et à l'industrie, des bras qui leur sont nécessaires : tandis qu'une foule d'hommes, aussi fainéants qu'inutiles, au service de la noblesse et de l'église, se trouvent dispensés de supporter la moindre partie de cette charge si onéreuse ;

11° Que les contrats d'échange sous les fiefs des seigneurs ne soient plus sujets aux lods et ventes ;

12° Que les pensions et gratifications accordées à la noblesse ; les frais pour entretien des maisons de leurs enfants, ne soient plus à la charge de l'ordre du tiers qui ne profite d'aucun de ces secours ;

Enfin que la campagne, comme les villes, aient droit au secours des Etats, et que les fonds qui y sont destinés soient également versés pour le soulagement du peuple des campagnes ;

L'assemblée déclare, en outre, adhérer aux autres demandes formées par les députés du tiers-état dans leurs délibérations de décembre et janvier, et à toutes celles que ces députés réunis pourront former de nouveau pour le bien de la chose publique ; à cet effet elle donne tous pouvoirs à MM. les députés de Pontivy, qu'elle prie d'accepter sa confiance. Les délibérants ajoutent qu'ils n'entendent aucunement adhérer à tout ce qui pourrait leur nuire et préjudicier dans les arrêtés ci-dessus mentionnés et autres qu'on pourrait prendre à ce sujet, ni être plus vexés et grevés que les autres paroisses en façon quelconque ; ils entendent soutenir l'ordre du tiers autant qu'il est possible, comme les autres paroisses susdites ».

Ces doléances ont été sans doute inspirées par les délibérations des voisins qu'on venait de lire ; mais, seraient-elles calquées sur ces modèles, il n'en est pas moins vrai de dire qu'elles sont l'expression de la pensée du général de Mûr ; s'il n'a pas eu l'idée première, il se l'est tout au moins appropriée parce qu'elle correspondait à ses sentiments intimes ; il a laissé de côté ce qui ne le touchait pas. La réserve qui termine la délibération en est la preuve.

Nous pouvons donc prendre cet exposé des griefs du général de Mûr, et en l'analysant brièvement, nous rendre compte de l'opinion publique de la paroisse en 1789.

Les paragraphes 1, 2, 4 et 5, sont relatifs à la représentation du tiers-état dans les assemblées. Les mesures réclamées sont sages et raisonnables dans leur ensemble ; le général reçut bientôt satisfaction sur la plupart des points.

Le § 3 nous fait connaître la confiance du peuple dans le clergé des campagnes ; ce point est intéressant : nous pensions bien que les habitants devaient être attachés au bas clergé, c'est-à-dire aux prêtres desservants presque toujours natifs de Mûr et habitant dans leurs familles [Note : L'attestation de ce fait se trouve dans les rôles de fouages, dont plusieurs portent, après l'article relatif aux domestiques du curé, que MM les autres prêtres habitent chez leurs parents et n'ont ni valets ni servantes] ; mais nous nous attendions à trouver quelques préventions contre le recteur dont la cure était lucrative et dont les droits avaient fait l'objet de contestations entre le général et le précédent titulaire ; notre prévision a été déçue ; le général fait au contraire l'éloge des recteurs en demandant qu'ils soient admis en nombre convenable parmi les représentants du clergé.

Constatons aussi que la justice seigneuriale n'est pas l'objet de critiques. Cette organisation judiciaire avait, à nos yeux, de nombreux défauts, et nous sommes bien loin de vouloir la réhabiliter ; mais l'impartialité nous fait un devoir de constater que le général ne formule aucune plainte, et que nulle part nous n'avons trouvé trace de récriminations contre la justice de Mûr.

Le § 6 demande l'égalité de tous les citoyens devant l'impôt. A l'origine, la noblesse était exempte d'impôts parce qu'elle avait d'autres charges, notamment l'obligation d'assister son suzerain dans sa cour de justice et devant l'ennemi ; elle devait s'armer, s'équiper, combattre elle-même et entretenir une troupe sous ses ordres ; c'était une charge très lourde qui motivait l'exemption d'impôts ; mais les coutumes avaient changé ; les troupes, que les nobles commandaient au XVIIIème siècle étaient celles du roi. L'exemption devait disparaître quand la cause n'en existait plus. Remarquons, en passant, que l'exemption d'impôts n'était pas aussi absolue qu'on le croit généralement. Ainsi, une ordonnance du 18 janvier 1782, rendue par l'intendant de Bretagne à propos du presbytère de Mûr, prescrit d'établir un rôle de contribution sur tous les possédants fonds de la paroisse de Mûr et de ses deux trêves de Saint-Guen et de Saint-Connec, exempts et non exempts, privilégiés et non privilégiés. Les comptes des régisseurs nous font voir que le seigneur payait des impôts pour la métairie qu'il avait installée à. la Roche-Guéhennec, dans les bâtiments de son ancien château, et qu'il faisait exploiter par des serviteurs.

Le § 7 a pour but la suppression des corvées destinées à l'entretien du grand chemin. Il a été fait droit à cette demande en ce qui concerne les routes nationales, mais par suite de la création du réseau vicinal, l'ancienne corvée a été rétablie sous le nom de prestation.

Le § 8 a trait au logement des troupes. Les réclamations du général étaient pleinement justifiées et ont reçu satisfaction. Il est équitable que les militaires seuls soient exempts du logement des troupes ; la noblesse ayant cessé de remplir les charges militaires qui avaient donné naissance à son privilège, il était juste de ne plus l'exonérer. Quant aux transports, nos lois actuelles les ont réduits à des cas exceptionnels ; elles ont supprimé le côté inique des réquisitions en décidant qu'elles donnent ouverture à une indemnité.

La plupart des réclamations concernant le service militaire formulées au § 10 ne paraissent pas admissibles de nos jours ; l'égalité au point de vue du recrutement forme la base de nos lois ; les conséquences extrêmes qu'on veut tirer de ce principe font seules l'objet de discussions.

Les paragraphes 9 et 11 réclament la suppression des droits de mutation qui existent aujourd'hui sous une autre forme, et les descendants des délibérants de 1789 continuent leurs doléances. Ils n'ont obtenu jusqu'ici qu'un minime allègement pour les échanges de biens ruraux.

Les réclamations contre les pensions et gratifications portées au § 12 ont reçu satisfaction en ce qui concerne la noblesse ; il faut toutefois remarquer que ces pensions étaient le plus souvent la récompense de services publics, et que de nos jours les générosités de l'Etat envers certains de ses fonctionnaires, leurs veuves, leurs enfants, pourraient, aussi bien qu'en 1789, faire l'objet des critiques du corps politique de Mûr.

Le second alinéa du § 12 a pour objet de réclamer pour les campagnes une part égale à celle des villes dans la répartition des secours aux malheureux. Les progrès à cet égard ont été bien faibles depuis 1789, et la question du paupérisme ne parait pas sur le point de recevoir une solution. L'assistance publique n'est organisée sérieusement que dans les grandes villes ; la manie de laïciser a récemment arrêté son essor, augmenté les dépenses de son administration, tari la source des offrandes que faisaient les personnes pieuses. Les départements font quelques efforts ; presque tous ont échoué dans leurs tentatives d'assistance médicale en dehors des villes ; à vrai dire, pour les campagnes, l'assistance est laissée aux soins de la charité privée. Bien peu de conseils municipaux s'occupent aujourd'hui des pauvres avec autant de sollicitude que le général de Mûr au XVIIIème siècle.

Le 1er avril 1789, les délibérants de Mûr, choisissent dans divers cahiers qui leur sont communiqués les réclamations qu'ils désirent appuyer, et les parafent, ne varietur ; ils prennent connaissance des lettres du roi, relatives à la convocation des Etats généraux, et d'une ordonnance du sénéchal de Ploërmel à ce sujet ; ils procèdent à la nomination de leurs représentants. La pluralité des suffrages est réunie en faveur des sieurs Joseph Le Ralle, père ou fils, et René Henrio, père ou fils, l'un à défaut de l'autre ; ils seront libres de se substituer l'un à l'autre, ainsi qu'ils le voudront. Les députés élus acceptent la mission et promettent de s'en acquitter fidèlement. Le général leur confie ses cahiers. Ils les porteront à l'assemblée qui se tiendra à Ploërmel le 7 de ce mois. Le général leur donne tous pouvoirs pour le représenter dans toutes les opérations prescrites : proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l'Etat, la réforme des abus, l'établissement d'un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l'administration ; la prospérité générale du royaume ; le bien de tous et de chacun, Les députés promettent de se conformer à ces indications. On leur remet une copie du procès-verbal de la séance pour constater leurs pouvoirs.

Le 25 juillet 1789, Joseph Le Ralle père, de Kerdanio, et Mathurin Henrio, de Kerbotin, reçoivent 120 livres pour faire le voyage de Ploërmel ; nous n'avons aucun renseignement sur la manière dont ils accomplirent leur mission.

(René Le Cerf).

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