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ARRET DU PARLEMENT DE BRETAGNE SUR LES INHUMATIONS A NANTES.

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Nantes est placée dans de meilleures conditions de salubrité. — Arrêts du parlement de Bretagne sur les inhumations. — Défense d'enterrer dans les églises et dans l'intérieur de la ville. — Plusieurs paroisses manquent de cimetières. — Lettre au duc d'Aiguillon relative à cet objet. — Des réformes qu'il reste encore à opérer dans l'hygiène des cimetières.

XXXV.

Les murs et les portes qui resserraient la ville ont été abattus ; les remparts du moyen-âge et de la ligue ont disparu ; l'air et la lumière pénètrent dans les rues étroites, sombres, sinueuses des siècles passés.

Les quais se construisent ; une levée contient l’Erdre dans un lit plus étroit, et a remplacé les marais qui bordaient les deux côtés de cette rivière. Les douves, ces foyers permanents d'infection qui entouraient les portes Saint-Pierre et Saint-Nicolas, vont être comblées, et formeront les places Royale et Louis XVI.

Des rues vont être élargies et pavées, des égoûts vont être construits ; de grands perfectionnements, enfin, vont être apportés dans cette partie importante de l'administration publique.

Sortant de sa vieille et triste enceinte, Nantes, qui n'est plus la capitale des ducs, mais qui est appelée à dominer par le commerce et l'industrie et non par les armes, va s'étendre sur le beau fleuve de la Loire.

Une ville nouvelle va s'ajouter à l'ancienne cité ; des rues, spacieuses dans tous les sens, vont s'ouvrira travers les terrains Graslin ; encore vingt années de paix et d'un commerce actif, et Nantes égalera, si elle ne surpasse, par la magnificence et l'étendue, les plus belles villes de l'Europe.

La création de la nouvelle cité ne se fera pas sans que tout soit calculé pour le plus grand avantage de ses habitants ; et tout ce qui tient à la salubrité sera, dès son origine, pris en considération par un maire plein de zèle et de dévouement, Gérard Mellier, magistrat populaire, si justement orgueilleux du plus beau titre que pouvait ambitionner un citoyen.... Cet habile et savant administrateur avait compris que les progrès du XVIIIème siècle devaient se traduire en réformes de tout genre, et que les plus urgentes consistaient à faire pénétrer l'air et la lumière dans les rues étroites, sombres, sinueuses que les siècles passés nous avaient léguées..... Il avait entendu autour de lui, comme on entend encore de nos jours, des artistes, des archéologues qui vivent dans le passé encore plus que dans le présent, — exprimer leurs regrets sur l'abandon des gargouilles, des voussoirs aux rinceaux élégants, et des façades en encorbellements ; — gémir sur l'indifférence en matière de mâchicoulis, d'arceaux en anse de panier, et d'ogives à contre-courbe ; — défendre, pied à pied les fenêtres à compartiments, les pignons sur rue et les vitrages aux lames de plomb..... Il conçut parfaitement l'intérêt que l'on attache à la conservation des anciens édifices, puisque les monuments historiques sont les parchemins d'une nation, et qu'un peuple qui ne respecte point son passé est un peuple sans avenir ; mais il sut comprendre aussi que, dans un grand nombre de cas, cela est fâcheux sans doute, l'hygiène publique ne peut vivre en paix avec les archéologues et les artistes fanatiques qui poussent jusqu'au fétichisme le respect de l'art ancien ; il sut comprendre que conformer la rigueur des préceptes hygiéniques avec la physionomie gothique d'une ancienne ville est chose impossible, et il ne perdit point de vue l'influence des rues étroites ; des maisons mal aérées et mal éclairées sur l'intensité et la propagation des grandes épidémies qui avaient décimé Nantes... Bien plus, il avait pensé, comme la commission des logements insalubres lorsque M. A. Bobierre, un de ses organes, disait, dans le rapport qu'il présentait à M. le maire de Nantes, « qu'apporter l'air et la lumière dans un quartier, c'est en améliorer l'état intellectuel, et en expulser, partiellement au moins, les habitudes crapuleuses et immorales ..... ».

XXXVI.

Un progrès immense dans l’hygiène publique de Nantes va encore s'accomplir : le défaut de cimetières hors de la ville, les églises, dans lesquelles on faisait des inhumations ont fixé l'attention de l'autorité... Il était temps ; car ces églises paroissiales, trop petites, situées dans des lieux trop resserrés, étaient infectées soit par les miasmes qui s'exhalaient des morts qu'on y enterrait journellement, soit par les exhalaisons des vivants qui tes fréquentaient.

Les églises, comme nous l'avons déjà vu, étaient de véritables foyers d'infection, qui atteignaient particulièrement ceux que les devoirs de la religion, les chagrins et la piété y attiraient fréquemment... C'est dans l'intention de détruire cette cause de mort que le parlement de Rennes, par un arrêt du 16 août 1719, défendit à tous les recteurs et curés des paroisses de la province, à tous supérieurs de communautés et maisons religieuses, à tous chapelains et autres personnes, de ne faire aucun enterrement dans les églises ou chapelles, si ce n'étaient de ceux qui y avaient droit.

Les abus que l'on voulait faire cesser ne furent point empêchés ; car cinq ans après cette sage ordonnance, les recteurs et les curés de Nantes recevaient l'ordre de lire au prône de leur grande messe l'arrêt suivant que la cour leur adressait :

Extrait des registres du parlement du 4 may 1724.

« Le procureur général du roy entré à la cour a remontré qu'il avait eu avis qu'il y a une grande mortalité dans la ville de Nantes ; qu'au préjudice de l'arrêt de réglement du 16 août 1719, on y enterre dans les églises, qui sont si pleines de corps morts, qu'il n'est plus possible d'en ouvrir les terres, ce qui pourrait par les mauvaises exhalaisons causer de la contagion : à quoi étant nécessaire de remédier, il est de son ministère d'y pourvoir.

A ces causes, a le dit procureur général du roy requis, qu'il plût à la dite cour d'y pourvoir, sur les conclusions qu'il a laissé par écrit : sur ce délibéré la cour fait très-expresses exhibitions et défenses à tous recteurs et curez des paroisses de la ville de Nantes, et à tous supérieurs des communautez et maisons religieuses, à tous chapelains, et à toutes personnes de la dite ville, de faire aucuns enterremens dans leurs églises ou chapelles, si ce n'est de ceux qui ont droit. Ordonne que toutes personnes, de quelque qualité et condition qu'elles soient, seront inhumés dans les cimetières, et que les fosses seront de cinq pieds de profondeur. Ordonne que le présent arrêt sera, à la diligence du substitut du dit procureur général du roy au présidial de la dite ville de Nantes, lu et publié dans les églises, paroisses et chapelles de Nantes, à ce que personne n'en ignore.

Fait en parlement à Rennes, le 4 mai mil sept cent vingt quatre. Signé : J. M. LE CLAVIER ».

Il se passa un grand nombre d'années avant que les arrêts du parlement reçussent leur exécution. Dans plusieurs endroits de la province, et particulièrement en basse Bretagne, malgré les défenses, les paysans surtout s'opiniâtraient à faire inhumer dans leurs églises, et souvent ils rassemblaient plusieurs corps dans la même fosse. Ces paysans poussaient l'entêtement si loin que, quand les recteurs s'opposaient à ces enterrements, ils les faisaient eux-mêmes sans recourir aux cérémonies de l'église.

XXXVII.

Quelque générales et quelque publiques qu'avaient été les défenses faites par les différents arrêts du parlement d'inhumer dans les temples, la vanité des uns et la complaisance des autres trouvèrent des moyens, ou pour mieux dire des prétextes d'éluder une loi si précise, et en même temps si nécessaire... Le 21 avril 1758, un nouvel arrêt, renouvelant les précédents, défend de faire aucun enterrement dans les églises, à peine de 20 liv. d'amende, et ordonne que toutes personnes, de quelque qualité et condition qu'elles soient, seront inhumées dans les cimetières, et enjoint aux généraux des paroisses dont les cimetières sont trop petits d'acheter un terrain convenable et proportionné. Mais bientôt on voit différents particuliers prétendre être dans le cas de l'exception, sous prétexte que le corps de quelqu'un de leur famille est couvert d'une pierre plus grande que les pavés ordinaires. Un nouvel arrêt, rendu le 12 juin de la même année, bannit ce vain et ridicule prétexte, en prescrivant que « nulle personne ne peut être enterrée dans l'église, si ce n'est les seigneurs supérieurs ou fondateurs, et ceux qui ont des enfeus, lesquels sont des droits honorifiques et des prééminences de fiefs, avec des chapelles prohibitives ou caveaux voûtés ».

Pour se soustraire à une défense si absolue et si générale, on imagine de nouveaux prétextes, et des généraux de paroisse, cachant leur orgueil sous leur misère, demandent la permission de faire inhumer leurs morts dans l'église, parce que leur cimetière est trop petit, et qu'ils n'ont pas les moyens d'acheter un terrain suffisant pour y suppléer... La famille d'un nommé le Roux, prêtre, décédé à Josselin le 1er octobre 1758, croit que ces défenses ne sont pas faites pour les ecclésiastiques et se dispose à l'inhumer dans l'église. L'opposition des juges déconcerte le projet arrêté ; mais il ne le fait point abandonner ; on change seulement les moyens de l'exécuter. Les parents du mort, de concert sans doute avec le recteur, demandent à un gentilhomme de permettre, que le corps du décédé soit mis dans un enfeu qui passe pour lui appartenir dans l'église. Il y consent, et aussitôt le recteur achève la cérémonie... C'était assurément le prétexte le plus frivole que l'on pouvait donner pour contrevenir à la loi commune ; car les arrêts, portant que nulle personne autre que les seigneurs supérieurs ou fondateurs, ou ceux qui ont droit d'enfeu, ne pourra être enterrée dans les églises, défendaient clairement d'y admettre et d'y souffrir des étrangers. La famille du sieur le Roux, qui avait pratiqué cette fraude, le recteur qui s'y était prêté, avaient donc encouru la peine prononcée.... Le parlement la leur appliqua, comme nous le voyons par l'arrêt du 21 avril 1759, que nous avons sous les yeux, et décida qu'à l'avenir, les corps que l'on inhumerait ainsi, sans droit, dans les églises, seraient exhumés et transférés dans les cimetières, aux frais solidaires des familles, recteurs ou curés et trésoriers en charge qui auraient favorisé les contraventions.

A Nantes, on voulait respecter la loi, et les communes de Sainte-Radegonde, Saint-Laurent et Saint-Denis, qui n'avaient pas de cimetière et qui continuaient comme par le passé d'enferrer les morts dans leurs églises, adressèrent, au duc d'Aiguillon, la demande suivante :

« Monseigneur,
Les recteurs et députés dos paroisses de Sainte-Radegonde, Saint-Laurent, Saint-Denis et Saint-Vincent de Nantes, prennent la liberté de vous représenter que, n'ayant point de cimetière, on est obligé d'enterrer dans leurs églises ce qui occasionne des inconvénients fâcheux contraires à la décence qui doit régner dans les temples et particulièrement à la santé des habitans qui les fréquentent. Toutes les fois qu'il faut ouvrir des fosses, les terres, ossemens et autres objets de corruption que l'on retire et dont on ne peut même soutenir la vue sans horreur et sans répugnance, répandent pour plusieurs jours dans les églises, qui sont d'ailleurs petites et angustiées, une odeur si infecte, que bien des gens se trouvent obligés d'en sortir surtout dans le temps des chaleurs et des mortalités. On a souvent attribué des maladies épidémiques à ce mauvais air que cause dans les églises l'usage d'y enterrer, ce qui a déterminé le parlement de la province à deffendre cet usage par différens arrêts des plus pressons. Les supplians se sont trouvés jusques icy dans l'impossibilité d'obéir à des arrêts si sages ; touchés des motifs qui les ont fait rendre, témoins de votre zèle pour le plus grand bien de cette ville, considérants d'ailleurs que la démolition des murs et l'encombrement des fossés offrent plusieurs terreins dont on peut disposer sans préjudicier à personne, ils vous supplient, monseigneur, de procurer à leurs paroisses et autres de la ville dans le même cas, un cimetière commun à l'instar de la plupart des villes du royaume, qui soit suffisamment étendu, décemment clos et fermé, dans un lieu qui sans être nuisible aux embellissements de la ville, soit à proximité et commodité de leurs églises.

Monseigneur notre évêque et autres de la ville qu'il vous plaira écouter à cet égard, vous attesteront la vérité des faits et des raisons de notre demande. Nous prierons Dieu pour votre conservation.

10 septembre 1760 ».

Le duc renvoya cette demande à la communauté de la ville, qui répondit qu'elle n'avait aucun terrain propre à faire un cimetière, et que, lors même qu'elle en aurait eu, elle n'était pas tenue d'en fournir ; que c'était aux fabriques qui tirent du profit des enterrements, à se pourvoir d'un terrain convenable ; que, toutefois, comme il était nécessaire de supprimer le cimetière de Saint-Vincent pour élargir le passage public, elle pouvait dédommager cette paroisse de ce qu'il lui en coûterait pour l'acquisition d'un nouveau cimetière.

Celui de Sainte-Croix s'était trouvé depuis quelques années tellement rempli de cadavres qu'il était arrivé plusieurs fois qu'en y ouvrant des fosses, on avait exhumé des corps à demi-putréfiés... Pour éviter l'horreur et le danger de ces exhumations, on s'était vu forcé de recourir à une ouverture profonde où l'on avait entassé, jusqu'à 1767, les corps en les couvrant de chaux vive. Le 20 avril de la même année, la fabrique de Sainte-Croix adressa une requête au parlement pour obtenir la permission provisoire de « faire inhumer les corps morts de sa paroisse dans le cimetière de Saint-Clément, en attendant, disait-elle, qu'il eût plu à la communauté de la ville de prendre les mesures convenables, d'indiquer un endroit commode, afin de servir de cimetière général pour toute la ville, ou du moins pour les paroisses qui n'avaient point ou presque point de cimetière ».

Six mois après, la cour, faisant droit sur cette requête et conclusions du procureur général du roi, permit aux suppliants de faire dorénavant et par procession porter et enterrer les corps morts de leur paroisse dans le cimetière de Saint-Clément.

L'anné précédente, un arrêt du parlement avait accordé provisoirement à la paroisse de Saint-Vincent la sépulture de ses morts dans le même cimetière de Saint-Clément. Ainsi trois paroisses faisaient leurs inhumations dans un cimetière bien circonscrit puisqu'il n'avait que 170 pieds de long et 132 pieds de large. Cependant, en le comparant aux autres, il était encore très-grand.

XXXVIII.

Tout le monde reconnaissait le mal que faisait à la santé publique la funeste coutume d'inhumer dans les églises et dans les cimetières placés dans l'intérieur des villes, et partout cependant les choses restaient dans le même état !

En France, c'est pendant un interrègne religieux ; c'est après les rudes attaques que le XVIIIème siècle et ses philosophes avaient portées aux préjugés, que cette revolution hygiénique s'est opérée... Ils n'ont point été tous vaincus ; tous les abus n'ont point été détruits, puisque nous voyons encore, dans les campagnes, les cimetières placés autour des églises, et trop petits relativement à la population, ce qui ne permet pas d'attendre un temps suffisant pour la décomposition des corps, avant de rouvrir d'anciennes fosses... Allez dans certaines localités, et vous verrez que les ouvertures n'ont pas deux pieds de profondeur, soit à cause du peu d'épaisseur de la couche de terre végétale recouvrant un sol trop résistant, et, ce qui est inconcevable, par le défaut de surveillance des autorités locales... Mais on se préoccupe peu de la nature et de la position du terrain, ainsi que de son étendue relativement à l'état de la population ; et, malgré les inconvénients qui résultent de cette imprévoyance, on laisse subsister l'abus, sans songer à y porter remède. Des règlements cependant existent à ce sujet : ce sont les articles 2 et 3 du décret du 23 prairial an XII, qui exigent que les cimetières soient établis à la distance de 18 à 20 toises de l'enceinte des villes et des bourgs ; qu'ils soient clos de murs d'au moins une toise d'élévation, et que l'on choisisse de préférence les terrains situés au Nord. C'est enfin le décret du 7 mars 1808, qui défend d'élever aucune maison, ni de creuser aucun puits à une distance moindre de cent mètres des cimetières ; qui ordonne que les fosses aient au moins un mètre et demi de profondeur sur huit décimètres de largeur ; qu'elles soient ensuite remplies de terre bien foulée, et que chaque fosse soit distante l'une de l'autre de trois à quatre décimètres sur les côtés, et de quatre à cinq à la tête et aux pieds ; que l'ouverture des fosses n'ait lieu que de cinq ans en cinq ans ; que les cimetières soient cinq fois plus grands que l'espace nécessaire pour le nombre présumé des morts par année....

Une maladie, que l'inexécution de ces préceptes de salubrité publique a fait naître, exerce ses ravages... L'autorité, inquiète de la mortalité, ne sait à quoi en attribuer la cause. Pour combattre l'épidémie, l'administration envoie des médecins sur les lieux ; mais que ne prévenait-elle plutôt les effets en détruisant les causes, puisque, depuis longtemps, elles lui avaient été signalées .....

(Gabriel Le Borgne).

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