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AUMONERIE OU HÔPITAL DE NOTRE-DAME HORS LES MURS OU DE SAINT-CLÉMENT

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Les premières maisons de charité qui se sont fondées au Moyen-Age ont été construites non pas dans l'intérieur des villes, mais hors de leur enceinte, dans l'un des faubourgs. J'ai constaté moi-même ce fait pour Angers, Laval, Mayenne et Château-Gontier, et je suis persuadé qu'on ferait partout la même remarque en visitant nos plus anciennes villes. Il me semble que cette situation eut s'expliquer par plusieurs raisons. La plupart des maladies étaient autrefois épidémiques et les populations urbaines étaient agglomérées, j'allais dire entassées dans des espaces fort étroits ; il était donc prudent, pour éviter la contagion, d'éloigner le plus possible les hôpitaux qui pouvaient devenir des foyers d'infection. Cette prévoyance tournait également au profit de l'étranger qu'on traitait alors avec les mêmes égards que le pauvre indigène ; comme les portes des villes ne s'ouvraient pas toujours, l'indigent en détresse qui arrivait après le couvre-feu, trouvait où se loger [Note : En tête d'une charte de 1238 figure un Geoffroy qui se qualifie prieur de l'aumônerie de Nantes. (Titres de l'abbaye de Buzay, Arch. dép.)].

L'aumônerie de Saint-Clément était située à l'entrée du faubourg du même nom, près de la porte Saint-Pierre, dans l'emplacement qu'occupe aujourd'hui la caserne d'infanterie. C'est ce qui explique le vocable de Notre-Dame hors les murs, sous lequel elle est souvent désignée. Les voyageurs ou les pèlerins qui venaient à Nantes par la route de Paris n'avaient donc pas besoin d'entrer en ville pour se reposer sous un toit hospitalier. Ils pouvaient faire étape dans cette maison dont la porte était toujours ouverte au passant affamé ou fatigué.

Ainsi établie, l'aumônerie de Saint-Clément était plus accessible et plus salubre pour les malades, mais elle se trouvait aussi plus exposée aux coups des assiégés et des assiégeants dans les cas de guerre qui se renouvelaient autrefois fréquemment.

Pendant le siége que les Français mirent devant Nantes, en 1487, ses édifices furent détruits de fond en comble et le mobilier saccagé. La ruine avait été telle, que malgré les indemnités de la duchesse Anne (Trésor des Chartes, E, 216. Archives de la Loire-Inférieure) et les dons des Nantais, il fallut plus de 40 années pour réparer tous les désastres. L'évêque de Nantes et les vicaires généraux, pour stimuler la charité, accordèrent, à deux reprises différentes, en 1495 et en 1518, des lettres de pardon que les recteurs des paroisses étaient invités à notifier du haut de la chaire à leurs paroissiens.

Grâce à la séduction de cet appel et aux instances réitérées des quêteurs que l'aumônier de Saint-Clément envoyait, munis de sa procuration, à travers les campagnes, on parvint après douze années de collecte à réunir de quoi reconstruire une partie des bâtiments. La totalité n'était pas encore relevée en 1532 (Requête des habitants de Nantes contre le chapitre, série H. Arch. dép.), car un document de cette date relate que des édifices de l'aumônerie étaient, alors sans plancher, sans portes et sans fenêtres. On ne doit pas s'étonner de la lenteur de cette restauration. Les guerres avaient appauvri beaucoup le pays et la foule des quêteurs qui venaient de toutes les provinces environnantes épuisait la générosité publique. J'ai eu sous les yeux la preuve que l'hôpital de Laval avait été relevé au moyen des charités recueillies dans les diocèses de Nantes et de Luçon.

L'aumônerie de Notre-Dame hors les murs passe pour être la plus ancienne maison de charité de Nantes ; certains auteurs font remonter son origine jusqu'au IXème siècle et rattachent son histoire à celle du prieuré de Saint-Clément. Si cette haute antiquité n'est pas certaine, elle paraît du moins très-vraisemblable quand on a parcouru les divers documents qui nous ont conservé la trace de son existence. Voici ce que les bourgeois de Nantes en disaient au XVIème siècle : « Et est le dit hospital le myeux fondé et de la plus grande ancienneté que hospital qui soit en la ville de Nantes, ne autre part en ceste conté » (Requête des habitants de Nantes, de 1532 ut supra). Les plus anciens actes émanés des administrateurs viennent appuyer cette affirmation. Dans leurs transactions, la maison de Saint-Clément est souvent appelée l'aumônerie de la ville de Nantes, en souvenir, sans doute, de l'époque où seule elle distribuait le pain de la charité.

Rapprochée de ces témoignages, la pratique constante de certains usages religieux et féodaux qui se sont conservés pendant des siècles dans cet établissement, me semble encore fournir une présomption en faveur de son antiquité. A certaines époques on voyait un hôte illustre, d'un rang élevé, revêtu d'un caractère sacré, se présenter à la porte de cet asile de la souffrance et de la misère, et y demander une place. Suivant une coutume dont l'origine se perd dans la nuit des temps, chaque évêque de Nantes, avant d'entrer dans sa ville épiscopale, était tenu de demeurer quarante jours et quarante nuits isolé dans l'une des chambres de l'aumônerie. Comme toutes les cérémonies du christianisme, cette retraite portait en elle-même un enseignement. On voulait apprendre par là au nouveau prélat, dit Travers, que ses premiers soins appartenaient aux pauvres et qu'il devait se regarder comme un étranger et un passant. Le jour de son intronisation, les barons d'Ancenis, de Retz, de Châteaubriant et de Pontchâteau, allaient le chercher en cet endroit et le portaient sur leurs épaules dans sa cathédrale.

Le jeudi saint, une autre scène non moins extraordinaire se passait à l'hôpital Saint-Clément. Au lieu de se rendre à l'église, les douze pauvres qui devaient prendre part au lavement des pieds, attendaient l'évêque, rangés sous le portail de la chapelle de l'aumônerie. La cérémonie se célébrait, non pas à la cathédrale, mais en cet endroit, et il en fut ainsi jusqu'à la fin du XVIème siècle. Afin de donner plus d'appareil à la solennité, le chanoine Olivier Maugendre (Série H, n° 5. Archives de l'Hôtel-Dieu), laissa, en 1413, une rente de 10 livres, au moyen de laquelle l'aumônier faisait quelques largesses. A chaque pauvre il donnait 5 sous avec une paire de souliers, et il invitait les vingt-quatre choristes de la cathédrale à un dîner frugal, il est vrai, mais (Voir le compte de l'année 1540, série G G. Archives de la Mairie) égayé par quelques bouteilles de vin d'Anjou.

Quelles misères l'aumônerie de Saint-Clément soulageait-elle ? Les vicaires généraux qui ont rédigé les lettres de pardon de 1518 ont pris soin d'en donner le dénombrement dans leur préambule pour émouvoir la charité des fidèles.

Elle ouvrait ses portes aux pèlerins, aux pauvres et aux infirmes, les logeait, les nourrissait, les soignait dans leurs maladies, et les ensevelissait après leur mort. Les femmes grosses étaient également admises et recevaient des soins jusqu'à leurs relevailles. Leurs enfants étaient mis en nourrice et placés en apprentissage dans la profession qui convenait à leurs aptitudes [Note : "Assidue peregrini pauperes et infirmi hospitantur recipiuntur et pascuntur, medicantur, curantur et nutriuntur ac dum obeunt, sepeliuntur. Pauperes quoque gravide mulieres, dum ibi pariunt relevantur, et partus et infantes earum per nutrices educuntur et in variis artibus pro ut apti sunt, instruuntur" (série H. Archives départementales)].

Un accord, que je citerai plus loin, établit clairement que cet asile de charité avait été principalement doté par le chapitre de la cathédrale, afin de venir en aide aux vassaux des fiefs de Saint-André, de Saint-Clément et de Richebourg, dont il était seigneur.

Ceux qui les touchaient de plus près avaient des droits particuliers. Les chapelains du chœur de la cathédrale et ceux de l'aumônerie qui ne pouvaient, à cause de leur âge ou de leurs infirmités, continuer leur ministère, avaient un refuge assuré à l'aumônerie. Quelques chambres leur étaient réservées ainsi qu'aux serviteurs de l'église et aux domestiques des chanoines.

En temps de peste, les malades atteints du fléau n'étaient pas logés dans le bâtiment principal de l'hôpital. L'aumônier les faisait traiter dans un asile spécial situé dans les bas-chemins de Saint-Donatien. Il en fut ainsi du moins au XVème siècle [Note : "Une maison sise en ung lieu appellé le bas chemin près un cloux de vigne, en laquelle on soulloit recueillir tous les pestiférés". (Requête de 1532. Série H)].

Au siècle suivant le chapitre jugea à propos de se débarrasser des pestiférés et les envoya tous à l'Hôtel-Dieu de la ville. Je n'ai pu découvrir la raison de ce changement si préjudiciable aux intérêts des malades ; mais les récriminations produites en 1532 par les bourgeois de Nantes devant le gouverneur prouvent bien qu'il s'était fait sans leur consentement. Malgré ces plaintes, les chanoines persistèrent dans leur résolution et voulurent encore, en 1540, qu'il fût interdit à l'intendant de l'aumônerie de recevoir des pestiférés.

La plus grande partie des chambres fut envahie au XVIème siècle par les victimes d'une maladie nouvelle.

Le mat de Naples, que nos ancêtres dans la simplicité de leur langage ne craignaient pas de désigner par son nom le plus vulgaire, se répandit à Nantes avec une rapidité prodigieuse au retour de nos armées d'Italie. Je laisse à d'autres le soin de discuter par qui ce mal fut importé à Nantes, et je me contente de constater qu'au commencement du XVIème siècle il était connu à Nantes, puisqu'en 1532 les habitants de Nantes reprochaient au chapitre de ne pas recevoir dans leur aumônerie d'autres malades que les vérolés. Ce mal, en 1554, faisait encore de grands ravages. Voici ce que je trouve dans une déclaration de temporel de l'aumônier de Saint-Clément à la date de 1554 :

« Jouissent lesdits paouvres dudit hostel Dieu de Sainct-Clémens des maisons o leurs jardins, où sont lesdits paouvres recullis, traictés et substantez, pensez et guéris de la maladie de la verolle.
Le revenu ne peult fournir à nourrir, alimenter et penser lesdicis paouvres à rayson qu'il en vient et abonde si grand nombre de paouvres mallades de ladite malladie que lesdites maisons et vignes sont demeurées et demeurent de jour en aultre en caducité et ruyne »
[Note : F. de l'évéché. Déclarations de temporel des bénéfices non sujets aux décimes, f° 204, Archives départementales de la Loire-Inférieure, série G].

Cet envahissement de l'aumônerie Saint-Clément par le mal de Naples, ferait supposer qu'elle est devenue hôpital special après l'édit de 1532 en vertu d'un contrat passé avec la ville.

Pour subvenir aux charges de l'aumônerie, le chapitre avait constitué de ses revenus une dotation assez importante qu'étaient venues encore grossir les libéralités du public. Il était rare qu'un chanoine omît dans son testament de faire un legs en faveur des pauvres de Saint-Clément. Un livre censif, cité par l'historien Travers, nous apprend qu'en 1372 l'aumônerie possédait un certain nombre de propriétés foncières. Ce document énumère les moulins Coustans, plusieurs cantons de vigne en Saint-Clément et en Richebourg, des rentes foncières assises sur des maisons de toutes les paroises de la ville. Les jardins de l'enclos voisins de l'établissement avaient une étendue de 7 boisselées. Ils étaient ensemencés de choux, de poireaux, d'herbes, de fèves et de pois qui étaient employés à la cuisine des pauvres.

L'établissement n'avait pas cependant de quoi faire face à toutes les dépenses et sa situation était très-obérée à la fin du XIVème siècle. Le chanoine Paul de Karmelo, qui fut administrateur pendant 20 ans, dit dans son testament de 1402, que l'aumônerie lui était redevable de sommes énormes pour les réparations considérables qu'il avait été contraint d'ordonner à ses frais [Note : Elemosinarie Beate marie extra et prope muros, que quidem tenetur mihi in magnis pecuniarum sommis propter magnas reparationes, omnes et singulas easdem pecuniarum sommis do et lego, quitto penitus et remitto (Titres de la collégiale de Notre-Dame, Archives départementales).]. Non content de faire don de ces avances, ce généreux ecclésiastique laissa encore à son successeur un legs de 60 fr. d'or pour réparer les lits.

Un compte de 1540, conservé à la Mairie, accuse qu'à cette époque les recettes s'élevaient à 558 livres et les dépenses à 527 livres. Dans les années qui suivirent, cette somme étant insuffisante pour subvenir à toutes les dépenses occasionnées par l'invasion des maladies syphilitiques, les administrateurs de l'aumônerie furent obligés de faire des avances au trésorier, afin de ne pas renvoyer les pauvres qui se présentaient (Voir la déclaration de 1554 citée plus haut). Quand la ville était affligée d'épidémie, le Conseil des bourgeois ne refusait pas le concours de ses charités à la maison. Ainsi il est bien constaté qu'en 1488 l'aumônerie de Saint-Clément reçut 10 livres par mois.

Pendant plusieurs siècles l'aumônier fut le seul administrateur de la maison. Il remplissait les triples fonctions de prêtre desservant, d'économe et de receveur sous la surveillance du chapitre de la cathédrale duquel il tenait l'institution de sa charge.

Il gouvernait au nom du chapitre qu'il représentait, ne pouvait aliéner, échanger ou acheter aucun revenu sans son assentiment et lui devait compte de sa gestion. Le même contrôle n'existait pas partout. Au lieu de remplir leurs fonctions comme des mandataires responsables, la plupart des ecclésiastiques préposés au gouvernement des hôpitaux ne comptaient devant personne et confondaient le patrimoine des pauvres avec les revenus de leur chapellenie. L'absence de toute autorité laïque n'est point ici un trait à signaler.

En général, les aumôneries obit été assimilées au Moyen-Age à des bénéfices ecclésiastiques que le clergé seul avait le droit d'administrer. La société laissait aux gens d'église le soin de distribuer les aumônes comme ils l'entendaient ; ils étaient les intermédiaires et dispensateurs incontestés de tous les bienfaits des classes riches envers les pauvres. C'est au XVIème siècle seulement, sous le règne de François Ier, que les laïques furent autorisés par ordonnance royale à s'emparer de l'administration des hôpitaux.

A Nantes le clergé s'est montré plus empressé qu'ailleurs à exercer la bienfaisance de concert avec la bourgeoisie, car il l'invita dès le XVème siècle à lui donner la main. C'est une particularité digne d'être notée qu'on ne retrouve pas dans l'histoire de toutes les villes, sur laquelle j'insisterai. Les charités ne se portaient pas du côté de l'aumônerie de Saint-Clément aussi abondamment que les chanoines de Saint-Pierre l'auraient souhaité. Afin d'attirer l'attention sur son établissement, le chapitre consentit à se dessaisir d'une partie de ses prérogatives et à partager son autorité avec les habitants de Nantes. Il fit part de ses dispositions au Conseil des bourgeois qui s'empressa de répondre à son appel. Dans une réunion tenue le 4 décembre 1447, il fut convenu entre le chapitre et la ville que l'aumônier de Saint-Clément serait désormais élu dans une assemblée composée de six chanoines et de six bourgeois, que les mêmes désigneraient également un séculier, lequel serait chargé de provoquer des dons et legs dans le public et d'en faire la recette. Le prêtre aumônier n'était pas dépouillé du droit de percevoir les revenus du temporel, des héritages et rentes de la maison, mais il était tenu d'en bailler les fonds au séculier qui devait également remplir les fonctions d'économe. Le chapitre restait seul juge auditeur des comptes en recettes et dépenses que devait rendre l'aumônier. Voici les termes de cet accord curieux :

« Sachent tous que par nostre court de Nantes, en droit, furent présens par devant nous et personnellement establis vénérables et discrects les chanoines et chappitre de l'église de Nantes, le doyen abscent, au lieu duquel présidoit maistre Pierres Beyneau archidiacre de ladite église, à jour de chappitre ordinaire, chappitrans en leur chappitre et chappitre faisans d'une part et honorable et sage maistre Jehan Lespeurier aloué de Nantes, Guillaume Pero, procureur des bourgeoys, manans et habitans de ladite ville, Thomas de la Roche, Perrot Picart, Jehan Preseau, Guillemin Delaunay, bourgeoys en icelle pour et au nom de la communité des habitans de ladite ville commis et depputés pour fere les choses qui en suyvent d'aultre partie, Messire Jean Hault Vespre prestre au nom et comme aumosnier de l'aulmosnerie fondée de Nostre-Dame hors les murs de Nantes en la parroesse de Sainct-Clèmens d'aultre ;

Les quelles parties et chacune furent et sont congnoëssans et confessans avoir de cest jour treté et acordé par entr'eulx les poincts, faicts et articles cy après déclerés et narrés pour le bien, utilité, augmentation et entretenement de ladite aumosnerie, substantation des pouvres mallades y habitans et qui y sourvendront ou temps futur.

C'est assavoir que combien que ès temps passés l'eslection et institution d'aumosnier et gouverneur de ladite aumosnerie ayt esté en la totalle disposition d'iceulx chanoines et chappitre dudict lieu pour atroire les volontés et couraiges de plusieurs séculliers et autres à bien fere et augmenter ladicte aumosnerie, a esté treté acordé et octrié entre lesd. chanoines et chappitre de leur part et lesd. Lesprevier, Pero et autres que dessus d'aultre, que ou temps advenir à tous jours mes l'eslection de l'aumosnier ou administrateur dudict lieu se fera ès temps à venir par seix chanoines esleus et commis dud, chappitre de Nantes et par seix des bourgeoys habitans de ceste cité de Nantes esleus et commis de la communité de ceste ville et cité assemblement.

Item l'eslection dudict aumosnier ou administrateur faicte par lesd. seix chanoines et seix bourgeoys les doiens et chappitre dudit lieu seront tenus instituer en lad. aumosnerie tel aumosnier ou administrateur qui par les douze chanoines et bourgeois dessur nommés, ou le plus grant numbre d'elx sera esleu et autre ne pourrons instituer quant à ce, ne y comectre en aucune manière et feront lesdicts seix chanoines et bourgeois en présence du président ou chappitre de Nantes serment et jureront sur les saincts évangilles de bien et loyaument procéder à l'élection dudict aumosnier ou administrateur.

Item et affin que dès à présent les habitus de ceste ville congnoessent que les gens du chappitre désirent et veullent lad. aumosnerie par leur avisement estre reiglée et gouvernée, lesd. chappitre et communité des habitans de ceste ville esliront seix chanoines et bourgeois comme est dessusdict, lesqueulx confermeront l'institution aultreffois faicte de missire Jehan Hault-Vespre à présent aumosnier de lad. aumosnerie, et en tant que mestier est sans aulcunennent desroger à l'institution lui faicte par avant ces heures sera celuy Hault-Vespre par les dessusdicts esleu aumosnier ès gaiges acoustumez et sera confermée ceste présente élection par led. chappitre pour y estre ledict Hault-Vespre aumosnier et en joir durant sa vie sans ce qu'il en soit ne puisse estre demis ne destitué par lesd. gens de la ville et chappitre de Nantes s'il n'y avoit cause raisonnable de droict. Et aura ledit Haut-Vespre avecques lesd. gaeges acoustumés sa despance de bouche avecques ung serviteur qui luy servira o les aultres serviteurs de ladicte aumosnerie et le logeix en icelle, ainsi qu'il a acoustumé, suffisant.

Item led. Haut-Vespre aumosnier que dessus fera la recette des revenus ordinaires de ladicte aumosnerie ainsi qu’il a acoustumé ès temps passés, tant demaines, prez, vignes, terres labourables, rentes par deniers que aultres quelxconques appartenances. Et en comptera devant lesd. douze chanoines et bourgeois et lui sera alloué tout ce qu'il appareistra avoir baillé à l'administrateur par les quittances dudict administrateur.

Item pour plus curieusement et dilligeaument gouverner le faict et administration de ladicte aumosnerie et affin que pluseurs seculliers soient mielx induis et plus affectionnez au bien, entreténement et augmentation de ladicte aumosnerie sera dès à présent esleu et institué ung homme séculier ou autre par lesd. seix chanoines et bourgeois esleus en la fourme dessusdicte qui habitera et résidera en lad. aumosnerie et aux despans d'icelle, lequel séculier ou autre esleu, comme dit est proucheinement, procurera des loyaux et dévots catholiques dons, leix et aumosnes estre fais en ladicte aumosnerie pour l'augmentation d'icelle et substantation des pouces et malades y habitans. Lesquelx dons il recevra et sera tenu le dire et rapporter audict aumosnier une foiz la sepmaine.

Item ledit séculier ou aultre esleu comme dessus, de la recepte d'iceulx dons avecques des deniers et revenues ordinaires que ledit Hauvespre aumosnier lui baillera et sera tenu de bailler, administrera et pourverra à la substantation des poures habitans en lad. aumosnerie et fera toutes les autres mises et despances neccessaires à fere en lad. aumosnerie par l'ordonnance de treze c'est assavoir : seix chanoines de l'église de Sainct-Père, seix bourgeis de lad. ville et dud. Hauvespre assemblement ou de la plus saine partie d'iceux.

Item ledict sécullier ou autres sera tenu de lad. administration rendre compte et par les relations dud. Hauvespre et commis desd. chappitres et bourgeois, comme est dessusdict et d'apporter les comptes audict chappître, desqueilx comptes lesdicts bourgeois auront le double se bon leur semble.

Item que des choses points et articles dessusdicts, affin qu'ils tiennent en perpétuel sans enfraindre, lesdicts doyen et chappitre ont baillé dès à présent aux gens et habitans de ladicte ville pour bonne confirmation ces présentes lettres à jour de chappitre ordinaire dont lesdits bourgeois et Hauvespre se pourront aider en perpétuel à l'augmentation de ladicte aumosnerie et que le gouvernement soit ès temps à venir indoubte et estable sans mutation.

Item et des points dessusdicts bailleront lesdicts doyen et chappitre ausdicts bourgeois et Hauvespre aumosnier le decrect et confirmation de révérend père en Dieu monseigneur l'évesque de Nantes en fourme vallable.

Item a esté dit que ledit Hauvespre aumosnier pourra touteffois qu'il lui plaira choaisir, et prendre lesdicts gaeges acoustumez et sa provision de lui et de son serviteur comme dessus ou soixante livres par an pour sa provision de bouche et de son dict serviteur.

Item a esté dit que après le deceix dudit aumosnier Hauvespre lesdits doien et chappitre et bourgeois de ladicte ville pourront pourveoir audit hospital d'aumosnier ou administrateur et y feront toutes celles provisions et ordonnances qu'ils adviseront estre utiles et proufitables pour le bien et gouvernement dudit hospital sans avoir esgard aux ordonnances faictes en droit ledit Hauvespre touchant le gouvernement desdits poures. Ceste ordonnance conclute et acordée par devant et en la présence de très hault et très puissant monseigneur Arthur de Bretaigne comte de Richemont seigneur de Parthenay et connestable de France les gens dudit chappitre etc……..

Et les choses et chacune dessusdites promisdrent et jurèrent lesdites parties et singulièrement lesdicts archidiacre chantre et chanoines et chacun pour ce que luy touche par leurs sermens, tenir, fournir et acomplir sans jamais venir en contre en aucune manière.

Et de leurs assentemens et à leurs requestes en avons faict et formé ces présentes pour confirmation et aprobation des choses dessusdites et à les tenir les avons par le jugement de nostre court jugez et condampnez.

Donné tesmoign le seel establi à nos contracts avec les seaulx de mon dict seigneur le connestable et dudict chappitre qu'ils ont promis fere metre apposer à ces présentes à maire fermeté.

Ce fut faict le quart jour de décembre l'an mil quatre cens quarante sept.

Et depuis le onziesme jour desdicts mois et an furent les choses que dessus rattifiées et approuvées au chappitre par les dessusdicts et en la présence de messire Jean Labbé chevalier, maistre Regnaud Godelin sénéchal de Nantes et conseillers du duc nostre souverain seigneur, maistre Jean etc. [Note : Original aux archives départementales, série H, en mauvais état, complété avec la copie de la Mairie]. Ont signé : E. HALOUART, G. RUFFET.

La sécularisation n'était pas complète puisqu'elle n'admettait pas les bourgeois à l'examen des comptes de gestion, mais ces concessions du chapitre n'en étaient pas moins une reconnaissance méritoire des droits de la bourgeoisie. Cet acte établit aussi d'une manière évidente que les chanoines de la cathédrale passaient pour les légitimes patrons et les maîtres de cet établissement puisqu'ils le gouvernaient comme une dépendance de la mense capitulaire et rien n'indique qu'il y ait eu de leur part usurpation sur une fondation des bourgeois.

L'historien Travers, qui n'a pas toujours pris la peine de compulser toutes les pièces, s'est permis à ce sujet de diriger contre le chapitre une accusation aussi injuste que déplacée. Ses insinuations malveillantes tombent d'elles-mêmes en présence de ce document.

Il raconte « qu'en 1531 le chapitre arrèta que tous les mois il nommerait deux chanoines qui, sans s'absenter des offices du choeur, visiteraient deux ou trois fois par semaine l'hôpital Saint-Clément sous peine de 5 sols pour ceux qui manqueraient la visite.

Voilà, dit-il, peut-être l'origine de l'autorité que le chapitre a prise à la régie des hôpitaux de Nantes. Une visite qui ne fut d'abord qu'une visite de charité à un hôpital particulier sous le fief de l'évêque ou du roi ordonnée le siège vacant et continuée dans la suite au nom du clergé de la ville a passé en droit à l'égard des autres hôpitaux et a porté le chapitre à s'en dire le fondateur avec d'autant plus de sûreté qu'il a attiré dans ses archives il y a plus d'un siècle, les actes primordiaux de la fondation de l'ancien hôpital » [Note : Le docteur Maréchal a répété ces erreurs dans son Etude sur les anciens hôpitaux de Nantes (Annales de la Société académique, 1844)].

Il est probable que l'abbé Travers aurait pris soin de vérifier plus soigneusement ses assertions, s'il avait publié son histoire, quoiqu'il ne fût pas très-désireux de flatter le chapitre avec lequel il était sans doute en dissentiment à cause de ses opinions jansénistes. Son habitude n'est pas d'entourer les faits de réflexions, il les place bout à bout ordinairement comme des grains de chapelets. Pourquoi faut-il qu'il se soit écarté ici de sa sobriété ordinaire, il se serait épargné la honte de dire autant d'erreurs que de mots. C'est vraiment jouer de malheur. La visite ordonnée par le chapitre n'était pas inspirée par la charité, mais par la nécessité de surveiller les mandataires qui gouvernaient en son nom l'aumônerie de Saint-Clément. On accusait alors les ecclésiastiques chargés de gérer les biens des pauvres d'en détourner une partie à leur profit ; or, le chapitre voulait montrer que par sa vigilance il rendait les malversations impossibles et enlever au pouvoir le prétexte de le dépouiller de l'administration de Saint-Clément.

Nous verrons plus loin qu'en continuant à intervenir dans la direction des hôpitaux de la ville, le chapitre ne fut jamais regardé comme un délégué du clergé, mais qu'il exerça cette autorité en vertu de droits bien acquis et reconnus dans une transaction. La paroisse Saint-Clément était dans son fief, il était le seigneur de tous les paroissiens de cette partie de la ville et dans ses visites il n'empiétait ni sur le domaine royal ni sur le domaine épiscopal.

Enfin, pour anéantir jusqu'à la dernière fausseté, je dirai, et on en aura la preuve bientôt, que le chapitre n'eut pas la peine d'attirer subrepticement les archives de l'aumônerie dans les siennes au XVIIème siècle pour mieux couvrir ses prétentions, puisque dans l'acte de 1447 il prescrivit de lui remettre les comptes de la maison et dans un autre du XVIème siècle il est clairement dit qu'il les avait en sa possession [Note : Le testament de Paul de Karmelo de 1402 montre que le chapitre jugeait les comptes dès cette époque].

Lorsqu'on apprit à Nantes que le pouvoir central préparait une ordonnance pour la sécularisation des hôpitaux, le Conseil des bourgeois, sans attendre que le roi François Ier eût fait connaître ses volontés, essaya d'enlever au chapitre de Nantes le gouvernement de l'aumônerie Saint-Clément en lui intentant un procès en malversation devant la Cour de Rennes. Le commissaire-enquêteur désigné (28 juillet 1531) par le Parlement fut le gouverneur de Nantes lui-même. Ceux qui représentaient les intérêts de la ville, au lieu de se borner à exposer devant lui leurs griefs avec modération, comme il convient à des plaignants sûrs de leur bon droit, se laissèrent aller à des récriminations violentes. Leur requête est empreinte de tant de passion qu'on est tenté de la prendre pour un acte d'accusation perfidement élaboré. On en peut juger par les principaux passages que je vais essayer de résumer.

Suivant les doléances des bourgeois, les chapelains de l'aumônerie s'appropriaient les revenus comme ceux d'un bénéfice ordinaire et s'enrichissaient assez dans leur charge pour faire construire les plus belles maisons du quartier Saint-Clément, même quand ils y étaient entrés sans fortune. Leur vie était dissolue et leur cœur sans pitié, car ils laissaient mourir les pauvres de faim à leur porte sans les recueillir. Non-seulement ils négligeaient d'entretenir les édifices décrépis, mais ils n'employaient pas les dons et charités à relever ceux que la guerre avaient renversés et laissaient les bâtiments sans meubles, sans porte, sans fenêtres et sans plancher. Ils n'employaient pas le vingtième du revenu de l'aumônerie au soulagement des malheureux et chassaient ceux qui se présentaient, de sorte que l'hôpital élevé au bord de l'Erdre était encombré depuis trente ans. Les chanoines ne donnaient même pas asile aux hommes de leur fief, pas plus qu'à leurs domestiques et familiers qui, tous, allaient se faire traiter à l'aumônerie des bourgeois (Requête de 1532. Série H. Archives départementales). « Depuis vingt-cinq ans n'ont recueilly aucuns pauvres audit hospital, fors ung ou deux mallades de la grosse verolle, auxquels ils donnent le coucher seulement et les font aller sercher leur vie par la ville, ou aultrement mourroint de fain ». Cependant, disaient-ils, l'aumônerie de Saint-Clément n'avait pas été fondée par le chapitre exclusivement, ses richesses s'étaient accrues autant par la générosité des particuliers que par celles des princes de Bretagne. Le souvenir de l'époque où l'aumônerie de Saint-Clément s'appelait l'hôpital de la ville n'était pas encore effacé. Le chapitre commettait une usurpation en se réservant le pouvoir de désigner l'aumônier et de vérifier les comptes de la maison sans permettre aux bourgeois de contrôler l'emploi des deniers.

Le réquisitoire concluait en priant le gouverneur de prendre en main les revenus, d'établir un commissaire laïque pour les régir suivant leur destination, et d'obliger le chapitre à restituer ce qu'il avait détourné.

A la distance où nous sommes des événements, il est assez difficile de savoir si les torts étaient aussi graves que ce mémoire les représente. La défense produite par le chapitre pour sa justification nous manque ; mais, malgré l'absence de ce document, il n'est pas difficile de montrer, par les comptes de cette époque, que ces accusations étaient au moins exagérées. On peut voir, à l'article des provisions de bouche et des consommations, que l'aumônier n'obligeait pas les pensionnaires à mendier leur pain.

D'ailleurs, il y a un argument qui me semble péremptoire. La contestation se passait à l'époque où la royauté enlevait au clergé le gouvernement des hôpitaux et celui de Saint-Clément n'a pas subi le sort commun. Par quel artifice les chanoines de Nantes ont-ils pu sauver leur aumônerie de la sécularisation universelle, si leurs malversations ont été aussi monstrueuses ? Je ne vois qu'une réponse : c'est que leurs adversaires n'ont pu prouver ce qu'ils avançaient.

Le gouverneur ayant refusé de poursuivre les informations, le Conseil des bourgeois arrêta, en 1535, qu'il demanderait à la Cour de nouveàux commissaires ; mais cette nouvelle instance n'empêcha pas le différend de traîner en longueur. Afin de conclure la paix, le chapitre proposa, vers 1540, un arrangement qui témoigne de ses dispositions conciliantes.

Au lieu de nommer l'économe receveur de concert avec les chanoines, comme précédemment, les bourgeois désigneraient, tous les trois ans, pour cet office, un homme de bien et le feraient agréer au chapitre qui se réservait le droit de lui conférer l'investiture de sa charge. Le chapitre continuerait à juger les comptes de l'aumônerie ; mais les bourgeois pourraient envoyer jusqu'à trois délégués pour assister à cette opération. Dans les cas importants, comme dans les transactions, l'administrateur séculier serait tenu de consulter les députés du chapitre. On le voit, l'autorité suprême, la haute direction de l'établissement restaient sans doute aux chanoines ; cependant la part de surveillance et les attributions accordées aux bourgeois étaient assez larges pour qu'il pût contrôler efficacement l'emploi des fonds destinés aux pauvres.

Voici les stipulations du projet d'accord telles qu'elles furent rédigées par le chapitre :

« Articles de ce que messeigneurs les doyen et chappitre de l'église de Nantes entendent et veulent faire pour faict, de leur aulmosnerie de Nostre-Dame, hors les murs en Sainct Clemens, avecques les bourgeois et cytoiens de la ville de Nantes.

Premier, il sera congneut et confessé par lesdits bourgeoys, mannans et habitans de la ville de Nantes que messeigneurs les doyen et chappitre de Nantes sont fondateurs et dotateurs de la dicte aulmosnerie et qu'elle est située en leur prouche fié amorty et partant que ausdits doyen et chapitre appartient la totalle disposition et administration de la dicte aulmosnerie et non à aultres et de tout temps immémorial en sont en possession de y commettre et depputer administrateurs et d'ouyr les comptes de la dicte administration.

Item et néanmoins ce, à la prière, postullation et requeste desdicts bourgeoys, mannans et babitans de lad. ville ont lesd. doyen et chappître voullu et consenty que lesdicts bourgeoys et cytoiens leur presenteront de troys ans en troys ans l'ung d'eulx homme de bien et de bonne conscience, capable et babille agréable audict chapitre et non suspect pour le régime, exercice et administration de la dicte aulmosnerie, tant pour l'aliment et nourissement des pouvres estans en ladicte aulmosnerie que aussi pour bien administrer le bien et revenu d'icelle, lequel sera nommé par lesdits bourgeoys ausd. doyen et chappitre auparravant le présenter affin qu'ils puissent veoir comme dit est, s'il leur est agréable ou suspect.

Et cella faict lesdicts doyen et chappître, comme fondateurs de ladicte aulmosnerie, les institueront, commettront et depputeront pour le temps desdits troys ans avecques les conditions cy après déclairées :

Savoir que ledict administrateur prendra les biens meubles de lad. aulmosnerie par deu et loyal inventaire que sera faict par deux de messeigneurs dudict chappître ou autres quels commettront quant à ce, affin que ledict administrateur en tienne bon et léal compte, ensemble et des fruits, levées et revenus de ladicte aulmosnerie ; des queulx fruicts sera tenu rendre compte et ne poura employer les fruicts de ladicte aulmosnerie fors seulement pour l'allyment des pouvres qui seront prins en ladicte aulmosnerie et pour l'entretenement et affaires d'icelle et non ailleurs. Et lesdicts trois ans révolus, ledit administrateur dedans ung moys amprès se présentera en chappitre pour iceulx du chappitre luy bailler et depputer troys ou quatre dudict chappitre auditeurs pour ouir et examiner son compte tant en charge que en mise, en la chambre de leurs comptes en ladicte église et non ailleurs, au jour qui lui sera assigné par ledict chapitre et ce qu'il sera trouvé estre deu par la déduction du compte dudict administrateur sera tenu poyer au prouchain subséquent administrateur qui sera, comme dessus est dict, institué par nosd. seigneurs de chappitre et pouront lesdicts cytoiens et bourgeoys envoyer ung ou deux ou troys pour ouyr set examiner ledict compte, sans lesquels en iceulx premièrement appellez ne pourra ledict chapitre procéder à l'audition dudict compte. Oultre sera député par ledict chappitre si faire le veult ung ou deux channoines de ladicte église qui seront superintendans sur ladicte aulmosnerie qui auront la charge dudict chapître de aller visiter ladicte aulmosnerie et les pouvres, biens, édifices et autres choses d'icelle et pour venir et entendre s'il se commetera aucun deffault ou faict de ladicte administration.

Aussi ne sera prins en ladicte aulmosnerie aucun homme ne femme pestiféré ne malade de peste de quelque lieu qu'il soit, ou fussent-ils des hommes du fié dudict chappitre el subgects ne aultres et seront tenus ceulx de la ville les faire prendre en leur aulmosnerie de ladicie ville.

Aussi sera tenu ledict administrateur préalablement prendre les pouvres hommes et subgects de leur fiez et juridiction avent tout autres pouvres et les nourir et allymenter en ladicte aulmosnerie.

Et sera tenu ledict administrateur consulter ledict chapitre ou ceulx qui seront commis par ledict chapitre pour superintendens en ladicte aulmosnerie, des marchés, fermes, feurs et aultres affaires qu'il fera et feront d'importance pour ladicte aulmosnerie et sur ce en avoir leur consens, avis et oppinion.

Et quant ledict administrateur aura affaire des lettres, contracts, et aultres enseignemens concernant le faict de ladicte aulmosnerie pour le recouvrement des rentes et aultres debvoirs deus à icelle, messeigneurs dudict chapitre les luy bailleront et communiqueront pour faire esligement desdictes rentes et deniers et aultres choses concernantes le faict de ladicte aulmosnerie et ces lettres contrats et autres enseignemens ledict administrateur sera tenu incontinent de les raporter dedans ledict chapitre amprés son explet faict et les prendra par inventoire signé de sa main et les rendra audict chappître au désir dudict inventoire quel sera dedans le cofre desdites lettres.

Parreillement ne ce fera aucun édifice ne novallité en ladicte aulmosnerie sans tant premier consulter ledict chapitre et en avoir sur ce leur advis, conscens et oppinion.

Pour ce que messeigneurs les évêques de Nantes sont tenus de estre par le temps de quarente jours et quarente nuits faire continue demeurre et résidence en ladicte aulmosnerie auparavent povoir faire leur entrée en la ville de Nantes là où ils debvent estre prins le jour de leur entrée aux fois et quantes que le cas adviendra, será gardé le plus éminent lieu à ce convenable pour faire leur dicte résidence durant le dict temps ou corps du logeix neuf.

Et pour ce que ladicte aulmosnerie a esté dotée et fondée par ledict chappître pour et affin que en icelle les pouvres et vieulx chappelains de ladicte église, ministres et serviteurs d'icelle et aussi les gens et, serviteurs des dignitez et chanoinnes de ladicte église lors qu'il servient malladie ou infirmité, a ceste cause sera réservé audict corps de logeix neuf deux ou troys bonnes chambres pour les chapelains et aultres ministres de ladicte église vieulx et anciens et aussi pour les manades et pour les serviteurs malades des dignités et chanoines de ladicte église et seront spécifiez lesdictes chambres qui seront deputées et réservées quant à ce pour y estre nourris et allimentez pendant leurs malladies.

Pareillement, que au cas que ledict administrateur seroit trouvé mal verser en ladicte administration et ne estre utille pour le faits de lad. aulmosnerie lesd. doyen et chappitre et ledict chapitre en l'absence dud. doyen, information par eulx sur lad. malleversation préallablement faicte, pourront priver ledict administrateur de ladicte administration et en icelluy cas seront tenus lesdicts bourgeois et cytoiens leur en bailler ung autre bon et utile pour ladicte administration et par faulte de ce faire le chapitre poura en pourveoirs ainsin qu'ils verront estre de raison.

Plus ledit administrateur sera tenu, le temps de troys ans passé et revollu, rendre et restituer les meubles qui luy auront esté baillez par inventaire comme dit est au subséquent aulmosnier et administrateur institué par lesd. doyen et chappitre ou par ledict chappitre, doyen absent, davent les commis et depputés par ledict chapître pour venir faire ledit inventaire selon et au désir de sondict inventoire, ensemble le relicqua de ce que ledict administrateur sera trouvé rester par sond. compte.

Led. administrateur de lad. aulmosnerie poura depputer ung home de bien, de bonne vie, capable et habille en son absence pour le faict de lad. administration de lad. aulmosnerie, tant pour l’alyment et trectement des pouvres que aultrement, pour les affaires de lad. aulmosnerie, duquel il respondra au cas qu'il se trouveroit deffault, abus et mauvaise versation et administration.

Et n'entendent toutesfois lesd. doyen et chapitre par ce que dessus desroger ne se oster ne en aucune manière se désister de la totalle prééminence, superintendance, droits de patronage et présentation et toute aultre auctorité de ladite aulmosnerie anczoys entendent les retenir et reserver à eulx.

Et de ce que dessus veuillent lesd. doyen et chapitre que il en soit faict acte et lettre en toute bonne seureté entre lesd. doyen et chappitre et lesd. bourgeoys et citoyens de lad. ville de Nantes ». Non signé.

Cette pièce est-elle la dernière du débat et la charte des nouveaux rapports qui s'établirent entre les bourgeois et les chanoines de la cathédrale ? Il est difficile de l'affirmer en l'absence de toute marque d'approbation. L'acte n'est pas signé. Prise isolément, cette convention ne paraît avoir d'autre valeur que celle d'un projet ; mais rapprochée des transactions authentiques qui intervinrent plus tard entre les deux parties, on ne peut douter qu'elle n'ait été approuvée au moins dans ses principaux articles. La victoire est donc restée au chapitre, car il n'a perdu de ses prérogatives que ce qu'il a bien voulu partager avec ses adversaires. Quelles étaient ses prétentions ? Il voulait passer pour membre fondateur et bienfaiteur de l'aumônerie et en demeurer le surintendant. Nous allons voir que, dans trois circonstances, il obtint de la ville une reconnaissance formelle de ces titres.

Quinze ans plus tard, le Conseil des bourgeois, voulant fonder un collége, ne vit pas d'immeuble mieux approprié à cet établissement que l'aumônerie de Saint-Clément. Il trouva les chanoines de la cathédrale tout disposés à favoriser son projet, et leur fit des propositions qui furent agréées. Par une transaction [Note : Cet acte est perdu, mais la teneur en est rapportée dans les transactions subséquentes], en date du 29 juillet 1555, le chapitre consentit la suppression de l'hôpital de son fief, aux conditions suivantes. Il fut convenu, dans cet acte, que la ville fournirait un logement aux malades qui avaient leur entrée à l'aumônerie de Notre-Dame hors les murs, mais que les frais de traitement seraient payés comme ci-devant, sur les revenus de la maison supprimée. Les chanoines ne perdirent, rien de leur autorité dans l'administration du bien des pauvres, car il fut stipulé qu'une place serait réservée au chapitre au bureau de direction de l'hôpital de l'Erdre, en compensation des droits qu'il perdait sur celui de Saint-Clément.

Une question restait encore à régler, celle du dîner du jeudi saint fondé par le chanoine Olivier Maugendre. Si maigre que fût ce repas, les chantres et chapelains de la cathédrale y attachaient une grande importance. Je sais qu'autrefois il n'y avait pas de petit droit, chacun tenait à ceux qu'il possédait comme il tenait à sa tête et ne s'en laissait pas dépouiller sans avoir épuisé tous les moyens de protestation et de procédure. La ville promit donc que le dîner serait maintenu et qu'il serait servi dans l'une des salles du collége Saint-Clément. En 1571 , la Mairie se lassa de pourvoir à l'organisation du festin, et voulut se décharger de ce souci en offrant une somme de 5 livres au chapitre. Cette compensation n'atteignait pas à la mesure des prétentions des convives. Le chapitre se fit le défenseur de ses choristes et se chargea d'exprimer leur désappointement. Plusieurs députations, ayant à leur tête le doyen, se rendirent en corps à la Mairie et obtinrent, après bien des pourparlers, que la contribution de la ville serait portée à 8 livres 10 sous , somme qui avait été dépensée pour le dîner de 1540 (Acte d'abonnement du 7 juillet 1572. Série H. Archives départementales).

Dès que l'arrangement de 1555 fut conclu, les bourgeois firent approprier plusieurs salles à l'aumônerie de Toussaints, et, en décembre 1557, les malades de Saint-Clément furent transférés dans leur nouveau domicile. Cette installation n'était que provisoire ; elle ne dura pas plus de douze ans. Elle causait trop de dérangements aux administrateurs et entraînait trop de frais de pansement. Comme la question d'économie primait alors toutes les autres, on résolut de grouper tous les malades autour de l'hôpital de l'Erdre, sans s'inquiéter si cette mesure serait nuisible à leur guérison. La réunion fut décidée le 28 mai 1570. Voici ce qu'on lit dans le procès-verbal de l'assemblée générale des principaux habitants tenue au palais épiscopal :

« L'unyon est accordée auxdits deux hospitaulx et délibéré qu'il n'y aura pour l'advenir que ung mesme administrateur desdicts hospitaulx, ung mesme barbier, et mesmes serviteurs et officiers et que la maison apartenante à la ville prochaine la chapelle Ste Catherine sera baillée pour y estre logez, traictez et pansez les malades de ladicte aulmosnerye St Clemens » (Extrait des registres de la police des pauvres. Série H. Archives départementales).

Il fut arrêté le même jour que, quand l'éral proche l'hôpital d'Erdre serait construit, on logerait les malades de l'aumônerie Saint-Clément dans cette annexe, toujours sans préjudice des droits reconnus au chapitre. Malgré ces deux translations, l'hôpital de Notre-Dame hors les murs avait donc encore une existence distincte des autres. La fusion complète ne paraît s'être opérée que dans le cours du XVIIème siècle. Le patrimoine de l'aumônerie de Saint-Clément ne fut pas réuni tout entier à celui de l'Hôtel-Dieu ; deux parties en furent distraites, l'une pour la dotation du collége Saint-Clément, l'autre pour la constitution d'une prébende de chapelain, en faveur du prêtre chargé du service des messes fondées par les bienfaiteurs.

Lorsqu'il fut question de reconstruire l'Hôtel-Dieu sur la prairie de la Madelaine, le chapitre, pour éviter que ce déplacement donnât lieu à quelque contestation, crut prudent d'exiger une nouvelle reconnaissance de ses droits par la ville. Avant donc que la translation des malades de l'hôpital de l'Erdre ne fût commencée, il fit savoir à la Mairie que les circonstances le mettaient dans la nécessité de requérir une confirmation des précédents traités. Les magistrats de la ville ne firent aucune difficulté de condescendre aux désirs des chanoines, et répondirent que la demande était très-raisonnable.

Par acte du 16 décembre 1655, il fut donc convenu que le chapitre conserverait dans le nouvel Hôtel-Dieu les droits dont il jouissait dans l'ancien, que les choristes et les serviteurs de la cathédrale, ainsi que les domestiques des chanoines, seraient soignés, dans un appartement séparé, sur les revenus communs, et qu'enfin, les délégués du chapitre auraient dans l'administration la part qui leur avait été attribuée par l'accord de 1555 et par le règlement de 1568 (Acte notarié signé Bataille. Série H. Archives départementales).

La conclusion qui ressort de cette série de documents me semble celle-ci : le chapitre ne s'est pas immiscé par esprit d'envahissement dans le gouvernement des hôpitaux, à la faveur de ses visites charitables ; il a été tout naturellement appelé à y participer, à la suite de la cession de son aumônerie, et il ne s'est assis au bureau de la direction des pauvres qu'en vertu d'accords bien et dûment conclus avec la Mairie. La part d'autorité qui lui a été départie alors sur les établissernents de Nantes n'était pas une concession gracieuse, mais une compensation. A Nantes, où les esprits sont plus fidèlement qu'ailleurs attachés aux traditions du passé, le souvenir de ces engagements plusieurs fois renouvelés ne s'est pas effacé, et plus d'une protestation s'élèverait sans doute, si, par une loi quelconque, le délégué ordinaire du chapitre était exclu de la commission administrative des hospices de Nantes.

(Léon Maître).

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