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La Cathédrale du VIème siècle et le Baptistère de Nantes

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L'antique cité des Nannètes reçut vraisemblablement l'Evangile dans le courant du IIIème siècle. Saint Clair, son premier évêque, envoyé par le pontife romain, apportait avec lui le clou qui avait fixé à sa croix l'une des mains de saint Pierre. Pour y déposer cette précieuse relique, il édifia, nous assure la légende contenue dans un bréviaire du XVème siècle (Bibliothèque municipale de Nantes, mss. 25), un oratoire qu'il dédia aux bienheureux apôtres Pierre et Paul. 

Cet oratoire fut-il bâti sur l'emplacement actuel de la cathédrale de Nantes ? Nul ne saurait le prouver. Ce qui demeure certain, c'est que les cathédrales successives de la ville de Nantes ont toujours été dédiées à saint Pierre et à saint Paul. D'autre part, la légende citée du XVème siècle assure que l'on conservait le clou apporté par saint Clair dans la même « basilique » où il avait été déposé (Note : Ce clou fut vénéré dans la cathédrale de Nantes jusqu'à l'époque des guerres de religion où il disparut). 

De la légende, écrite ou orale, nous passons à l'histoire en disant que dès le IVème siècle, la communauté chrétienne éleva, dans la partie orientale de la ville, une première église proprement dite, sous laquelle étaient creusées trois petites cryptes, et qui devait durer jusqu'au temps de Clotaire, fils de Clovis. Cette basilique ne tarda pas à devenir insuffisante pour le nombre croissant des fidèles ; il fallut songer, au VIème siècle, à rebâtir sur un plan plus vaste. Autour du premier sanctuaire, l'Evêque Evhemerus II (527-549) jeta donc les fondements d'une grande église, nous dit toujours le manuscrit du XVème siècle. Il poussa même assez avant la construction puisque, au dire de Fortunat, évêque de Poitiers, « il éleva le comble de l'église et la mit sous un seul toit » (Fortunat : Miscellanea, lib. IV, cap. I). Saint Félix (540-582), successeur d'Evhémérus, l'acheva et la décora avec magnificence.

Fortunat s'est plu à chanter dans ses « Carmina » l'oeuvre grandiose de son ami Félix dans le style ampoulé qui le caractérise : « Pays des Gaules, s'écrie le poète, réjouissez-vous ! Secondez les voeux de votre saint pontife dont le chaste amour offre ce temple, comme une dot perpétuelle, à l'église qu'il a épousée !... Les trois nefs de ce temple consacré à Dieu sous l'invocation de saint Pierre et de saint Paul, s'ouvrent par les portiques d'une façade majestueuse. Autant ces deux apôtres l'emportent sur les autres par leurs mérites, autant le faîte de cette église domine au-dessus des autres. Au milieu, une tour s'élève dans les airs, elle, est de forme carrée et s'arrondit par un dôme. L'étonnement augmente quand on considère les arcs qui se superposent et l'édifice qui s'élève comme une montagne. On y a peint des figures auxquelles l'art a donné l'apparence de la vie... Les toits, couverts de métal, réfléchissent l'éclat des astres et ils sont comme un astre nouveau qui brille de sa propre splendeur ; lorsque le disque de la lune paraît à l'horizon, un faisceau de lumière jaillit du sommet de l'édifice... (Note : Plusieurs ont conjecturé que les toits de la cathédrale d'Evhémérus étaient couverts d'étain : cela n'est pas impossible, car de précieuses mines d'étain furent exploitées longtemps dans les environs de Piriac et de Pénestin, entre l'embouchure de la Loire et celle de la Vilaine). La partie droite de l'église redit les mérites d'Hilaires et ceux de Martin, son digne émule. L'autre côté est consacré à saint Ferréol qui, frappé par le fer, brille comme une pierre précieuse de la gloire du martyre » (Fortunat : Miscellanea, lib. III, cap. VI et VII).

Malgré son lyrisme dithyrambique, la description de Fortunat nous fait connaître suffisamment les dispositions générales de la basilique primitive. L'édifice se partageait en trois nefs séparées par des colonnades et couvertes d'une charpente apparente. Il était dominé par une tour carrée, surmontée d'une lanterne en forme de dôme. Trois portes correspondant aux nefs s'ouvraient dans la façade. 

Saint Félix dota sa cathédrale d'une décoration luxueuse. C'est ce que nous atteste Albert le Grand de Morlaix dans son ouvrage « Vies des Saints de la Bretagne-Armorique ». Ce qu'il dit de saint Félix est d'ailleurs basé principalement sur la Chronique de Nantes, document du milieu du XIème siècle. « Ce vaisseau, écrit-il, était si superbe en sa stucture, et si riche en ornemens et parures, qu'il ne s'en trouvoit point de pareil en toute la France. Tous les parois en dedans étoient revestus d'images et peintures très riches faites à la mosaïque ; la vouste toute azurée, semée de grosses étoilles d'or, représentaient le firmament ; tout le bastiment estoit couvert de fin estain de Cornouailles insulaire, si clair qu'aux rayons du soleil ou de la lune il semblait d'argent... Les tables des autels, avec leurs colonnes, chapiteaux et autres parures, estoient de marbre poli, de diverses couleurs ayans devant elles leurs couronnes (Note : Les couronnes étaient peut-être des couronnes votives, comme la précieuse couronne de Reccesvinthe, dite de Guarrazar, conservées au musée de Cluny) et phioles d'or ; les arcades et voustes estoient enrichies, à la romaine, de belles figures paistries de stuc et de plastre, le tout doré d'or ducal ; icelles suportées de gros et hauts pilliers de marbre. Au milieu du temple estoit posée une grande colonne de marbre, laquelle suportait [un crucifix d'argent ceint d'une ceinture d'or enrichie de pierres précieuses, et suspendu aux poutres par une chaîne d'argent (Note : Traduction du chanoine Durville : Fouilles de l'Evêché en 1910-1913, p. 284)]... Le pavé qui estoit de marbre apportait un merveilleux contentement à la veûe pour l'agréable variété des couleurs dont il étoit parsemé » [Note : Albert le Grand « Vies des Saints de Bretagne » : 7 juillet : St Félix, paragraphe IX (édition de 1837)].

Mise à part la boursouflure emphatique du style, ces descriptions données par Venance Fortunat et par Albert le Grand ne sont pas invraisemblables, car de précieux débris de la basilique de saint Félix sont parvenus jusqu'à nous, qui attestent la magnificence avec laquelle les évêques Evhémérus et Félix ont bâti leur cathédrale. Un chapiteau de marbre blanc, de style composite, fleuri de fines acanthes et portant, à la place de la rose, une croix grecque  inscrite dans un nimbe, un fût de colonne cannelée en spirale et de marbre blanc, d'autres fûts, lisses ou cannelés, de marbre gris ou rouge, d'autres chapiteaux très endommagés, un tailloir en marbre veiné de Carrare, sont les témoins irrécusables de la richesse de la cathédrale du VIème siècle (Note : Ces vestiges ont été trouvés dans les fouilles opérées sous la cathédrale et sous l'ancien évêché en 1839, 1867 et 1910). Quelques-uns de ces marbres peuvent avoir été empruntés aux monuments romains élevés dans la région nantaise. Les plus nombreux et les plus beaux viennent probablement d'Italie, où ils avaient peut-être été taillés et sculptés avant d'être expédiés en Gaule. 

Saint Félix, ayant terminé, décoré et meublé sa cathédrale, voulut en faire solennellement la consécration. Il convoqua pour cette cérémonie les évêques du voisinage : Eufronius, métropolitain de Tours, Domnolus, évêque du Mans ; Venance Fortunat, le poète, y assistait aussi : il ne manqua pas de décrire la cérémonie en vers fastueux comme toujours (Fortunat : Miscellanea : Lib. III, cap. VI) : « Le jour solennel est arrivé, écrit-il, la joie a chassé la tristesse. Sois heureux, Félix, pasteur d'un heureux troupeau !... Les pontifes t'entourent, le clergé fait entendre ses chants, le peuple lui répond, et les trois nefs du temple retentissent des louanges de la Trinité ».

Saint Félix mourut vers 582 et fut inhumé dans la cathédrale. Celle-ci, d'après la chronique de Saint-Brieuc, demeura « dans toute sa beauté et son honneur, sans dégradation aucune, depuis le temps de Clotaire Ier (+ 561) jusqu'à l'an quatrième après la mort de l'empereur Louis (le Débonnaire), auquel temps de grands maux accablèrent la France ».

En Juin 843, les Normands remontaient la Loire avec une flotte de soixante-sept vaisseaux. Ils trouvèrent la ville sans défense, s'en emparèrent et la livrèrent au pillage. Les habitants et un peuple nombreux, venu des environs pour célébrer la fête de saint Jean-Baptiste, ou fuyant devant l'invasion comme firent les religieux du monastère d'Aindre, s'étaient réfugiés dans la cathédrale. Les barbares en brisèrent les portes, pénétrèrent dans l'édifice sacré. Ils égorgèrent l'évêque, saint Gohard, qui célébrait la messe à l'autel de saint Ferréol, et firent un horrible carnage parmi les fidèles.

Le corps du pontife martyr fut transporté à Angers, où l'on a retrouvé deux lames de plomb qui avaient été placées dans son tombeau et portaient les inscriptions sui­vantes : « I. H. C. (Note : I. H. C. : In hâc —  Quelques-uns ont lu, dans la seconde ligne de l'inscription : « Pastor et Martyr ») Sepulturâ quiescit humilis Gohardus Nannetensium — pater et martyr ». « Dans ce cercueil repose l'humble Gohard, père des Nantais et martyr ». A l'occasion de sa canonisation, en 1095, par Urbain II, que le concile de Clermont avait appelé en France, ses restes furent reconnus et exposés à la vénération des fidèles.

Longtemps le trésor de la cathédrale conserva la chasuble dont saint Gohard était revêtu au moment où il fut frappé, ainsi qu'un os de son cou, enchâssé dans un chef d'argent. Ces reliques disparurent, sans doute pendant la Révolution. On vénérait aussi jadis, dans une crypte qui devait être placée sous la chapelle de la Trinité, la pierre de l'autel où célébrait l'évêque, le jour où il fut massacré, le 24 juin de l'an 843. Ce jour-là, la basilique avait été, comme bien on pense, dévastée, dépouillée de ses richesses. Pourtant elle n'avait pas trop souffert dans ses oeuvres vives, puisque trois mois plus tard, elle était restaurée et Suzannus, évêque de Vannes, venait la réconcilier le 30 septembre, au jour anniversaire de sa consécration.

Cependant la ville fut prise et saccagée de nouveau, en 853, 871, 875, 879, et la cathédrale eut beaucoup à souffrir de ces désastres. En 896, l'évêque Fulcherius ou Foucher, qui était sans ressources, sollicita la générosité des évêques et des seigneurs voisins. Grâce à leurs aumônes, il réussit à relever les murailles du vieil édifice, et même à l'agrandir et à l'entourer d'un rempart qui comprit dans son enceinte les paroisses de Saint-Jean et de Saint-Laurent (Note : Chronique de Nantes, dans Dom Morice : Preuves, tome I, col. 143).

L'invasion de 919 fut plus terrible que les précédentes. Les habitants, après s'être défendus dans le camp retranché, s'enfuirent pendant la nuit, en emportant avec eux les ornements et les objets les plus précieux appartenant à l'église. Voyant le butin leur échapper, les pillards se vengèrent sur le monument et en incendièrent les lambris et la toiture.

Vers le milieu de l'année 940, Alain Barbe-Torte, après avoir chassé les Normands de toute la Bretagne, réussit à s'emparer de la ville de Nantes. « Les Normands, dit la chronique nantaise, le chassèrent jusqu'à la sommité de la montagne, où Alain résidant, grandement las et travaillé, souffrant soif merveilleuse, commença à plorer grièvement, et, par humble prière, appeler l'aide de la benoîte Vierge Marie, qu'elle lui daignât ouvrir à son vouloir une fontaine d'eau, dont lui et ses chevaliers abreuvés reprissent leur force ; lesquelles prières ouïes par la Vierge Marie, elle lui ouvrit à son vouloir une fontaine de laquelle lui et les siens suffisamment rafraîchis et recréés, recouvrèrent leur courage et retournèrent vaillants à la bataille... Alors si assaillirent fermement les Normands, et, leur résistant, aigrement les occirent et détranchèrent, fors ceux qui s'enfuirent, que, grandement épouvantés, ils descendaient, nageant par le fleuve, et s'en allèrent » [Chronique de Nantes, (traduction de Le Baud, 1480)]. Quand Alain voulut pénétrer dans la cathédrale pour rendre grâce à Dieu, il dut se frayer un chemin à travers les ronces et les herbes folles, et il ne put s'empêcher de pleurer avec ses officiers devant les débris imposants qui attestaient l'antique splendeur de l'édifice.

Octro, évêque de Saint-Pol-de-Léon, qui avait suivi Alain dans son expédition, occupa pendant quelque temps le siège de Nantes.

Chargé de la restauration du monument, il fut accusé d'en avoir précipité la ruine. « En celui temps, dit la chronique, Octro fist desmolir une tour qui encore était demeurée des anciens édifices de ceste église, pour la convoitise d'une pomme dorée qui estoit sur la dicte tour, dont il fut mocqué et desprisé, par ledict duc Alain et, par honte, délaissa l'évesché de Nantes et s'en retourna à Saint-Pol-de-Léon, où premier il avait été ordonné ». Démolir une tour pour s'emparer d'une pomme dorée dédaignée par les pillards Normands, l'histoire paraît étrange et peu croyable. Quoi qu'il en soit, à la suite de démêlés avec le duc, il dut renoncer à son évêché et retourner à Saint-Pol.

Des fouilles exécutées par M. le chanoine Durville, entre 1910 et 1913, ont révélé les substructions de l'antique église de Saint-Jean-du-Baptistère, qui longeait le côté nord de la cathédrale, et occupait toute la cour de l'évêché telle qu'elle était en 1912. Cette église se composait d'une nef coupée par un transept débordant, sans abside. Sa construction remonterait au IVème ou Vème siècle. Comme son nom l'indique, elle renfermait un baptistère et, de fait, deux piscines baptismales ont été retrouvées dans la nef. L'une, du IVème siècle, forme un bassin octogonal à côtés inégaux de 0 m. 60 à 0 m. 71 de longueur ; elle mesure 1 m. 56 de diamètre et 1 m. environ de profondeur. L'autre, du VIème siècle, consiste en un bloc circulaire de maçonnerie de 3 m. 65 de diamètre sur 0 m. 70 de profondeur, dans lequel s'enfonce une excavation octogonale, en briques, qui constituait, à proprement parler, la cuve baptismale.

Nantes : Plan de l'église Saint-Jean-du-Baptistère

Plan de l'église Saint-Jean-du-Baptistère, d'après le chanoine Durville

Le chevet de l'église fut détruit, peut-être, dès la fin du IXème siècle ; en tout cas, c'était chose faite au XIIème, puisque sur son emplacement fut alors reconstruit l'évêché. Sa nef disparut avant la fin du XVème siècle, entre 1469 et 1486, pour faire place au collatéral nord de la cathédrale. Le service paroissial de Saint-Jean fut, à cette époque, transporté dans une chapelle de Saint-Pierre, chapelle qui devint « Saint-Jean en Saint-Pierre » (Ch. Durville : Les Fouilles de l'évêché de Nantes, p. 167-246).

Saint-Jean-du-Baptistère était, en effet, l'église paroissiale du quartier de la cathédrale. Il était même le siège du doyenné de la « chrétienté » c'est-à-dire de la partie du diocèse qui s'étend entre la Loire, le diocèse d'Angers et le cours de l'Erdre ; son recteur fut doyen du chapitre depuis 1311 (Note : Le dernier recteur de Saint-Jean en Saint-Pierre disparut dans la noyade du 16 au 17 novembre 1793, ordonnée par Carrier). Dès 843, cette église était le centre d'un pèlerinage très fréquenté à la Saint-Jean-Baptiste par les habitants de la ville et des environs : « Tout le peuple de la dite cité, raconte la Chronique de Nantes, se réunissait avec joie et allégresse à l'église Saint-Jean6Baptiste et passait très fidèlement la nuit dans les prières et les veilles »

(J.B. Russon et D. Duret - 1933) 

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