Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

UNE CHAPELLE SAINT-YVES A LA CATHÉDRALE DE NANTES.

  Retour page d'accueil       Retour page "Les chapelles de la cathédrale de Nantes"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Saint-Yves, le patron de le Bretagne, aura une chapelle cathédrale de Nantes. Monseigneur l’évêque, le chapitre, M. l’archiprêtre, la fabrique ont pris cette décision avec une pieuse unanimité qui est d'heureux augure pour le succès de l’œuvre. On va renouer ainsi une ancienne tradition nantaise.

L'un des premières chapelles consacrées à Saint-Yves fut fondée en effet, à Nantes même, par le duc de Jean V, vers l’année 1440. Les armes de Bretagne brillaient sur la maîtresse vitre, en souvenir du prince qui avait voulu mettre sa bonne ville sous la protection du grand saint. Cette chapelle était située rue des Halles, derrière l’église Saint-Nicolas, d'après un ancien plan de la ville, mais elle dépendait de la paroisse Saint-Similien. Un vicaire y disait la messe, le dimanche et les fêtes gardées.

Quelques années avant la fondation de l'oratoire, le duc Jean V, entouré de ses fils et des députée de la ville, faisait poser et bénir la première pierre de la nouvelle cathédrale, à la base du portail (1434). Ce superbe portail a cinq portiques très ornementés : trois sur la façade principale et un sur chaque face latérale où se déroulent, sous les voussures enguirlandées, une série de figurines représentant les grands traits de l’histoire religieuse universelle et les actes particuliers des saints patrons. Or le portique latéral de droite est consacré principalement à la légende de Saint-Yves [Note : Iconographie de la cathédrale de Nontes, par M. l’abbé Gaboril, archiprêtre de la cathédrale]. L'illustre saint breton eut encore, s’il n'avait déjà, son autel et sa statue dans la cathédrale même. Trois chapellenies ou fondations de messes y étaient attachées : « l’une de trois messes, par semaine, à la présentation du plus ancien chanoine, l'autre d'une messe par semaine, à la présentation des Raboceaux (?) qu'ils disent et la troisième également d'une messe à la disposition du chapitre ». On les appelait les Trois Saint-Yves [Note : Archives départementales, Série G. 192].

A Sainte-Croix, on célébrait très solennellement la fête de saint Yves, avec matines, premières et deuxièmes vêpres et une grande messe « en faveur de Messieurs de la justice ». Il est probable que le patron des justiciers avait une statue sinon un autel, dans cette église. Toujours est-il qu'on y vénérait une parcelle de ses reliques, Le registre des visites pastoral (1638) auquel nous empruntons ces renseignements y mentione « un reliquaire de bois, couvert d'argent » contenant cinq reliques « dont celle du milieu est relique de Saint-Yves : les quatre autres ne se peuvent lire » [Note : Archives départementales, Série G. 47].

Dom Lobineau mentionne que l'Université de Nantes s’était mise sous la protection du saint. Il y avait aussi à l'ancien Hôtel-Dieu, sur la prairie de la Madeleine, une salle de sept lits dite de Saint-Yves [Note : Vie des saints de Bretagne, p. 357].

Les étudiants des hospitaliers, les magistrats, les avocats invoquaient donc à Nantes le patronage de saint Yves, ce type héroïque des étudiants, des hospitaliers, des juges et des plaideurs.

Si nous portons nos regards, au-delà de l’enceinte urbaine, nous verrons la même dévotion rayonner dans tout le diocèse. Saint Yves avait une église tilulaire à Guérande, au couvent des Jacobins ou Frères Prêcheurs. Nous retrouvons encore ici la main pieuse et libérale du prince que nous pourrions appeler le duc de saint Yves : Jean V en fut le fondateur (1408-1441), Au XVème siècle nous pouvons constater l’existence d’une chapelle au Croisic, avec fondations de plusieurs chapellenies. Jusqu'au commencement de notre siècle même, on remarquait dans le grand cimetière de Saint-Nazaire, une chapelle dédiée jadis à saint Yves, suivant un aveu de 1637, (aujourd'hui N. D. d'Espérance). Nous en rencontrons une autre dans l'ancien cimetière de Machecoul. De plue l'église de cette ville avait une statue de l'avocat des pauvres. Saint-Yves trônait également sur un autel, dans l'église d'Ancenis. L'église paroissiale et collégiale de Clisson lui avait décerné le même honneur que la Révolution lui a enlevé là comme ailleurs [Note : Etat du diocèse de Nantes en 1790, par l’abbé Grégoire. — Passim.]. Donc la plupart des villes de l'ancien diocèse de Nantes rendaient un culte special à saint Yves.

Si nous parcourons la campagne, si nous cherchons dans des localités moins importantes, il apparaît encore à nous, là sous le couvert d'une modeate chapelle, comme à Guémené-Penfao, Avessac, Vallet ; ici, dans l'églie paroissale, comme à la Chapelle-Launay, à Haute-Goulaine et Saint-Germain de Montfaucon ; ailleurs, dans les titres des bénéfices et chapellenies, comme à Frossay, le Grand-Yves, à Fresnay, Saint-Yves la Chaumière, à Batz, le Prieuré Saint-Yves etc., et quelquefois sur la bannière d'une confrérie, comme à Pontchâteau [Note : Archives départementales. G. 52].

Nous n'avons fait qu'effleurer les choses, mais cette énumération déjà longue ne suffit-elle point pour attester quelle place exceptionnelle saint Yves occupait autrefois dans la piété des fidéles nantais, et expliquer l'érection d’une nouvelle chapelle titulaire à la cathédrale de Nantes ?

L’emplacement choisi est ce passage d'entre deux qui sépare la chapelle du Sacré-Cœur de la chapelle Saint-Louis, — côte de l'Evangile — dans l’abside. La chapelle destinée au culte de saint Yves est d'une forme unique. La longue suite d'autels échelonnés entre les contreforts de la grande nef, s’interrompt au transept : puis, les deux premières travées sont trèe heureusement ajourées et forment, par leur réunion, le sanctuaire du Sacré-Cœur. C'est entre ce sanctuaire et la couronne des chapelles absidiales que se trouve la chapelle saint Yves. Au fond s'ouvre use petite porte en ogive d’un dessin hardi et sûr, donnant accès dans la tourelle qui monte aux galeries du chœur. Avec toute la souplesse originale de notre vieux style français, nos architectes ont franchement accusé la présence de cette tour, en rejetant en côté la longue fenêtre qui éclaire la petite chapelle. Ainsi diminués dans sa largeur, elle paraît plus svelte et plus haute que toutes les autres. Là seront placés de beaux vitraux dus au talent de Luc-Olivier Merson, et remémorant quelques traits bien caractérisés de la vie du saint. La chapelle Saint-Yves est tracée sur un plan presque carré, et les fines membrures des arceaux se croisent au sommet et retombent jusqu'au parvis avec une élégante fermeté [Note : Nous empruntons cette description technique et raisonnée à la plume savante d’un archéologue connu, M. de Lisle].

« Messieurs de la justice » contribueront sans doute à l'ornementation de cette chapelle et peut-être qu'un jour on les verra suivant l’exemple de leurs devanciers, se réunir en corps pour invoquer leur ancien patron, ce grand et saint justicier que rien ne faisait reculer.

On a représenté souvent saint Yves, arbitre entre le riche et le pauvre : l’un somptueusement vêtu se tient debout une saccoche à la main, avec un air d’orgueilleuse confiance — l’autre mal habillé, un genou en terre, attend très humblement et non sans anxiété la sentence du juge. Saint Yves s'incline vers le pauvre et lui donne gain de cause, nonobstant les grande airs et la saccoche du riche.

On raconte qu'une fois il défendit seul les biens ecclésiastiques de Tréguier contre les agents du fisc qui étaient venue lever sur eux une taxe inique et exorbitante. L'official couchait, chaque nuit, dans la sacristie, pour garder les vases sacrés et les autres trésors de la cathédrale. Le jour, il se tenait à l'évêché, au chapitre, au presbytère, partout où le spoliateur prétendait faire main basse. On l'injuria, on le frappa même. Rien n'arrêtait sa résistance : « Cela ne m'empêchera pas, disait-il de m’employer de tout mon pouvoir à la défense de l’Eglise tant que je vivrai ». Son attitude si énergique fit reculer les oppresseurs.

En vérité le culte d’un tel saint n’est-il pas plus opportun aujourd'hui que jamais ? N'avons-nous pas besoin de son aide pour défendre tous les droits méconnus et résister à toutes les injustices ? Aussi est-ce un fait très notable, dans nos annales religieuses, que la rénovation du culte de saint Yves, ici ou là. Notre pieux évêque, Mgr Laroche, le digne successeur des Salahadin et des Paynel si dévots au grand saint breton, a bien voulu en donner le signal à Nantes. Nous espérons qu'elle s'étendra de proche en proche. Cette dévotion renouvelée, dans la cathédrale, sera la lampe d'honneur où se rallumeront les cierges.

Saint Yves « l'ornement de son siècle, le rudiment des clercs et des escholiers le conseil du riche et le trésor du pauvre le mirouër des ecclésiastiques, l’advocat et frère des povres veuves et orphelins, le patron de la Bretaigne », le grand saint Yves retrouvera la foule de ses pieux fidèles, là où elle le priait autrefois, dans le pays nantais comme au reste de la Bretagne.

(Vte Hippolyte le Gouvello, 1895).

© Copyright - Tous droits réservés.