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L'histoire de l'école de Chirurgie de Nantes (ou collège Saint-Cosme)

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Il n'y a pas très longtemps que la médecine et la chirurgie se donnent la main et s'enseignent dans le même amphithéâtre ; leur union n'est pas antérieure à la suppression des corporations, c'est-à-dire à la révolution de 1789. Sous l'ancien régime, les praticiens qui coupaient les membres, maniaient le rasoir et la lancette, pansaient, les plaies, suivaient le traitement des maladies et se consacraient en un mot à la partie manuelle de l'art de guérir, composaient une association qu'on nommait, la corporation des barbiers chirurgiens et qu'on assimilait aux corporations des artisans ordinaires. Il n'y avait pas de différence entre leurs apprentis et ceux des gens de métiers : les uns et les autres se formaient dans la boutique, sous l'œil du patron, sans lier aucune relation avec les facultés de l'Université. Les médecins étaient les docteurs suprêmes, les chirurgiens n'étaient que les très humbles exécuteurs de leurs arrêts comme les apothicaires.

Il ne faudrait pas croire que la fusion a été instantanée, qu'un décret seul de l'Assemblée Nationale a suffi pour l'opérer; elle n'a été possible que parce qu'elle a été préparée de loin par une série de faits que j'indiquerai rapidement. Au XVIIIème siècle, la corporation des chirurgiens semble avoir conscience de ses destinées futures ; elle abandonne la routine pour étendre le cercle de ses études, elle modifie son organisation, appelle dans ses rangs les jeunes gens de la riche bourgeoisie et se met en vue dans chaque occasion favorable.

La dernière rédaction de ses statuts porte que la corporation élira chaque année quatre de ses membres et les chargera d'enseigner les principes de chirurgie, l'ostéologie, les maladies des os, l'anatomie et les opérations sur les cadavres en présence des aspirants. Suivant l'article 27, elle se réservait aussi la liberté de nommer un cinquième démonstrateur pour discourir sur les matières médico-chirurgicales et enseigner la fabrication des instruments de chirurgie, enfin elle promettait à chacun des professeurs la somme de 50 livres. La Ville, informée de ces projets, s'empressa de les favoriser en concédant, le 6 avril 1746, la tour du Connétable, celle-là même que s'élevait à l'endroit où se trouve aujourd'hui la bibliothèque municipale [Note : Livre des délibérations de 1746. (Arch. de la mairie, BB)]. C'est là que les chirurgiens firent construire leur amphithéâtre et fondèrent cette école publique et gratuite de chirurgie qu'on a nommée le collège Saint-Cosme. Les frais d'installation furent payés au moyen d'un emprunt de 6,000 livres.

En 1762, la Ville avait besoin d'un emplacement pour édifier une halle ; elle n'en trouva pas de plus convenable que le terrain situé derrière l'école de chirurgie, mais il ne pouvait être employé qu'en rasant la tour du Connétable. Les préliminaires de l'entente à conclure avec les chirurgiens ne furent pas longs. Ceux-ci consentirent à transférer leur cours dans la rue Saint-Léonard, en face de l'église de ce nom, au lieu qu'occupait l'ancien Museum avant 1874, à la condition que les frais de déménagement seraient à la charge de la Municipalité. Une fois établie dans ce dernier local, l'école y demeura jusqu'à la fin de son existence. L'accord conclu avec la Mairie est du 21 février 1766 [Note : Livre des délibérations de 1766. (Arch. de la mairie, BB)].

On crut, un moment que la Corporation avait assumé une entreprise au-dessus de ses forces ; le fonds commun était si minime qu'il était impossible de faire face aux charges qui s'imposaient ; la pension de 100 livres servie aux veuves des confrères décédés, les intérêts de l'emprunt à payer, laissaient, peu de ressources au trésorier pour acquitter les honoraires des professeurs. Ceux-ci, après avoir enseigné quelque temps sans rétribution, prirent le parti d'exposer leur situation aux Etats de la province. L'assemblée prêta l'oreille aux plaintes des maîtres chirurgiens, et encouragea leur zèle en leur allouant une indemnité de 2,000 livres par an qui leur fut comptée à partir de 1760 [Note : Livre de la session de 1760, f° 169. (Arch. dép. de la Loire-inférieure, C)].

Cette somme n'était pas à leur entière disposition, elle fut néanmoins employée à payer les dettes de la Communauté et à décorer la salle des leçons : ce n'était pas là ce qu'attendaient les professeurs. Les mécontents eurent soin d'informer les Etats de l'application qui avait été faite de leurs fonds et firent condamner la Corporation à rapporter quatre annuités [Note : Tenue des Etats de 1766, f° 224. (Arch. dép. de la Loire-inférieure, C)]. La Corporation eût été bien embarrassée pour trouver 8,000 livres, si l'arrêt avait été maintenu : ses amis intervinrent heureusement à la session de 1766 et obtinrent sa grâce ; mais il fut stipulé que dorénavant les professeurs seraient nommés au concours. Depuis cette date, le Procureur général fut chargé de prendre connaissance de la distribution des 2,000 livres allouées chaque année et les membres de la Commission intermédiaire s'érigèrent en surveillants des leçons. Ainsi, à la session de 1772, l'indemnité fut votée sous cette réserve qu'il serait enjoint au professeur Guichard de commencer son cours beaucoup plus tôt (Tenue de 1772, f° 65).

Une dépendance moins étroite aurait mieux plu à nos chirurgiens ; ils auraient préféré que les professeurs fussent élus par la Corporation et présentés aux commissaires des Etats devant lesquels ils auraient subi un interrogatoire ; cependant ils acceptèrent les conditions qui leur étaient dictées. Dans une réunion tenue au mois d'août 1765, les maîtres en chirurgie de la ville de Nantes arrêtèrent en commun qu'ils consentaient à n'admettre désormais pour professeurs à leur amphithéâtre que ceux qui auraient passé par l'épreuve du concours, et promirent que la gratification votée ne profiterait pas à d'autres. Comme il y avait nécessité de conserver les bonnes grâces des commissaires des Etats, on les invita à fixer eux-mêmes la forme, le jour et les heures du concours, et à siéger parmi les examinateurs. Ces avances furent bien reçues : la première session d'épreuves, qui eut lieu en 1765, ne dura pas moins de cinq jours ; si les suivantes furent aussi longues, il n'est pas surprenant que l'usage des concours ne se soit pas perpétué jusqu'à la Révolution. En 1787, les maîtres chirurgiens étaient tous admis à enseigner ; ils montaient à tour de rôle dans la chaire de démonstration. A cette époque, les noms les plus connus du collège Saint-Cosme étaient les suivants : Godebert, Bisson, Darbefeuille, Cantin, Etieuvrin et Fabre.

Etieuvrin, professeur d'accouchement, élu en 1765, est celui qui fit le plus de bruit. Tout d'abord, il se contentait de faire son cours en présence de quelques étudiants ; il négligeait complètement de former des sages-femmes pour la ville et les campagnes, bien que l'article 78 des statuts de la corporation lui fît un devoir d'étendre ses leçons jusqu'à ces utiles auxiliaires des médecins. Les entreprises de son confrère Godebert le forcèrent à déployer plus de zèle. Ce dernier, bien qu'éliminé de trois concours, ne manquait pas de talent. Pendant que la dame du Coudray, professeur d'accouchement, séjournait à Nantes, il avait suivi assidûment ses démonstrations et avait fini par gagner sa bienveillance. En partant, la dame du Coudray le recommanda à la Ville. Fort de cet appui, Godebert ouvrit un cours spécial d'accouchement pour les sages-femmes de la campagne, et, quand son autorité fut bien établie, il s'enhardit jusqu'à demander à la Ville, en 1777, qu'elle lui livrât une machine de démonstration, nommée phantôme, qu'elle avait achetée de la dame du Coudray. Sa pétition représentait qu'il donnait ses leçons tous les jours, soir et matin, pendant trois heures, qu'il attendait de la campagne un grand nombre de sages-femmes, et que le phantôme faciliterait beaucoup ses démonstrations.

Dès que la machine lui eût été livrée, son confrère, Etieuvrin, poussé par la jalousie, s'empressa, mais en vain, d'écrire à l'intendant, en le priant d'intervenir, pour qu'il eût la préférence sur Godebert. Ce dernier resta en possession de l'instrument, car, suivant la réponse du Maire, il devait en tirer meilleur parti qu'Etieuvrin dont les cours étaient trop rares : celui-ci n'enseignait qu'une heure par jour et trois fois la semaine.

Etieuvrin se vengea du refus en faisant placarder, sur tous les murs de la ville, un avis annonçant qu'il ferait, lui aussi, pour les sages-femmes de la campagne, un cours public d'accouchement, les mardis, jeudis et samedis, et de plus un autre cours sur les maladies des femmes grosses, des femmes accouchées et des petits enfants, les lundis, mercredis et vendredis. Cette rivalité n'empêcha pas Godebert de continuer son cours et ne changea rien aux dispositions de ses protecteurs. Toujours préoccupé de l'intérêt général et désireux de perfectionner l'habileté de ses élèves, il sentait ce que son cours avait de défectueux ; son vœu était d'avoir un asile spécial, une sorte d'hôpital de la Maternité dans lequel il pourrait faire des démonstrations, non pas sur un phantôme, mais sur nature, en un mot, un cours de clinique tel que nous l'entendons aujourd'hui. Les élèves sages-femmes n'étaient pas assez nombreuses à son gré, les campagnes étaient trop généralement livrées à l'ignorance des vieilles matrones. Les libéralités de certains recteurs de paroisses pour quelques femmes dignes d'intérêt étaient des faits isolés sur lesquels on ne pouvait pas compter.

Suivant lui, il n'y avait, qu'un remède, c'était de relever la situation des sages-femmes dans les campagnes, en leur accordant quelques exemptions, et d'imposer aux assemblées paroissiales l'obligation de voter des allocations pour celles qui, foulant aux pieds les préjugés, consentiraient à venir s'instruire au cours. Ces idées généreuses et progressives sont exposées dans un placet qu'il adressa, en 1781, à la Mairie. La Municipalité y applaudit dans la mesure de ses moyens, en lui accordant, 19 janvier 1782, une allocation de 150 livres, à l'aide de laquelle il loua un petit, logement dans la rue Saint-Similien [Note : Carton du cours d'accouchement. — Délibérations de 1782. (Arch. de la ville, BB)]. La charité privée lui procura du linge, des ustensiles, des aliments pour les pauvres femmes qui venaient y séjourner pendant leurs couches. Le professeur Godebert les gardait huit jours après leur délivrance, et il avait ainsi les moyens de joindre la pratique à la théorie et de donner d'utiles leçons sur les maladies des femmes et des enfants. Cet essai d'hôpital de maternité est le seul dont j'aie trouvé la trace dans les Archives.

Le cadre de ce chapitre comporterait quelques renseignements complémentaires sur l'habileté des professeurs et les principes théoriques de l'enseignement; je n'ai pu me procurer d'éclaircissements que pour le XVIIème siècle. On sait qu'au Moyen-Age les chirurgiens lisaient très peu. Quand un aspirant se présentait pour être examiné, il n'était admissible qu'après avoir montré qu'il savait forger une lancette ou un rasoir. C'était là, la pierre de touche qui permettait de reconnaître encore au XVIème siècle les aspirants vraiment prédestinés à la maîtrise. Claude Viard, malgré tout son savoir, se vit éliminé uniquement parce qu'il se recusait sur ce point et, sans l'intervention du Parlement auquel il porta plainte, il n'aurait jamais été examiné (Bulletin de la Soc. Archéol. de Nantes, 1873).

Il prétend, dans sa requête à la Cour, que des candidats ne sachant ni lire, ni écrire ont été agréés ; l'adresse de main était donc la qualité la plus prisée dans la Corporation. Nous allons voir que, sous Louis XIV, les chirurgiens faisaient plus de cas de la science. Prenons pour exemple le différend qui éclata au sein de la Corporation, en 1656, entre les maîtres jurés et le compagnon Huet, aspirant à la maîtrise (Minutes de 1656. Arch. du Tribunal de Nantes).

La scène se passe au couvent des Cordeliers, dans la salle que louaient les chirurgiens pour leurs exercices publics et leurs délibérations. Le candidat est armé d'un arrê de la Cour, qui oblige les maîtres à lui faire subir ses quatre séances d'examen en présence du lieutenant civil et, criminel du Présidial de Nantes et de son greffier, qui va dresser procès-verbal de tous les incidents de l'épreuve, demandes et réponses. De leur côté, les maîtres ont en main un arrêt du Conseil du Roi, qui interdit aux médecins d'envoyer plus de deux délégués à leurs examens ; mais ceux-ci ripostent en exhibant un arrêt, tout frais sorti du greffe du Parlement, à la date du 30 août 1656, qui les autorise tous à siéger au bureau ; ils s'opposent à ce que les questions et réponses soient écrites, en disant qu'ils sont les juges du mérite de l'aspirant. La Corporation invoque la prééminence de son titre et proteste si énergiquement contre les prétentions de la Faculté, que les médecins vident la place et abandonnent le candidat à la justice du lieutenant et de la Corporation. Alors l'examen commence. Il serait trop long de l'insérer ici ; j'en relèverai seulement les traits les plus saillants, pour montrer ce qu'était l'instruction d'un chirurgien au temps de Louis XIV :

Demande. — Combien de choses doivent concourir à la guérison des maladies chirurgicales ?

Réponse. — Deux choses : la première que c'est par la nature, la seconde par l'art et opération.

La réponse n'est valable, car, selon Hippocrate, il en faut quatre : le malade, le chirurgien, les assistants et les choses externes, dit l'examinateur.

Demande. — En combien de manières les maladies sujettes à la chirurgie se guérissent-elles ?

Réponse. — Les maladies sujettes à la chirurgie se guérissent ou par médicament ou par opération.

La réponse n'est pas satisfaisante, dit l'examinateur, car les maladies se guérissent de quatre manières : la première par expérience, sans rechercher ni connaître la cause ; la deuxième par analogisme, recherchant la cause et ne la connaissant pas, mais se servant de similitudes ; la troisième par raison, recherchant et connaissant la cause ; la quatrième par indication, connaissant la cause sans la rechercher.

Demande. — Pourquoi les humeurs se meuvent-elles à certaines heures et en certains temps plusqu'aux autres ?

Réponse. — C'est que les humeurs dominent plus en un temps qu'en l'autre.

La réponse n'est pas satisfaisante, car les raisons, ce sont l'analogie, propriété occulte et forme spècifique des humeurs qui font les maladies, lesquelles de leur propre nature à certains temps et heure, comme la bile se meut de trois jours en trois jours, la mélancolie de quatre jours en quatre jours, le flegme de dix-huit heures en dix-huit heures, avec six heures de faux repos, et le sang se meut toujours uniformément. Par ce moyen, les chirurgiens connaissent de quelles humeurs et matières sont faites les apostèmes.

On voit que, si les chirurgiens s'appliquaient à la partie manuelle de la médecine, ils n'en avaient pas moins un goût très prononcé pour la métaphysique. Voici encore quelques spécimens des questions posées à l'aspirant :

Combien de choses sont nécessaires pour la construction parfaite d'une partie ?

Combien y a-t-il de choses qui entrent dans la composition des choses naturelles ?

Quelles sont les maladies de tout l'œil ?

Quelle différence y a-t-il entre période, paroxysme, exacerbation et crise ?

En quoi les plaies des parties similaires diffèrent-elles d'avec les organiques ?

Comment la fièvre étique survient-elle au poumon ?

Comment traite-t-on une plaie ?

Quels sont les préceptes infaillibles et nécessaires que le chirurgien doit connaître ?

Les ailleurs cités au cours de l'examen sont Hippocrate, Galien, Fabricius, Guydon, de Marque, du Lorans, Riollan et Courtin.

Le domaine de la chirurgie n'était donc pas bien déterminé ; il était facile au praticien le moins agressif de faire des sorties sur le terrain de son voisin, le médecin. Il est superflu de faire remarquer la ressemblance que existe entre les questions oiseuses de cet interrogatoire et les controverses de la scholastique. La méthode expérimentale de Bacon et de Descartes n'a pas encore expulsé des écoles de Nantes les vaines subtilités et les puériles argumentations de l'époque où les professeurs discutaient sur les Nominaux et les Universaux.

(L. Maître).

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