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L'histoire de la Faculté de Médecine de Nantes

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D'après le procès-verbal de la séance d'inauguration que j'ai plusieurs fois cité, on ne comptait pas plus de quatre médecins à Nantes en 1461 (Histoire de Nantes de Travers, t. II, p 120). Il ne faut pas s'en étonner. La faveur dont jouissaient les empiriques et les chirurgiens barbiers d'une part, de l'autre les frais considérables qu'entraînait la longueur des études universitaires, détournaient bien des aspirants de la carrière de médecin. Dans le cours des recherches que j'ai faites pour mon Histoire des hôpitaux de Nantes, j'ai eu l'occasion de constater ce fait bien singulier : c'est que dans la plupart des cas, même en temps d'épidémie, les soins d'un chirurgien illettré étaient souvent préférés à ceux d'un médecin. On se croyait plus en sécurité entre les mains d'un homme dont l'expérience s'était formée dans la fréquentation assidue des malades, que sous la direction d'un savant qui dédaignait d'appliquer lui-même ses formules. Le duc de Bretagne François II, appréciant autant les services de l'un que ceux de l'autre, voulait avoir à sa suite un médecin et un chirurgien. C'est lui qui retint à Nantes le médecin Savaton, pour soigner les pestiférés de 1488, et obligea la Ville à lui payer des gages. Il tenait la médecine en si haute estime, qu'il ne voulait pas tolérer l'ignorance parmi ceux qui l'exerçaient. Les lettres d'institution de l'Université portent la trace de sa sollicitude à cet égard.

« Art. XVIII. Item voulons et ordonnons que doresnavant nul ne aucune personne soit receu en nostre pays et duché à exercer pratique de médecine, jusques tout premier se soit présenté à l'examen des régens de la Faculté de médecine en ladite Université de Nantes ou qu'il ait esté aprouvé en autre Université fameuse et que deuement il en aparoisse » [Note : Lettres de François II. — La Faculté fut plus sévère : elle exigea que tout étranger, même gradué, fit ses preuves devant les régents de Nantes. (Statuts de 1462, cap. XXIII)].

On sait combien ces défenses sont vaines et illusoires. Nos rois ne se sont pas lassés de les renouveler dans leurs ordonnances, néanmoins la médecine occulte a toujours été en vogue ; nous en sommes encore les témoins. Toutefois, le principe de la nécessité du contrôle était bon à proclamer, pour mettre le savoir en honneur et lui garder la place que l'ignorance usurpait trop souvent avec impudence.

Les renseignements qui nous sont parvenus sur les débuts de la Faculté de médecine sont presque nuls ; j'en suis réduit à paraphraser quelques passages des lettres ducales déjà citées et les statuts de l'Université. Pouvons-nous croire que François II n'ait pas assuré l'enseignement de la médecine par tous les moyens dont il disposait, quand nous savons avec quel soin il présida à l'installation des Facultés.

« Nous avons ja faict préparer et construire les escolles, y faict venir et congréger plusieurs vénérables docteurs et autres clercs licenciez et graduez ès-sciences devant dictes, lesquels sont à présent lisans et exerçans continuellement en ladite Université où a grant multitude d'estudians » (Lettres de François II).

Quelle était la dotation de chaque chaire de la Faculté ? Je n'ai pu le découvrir. Il est à présumer que les médecins jouissaient, comme les autres professeurs, des rentes que le duc avait constituées à l'Université (Arch. de la Loire-Inférieure, série Q, Déclaration de 1790).

Sous le règne de Charles VIII, il y a de l'apparence que les études étaient en bonne voie, puisque le Roi accorda aux médecins la permission de prendre « des cadavres de gens exécutez à mort ou noyez pour fere anatomie » (Procès-verbal de 1669. - Arch. du Tribunal de Nantes).

L'Université n'avait pas attendu cette année 1493 pour reconnaître l'utilité des dissections ; on voit dans les statuts rédigés en 1461, que deux maîtres de la Faculté étaient chargés de procurer des cadavres aux professeurs pour leurs démonstrations anatomiques [Note : Insuper eligentur duo magistri vel licentiati qui.... procurabunt habere corpus humanum mortuum pro anatomia dum oportunitas aderit. (Statuts de la Faculté de médecine, XIII)] ; ces deux documents sont à noter, pour prouver que le médecin du XVème siècle n'était pas exclusivement un homme de spéculation pure, comme l'ont pensé plusieurs auteurs.

Sur le point capital du programme des études, adopté par les professeurs, les statuts de la Faculté sont très laconiques ; en revanche ils renferment des détails nombreux sur le cérémonial de la promotion au doctorat. Les questions de forme et d'appareil, on le sait, primaient souvent toutes les autres chez nos aïeux, et ici encore leur préférence s'est bien accusée, surtout dans le chapitre XII que je vais traduire :

« Le maître chargé de conférer les insignes du doctorat et le titre de régent fera l'éloge de la médecine et de la maîtrise. Il donnera au candidat le bonnet rond, le baiser, le livre et les autres objets en lui disant : Je te fais maître-docteur en médecine de par l'autorité apostolique qui m'a été conférée et je te donne le bonnet qui est l'insigne du docteur, afin qu'en vertu de cette collation de grade, tu puisses lire, discuter, interpréter, agir et remplir enfin tous les devoirs de docteur. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

Ceci dit, le nouveau professeur fera à son tour l'éloge de la science ; il commencera à lire et discutera avec l'un des docteurs ou des licenciés présents. Puis les bedeaux annonceront les jours et heures de ses leçons ; ils inviteront les assistants à se rendre au dîner du récipiendaire et celui-ci remerciera. Enfin, le recteur, les maîtres, les étudiants et l'assistance accompagneront le nouveau docteur à la cathédrale » (Livre des statuts de l'Université).

Toutes les réceptions des Facultés se terminaient de cette manière. Le cortège se mettait au pas de procession sur deux rangs et se rendait à l'église pour y entendre une messe d'actions de grâces, suivant l'usage adopté autrefois par les corps constitués.

Avant d'arriver à la dignité suprême de docteur, il y avait bien des épreuves à subir, même à l'origine. L'aspirant au baccalauréat n'était pas admis à l'examen, s'il n'apportait l'attestation de son assiduité aux cours de l'Université pendant trois années. Celui qui était maître ès arts n'avait que deux années de cours à suivre. Pour étre admissible à la licence, il fallait certifier qu'on avait fait deux années d'études depuis son baccalauréat, qu'on avait visité des malades en compagnie d'un médecin de la Faculté, enfin qu'on avait lu les traités d'Hippocrate, de Galien, de Joannicius et d'Isaac [Note : Libri de quibus sint : Joannicius, aphorismi Hippocratis, libri prognosticorum Hippocratis, de regimento acutorum ejusdem, techni Galeni, de morbo et accidente, de differentiis febrium, de crisi et criticis diebus, de simplicibus medecinis, de complectionibus, de juvamentis membrorum, de interioribus, de regimine sanitatis, de virtutibus naturalibus, de febribus Isaac, de dietis, de ulceribus, de particularibus ejusdem. (Statuts de la Faculté, cap. VI)].

La thèse qui conduisait au grade de docteur était la dernière épreuve, quand le récipiendaire voulait embrasser la carrière de médecin ; mais celui qui aspirait à exercer les fonctions de régent, devait subir une nouvelle épreuve publique, nommée dans la langue des écoles, une résumpte, parce que l'orateur y dissertait en résumé sur toutes les parties de l'enseignement.

Je suis obligé de franchir bout le XVIème siècle sans rencontrer le moindre document sur la Facilité de médecine de Nantes, et quand elle réapparaît dans l'histoire, je la trouve en décadence [Note : En 1554, la Faculté de médecine était représentée par le docteur François Ménardeau. (Déclarations de bénéfices de 1554, Ach. dép., B)]. L'Université ayant décidé l'impression de ses statuts, jugea bon d'en envoyer, en 1653, un exemplaire au Parlement, pour en solliciter l'enregistrement. La Cour accéda à la requête, non toutefois sans stipuler « que les lectures se feraient en l'Université et autres exercices dignes de vraie Université » [Note : Reg. du Parlement de 1653. (Greffe de la Cour)].

La fondation du duc François II était alors, sinon renversée, du moins dans un état de langueur tel, qu'on ne la jugeait plus digne de son nom. Après les troubles de la Ligue, les Facultés de droit obtinrent du pouvoir royal quelques émoluments, mais la Faculté de médecine ne reçut jamais aucune compensation pour ce qu'elle avait perdu. Les professeurs, ne pouvant pas donner gratuitement leurs leçons, prélevèrent leurs honoraires sur leurs élèves, en établissant des taxes onéreuses de diplôme et d'examen, dont le total dépassait le tarif réglementaire. Il résulte d'un titre authentique que, pour conquérir tous ses grades à Nantes, il en coûtait deux mille livres, sans parler des frais de repas, qui étaient toujours à la charge de tout récipiendaire.

Si les chaires avaient été mises au concours, on aurait sans doute vu régner plus d'activité au sein de la Faculté ; mais les difficultés que rencontraient les aspirants à l'agrégation n'étaient pas de nature à faciliter le recrutement du personnel. Aux termes des lettres ducales, les docteurs des Universités fameuses n'avaient qu'à produire leurs titres pour être incorporés à l'Université de Nantes ou pour exercer la médecine. Tout au plus leur faisait-on subir une épreuve publique au XVIème siècle. Il en fut bien autrement dans le siècle suivant : un statut, arrêté le 19 novembre 1653, porte qu'aucun médecin étranger, soit licencié, soit docteur, ne pourra être admis dans la Faculté de médecine, sans conquérir de nouveau tous ses grades et subir les épreuves d'usage. La Faculté justifia plus tard cette décision en disant que les diplômes étaient alors délivrés avec trop de complaisance dans certaines académies [Note : Mémoires des docteurs Blin et Laënnec, 1783. (Bibl. de Nantes, 7615)]. Un arrêt du Parlement du 9 novembre 1668 confirma cette mesure rigoureuse, sans même adopter d'exception pour les docteurs de Paris et de Montpellier [Note : Reg. du Parlement. (Arch. de la Cour de Rennes)]. « Il n'est pas juste, disaient encore les médecins de Nantes, que les sujets refluant continuellement des autres écoles puissent, prendre rang et s'asseoir au milieu des membres qui ne les ont pas créés ». Chacun chez soi, tel était l'esprit exclusif qui dominait alors et qui persista au sein de l'Université nantaise.

La Faculté tenait à se faire une réputation d'intégrité et de ponctualité ; aussi, quand le Roi envoya un commissaire enquêteur, en 1669, pour s'informer de l'état des études, elle s'empressa de faire constater qu'elle veillait scrupuleusement à l'application des règlements et des ordonnances. Voici dans quels termes elle fit son panégyrique :

« Nous ont aussi lesdits docteurs de la Faculté de médecine dit que le nombre des docteurs de ladite Faculté n'est point limité et qu'il en est reçu autant qu'il s'en présente de capables. Ils sont à présent au nombre d'onze qui s'appellent tous docteurs régents, après avoir fait tous les actes requis avant et après le doctorat, conformément aux ordonnances royaux et à leurs statuts... Ils font des leçons publiques de quelques traitez particuliers de médecine par députation de la Faculté, ne reçoivent aucuns gages, ni esmoluments du Roy ou d'autre part, n'y ayant aucun fonds pour ce subject, mais seullemant s'en acquiter pour l'honneur de la profession. Les R. P. Carmes leur prestent pour fere leurs leçons et actes, une salle,  n'ayant aucune escolle en propre ».

« Nous ont en outre déclaré qu'ils ont été si exacts observateurs des ordonnances royaux et de leurs statuts qu'ils n'ont jamais reçeu aucun docteur per saltum ou extra muros, ainsi se fait abusivement en plusieurs » autres Universités ».

« Nous ont aussi apparu le nombre de 24 minutes de lettres de bacheliers, licenciez et docteurs de ladite Faculté de médecine, depuis l'an 1571 jusqu'en 1643. De plus, nous ont représenté le nombre de 32 thèses imprimées soustenues, par différants particuliers » [Note : Procès-verbal de 1669. (Arch. du Tribunal de Nantes)].

Au risque d'encourir le reproche d'être trop sévère, la Faculté de médecine de Nantes, quelques années plus tard, augmenta la durée des études pour les aspirants au baccalauréat. En vertu d'un nouveau statut [Note : Livre des statuts de l'Université (cabinet Thibeaud-Nicollière). Cet exemplaire est le seul qui contienne les statuts supplémentaires du XVIIème siècle], adopté le 6 novembre 1683 et homologué au Parlement le 1er décembre suivant, les aspirants à ce degré devaient produire un diplôme de maître ès arts, un certificat de catholicité, de bonnes vie et mœurs et attester qu'ils avaient étudié à Nantes, ou dans une Université fameuse, pendant quatre ans. On faisait grâce d'une année aux fils de docteurs.

Les leçons publiques dont il est fait mention dans le procès-verbal de 1669 devinrent de plus en plus rares à la fin du règne de Louis XIV, et sous Louis XV elles cessèrent presque complètement. Pour sauver les apparences, la Faculté conservait une salle d'études, elle affichait, une fois l'an, au coin des rues, un tableau de ses exercices, et les professeurs continuaient de porter le titre de docteur régent [Note : Voir le Mémoire Blin et Laënnec de 1783 et la réponse ut supra]. Au lieu de faire un cours devant quelques rares auditeurs, les régents préféraient emmener les élèves dans leurs visites à l'Hôtel-Dieu ou en ville, et les dirigeaient ainsi dans la pratique de la médecine. Leur but était, non pas de suppléer aux cours, mais seulement d'aider les élèves dans leur instruction médicale, et surtout d'apprécier leur talent : l'école de Nantes était une école pratique. Avant de se faire porter sur ses registres, les étudiants étaient obligés d'aller suivre les cours d'une Faculté en plein exercice et, à leur retour, il leur fallait prouver qu'ils n'avaient pas pris leurs inscriptions dans des lieux différents, ni conquis leurs grades per saltum, c'est-à-dire sans les intervalles réglementaires. Des abus criants s'étaient introduits sous Louis XIV dans les meilleures Universités. Les examinateurs étaient si peu rigoureux qu'ils délivraient le bonnet de docteur à des jeunes gens de 16 et 17 ans, aussi les étudiants s'en faisaient-ils un jeu et passaient-ils leur jeunesse à courir de ville en ville. On distinguait déjà, à cette époque, deux classes de médecins : ceux qui n'avaient pas la prétention d'exercer à la ville pouvaient en trente mois obtenir un diplôme sur lequel ils étaient qualifiés médecins extra muros ou hors murs, et, moyennant ce brevet de facile conquête, ils avaient droit de vie et de mort sur tous les gens des campagnes.

Louis XIV essaya de combattre le relâchement des études par un édit du mois de mars 1707, en forme de règlement, qui contient les plus sages prescriptions. L'art. XI dispose que les Facultés dont les ressources ne suffisent pas à l'entretien des professeurs s'assembleront pour aviser aux moyens qu'ils estimeront les plus convenables et enverront leur délibération au chancelier, pour y être pourvu. La Faculté de Nantes, qui n'avait pas un sou, s'empressa de réclamer et adressa des remontrances qui ne furent jamais exaucées. Les articles essentiels de l'édit ordonnent les examens de la manière suivante :

Art. IX. — Nul ne pourra être admis à aucun degré èsdites Facultés s'il n'a étudié trois ans entiers et si, pendant ledit temps, il n'a assisté assidûment aux leçons et écrit ce qui aura été dicté par les professeurs.

Art. X. — Ceux qui étudieront à l'avenir dans les Facultés de médecine seront tenus de s'inscrire de leur main, quatre fois par an, dans deux registres qui seront tenus pour cet effet.

Art. XIV. — Ceux qui voudront prendre des degrés, seront tenus de subir, à la fin de chacune des trois années d'étude, un examen de deux heures au moins, et, dans le troisième desdits examens, ils répondront sur toutes les leçons qu'ils auront prises pendant le cours entier de leurs études, et, s'ils sont trouvés capables dans lesdits trois examens, ils soutiendront publiquement un acte, pendant trois heures au moins, après lequel ils seront reçus bacheliers. Voulons que, trois mois après, ils subissent un dernier examen sur la matière médicinale, après lequel ils soutiendront un second acte public pendant quatre heures au moins, pour être admis ensuite au degré de licencié.... outre lesquels actes, ceux qui voudront être reçus docteurs seront obligés d'en soutenir un troisième pendant cinq heures au moins, sur toute la partie de la médecine, lequel acte ils pourront soutenir dès qu'ils seront reçus licenciés, sans être tenus d'observer aucun interstice, à moins qu'il n'y en ait d'établi entre lesdits degrés par les statuts des Facultés où ils se feront recevoir docteurs.

Art. XV. — N'entendons déroger aux usages des Facultés où les aspirants aux degrés sont tenus de subir un plus grand nombre d'examens ou autres actes probatoires (Recueil des anciennes lois françaises, Jourdans, vol. XX).

L'ordonnance royale n'eut pas les effets qu'on en attendait. Si elle suspendit un moment le cours des abus, la trève ne fut pas longue et les Universités revinrent bientôt à leurs anciennes habitudes de tolérance. Sous Louis XV, la faculté de Montpellier, dont pourtant la réputation était européenne, conférait ses grades et procédait aux admissions sans aucun souci des règlements. Plusieurs docteurs de Nantes, sortis de l'école de Montpellier, assurent dans un mémoire que, pendant leur séjour en cette Faculté, « ils n'avaient pas vu refuser un seul candidat parmi les milliers qui se présentaient chaque année » (Mémoire Blin et Laënnec déjà cité).

Malgré ce pernicieux exemple, la Faculté de médecine de Nantes ne consentit jamais à se relâcher de sa rigueur, et, profitant du bénéfice de l'article XV de l'édit, qui laissait aux Universités sévères la liberté de garder leurs règles, à l'imitation des Facultés de Paris et d'Angers, elle maintint, la durée de stage qu'elle avait adoptée en 1653 et en 1668 [Note : Mémoire de 1764. (Arch. de la Loire-Inférieure, série D)].

Son attitude inflexible lui causa bien des désagréments et l'entraîna dans des luttes d'où elle ne sortit pas toujours avec honneur. Elle persistait à ne pas enregistrer les titres pris en dehors d'elle, et assujettissait les aspirants à l'agrégation, comme les autres, à recommencer leurs épreuves, quelles que fussent leurs lettres de recommandation ; elle ne se montrait bienveillante que pour les Nantais. Cette conduite lui valait des critiques amères comme celle-ci :

« La Faculté de médecine n'a point d'école ouverte ; les docteurs médecins donnent leurs soins à faire subir de nouveaux examens à ceux qui sont reçus dans les Universités étrangères, avant de leur permettre d'exercer à Nantes, et la meilleure réponse du candidat est de payer les droits [Note : Correspondance du subdélégué, 1777 (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 87) La Faculté ne comptait alors qu'un élève].

Sa partialité envers les étrangers était, trop évidente pour qu'elle ne lui suscitât pas des ennemis obstinés. Un docteur du nom de Bernard, qui a laissé une certaine réputation de science dans les annales de l'Université de Douai, fut un candidat éconduit de l'Université de Nantes. Comme il avait des amis puissants, il obtint, en 1740, contre ce corps trop exclusif, un arrêt du Conseil du Roi qui lui défendait d'exiger des docteurs aspirant à l'agrégation d'autres épreuves qu'un acte de quatre heures, et d'autres taxes que celle de 150 livres. La Faculté de médecine fut encore plus habile que lui, car elle trouva moyen d'éluder cet arrêt tant qu'elle vécut (Mémoire des docteurs Blin et Laënnec, ut supra). Voici, d'après une lettre du sous-doyen Bonamy, la série d'épreuves par lesquelles devait passer tout aspirant aux degrés dans la Faculté de médecine de Nantes, à la fin du XVIIIème siècle :

Pour parvenir à ces degrés, l'usage est que les aspirants commencent par étudier une année, puis ils présentent une requête qui doit être latine. Si l'aspirant est en règle, on lui donne toujours environ un mois après pour subir son premier examen particulier appelé tentative, qui roule sur tous les principes de la médecine, la physiologie et la pathologie.

Quelques jours après cet examen, l'aspirant se présente à la Faculté pour demander la question pour sa thèse au baccalauréat. La Faculté lui nomme un président et lui assigne le jour auquel il doit soutenir.

Cet acte fait, l'aspirant doit garder un interstice de deux ans avant de faire sa licence, et, dans cet intervalle, il doit faire un autre acte public, qui est la quodlibétaire, et subir un examen particulier qui est le point rigoureux.

La quodlibétaire est un examen public sur toute la médecine pratique par quid est ? quotuplex, etc.

Lorsque le bachelier a intention de faire son point rigoureux, ce qu'il fait ordinairement quatre ou cinq mois avant le terme de deux ans d'interstice, il se présente dans la Faculté, assemblée ad hoc chez le doyen, et tire deux points, l'un dans Avicenne et l'autre dans les aphorismes d'Hippocrate et est obligé de rendre ces deux points en vingt-quatre heures.

Environ trois mois avant que les deux ans d'interstice soient expirés, il se présente à la Faculté pour demander la question pour sa thèse de licence. La Faculté lui nomme son président, lui assigne la question qui est toujours de pratique et le jour qu'il doit faire son acte de licence. L'aspirant étant reçu licencié n'a plus d'acte à faire, ni d'examen à subir, le doctorat étant une pure cérémonie que se fait à la diligence du licencié. il se présente au corps de l'Université pour demander jour pour son doctorat.

Pour cette cérémonie le président assis à la droite de l'Université assemblée, prononce d'abord un discours à la louange de la médecine, ensuite, observant les cérémonies prescrites par les statuts, donne le bonnet de docteur au licencié, lequel, assis à la droite du président, prononce un discours. Ensuite un docteur de la Faculté discute une question problématique seu in utramque partem. Après quoi le nouveau docteur remercie en faisant un compliment au recteur, au juge conservateur, à son président et à chacune des Facultés. Deux ou trois jours après, le nouveau docteur fait en public sa resumpte ou acte de régence  » [Note : Lettre du sous-doyen Bonamy à un aspirant, 1781. (Arch. dép., D)].

Quiconque prétendait, échapper à l'une de ces formalités n'avait qu'une resource : c'était d'invoquer l'intervention des juges ; alors il soulevait de longs conflits qui mettaient aux prises les plus graves jurisconsultes. Ainsi, quand le sieur Merlet, docteur de Montpellier, voulut s'établir à Nantes, le juge prévôt de la ville lui donna une licence de guérir, pourvu qu'il subit un examen général et une thèse publique. La Faculté, irritée de tant de complaisance, en appela au Parlement qui ordonna l'application du statut de 1653. Quelquefois la Cour s'emparait du différend et désignait des experts spéciaux. Lorsque, par exemple, le docteur Bertrand de Cousaiges (Noël du Fail, Arrêts, liv. I, chap. LXVII), auquel l'Université de Nantes refusait l'incorporation, porta plainte à Rennes, le Parlement, ordonna que le docteur afficherait sa thèse aux lieux publics de la ville de Rennes, et qu'il discuterait avec tous les contradicteurs, quels qu'ils fussent, en présence d'un docteur fameux, pris en dehors de la Faculté de Nantes.

Le plus célèbre procès que les docteurs nantais aient eu à soutenir est celui que leur intentèrent, en 1783, les docteurs Blin et Laënnec. Ces deux candidats, pourvus de titres qu'ils rapportaient de Montpellier, espéraient, après un certain stage à Nantes, obtenir facilement l'agrégation et gagner même un tour de faveur sur certains rivaux moins méritants qu'eux, jugeaient-ils. Leur impatience ne sut se contenir, quand, au jour de l'épreuve, ils se virent ajournés, et leur mécontentement s'exhala en récriminations qui nous sont parvenues imprimées dans un métitoire violent, mais intéressant pour nous, qui, privés de documents, cherchons partout les moyens de recomposer le passé d'une institution éteinte. Cette pièce est accompagnée de la réponse (Bibliothèque de Nantes, 7615 et 7616). Les deux adversaires de la faculté, pour se défendre, ont été obligés de citer une foule de faits instructifs, dont nous avons tiré profit pour cette étude. Ainsi nous apprenons, dans ce procès, que deux professeurs faisaient des leçons en 1783, l'un sur la botanique [Note : Par ordonnance de 1726, les capitaines des vaisseaux qui revenaient à Nantes étaient obligés d'apporter de l'étranger, surtout d'Amérique, toutes espèces de plantes pour le jardin des plantes médicinales établi à Nantes. Le docteur régent chargé du cours n'avait pas de traitement ; cependant beaucoup de chaires analogues étaient dotées ailleurs. (Mémoire de 1764, Arch. de la Loire-Inférieure, série D)], l'autre sur la chimie et les maladies des gens de mer. Le mémoire de la Faculté se plaint amèrement de la concurrence constante du charlatanisme : « Le charlatanisme a régné à Nantes de tout temps, dit l'acte, avec impunité, malgré les arrêts de la Cour et les réclamations du corps des médecins. Il suffit de se dire médecin pour qu'on le croie. On voit abonder chaque jour à Nantes des gens de toute espèce, gens à brevets, gens sans brevets, médecins aux eaux, médecins aux yeux, soufferts, employés, volant, empoisonnant avec la plus grande et la plus honteuse tolérance ».

Les empiriques n'étaient pas les seuls rivaux désagréables à la Faculté ; les chirurgiens, dont la situation officielle était parfaitement établie, jouissaient à son détriment d'une grande considération. Ceux-ci avaient su gagner, par leur dévouement en temps d'épidémie et leur assiduité au service des hôpitaux, toutes les préférences du pouvoir. Sous l'influence de ces circonstances, l'ambition s'était glissée parmi les maîtres chirurgiens et l'orgueil en avait fait des gens importants. Ils voulaient eux aussi garder, soigneusement l'entrée de leur corporation contre l'invasion de gens de peu de naissance et n'ouvrir leurs rangs qu'aux candidats riches et longuement éprouvés [Note : Délibérations de 1752 et 1755. (Arch. des hospices, E)]. Des statuts autorisaient la corporation à exiger six années d'études, et l'ensemble des taxes qu'elle percevait sur les aspirants s'élevait à 3,000 livres. Aussi intolérante pour ses propres membres que la Faculté était exclusive, elle ne voulait pas que les maîtres chirurgiens attachés au service de l'Hôtel-Dieu fissent des démonstrations, sous prétexte que leurs leçons portaient atteinte au monopole de la corporation. Telles étaient les mesquineries auxquelles on était descendu, en exagérant l'esprit de corps pourtant si estimable quand il reste généreux et bienveillant. En voyant ces luttes intestines aussi préjudiciables au progrès de l'industrie qu'à l'avancement des études, on pressent que toutes ces petites républiques jalouses et processives courent au devant de leur ruine et que le moment approche où le vœu de la Nation voudra remplacer ces Universités chancelantes par une institution unique, mue par un esprit large, dont le rayonnement s'étendra sur toute la surface de la France.

Voici ce que le dernier recteur de l'Université dit des médecins quand la Nation lui demanda son rapport :

« La faculté de médecine tient habituellement ses séances chez son doyen ; pendant quelques années elle a cependant occupé une chambre chez les Carmes, à qui elle payait une somme annuelle de trente-six livres ; elle n'a aucune dotation particulière, elle donne cependant de temps immémorial un professeur de botanique au jardin des apothicaires, des médecins aux hôpitaux et prisons, des professeurs spéciaux à ses élèves quand l'occasion s'en présente ; elle a depuis 1780 un professeur spécial pour les maladies des gens de mer. Ses médecins des hôpitaux reçoivent une très modique rétribution. Ses professeurs n'ont rien, pas même celui de botanique, qui est astreint à beaucoup de dépenses » [Note : Déclaration de 1792. (Arch. dép., Q)].

On voit que si cette Faculté n'a pas laissé de traces bien profondes dans l'histoire de l'enseignement, elle n'a pas non plus à se reprocher d'avoir imposé de lourdes charges aux finances de la ville, de la province ou du royaume. 

(L. Maître).

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