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LES ANCIENS FIEFS DE NANTES DU Xème SIÈCLE A LA RÉVOLUTION

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Fiefs de la vieille Ville : le fief de l'Evêque, le fief au Duc et leurs démembrements.

L'origine des fiefs de la ville de Nantes remonte à la première moitié du Xème siècle. La délimitation en a été tracée par l'épée d'Alain Barbe-Torte, au lendemain des victoires par lesquelles il eut le bonheur d'expulser les Normands de notre pays.

« Alain, dit notre vieille Chronique nantaise, divisa la ville en trois parties. Celle des évêques, terminée par le mur même de la cité, allait du nord jusqu'à la Porte Charrière [Note : Et simili modo ipsam urbem in tres partes distribuit. De quibus pars Episcoporum in ipso muro civitatis ab Aquilone terminabatur usque ad portam Charariam et prata fontis B. M. ; reliquas duas partes, militibus suis distribuit. (Dom Morice, Pr. I. 146)] et aux prairies de la fontaine de la Bienheureuse Marie. Quant aux deux autres parties, il les distribua à ses compagnons d'armes ».

Le texte de la Chronique de Saint-Brieuc est sur ce point plus détaillé et plus clair « Alain, dit cette chronique, divisa toute la ville en trois parties. Celle des évêques est, comme il le paraît assez clairement, terminée au nord par le mur même de la cité. A partir du chanceau de Notre-Dame elle descend par une petite rue jusqu'à la porte Charrière, qui se trouve au midi, la seconde après la poterne de l'Évêque » [Note : Simili modo ipsam urbem quam Episcopi a pristinis temporibus in proprietate sua tenuerant, totam in tres pattes distribuit. De quibus pars Episcoporum usque in ipso muro civitatis satis evidenter ab Aquilone terminata apparet, et juxta sanctœ Mariœ Cancellam per quemdam viculum descendit usque ad portam Carariam quæ post porticulam episcopalem secunda ad austrum habetur. (D. Morice, Pr. I. 28)].

La Chronique de Saint-Brieuc paraît avoir reproduit ici d'une manière plus complète et plus fidèle le texte primitif de la Chronique Nantaise dont l'original est malheureusement perdu. C'est donc à son texte que, dans cette circonstance du moins, nous donnerons la préférence sur le texte de la Chronique Nantaise tel qu'il a été publié par Dom Morice d'après un manuscrit suivi par le Baud et qui nous semble avoir été imparfait.

La cité dont il est ici question est évidemment la très ancienne cité nantaise, telle qu'elle existait au temps d'Alain, avant les agrandissements qui, au XIIIème siècle, reculèrent sa limite jusqu'à l'Erdre et jusqu'au delà de l'église Saint-Nicolas. Terminée à l'est par ce qui forme aujourd'hui le Cours Saint-Pierre et une partie du Cours Saint-André, elle l'était au nord par une ligne qui venait couper sa limite orientale dans la direction marquée actuellement par la rue Garde-Dieu. A l'ouest, les remparts de la ville suivaient assez exactement la direction des rues Saint-Léonard, des Carmes et de la Poissonnerie jusqu'au Bouffay. A partir du Bouffay, ils se dirigeaient parallèlement à la Loire, et à une petite distance du fleuve, vers l'église des Jacobins, et de là jusqu'à leur point d'intersection avec la limite orientale, point situé dans ce qui est aujourd'hui le Château.

On se fera une idée plus exacte encore de la limite de l'ancienne ville de Nantes si, au nord, à l'ouest et au midi, on tient compte de la profondeur des maisons qui bordent du côté de l'extérieur de la ville les rues que nous venons d'énumérer. Quand les fortifications de la vieille cité eurent été pour ainsi dire déclassées, des maisons vinrent sur tout leur parcours s'accoler à cette enceinte désormais inutile. Le rempart situé à l'est, étant toujours resté en activité de défense, fut le seul sur lequel on ne laissa aucune construction s'appuyer.

C’est donc dans cette étroite enceinte, noyau de notre grande ville, que nous rechercherons la délimitation des fiefs, telle qu'elle a été faite par Alain.

Nous ferons d'abord observer que nos deux chroniques ne nous donnent qu'une ligne pour limite de ces fiefs. Elles supposent évidemment qu'il est inutile d'indiquer leurs autres limites. Il s'agit seulement de la division de la ville : c'est avec les murs mêmes de la ville que les autres limites de ces fiefs doivent se confondre. Cette simple considération eût empêché Ogée de songer à placer la porte Charrière en Saint-Nicolas.

Où se trouvait cette ligne ? Son point de départ nous est clairement indiqué. Après nous avoir dit que le fief épiscopal était limité au nord par le mur même de la ville, la Chronique de Saint-Brieuc nous donne pour premier point de repaire le chanceau de Notre-Dame : juxta sanctæ Mariæ Cancellam. Or le Chanceau est la même chose que le chœur de l'église. Cancellus signifie à proprement parler la grille, la partie grillée, réservée, de l'église, celle qui renferme les stalles et le maître-autel.

La situation de l'ancienne Collégiale est bien connue ; nous placerons donc notre premier jalon près du chœur de l'antique église, reconstruite par la piété d'Alain.

Ce point initial fixé, recourons aux indications de notre texte. La limite du fief épiscopal descend, dit-il, par une petite rue jusqu'à la porte Charrière. Cette expression descend mérite tout particulièrement d'être signalée. Notre auteur après avoir fait connaître au nord la limite de ce fief, nous dit, que sur un autre côté, elle descend jusqu'à un point situé au sud, en suivant une petite rue qui alors n'avait pas de nom. Ce nom, il est facile de le lui donner. C'est la rue Saint-Denis, qui part, dans la direction du sud, de la place Dumoutier autrefois place de Notre-Dame.

Arrivés à l'extrémité de cette rue, à la librairie Mazeau, où chercherons-nous notre porte Charrière ? Travers tournant à gauche semble l'avoir placée au fond de l'impasse Saint-Laurent. « La porte Charrière, dit-il, était entre le château d'aujourd'hui et la tour du Mûrier » [Note : Travers, Histoire de Nantes, I. 157. Dans un autre passage de son histoire notre auteur assigne à cette porte la même position. « Antérieurement aux ouvrages de Gui de Thouars, dit-il, une porte de ville qu'on appelait la porte Charrière, ouvrait au bout du jardin de la maison de la Trésorerie, et, par une rue ouverte au travers de la maison de l'archidiacre de la Mée, conduisait directement à la rue Notre-Dame. Le comte Gui la fit fermer, ainsi que l'autre porte par laquelle on sortait sur la Motte Saint-André, près de l'Eperon, et, à la place des deux portes il fit ouvrir la porte de Saint-Pierre (Episemasie de Biré publiée en 1637, p. 80). L'ancienne porte Charrière se découvrit en 1597, lorsque le duc de Mercœur pour ouvrir la ville du côté de l'évêché, fit faire un dehors à la ville ou un bastion sur la Motte Saint-Pierre. » Trav., I, 303.— L'existence d'une vieille porte de ville sur ce point est incontestable : mais Travers a tort de l'identifier avec la porte Charrière, placée non pas à l'est, mais au midi]. Ogée tournant à droite est allé la chercher au delà même de l'Erdre : d'après lui, les Regaires donnés à l'évêque par Alain s'étendaient « depuis le mur qui était du côté du nord jusqu'à la porte Charrière aujourd'hui Saint-Nicolas » (Ogée, Dictionnaire, t. II, p. 96) . Elle est à l'est, dit Travers, elle est à l'ouest, dit Ogée : en fait d'opinion en voilà deux qu'on peut bien appeler diamétralement opposées. La vérité n'est pourtant pas à ces extrémités lointaines. Notre porte Charrière a un point de commun avec la vertu. Comme le dit Alceste, « La parfaite vertu fuit toute extrémité ».

« In medio stat », elle se tient au milieu : mais nous n'y sommes point encore arrivés, du moins à notre porte, sinon à la vertu.

Le texte que nous suivons de près ne nous permet aucun écart, ni à droite, ni à gauche ; la rue qui limite le fief épiscopal descend au midi. A moins de placer la porte Charrière à l'extrémité de la rue Saint-Denis, hypothèse insoutenable, nous n'avons qu'une direction à prendre celle de la rue des Carmélites, autrefois appelée rue Saint-Gildas. Nous ne nous arrêterons même pas à l'extrémité de la rue. Nous avons fait si peu de chemin que nous n'avons nul besoin de nous asseoir sur les bancs qui, sur un rudiment de place, sollicitent la paresse des passants. Dallieurs, la chapelle des Jacobins est si près ! Qui sait si de l'autre côté de la chapelle nous ne rencontrerons pas du moins un soupçon de cette introuvable porte dont la recherche a divisé et séparé, de toute la longueur de la ville, géographes et historiens nantais.

Si cette fois nous ne rencontrons pas la porte Charrière, il nous faudra définitivement renoncer à la chercher. Elle perçait l'enceinte nantaise du temps d'Alain. Or l'enceinte de Nantes déplacée, au midi, comme à l'occident et au nord, a été reportée dans la suite plus près de la Loire : et nous imiterions l'inconséquence d'Ogée, en cherchant, une porte qui existait dès le Xème siècle, dans un rempart qui ne fut élevé qu'au XIIème siècle.

C'est donc tout près de l'église des Jacobins que nous croyons pouvoir fixer la porte Charrière de nos vieilles chroniques. Qu'on ne nous reproche pas de faire une trouée dans l'enceinte de la ville pour le besoin de notre cause. L'existence d'une porte en cet endroit nous est déjà indiquée par la direction de la rue que nous avons suivie. Il semble que, en voirie, on peut admettre à priori que tout chemin, toute rue conduit à une issue, à une porte ; les impasses ne sont que des exceptions explicables par des faits particuliers.

Nous ne nous arrêterons pas à développer cette considération générale; car, au XIVème siècle, nous avons plusieurs textes qui mentionnent positivement l'existence, sur ce point, d'une porte différente de la porte Brient-Maillard : la porte appelée alors la Porte Drouin-Lillart. En 1357, Charles de Blois amortit en faveur des Dominicains une vieille maison et érau, « près et joignant dou lieu doudit couvent siz entre le chemin qui maine de la porte Drouin Lillard à l'aive d'une part, et l'érau où fut jadis la Vieille Monnoie d'autre ».

Or la Vieille Monnaie se trouvait entre les deux enceintes de la ville, l'enceinte primitive, et la nouvelle. Cette position lui est assignée par un acte de 1365 concernant l'agrandissement du couvent des Jacobins. Dans cet acte, le duc Jean IV donne aux religieux une place « où souloit estre la Monoie, joignant d'une part à un courtil desdits frères, qui est entre ladite place et la rue qui vet à la Porte Drouin Hillart et la maison Maceet Bitaut dit Paleffroiz et les degrez par où l'en monte sur le mur de la ville, jouste et auprès de la porte Briant Maillart devers Loire, d'autre ; et entre ledit mur d'une part et les anciens murs de la ville jouste lesquels à présent est la novelle aumonerie ou ospital assise, de l'autre » (Archives départ. H. 299).

Ces textes établissent premièrement l'existence, au XIVème siècle, d'une double enceinte de la ville : le mur d'alors et les anciens murs entre lesquels se trouve la Monnaie : ils établissent aussi en second lieu l'existence, sur la Loire, de deux portes distinctes ; la porte Briant-Maillard et la porte Drouin-Hillard. Cette dernière ne faisait pas partie de la nouvelle enceinte ; car les biens accordés aux Dominicains se trouvaient sur le chemin qui conduit de la Porte Drouin-Lillart à la Loire. Nous croyons donc avoir des raisons de l'identifier avec la Porte Charrière où nous sommes arrivés en suivant la petite rue que nous avons descendue en quittant le chœur de l'église Notre-Dame.

Il est d'ailleurs à remarquer que les édifices religieux de Nantes se sont. élevés aux endroits les plus passants de la ville et principalement à ses portes. L'église de Sainte-Radegonde, celle de Saint-Laurent, celle de Saint-Saturnin, les couvents des Cordeliers et celui des Carmes remplissaient tous le rôle de Nisus au camp d'Enée. Ils gardaient les portes comme lui et en leur qualité d'immeubles, mieux que lui. « Nisus erat portæ custos ». En s'établissant, en 1228, près d'une des portes méridionales de Nantes les Jacobins ne faisaient que suivre un usage aussi facile à constater qu'à expliquer.

La limite assignée par Alain Barbe-Torte au fief de l'Evêque et à celui du Duc, descendait donc du chœur de l'église Notre-Dame jusqu'à la chapelle des Jacobins en suivant les rues actuelles de Saint-Denis, des Carmélites et de Jussieu ; et c'est à cette dernière extrémité qu'il faut fixer la porte Charrière placée par notre vieux chroniqueur, non pas à l'est comme l'a insinué Travers, non pas à l'ouest, comme l'a cru Ogée, mais ad austrum c'est-à-dire au midi, juxta Sanctæ Mariæ cancellam per quemdam viculum descendit usque ad portam Carrariam quæ... ad Austrum habetur.

***

Les déductions précédentes nous ont été suggérées par la simple étude de notre texte. Les faits postérieurs viennent jeter sur ce texte une clarté qui rend plus évidentes ces conclusions.

Remontons maintenant la rue que nous venons de descendre. Des données incontestables nous permettent de nous livrer à une sorte de contre-épreuve, d'où la vérité ressortira mieux que de tous les raisonnements.

Il suffit d'avoir ouvert une histoire de la ville de Nantes pour connaître l'existence, à l'intérieurde la ville, de deux fiefs importants : le fief épiscopal et le fief de la Prévôté, appelé aussi le gentil fief du duc, et même, par un pléonasme que nous avons rencontré parfois, le joly gentil fief du duc. Ce fief du duc est devenu, depuis la réunion de la Bretagne à la France, le fief du roi.

Les limites en sont tracées dans différentes déclarations des domaines qui vont de 1426 à 1678. Celle de 1678 les donne avec une précision qui ne laisse rien à désirer. Elle compte toutes les paroisses, toutes les rues, toutes les maisons qui en faisaient partie. Si nous ne craignions d'être trop long, il nous serait facile de compter le nombre de ces maisons, de mesurer le toisé de leur façade. Bornons-nous seulement à donner les conclusions auxquelles nous a amené un pointage minutieux sur chacune de ces rues et chacune de ces maisons.

En partant de la place des Jacobins, nous rencontrons sur notre gauche quatre îlots de maisons ; or tous les quatre font partie du fief de la Prévôté.

Le premier de ces îlots est celui dont quelques maisons donnent sur la place elle-même en face de la chapelle qui vient de disparaître. Il commence à la maison des sieurs de la Pinsonnière. C'est l'un d'eux, Jean Fournier, écuyer, qui par contrat du 9 novembre 1654 vendit pour 3000 livres aux Jacobins le fond dont ils firent cette place. En 1658, on la trouvait « fort grande, estant de plus de 50 pieds de largeur et de plus de 80 pieds de longueur ». Aujourd'hui que l'on fait plus grand, ces dimensions paraîtraient mesquines pour une place, et la place fort grande alors des Jacobins logerait à l'aise dans un des coins des places que nos contemporains savent tailler à leur ville dans l'intérêt de sa beauté et de sa salubrité.

En vendant une partie de son terrain, le sieur de la Pinsonnière en a gardé la plus grande : son logis avec toutes ses dépendances, situé sur le fief de la Prévôté, s'étend de la place des Jacobins jusqu'à la petite venelle aujourd'hui étranglée à son issue sur la rue Dubois ; et qui va de cette rue à celle du Port Brient-Maillard. Toutes les maisons qui suivent la sienne en descendant la rue appelée, depuis l'an VI, rue de Lemery et auparavant rue Basse-des-Jacobins, appartiennent également au fief de la Prévôté.

Sur la place des jacobins, toujours à gauche en remontant, donne un second îlot de maisons. Il commence au coin de la rue par la maison de l'abbaye de Villeneuve, occupée vers 1899 par la maison Haie. Elle s'est appelée la maison du Chesne-Briacé, puis maison de la Table-Ronde. Elle a appartenu à la dame de Vieillevigne, puis à madame la duchesse de Luxembourg qui, par contrat du 28 juin 1593, l'échangea avec R. P. en Dieu Antoine Bouguier, abbé de Villeneuve.

Elle relève aussi de la Prévôté ainsi que toutes les maisons qui s'échelonnent le long de la rue appelée autrefois rue Haute-des-Jacobins et, depuis l'an VI, rue de Jussieu en l'honneur du grand botaniste.

L'îlot s'étend jusqu'à la rue des Chapeliers appelée de ce nom en 1698, et auparavant rue du Lion-d'Argent, en souvenir de la maison du Lion d'argent qui la commençait du côté du  Pilori. Les maisons qui le composent appartiennent deux paroisses, celle de Sainte-Croix et, celle de Saint-Denis, mais sont toutes deux dans le même fief, celui de la Prévôté.

Suit un troisième îlot borné par la rue actuelle des Carmélites. Jusqu'au XVIIIème siècle, elle s'est appelée rue Saint-Gildas, de la chapelle Saint-Gildas qui se trouvait du côté opposé à la chapelle des Carmélites, un peu plus près de la Grande Rue. La Révolution laïcisa ce nom en celui de rue Maupertuys. Mais dès 1817 elle reparaît sous le nom qu'elle porte aujourd'hui.

Cet îlot s'étend jusqu'au Pilori. Presque toutes ses maisons appartiennent au fief de la Prévôté. Seules les quelques maisons qui lui forment lisière le long de la place du Pilori et quelques autres à leur suite dans la rue Basse-du-Château, relèvent du fief de la commanderie de Saint-Jean, fondée et dotée par les ducs de Bretagne.

Ce serait trop nous attarder que d'entrer saluer dans leur demeure les personnages illustres qui ont habité ces vieilles rues nantaises. Faisons cependant une exception en faveur d'une de nos gloires nantaises, d'une de nos gloires bretonnes, d'une de nos gloires françaises. C'est dans la rue où nous sommes, près de la chapelle Saint-Gildas, qu'habitait notre grand connétable : Olivier de Clisson.

Au sortir de la rue des Carmélites, nous tombons sur le carrefour appelé carrefour Saint-Denis, et pendant quelques temps, au commencement du XVIème siècle, carrefour Babouin, en souvenir sans doute des Babouin, seigneurs de l'Angle, en Saint-Etienne-de-Montluc.

En traversant rapidement le carrefour, nous reprenons la rue Saint-Denis qui nous conduit jusqu'à la place de Notre-Dame. L'îlot borné par cette rue, sur notre main gauche, appartient à deux fiefs. Jusqu'à l'église située vers le milieu de la rue, c'est le fief de la Prévôté : à partir de l'église commence le fief de Notre-Dame qui se continue jusqu'au carrefour Saint-Jean. Or le prieuré de Notre-Dame a été fondé sur le fier du duc, et les terres qui lui ont été données ne l'ont été que par leur concession.

Ainsi donc, de la place des Jacobins jusqu'à celle de Notre-Dame, tous les îlots de maisons situés du côté du Bouffay et limités par les rues que nous venons de suivre appartenaient soit au fief ducal, soit à des fiefs formés par suite de son démembrement.

Au contraire, tous les îlots de maisons situés de l'autre côté de cette rue, du côté de la cathédrale, relevaient soit du fief épiscopal, soit de fiefs formés sur celui de l'Evêque en faveur de son Chapitre ou des grands dignitaires de son église.

Une particularité du couvent des Jacobins nous permet d'y placer, avec autant de sûreté qu'au chanceau de Notre-Dame, un second jalon pour indiquer la direction et l'extrémité de la limite tracée par Alain entre le fief épiscopal et le fief au Duc.

Ce couvent avait été fondé primitivement et en entier dans la paroisse de Sainte-Radegonde et sous le fief de l'Evêque. Limité au sud par la Loire et à l'est par le Château, non seulement il dut renoncer à s'accroître de ces côtés, mais encore, lors de la construction des tours nouvelles du Château au XVème siècle, il dut laisser dans les douves dont on les entoura une partie de son cimetière et de son enclos.

Forcé de se rejeter sur un autre côté, il sortit de paroisse et aussi de fief, en s'étendant à l'ouest. C'est ainsi que Charles de Blois, Jean IV et la duchesse Anne cédèrent aux Jacobins les terrains situés sur leur fief et où se trouvaient autrefois la Vieille Monnoie et l'Hôpital. L'opposition que Guil. Larchier, recteur de Sainte-Croix, fit en 1499, à cet agrandissement, n'aurait eu aucune raison d'être, si les Jacobins eussent continué à se développer seulement dans la paroisse de Sainte-Radegonde. Le recteur de Sainte-Croix prenait les intérêts de son église, comme celui de Sainte-Radegonde avait pris ceux de la sienne dans l'arrangement final intervenu en 1258, avec Tiphaine de Rais, bienfaitrice des Jacobins.

Les religieux avaient donc pour ainsi dire un pied dans la paroisse de Sainte-Radegonde et dans le fief de l’Evêque, et l'autre dans la paroisse de Sainte-Croix et dans le fief de la Prévôté. Ils avaient affaire à deux seigneurs différents, et autrefois rendaient aveu pour une partie de leur enclos à l'évêque et pour l'autre au duc ou au roi.

Mais l'absorption dans leur enclos de la rue qui limitait primitivement les fiefs, finit par faire substituer une ligne fictive à une limite aussi évidente, aussi incontestable : et entre l'évêque et le roi s'élevèrent ces discussions si fréquentes entre deux voisins qui se touchent de trop près.

L'évêque, qui se rappelle que le couvent a été fondé dans la paroisse de Sainte-Radegonde, et par conséquent, dans son fief, réclame la mouvance du couvent, sans tenir assez compte de son développement sur la paroisse de Sainte-Croix.

« En prenant, dit-il, en 1681, devant l'église Sainte-Radegonde, dans la rue du Chasteau au Pillory depuis la maison apartenante à M. d'Harouis joignant les douves dudit chasteau et, l'église des religieux Jacobins jusques à la maison du sieur de la Pinsonnière qui fut à n. h. Vital de Contour, s. de Ternay, vivant trésorier et receveur général de Bretagne, et avant lui à n. h. François Ménardeau, sieur de la Mittrie et damoiselle Jeanne Bricaud, sa compagne, dont partye des cours logis et jardins derrière et touttes les petittes maisons au-dessus jusques au coing de la rue des Jacobins à Sainte-Croix qu'on appelloit la petitte ville, depuis quelque temps abattue pour faire le placistre quy est à présent devant l'église des Jacobins, sont déclarés par eux estre de la paroisse de Sainte-Radegonde et dans le proche fief dudit évesché (Archives départ. G. 7).

Mais les commissaires du roi se bornent à considérer que la maison principale des Jacobins, par suite de son déplacement, est actuellement en la paroisse de Sainte-Croix dans laquelle l'évêque n'a jamais eu le moindre fief. Par sentence du 23 avril 1682, ils tranchent la question à l'avantage de leur maître et déclarent que « l'Evêque ne pourra prétendre la mouvance des Jacobins et apartenances, ny la maison du sieur de la Pinsonnière ».

En ce qui concerne cette dernière maison leur sentence nous paraît juste ; en ce qui concerne le couvent des Jacobins, ils auraient pu se rappeler utilement l'exemple soit d'Alexandre, soit de Salomon. Pour trancher la difficulté avec le glaive de la justice nous aurions à leur place, séparé en deux l'enclos litigieux, adjugé une partie au roi, une partie à l'évêque et laissé le tout aux Jacobins. C'est dommage, dirait peut-être Garo à notre place, que nous ne soyons point entré à leur conseil : aujourd'hui nous venons bien tard pour éclairer leur religion.

Si, à l'intérieur du couvent des Jacobins, la disparition d'un bout de rue finit par créer la confusion des fiefs de l'Evêque et de la Prévôté ; à l'extérieur, la ligne de démarcation entre les deux fiefs fut toujours reconnue et respectée de part et d'autre. Aucun d'eux n'enjamba jamais les rues qu'Alain leur avait tracées pour limites.

En 1682, le Chapitre fait remarquer comme un fait naturel que « le fief et juridiction de la Prévôté autrefois appelé le gentil fief du due n'outrepassait dans l'enclos de ladite ville, comme il fait encore à présent, les rues Saint-Denis, Saint-Gildas et autres descendant direclement à la place qui est devant l'église des Jacobins dudit Nantes ; » et les Commissaires du roi qui revendiquaient pour la Prévôté la mouvance de quelques maisons prébendales situées au-delà de ces rues, dans le fief du Chapitre, durent renoncer à des prétentions élevées alors pour la première fois, et sur de mauvaises raisons.

Prenant les uns-après les autres, tous les îlots de maisons situés sur notre gauche en montant des Jacobins à la place Dumoutier, nous avons constaté qu'ils appartenaient tous au fief de la Prévôté. En suivant la même méthode pour les îlots situés à notre droite, nous constaterons avec autant de certitude qu'ils faisaient primitivement partie du fief épiscopal.

Nous avons déjà vu que le premier de ces îlots relevait de l'évêque. La déclaration citée plus haut le mentionne dans le même article que le couvent des Jacobins, auquel il était alors contigu. La rue de l'Union, qui sépare les débris de l'église des Jacobins de la maison de la Caisse d'épargne, n'existait autrefois qu'à l'état de venelle. En 1626, un portail en interdisait l'entrée au public. En 1668, lors de la reconstruction de ce portail, la ville reconnut les droits des Jacobins à la possession de cette venelle Ce ne fut qu'en 1733 que, à la suite d'une nouvelle discussion, elle tomba dans le domaine public (Archives départ. H. 306). Mais, en 1681 notre déclaration n'en tient aucun compte et termine cet îlot par la rue devant Sainte-Radegonde et qui va du Château au Pilori.

Le second îlot s'allonge depuis cette dernière jusqu'à la Haute-Grande-Rue ; il est partagé en deux fiefs : celui de l'Evêque et celui du Chapitre.

Le fief de l'Evêque remonte la rue Saint-Gildas ou des Carmélites, jusqu'au delà du couvent des religieuses. En voici le débornement :

« L'église parrochiale de Sainte-Radegonde située devant le chasteau de Nantes, son presbitaire et touttes les maisons courts et jardins qui sont dans ladite parroisse relèvent prochement dudit évesché, à commencer dans la rue quy dessend de Sainct-Pierre au chasteau, du costé de ladicte église de Saincte-Radegonde, par la maison qui appartient aujourd'huy au sieur Paulus et avant lui au sieur des Gravelles Cornullier, jusques au coing de ladite église près la porte dudit chasteau, d'où allant au coing de la rue de Saint-Gildas et remontant par icelle rue de Saint-Gildas au couvent, église et enclos des religieuses carmélittes jusqu'au dela dela maison des Eschelles, apartenante aux maires chapelains de Saint-Pierre qui relève aussi prochement de l'évesché  » (Archives départ., G. 7 décl. du 13 déc. 1681).

Le fief du Chapitre commence immédiatement après celui de l'Evêque. Il comprend dans la paroisse de Saint-Laurent tout le reste de l'îlot délimité dans le passage suivant :

« A prendre vers midi depuis le couvent des religieuses Carmélites de Nantes scitué en la rue de Sainct-Gildas, par le logis des deux anciens maires chapelains de l'église de Nantes, à entrer dans la Grande Rue de cette ville, monter le long d'icelle et passer au devant de la place et placistre dudit Saint-Pierre, retourner et descendre par la Haute Rue du Chasteau jusques à un logis qui est au-devant de la douve dudit chasteau autrefois appelé le Petit Logis, duquel est à présent propriétaire le sieur Paulus, lequel logis et ledit couvent des Carmélites sont et dépendent de la jurisdiction et fief des Régaires ; et est ledit logis jointif de celui du sieur Paulus vers orient, qui est le dernier dudit fief et juridiction du Chapitre, scitué en la paroisse de Sainte-Radegonde, et le surplus des autres, jusques audit couvent des Carmélites, sont en ladite parroisse de Saint-Laurent » (Archives départ. G. 250. Déclar. de 1678).

Au fief du Chapitre, après avoir traversé la Grande-Rue succède le fief du Grand Archidiacre, situé tout entier dans la paroisse de Saint-Laurent.

Le manoir du Grand Archidiacre, maison à pignon avec chapelle et auditoire se dresse sur le « placistre de Saint-Pierre ». Sa porte principale est vis-à-vis de l'église de Nantes. Derrière la maison se trouvent cours et jardins avec issues sur trois rues différentes : une sur la rue Saint-Denis, une autre sur la rue qui conduit à la Collégiale, la troisième « sur la Grande Rue de Saint-Pierre appelée la Chaussée ».

L'Archidiacre avait droit à ces issues « en quatre rues de la ville parce que tout ce qui est contenu entre icelles estait anciennement dudit archidiaconné et s'appelait l'isle de l'archidiaconné ». La plus grande partie de l'île était de son domaine ; le reste relevait de sa juridictions (Archives départ. G. 114).

Enfin au delà de la rue Notre-Dame qui conduisait de la Collégiale à la Cathédrale, nous atteignons ce qui est toujours resté non seulement du fief mais encore du domaine de l'Evêque : domaine limité au sud par cette rue, à l'ouest par la place de Notre-Dame, au nord et à l'est par les murailles qui entouraient Nantes au temps d'Alain.

« Le palais épiscopal est scittué en la ditte paroisse de Saint-Jean, au septentrion de l'église de Saint-Pierre, s'estendant de l'occident à l'orient, depuis la porte septentrionalle de laditte église, jusques à la muraille et porte de la ville de Saint-Pierre ; les logements de laquelle porte et muraille font partie dudit pallais, et du midy au septentrion, s'extendant depuis ladite église jusques à la muraille de la ville, descendant le long de la rue de ladite porte Saint-Pierre qui sépare en deux le palais épiscopal, jusques à la maison prébandalle du sieur du Breil par une part, et continuant le long des dittes murailles de la ville jusques au placistre de Nostre-Dame et dans cet espace, l'auditoire, les prisons, des regaires, jardins et servitudes y sont compris ».

Ces dernières lignes ne déterminent qu'assez vaguement le tracé qui limitait le fief de l'Evêque à partir du chœur de l'église Notre-Dame, jusqu'à l'ancien rempart septentrional de Nantes.

Il est vraisemblable que la ligne séparative de nos fiefs quittait ce rempart à la porte située au nord de la ville, dans l'axe des rues que nous venons de parcourir.

Si nous considérons la direction de ces rues, si nous nous rappelons que l'église Notre-Dame était loin, au Xème siècle, d'avoir les proportions qu'elle finit par atteindre, nous soupçonnerons déjà que cette ligne de rues après avoir passé, sur ce point encore, près d'une église, aboutissait, au nord comme au midi, à une porte de ville.

Ce soupçon ne tarde pas à se changer en certitude, grâce au témoignage de nos historiens. Après avoir parlé du cimetière de Saint-Cyr ou Saint-Cyric, situé dans les terrains occupés aujourd'hui par les abords de la Préfecture, Travers ajoute :

« On voit encore près de l'Espron ou du Trépier des vestiges d'une porte de ville, ouvrant du côté du cimetière de Saint-Cyric » (Travers. I. 175).

Cette porte a dû être condamnée dans les agrandissements de Nantes par Pierre Mauclerc au XIIIème siècle. Dans la suite, des constructions s'avançant le long des remparts, les unes au devant des autres, auront fini par obstruer complètement un passage déclassé, et il ne sera resté entre le fief de l'Évêque et celui du Duc représenté par celui de Notre-Dame, que le mur qui limitait le ténement des Régaires.

Nous ne devons pas cependant dissimuler que dom Morice a publié un document qui, au premier abord, laisse entendre que le couvent des Cordeliers appartenait avec sa chapelle au fief épiscopal. D'après cette hypothèse, ce fief se serait allongé entre l'église Notre-Dame et le rempart septentrional de la ville jusqu'au carrefour Saint-Jean.

Dans ce document de 1253 l'évêque de Nantes échange avec l'abbé de Saint-Gildas-des-Bois, une chapelle, un cimetière et les maisons dans lesquelles les frères Mineurs avaient coutume d'habiter, le tout situé dans le fief du même évêque, dans la rue qui est appelée Rue Perdue [Note : « Quamdam capellam et cimiterium... et domos cum suis pertinentiis, in quibus fratres Minores manere solebant in feodo ejusdem episcopi, in civitate Nannetensi sitas, in vico qui dicitur vicus perditus » (D. Morice, Pr. I. 953)].

Ce passage ne nous semble nullement concerner l'enclos où nous trouvons les Cordeliers depuis le XIIIème siècle jusqu'à la Révolution. Les expressions même de cet acte désignent clairement que les Cordeliers n'habitaient plus le lieu donné par l'Évêque à l'abbé de Saint-Gildas. Il s'agit de maisons où ils avaient demeuré précédemment, ubi manere solebant : habitation qui se trouvait abandonnée précisément depuis le moment où ils avaient fixé leur demeure dans l'endroit occupé aujourd'hui par les Religieuses de la Retraite.

Cet enclos s'étendait pour la plus grande partie en dehors de la vieille ville ; et l'on peut voir encore, dans le jardin des Religieuses de la Retraite, l'antique rempart septentrional de Nantes utilisé par les Cordeliers dans la construction de la chapelle qu'ils firent consacrer en 1232. Il est incontestable que de temps immémorial tout l'enclos des Cordeliers relevait non pas de l'Évêque, mais du roi à qui les religieux en rendaient aveu.

Où était cette première habitation des Cordeliers située dans le fief de l'Évêque ? Où se trouvait cette rue appelée « Rue Perdue, virus perditus ? ».

Une interprétation défectueuse de l'acte précédent lui a fait donner par Travers une position discutable : il faut la chercher avec la première résidence des Cordeliers, dans le fief de l'Évêque. Peut être pourrait-on la placer dans le même quartier, aux environs. Peut-être se trouvait-elle près de la porte de ville qu'on venait de boucher à quelques pas de là. Peut-être appelait-on alors Rue Perdue vicus perditus, ce bout d'une rue désormais sans issue, qui jusque-là avait continué de séparer le fief de l'Évêque de celui du Duc à partir du chœur Notre-Dame jusqu'au mur septentrional de la cité.

Ainsi, depuis les anciens murs nord de la ville de Nantes jusqu'à la place des Jacobins, tous les îlots de maisons bornés par la place Notre-Dame ou Dumoutier, les rues Saint-Denis, des Carmélites et de Jussieu, et situés du côté de la Cathédrale étaient du fief de l'église de Nantes.

Le reste du territoire qui s'étend entre ces îlots et les murs du Cours Saint-Pierre, l'était également. C'est d'abord la partie située à l'est de la Rue-Haute-du-Château. « Et de l'autre costé de ladite Haute Rue du Chasteau, ledit fief et juridiction du Chapitre commence aux douves dudit chasteau, remonte le long de ladite rue jusques à l'église de Saint-Pierre, et comprend tout ce qui est en ladite Haute Rue du Chasteau, les murailles et clostures de ladite ville, lesdites douves du Chasteau et ladite église de Saint-Pierre. ».

Tout en reconnaissant que la Cathédrale, par suite des lois spéciales qui régissent cette sorte d'édifices, fait partie du domaine du Roi, le Chapitre revendique pour son fief toute la place de Saint-Pierre. C'est ce qu'il fait remarquer dans un supplément à ajouter à la déclaration de ses biens pour réparer les omissions qui s'y sont glissées.

« La première des obmissions faictes par lesdicts sieurs du Chapitre est de n'avoir pas dict en leur dicte déclaration que la croix de taille et d'architecture qui est à présent en la place de Saint-Pierre y a esté esrigée pour signe de la recognoissance que ladite place despend de leur juridiction du Chapitre, et que en icelle estaient des cymetières enfermés de murailles, lesquels auroient esté, après le consentement desdits sieurs du Chapitre, de l'ordre de Monseigneur le duc de Montbazon, gouverneur de ceste ville, chasteau et compté de Nantes esplanadez, et ladite place pavoyée et mise en l'estat auquel elle est à présent avecq condition qu'il ne s'y poura tenir et establir aucuns marchez, ou faire exercice publique auxdits lieux que par la permission desdits sieurs du Chapitre et autres conditions portées en l'acte du 18 febvrier 1617, raporté par Carte et Penifort notaires royaux » (Archives départ. G. 250).

Les cimetières dont il est ici question étaient ceux des paroissses Saint-Jean et Saint-Laurent. Ce dernier « estoit communément appelé le cymetière de la Psalette, lequel nom lui estoit donné parce qu'il estoit jointif laditte maison de la Psalette ». Grâce à cette situation, il n'était pas exclusivement réservé au repos des morts, mais il servait une fois par an, contre sa destination naturelle, à la récréation des vivants.

C'était au temps du Mardi-Gras. Les enfants de la Psallette renfermés dans une enceinte trop étroite pour leurs jeux, aspiraient à prendre le grand air. Ils présentaient chaque année une requête aux chanoines qu'ils parvenaient facilement à toucher — et on lit dans les vieux registres, à la date de douze à quinze jours avant le Mardi-Gras : « Les enfants de la Psallette ont présenté aux vénérables chanoines une requête en faveur de laquelle Messieurs leur ont permis de reposer leur esprit de l'étude des Muses, et leur ont donné la permission d'aller jouer dans les cimetières, à partir de ce jour jusqu'au jour des Cendres, afin qu'ils reviennent ensuite au travail avec plus d'ardeur ».

Cette permission et un écu pour l'achat d'une poule ! Dans ces temps où les goûts étaient simples, les enfants de la Psallette n'en demandaient pas davantage pour bien passer leur Mardi-Gras.

Ces jeux funèbres ont été rejoindre d'autres jeux funèbres en usage chez les anciens. Les Psallettiens cessèrent d'aller au bois quand les cyprès furent coupés ; et leurs successeurs trouveraient le Carnaval bien lugubre si, dans cette circonstance, c'était dans un cimetière qu'on les lâchait.

Nous ne nous arrêterons pas à prouver que les fiefs de Grand Archidiacre et du Chapitre furent pris autrefois sur le fief épiscopal. Les évêques de Nantes par bienveillance pour leur Chapitre et les hauts dignitaires de leur église avaient eux-mêmes démembré ce fief en leur faveur. Ce démembrement fut commencé par un contemporain d'Alain, l'évêque Gautier. Hervé, évêque de Nantes à la fin du Xème siècle imita l'exemple de ses prédécesseurs ; et Quiriac, en 1063, fit en faveur du Chapitre une donation très importante, dont le commentaire nous entraînerait dans la banlieue de Nantes et nous ferait sortir de notre sujet.

Tout en reconnaissant trois seigneurs différents, l'évêque, le Chapitre et le Grand Archidiacre, le quartier nantais qui nous occupe faisait, dans son ensemble, partie du fief de l'église de Nantes. Depuis Alain jusqu'à la Révolution, il continua d'en faire partie tout entier, excepté le terrain occupé par le château et sa douve, qui, depuis le XIIIème siècle furent réunis à la Prévôté.

Mais si, à cette époque, le Château n'était pas du fief de l'Eglise, ce n'est pas qu'il n'en ait jamais fait partie, c'est qu'il en était sorti. Le Château de la Tour neuve remplaçait l'ancienne demeure des évêques, objet constant de la convoitise des ducs établis au Bouffay. Le fond primitif et les accroissements successifs en furent pris sur les fiefs de l'Evêque et du Chapitre qui occupaient à eux deux toute la paroisse de Sainte-Radegonde à laquelle le Château ne cessa jamais d'appartenir.

En 1207, Guy de Thouars reconnaît expressément que la douve qu'il vient de creuser a été prise sur le fief des Chanoines. « in feodo canonicorum » (D. Morice, Preuves I, 809), et un des griefs allégués contre le duc Pierre Mauclerc était qu'il retenait contre la justice le fond du Château appelé la Tour neuve, situé entre les murs de la Cité et appartenant à l'Evêque « fundum in quo situm est castrum quod dicitur Turris nova infra muros civitatis ad ipsum Episcopum Nannet. pertinentem, contra justitiam detinet » (D. Morice, Preuves I, 837).

Aussi en reconnaissance de cet ancien état de choses, la Prévôté était-elle chargée de payer certaines rentes aux seigneurs dépossédés.

« Item est deub audit evesché au terme de Langevine sur la Tour neuve du chasteau de Nantes ou estoit autres fois le manoir épiscopal de Nantes. 11 liv. 5 s.

Et pour les emplacements et maisons abattues par ordre de la reine Anne, pour accroistre le chasteau et ses douves sur lesquelles maisons estaient deubs rentes féodalles audit Evesque, est deub au terme de Noël 7 liv. 9 s. 3 d. ; lesquelles rentes de 11 liv. 5 s, et 7 liv. 9 s. 3 d. le tout monnaie, sont payées annuellement par les receveurs des domaines du roy » (Arch. dép. G, 7, p. 5, l'arrangement est de 1259, D. Morice, Pr. I. 972).

Une partie de ces faits se trouve assez clairement exposée dans la supplique suivante adressée au roi Charles VIII, après la construction des tours du château.

« Supplient. .. les évesque, doyen et chappitre de Nantes, comme ainsi soit que pour l'accroissement des ville et chaste! de Nantes et du boulouart et fossez d'iceulx, a esté prins quantité et estendue de terre qui estoit du fié et de l'ancienne fondacion de ladïte église, et mesme le feu duc derroin décenbdé, au Dieux pardoint, en son temps fist croistre ledit chastel de la moitié et plus, et, pour ce faire, print en dedans de la ville la terre qui estoit l'ancien regalle dotation et fondacion d'icelle église en ladicte paroisse saincte Redagonde, et dehors ladite ville vers Richebourg et Saint-Clément ; et avec ce, à l'occasion des guerres et pour la seurté et deffence de ladite ville et chastel. grand nombre de maisons, qui estoient dudit fié d'icelle église ont esté desmolies et abattues tant à la Fosse, Marcheix, Saint-Clément, Richebourg que autres lieux et environ... (depuis) a esté faitz amplitude de fossez, pour lesquels faire a esté de rechef prins de la terre dudit fié et regalle en ladite parroisse Saincte Redagonde, et ont esté abattues maisons, dont ledit fié est diminué de la moitié ou environ, (lesquelles) terres tirées desdicts fossez ont esté mises es jardins d'icelx supplians et jusques près les maisons, église et presbitaire de Saint-Lorans, jaçoit ce qu'il ne fut necessité de le faire, tellement que maisons, habitations et jardins d'icelx supplians sont rendus presque inutilles au grant préiudice desdits supplians » (Archiv. dép. G. 264).

En considération desquels faits ils demandent de faire faire une enquête et de remédier au tort que l'agrandissement du château leur a causé.

Il faut reconnaître que la Prévôté en général fut assez fidèle à tenir les engagements que lui avait créés cet ordre de choses. Mais parfois elle cherche à s'y soustraire et ne les remplit pas toujours avec la meilleure grâce. Les droits du Chapitre avaient été déterminés par des lettres des ducs Pierre en 1213, (Arthur) en 1307, de la duchesse Jeanne en 1334 et du duc Jean IV en 1363. Lors de la Réformation des domaines, le Chapitre les ayant communiquées, on les lui garda : « Les commissaires dit un mémoire de ce temps, cherchent à détruire les droits de l'église. Ils ont gardé quatre lettres ducales en faveur du Chapitre, les plus considérables de celles qui avaient été produites » (Archiv. dép. G. 250, Moyens de griefs, etc, p. 18).

Il semble que le Domaine réussit enfin par l'emporter dans sa lutte séculaire : d'après un passage de Travers, on serait tenté de croire que du temps de notre historien, l'Evêque et le Chapitre avaient fini par être dépossédés même de cette rente qui perpétuait le souvenir de droits si anciens.

***

Nous venons de voir la répartition des fiefs de l'Eglise de Nantes ; il nous reste à voir celle des fiefs de la Prévôté. Alain d'après la chronique donna une partie de la ville à ses compagnons d'armes. Quelle est cette partie ? Elle est difficile à déterminer.

Le reste de la vieille Ville était occupé par la Prévôté et par quatre petits fiefs, celui de Notre-Dame celui de la Commanderie de Saint-Jean, celui du prieur de Sainte-Croix, et celui des Dervallières.

Celui de Notre-Dame entourait assez exactement la Collégiale. Partant de l'église de Saint-Denis, il descendait au carrefour Saint-Jean et occupait dans la rue de la Commune la partie voisine de l'enclos des Saintes-Claires ou Clarisses, en face de l'hôtel de Rosmadec, ainsi que le Prieuré de Toute-Joye.

Le fief de la Commanderie comprenait plusieurs petites enclaves. La plus importante encourait le manoir principal, dont le grand portail était vis-à-vis de l'église des Cordeliers. En voici le débornement d'après un aveu de 1619.

« L'église de Saint-Jean de Nantes et le cimetière y adjaçant avecq le manoir et maison dudit seigneur Commandeur, consistant en deux corps de logis séparés, avecq leurs courts, escuries, jardins et autres logis, dans lequel cimetière est l'auditoire où s'exerce la jurisdiction de ladite Commanderie, le tout ayant de largeur et face sur la rue environ de 200 pieds et 140 de profondeur, ou environ, sittué à vis le couvent des Cordeliers, borné vers orient la rue et pavé qui conduit du Carrefour Saint-Jean au Port-Communau, ver midy maison dépendante du Chapitre de Notre-Dame vers occidant logis au sieur de Bréafort maistre des Comptes, et vers le septentrion à la dame Belottreau Lebreton ».

Le fief s'étendait à la suite du manoir principal dans la rue de Verdun actuellement rue de la Commune, jusqu'à l'hôtel Rosmadec occupé aujourd'hui par les Frères de la Doctrine Chrétienne.

Dans la même rue de Verdun, en face du prieuré de Toute-Joye occupé par l'Orphelinat de Saint-Pierre, le fief de Saint-Jean comprenait deux maisons au Carrefour de la Petite-Rue-Notre-Dame appelé autrefois Carrefour de Sesmaisons : puis plusieurs autres maisons sur la place du Pilori ainsi que quelques maisons adjacentes situées à gauche dans la Rue-Basse-du-Château, quand on remonte du Pilori au Château.

Si ce n'était sortir de la vieille Ville, nous attribuerions au même fief plusieurs autres maisons de la place des Changes ; entre autres, en 1580, celles de maistre Estienne Maillard auditeur des comptes, et de sire Olivier Tertoux et sa femme, à cause d'elle, enfants de Pierre Maillart ; maison appartenant précédement aux confrères de l'antique confrérie de Saint-Crespin.

Le fief de Sainte-Croix, donné au commencement du XIIème siècle, aux religieux de Marmoutiers entourait en grande partie leur prieuré.

D'après l'aveu de 1676, il comprenait la maison priorale avec tout le pâté de maisons appelé « isle de Sainte-Croix, au milieu de laquelle est située l'église parochial depuis peu bastie, laquelle isle joignait vers orient la rue de la Basclerie, occident, partie de la rue de la Poulaillerie et le total de celle de Belle Image, midi la grande place du Bouffay, septentrion rue Sainte-Croix ».

De l'autre côté de la rue de la Bâclerie, il s'étendait sur six loges « depuis la rue de la Germonde (aujourd'hui du Petit-Bacchus) qui se rend à Port-Maillard et monte jusqu'au haut de la dite rue à vis le grand portail du prieur, lesquelles maisons joignent par le derrière les maisons du presbytère de Sainte-Croix, occident rue de la Bâclerie, midi rue de la Germonde, septentrion, logis au sieur Bruneau relevant de la Prévôté, allée entre deux », plus quelques maisons joignant les précédentes à remonter dans la rue de la Juiverie.

Dans ce fief nous signalerons entre autres la maison de la Jaille où habitait en 1446, Guill. le Veneur sieur de la Jaille. Possédée en 1543 par Claude Geslin, en 1560 par Bertrand Geslin elle le fut plus tard par les Lorido. Une demoiselle Lorido épouse d'écuyer Guill. de l'Isle sieur de la Nicollière, la vendit en 1679 à la fabrique de Sainte-Croix, lors de l'agrandissement de l'église.

L'hôtellerie où au XVIème siècle pendait pour enseigne la Belle-Image n'appartenait ni au fief du prieur, ni à la paroisse de Sainte-Croix. Située de l'autre côté de la rue, elle était du fief de la Prévôté et de la paroisse de Saint-Saturnin.

Le prieur revendiquait, mais à tort, la mouvance de la maison qui a donné son nom à la rue de la Bâclerie, et que son fief entourait de deux côtés. C'était la maison, où, en 1678, pendait pour enseigne le Bon Conseil. Elle occupait le coin formé par la place du Bouffay et la rue de la Bâclerie à gauche en entrant dans cette rue. Elle avait de face depuis la croix de la maison de l'Epine ou de la Pine dépendant du prieuré jusqu'au coin de la rue de la Bâclerie 126 pieds. Là était au XVème siècle la Baguerie du duc. La rue s'appelait alors rue de la Baguerie, et en 1493, on y trouvait des orfèvres. A partir du siècle suivant le nom de la rue se déforme et depuis 1518, le nom de Basclerie a fini par prévaloir.

Malgré les prétentions du prieur, la maison semble avoir toujours relevé du fief au Duc. Un titre de 1537 rappelle qu'elle avait été baillée à Jehan Mauraz et Guillemette d'Orléans par la « duchesse nostre souveraine dame » et qu'elle appartenait alors à Guillaume Loaysel et Françoise Malaisé sa femme sieur et dame de la Touraudaye. Ce titre a interverti le sexe des donataires. La donation de la duchesse Anne, datée de Blois au mois de septembre 1507, est faite en faveur de sa « chère et bien aimée femme de chambre Jehanne Maurray et Guillaume Porchier son mary ».

Ces différents fiefs ont été donnés aux XIème siècle et XIIème siècles à ces établissements religieux en partie par les ducs de Bretagne, en partie par des seigneurs laïques qui les possédaient sous la suzeraineté des ducs. Il semble que l'on peut voir dans ces derniers donateurs les successeurs des compagnons d'armes à qui Alain Barbe-Torte avait distribué une partie de la ville.

Outre ces fiefs secondaires, la vieille enceinte de Nantes en renfermait un autre qui est resté constamment laïque : celui des Dervallières.

Ce fief commençait dans la rue de la Commune à partir de l'hôtel de Rosmadec, limite du fief de la Commanderie. Il s'étendait jusqu'au prieuré de Toute-Joie, comprenant deux ténements importants : celui de la Mairie, et la plus grande partie de l'hôtel de Rosmadec.

Ce dernier hôtel construit en 1653 par César de Renouard, seigneur de Drouge, s'est appelé primitivement, de son nom, hôtel de Drouge. Le mariage de Bonne de Renouard avec messire Michel d'Espinose, seigneur de Portric, le fit passer dans la famille d'Espinose ; et en 1679, Michel d'Espinose, au nom de ses filles Elisabeth, Bonne et Claude reconnaissait devoir sur son hôtel la somme de 50 sols au seigneur des Dervallières. Bonne d'Espinose s'étant mariée avec Sébastien de Rosmadec, l'hôtel de Drouge perdit son premier nom pour prendre celui sous lequel il est aujourd'hui (1899) connu.

Sans entreprendre l'histoire de l'Hôtel de Ville nous rappellerons que, situé sur le fief des Dervallières, il s'appelait au XVème siècle encore « l’herbergement de Derval ». Possédé ensuite, avec la seigneurie des Dervallières par les Tissart, seigneurs de Bizart, il tira. son nom de cette seigneurie du pays Blésois. La ville acquit en 1575 l'hôtel de Bizart pour en faire son Hôtel de Ville, et continua de payer à la seigneurie des Dervallières les cinq sols monnoie de rente dont il était chargé.

« Item, dit un aveu rendu à cette seigneurie le 6 février 1679, les maire, eschevin, procureur sindic de la ville dudit Nantes tiennent à foi hommage et rachat de ladite terre et jurisdiction des Dervallières la Maison commune de Ville dudit Nantes... icelle ci-devant nommée Derval ou Bizard ; pour homme vivant, mourant et confisquant, ont donné leur concierge de ladite maison de Ville ; icelle maison composée de plusieurs grans bastimens couverts d'ardoise, cours au devant et grans jardins derrière, sise et située rue de Verdun, paroisse Nostre-Dame ; le tout enfermé de murailles joignant d'un costé à la chapelle du prieuré de Toute-Joie, et d'autre la maison de Me Guillou, greffier des Insinuations de la ville de Nantes... et aux logis et jardin du sieur Derouge (sic pour Drouge), et d'un bout à ladite rue et pavé de Verdun » (Arch. dép. B. Chantenay).

Tels sont les fiefs qui jusqu'à la Révolution ont partagé la ville de Nantes, dans son enceinte contemporaine d'Alain Barbe-Torte.

Les audiences de chacun de ces fiefs se tenaient dans les auditoires différents, leur juridiction s'exerçait par des officiers particuliers.

Les anciennes Etrennes Nantaises donnaient chaque année sur tous ces points les détails que les Nantais étaient intéressés à connaître. A titre de curiosité nous empruntons quelques-uns de ces détails aux Etrennes Nantaises de 1757, insérées dans les Archives Curieuses de la Ville de Nantes, par Verger. T. III. 182.

Nous nous contentons de les reproduire, après avoir toutefois fait remarquer que la justice du roi se rendait au Présidial, et que l'on donnait le nom de Regaires aux fiefs et juridiction de l'évêque.

Tribunaux de la ville de Nantes.
Présidial. — Le Présidial se tient les lundi matin, mardi matin et soir, jeudi matin, vendredi matin et soir et samedi matin.

M. le sénéchal tient aussi une audience particulière les mardi et samedi matin.

Binet, seigneur de Jasson, grand bailli ; Bellabre sénéchal, président-présidial ; Jégo de la Blottière, alloué, lieutenant-général ; Bourgoin, juge-criminel ; Le Ray du Jumet, lieutenant civil et criminel.

Conseillers. — Jouin doyen, Ertault de la Brosse, conseiller d'honneur, Droüet, Adam, Delaville, Bodin de la Raudière, Lelasseur, de la Haye Moricaud.

Gens du roi. — Dachon, avocat du roi ; Goullin de la Brosse avocat du roi ; N... procureur du roi.

Greffiers. — Morel greffier civil ; le Mesnaiger greffier civil ; Hardi, greffier criminel.

Ce tribunal comprenait en outre, huit commis jurés audienciers, et quatre huissiers.

Les autres tribunaux avaient un moins grand luxe de magistrats.

Réguaires.

Delaville, sénéchal, Turpin du Prouzeau, alloué ; Geffray Duplessis Belair, lieutenant ; Thomas, procureur fiscal, Brossais, notaire et greffier, Tusson, notaire et sergent féodé.

Commis-greffiers. — Potier, Bongrain, Cormier.

Les plaids des Réguaires se tiennent aux mois de mars, juin et décembre.

Les audiences se tiennent aux Réguaires, derrière Notre-Dame.

Chapitre.

Les audiences se tiennent rue Saint-Laurent, les lundi et jeudi à 3 heures de relevée.

Ballais, sénéchal ; Angebault, lieutenant, Le Beau, procureur d'office ; Mongin, greffier-notaire.

Archidiaconé.

Les audiences se tiennent rue Saint-Denis, le jeudi, à deux heures de relevée.

Saint-Jean et Sainte-Catherine.

Les audiences se tiennent près les Cordeliers, le samedi à trois heures du soir.

Richard de la Morlière, sénéchal, Urien, procureur d'office, Frondat greffier.

Prieuré de Sainte-Croix.

Les audiences se tiennent rue de la Bâclerie, les mardi et samedi, à onze heures.

Le Beau du Bignon, sénéchal, Bonnain, procureur d'office ; Monnier greffier.

Les Dervallières.

Les audiences se tiennent dans la grande salle du Palais, le samedi, à deux heures.

Bidon, sénéchal, Baudouin, procureur d'office ; Jalabert, greffier.

Toute-Joie.

Les audiences se tiennent rue Verdun, près la chapelle, le samedi à deux heures.

Petit, de la Banche, sénéchal ; Chevillard, procureur d'office, Lamy, greffier.

Outre ces tribunaux, les Etrennes Nantaises en mentionnent encore à Nantes quelques autres. Nous les retrouverons quand, pour compléter cette première étude, nous nous occuperons des fiefs situés en dehors des murs de l'ancienne ville de Nantes et dans la banlieue.

Parmi ces tribunaux les Etrennes nantaises placent, après les Régaires, l'officialité. C'était un tribunal ecclésiastique d'un ordre complètement à part.

Bien qu'autrefois l'officialité ait joué un rôle très important, au point de vue temporel, dans les actes de la vie civile, même pour les laïques, son ressort, à cette époque, semble n'avoir été que d'un ordre spirituel. Ce qui est certain c'est qu'aucun fief spécial n'a jamais dépendu de sa juridiction ; et les Etrennes Nantaises ne nous semblent énumérer ce tribunal parmi les autres qu'au même titre qu'elle énumère les Manufactures, l'Amirauté, le Consulat, le Commerce, etc., tribunaux qui avaient des attributions suffisamment désignées par ces noms.

Aussi sommes-nous surpris de trouver les lignes suivantes dans l'article consacré à Nantes par l'abbé Expilly.

« L'Officialité, tribunal ecclésiastique, composé de l'official, du vice-official, du promoteur, du vice-promoteur, du greffier, et du sergent-appariteur, a son ressort distribué en plusieurs districts, savoir : le Chapitre, l'Archidiaconé de Nantes, Saint-Jean et Sainte-Catherine, Sainte-Julie et Bongarant, le prieuré de Sainte-Croix, le prieuré de Pilmil, les Dervallières, Toute-Joye, la Gascherie, la Desnerie, Belle-Ile et Port-Durand en Saint-Donatien. Il y a un sénéchal, un procureur d'office et un greffier pour chacun de ces districts » [Note : Cet article a été inséré dans Nantes Ancien par M. Dugast-Matifeux, p, 431].

Nous ne voyons nullement quels rapports pouvait avoir l’officialité avec toutes ces juridictions qui s'exerçaient dans des fiefs relevant tous, en dernier ressort, du roi. Autant dire que, de nos jours encore, les justices de paix des cantons de Nantes ressortissent, de l'officialité.

Bien que cet article ait paru pour la première fois en 1766, dans le Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, nous ne croyons pas à l'exactitude de sa rédaction sur ce point.

Les Etrennes Nantaises du XVIIIème siècle énumèrent tous ces différents tribunaux à la suite de l'Officialité ; ils figurent simplement sur la même liste : sans que rien permette de les rattacher à ce tribunal ecclésiastique, sous quelque rapport que ce soit.

Le rédacteur de cet article, tout en travaillant sur des documents sérieux fournis par des Nantais, était lui-même étranger à Nantes. Dans son ignorance de nos usages locaux, par suite peut-être d'une confusion dans l'ordre de ses notes, il aura rattaché à l'officialité, par des liens de sa création, toutes les juridictions qui sur ses documents n'étaient mentionnées que fortuitement à la suite les unes des autres, après ce tribunal.

Nous sommes loin d'avoir épuisé la matière : et chacun des fiefs dont nous avons eu à parler dans cette étude, pourrait être l'objet d'une étude spéciale pour laquelle les documents ne manquent pas.

Notre but principal a été d'expliquer un passage de notre vieille Chronique Nantaise. Ce passage, précédemment, avait été diversement interprété sans que les difficultés qu'il soulève aient encore reçu, du moins à notre connaissance, une solution satisfaisante.

La principale difficulté consistait à retrouver les jalons placés par Alain Barbe-Torte, pour délimiter les fiefs qu'il partageait avec l'évêque autrefois seul seigneur de toute la ville de Nantes.

Un de ces jalons, placé près du chœur de l'église Notre-Dame, était assez apparent pour attirer l'attention de tout le monde ; il n'y a eu à se tromper sur ce point que ceux qui l'ont bien voulu.

Le second, jalon placé près de la porte Charrière, était complètement disparu avec cette porte, et cette disparition remontait à une époque si ancienne que, dès le XVème siècle, nos historiens ne pouvaient plus réussir à le retrouver.

Nous avons déjà rappelé le passage dans lequel Travers place cette porte au fond de l'impasse Saint-Laurent. Notre historien qui a, vu et entrevu tant de choses, avait pourtant sur ce point entrevu aussi dans une circonstance, une partie de la vérité.

Après avoir donné son opinion, sur laquelle, comme nous l'avons fait remarquer, il revient encore dans un autre endroit il ajoute : « La portion de l'évêque est autrement bornée dans la chronique de Saint-Brieuc. Elle commence, selon cette Chronique à l'église de Saint-Pierre, descend par la rue Saint-Denys, remonte par la rue Saint-Gildas, descend par la petite rue des Jacobins, et se termine à la rue Germonde, au Port que l'on appelle aujourd'hui le Port Briand-Maillard, autrefois le Port Tarare, selon Pierre le Baud qui a lu dans la Chronique de Nantes : usque ad portum Tararium, au lieu de portam Charariam que d'autres y lisent ».

Nous avons, dès le début de cette étude, publié le texte de la Chronique de Saint-Brieuc. Le lecteur peut constater qu'il y est question non pas de l'église Saint-Pierre placée près du mur de l'enceinte de Nantes, mais du mur septentrional « in ipso muro civitatis ab Aquilone terminata ».

A part cette inadvertance, le tracé que nous donne Travers dans ces lignes est exactement celui que notre étude nous a fait adopter.

Mais Travers prolonge ce tracé au delà de l'église des Jacobins, jusqu'au Port-Maillard ; nous avons établi qu'il fallait l'arrêter près de cette église, à la porte de la vieille enceinte de Nantes. Les deux côtés de la rue Germonde, aujourd'hui rue Lambert se trouvent en dehors de cette enceinte primitive, et ont constamment appartenu au fief de la Prévôté.

Il est regrettable que notre historien n'ait pas cru ici devoir s'attacher de préférence au texte de la Chronique de Saint-Brieuc. Du moins, nous fait faire une première promenade archéologique dans les vieux quartiers de Nantes. Si le lecteur s'est plu dans notre société, autant que nous nous plaisons dans la sienne, il sera facile de nous redonner mutuellement ce plaisir.

(Abbé G. Durville).

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