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L'HÔPITAL ou AUMÔNERIE SAINT-JULIEN DE NANTES

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Le nom d'hôpital ne convient pas mieux que celui d'aumônerie pour désigner cette maison de charité ; cependant, comme tout autre ferait disparate dans le cadre de cette étude [Note : On la nommait Loge au XIVème siècle. Item do et lego pauperibus de la Loge, existentibus ante ecclesiam beate Marie Nannetensis XX solidos (Testament de P. d'Orenge de 1394. Arch. de l'aumônerie Saint-Clément, série H, Arch. dép.)], je le maintiens en priant, le lecteur de ne pas y attacher d'importance. Il me semble que le nom d'asile pourrait lui étre appliqué avec assez d'à-propos. On ne sait rien des circonstances qui ont accompagné son origine, le nom seul de la fondatrice est connu. Un document authentique relate qu'il fut établi par les libéralités d'une bourgeoise nommée Jeanne la Petite, près de la collégiale de Notre-Dame de Nantes, avant le XIVème siècle, pour loger huit pauvres.

Ces huit pauvres choisissaient l'un d'eux pour remplir les fonctions de supérieur et notifiaient leur choix au prieur de Notre-Dame. L'honneur d'être maître de la maison appartenait de droit aux plus anciens en suivant l'ordre de leur admission. Quand une place se trouvait vacante, ils avaient le droit de recevoir celui qui leur convenait, pourvu que le prieur donnât son consentement et celui-ci ne pouvait leur imposer un confrère qui leur aurait déplu. Le nouveau venu payait à son entrée 5 sous au prieur, et offrait à ses futurs compagnons, qui voulaient bien l'agréer, un diner copieux, autant du moins que ses moyens le lui permettaient. Ce dernier détail fait voir que la petite association se recrutait plutôt parmi les pauvres aisés que parmi les gueux dénués de tout. Un autre article indique qu'il fallait au moins posséder quelques meubles pour s'installer.

Chacun était logé, non dans un dortoir, mais dans une chambre particulière, comme les pensionnaires d'une maison de santé ; mais l'hiver tous venaient se chauffer au même foyer, et le règlement dit expressément que chacun avait droit de s'en approcher. Les ménages pauvres étaient admis aussi bien que les célibataires, et la jeunesse n'était pas un cas d'exclusion ; on n'exigeait pas que le postulant fût atteint de quelque infirmité, et s'il voulait se conformer aux règles de la maison, il pouvait y passer sa vie.

Il ne perdait en entrant aucun de ses droits civils ; il conservait la liberté d'amasser des épargnes et de léguer son bien à ses héritiers directs.

L'unique occupation de ces huit pauvres était d'aller se placer sur un pont, à la porte d'une église, aux entrées de la ville ou dans un carrefour et d'y tendre la main. Ce qu'ils recueillaient ne leur appartenait pas de suite : chacun versait sa recette dans la bourse commune, et le partage se faisait ensuite entre tous les membres de l'association. Celui qui détournait quelque profit s'exposait à être mis dehors.

La règle ne les astreignait pas à une résidence continue ; elle n'exigeait non plus aucun compte de leur temps, s'ils rentraient le soir pour réciter la prière des bienfaiteurs. Elle leur laissait la liberté d'aller en pèlerinage ou en partie de plaisir chez leurs amis et quand l'absence ne se prolongeait pas au-delà d'un mois, ils étaient encore admis, à leur retour, à partager les bénéfices de la communauté.

Quand l'un des pauvres de Saint-Julien tombait malade ou infirme, il vivait sur la bourse commune pendant trois semaines ; mais si, ce délai passé, il n'avait pas les moyens de se suffire, il était obligé de chercher sa subsistance. Dans ce cas, ses confrères le descendaient à la porte de l'asile Saint-Julien, ou le portaient dans tout autre endroit afin qu'il pût exciter la pitié publique en sa faveur et le ramenaient le soir. Quand l'un des pauvres mourait sans héritiers les autres avaient le droit de se partager ses meubles. La seule charge qui fût imposée à cette confrérie, c'était de faire célébrer chaque trimestre un service funèbre pour tous ses bienfaiteurs et de faire chanter trois messes quand l'un des pauvres décédait. Le texte qui suit montrera si mon commentaire est exact :

C'est l'establissement de la meson de Saint-Julien des poures de Nostre-Dame de Nantes.

Premièrement ladite meson est franche sans riens devoir à nuls seigneurs.

Item est ladite meson fondée pour ouyct poures lesqueulx lesdits poures deyvent eslere et maître et le fere assavoir au Priour de Noustre-Dame.

Item ne pevent les poures nuls autres y aquellir sans l'assentement dou dit Priour, ne le dit Priour sans lour assentement.

Item doit ledit Priour avoir de chacun poure qui entera en ladite meson, cinq souls un fait poiez, et les anciens compagnons de paravant un bon disner sellont four estat.

Item sont et deyvent lesdis poures communaux à tous les biens que Dieux lour done et sont par lours sermons à ce tenir à paine de estre privé de la meson celuy sur qui l'an le pourrait découvrir.

Et auxi est accordée davant ledit Priour à gré de luy et des poures que ou cas où il y auroit aucuns des dis poures qui voulsissent aller en pélerinage ou ailleurs vaers lours amis, il sera attendu iusques à un mois sans seuprise et recevera sa part en tout l'argent que Dieux aura doné comunaulement.

Item est ordoné que se il demoure plus d'un mois que il ne prant riens ou dit argent que l'an donrra èsdis poures

Item devon remembrer le clerc qui fist cest escript en nos bones prières tretous les iours par nos sermens.

Item ont fait gré que où cas que aucun des frères seroit malade les autres ont voulu que le malade prange comme le sain iusques à tant que trais sepmaines soient accomplies, et se il n'avoit en oultre de quoy se pourvaers, ils et chacun d'eulx le deyvent porter à la porte et partout là où il pourra avoir sa vie et l’aporter à lostel.

Item est establi que celuy qui mourra sans heir tous ses meubles demeurent aux autres poures, le toust de son iour passé, sans ce qu'il ordenera à sa vie.

Item deyvent les dis frères faire chanter trais messes pour le trespassé l'année que il trespassera.

Item deyvent lesdis frères tretous estre de la frarie Saint-Julien et tous y obéir et garder le droit de la dite frarie à lour pover ou estre privés doudit lieu.

Item se deyvent les dis frères asembler tous les sairs à l’ostel pour fere la prière de lours bienfaitours où cas que ils seroient en la ville.

Item est acordé que se il y avoit aucuns qui se tort fist, il doit amender audit des frères de la meson.

Item sont lesdis frères iurés au Priour à li garder son proufit et eschiver son domage, et avoir le Priour pitié aux poures dessusdis.

Item est le grand foyer de l'ostel communal à tous les poures autant à l'un comme à l'autre.

Item est accordé que se il y avoit aucun hors de ceulx poures pour le proufit commun et il eust sa fame ou son effant, ils et chacun deyvent avoir lour part ès aumousnes que Dieux lour donrra autant comme se il estoit à losteil sa propre persoine.

Item seront les dits poures, ceux qui voudront, de la fraire Saint-André.

Item ont les dis poures tel droit en celle frarie que celle frarie ne peut estre mise en nulles mains que un de ceulx poures n'en soit mestre et garde de la frarie et de la cire.

Item deyvent les dis frères fere chanter quatre messes pour tous lours bienfaitours par chacun an, c'est assavoir une messe par chacun quarteron de l'an.

Item les premiers frères deyvent avoir la mestrie dou dit osteil comme ils seront prémiers venus de degré en degré, et ou cas que un d'yceulx frères mourroit, le procherain venu après peut acepter sa chambre et son lieu et lesser l'autre que il tendroit.

Item une bourjayse qui avoit nom dame Johane la petite, fonda la meson où sont les dis poures hebregez. Si deyvent les dis poures par chacun iour la remembrer et en fere prière par lours sermens.

Item quant ceste lettre fut scripte et sellée, fut trové état par autres lettres que par bonnes gens et par les anciens frères dudit lieu que cest establissement et distes ordenances furent faites et ordenées dès que la dite meson fut fondée. Donné tesmoin le seau frère Michiel de Langon priour dessusdit. Doué le lundi après Judica me, l'an mil trais cens et cinquante.... scellé (Travers, Concilia provincie Turon. tome. III. Mss. de la Bibl. de Nantes).

Si l'abbé Travers n'avait pas pris soin de copier, dans sa collection des conciles de la province de Tours, le règlement de cet hôpital, j'aurais été fort embarrassé pour dresser cette notice. Les histoires publiées sont comme les archives dépourvues de tout renseignement. La pièce qui nous reste est unique, mais elle en vaut à elle seule beaucoup d'autres. Ces statuts, qui me permettent de ne point passer court, renferment, comme tous les documents de cette nature, des indicatiois dont tous les mots sont précieux. Grâce à ceux-ci, il est facile au lecteur de connaître l'organisation de l'aumônerie Saint-Julien. Tous les détails qui y sont, relatés me semblent mériter une attention particulière, car ils nous révèlent jusque dans l'intimité les mœurs du Moyen-Age. On voit dans ce chapitre, mieux encore que dans tout autre, jusqu'à quel point la pauvreté était honorée et de quel culte elle était entourée, spécialement dans les maisons patronées par les religieux.

Il n'est pas d'époque qui ait adopté les principes du christianisme avec plus d'enthousiasme que le Moyen-Age, mais il n'en est pas non plus qui les ait interprétés avec plus d'exagération. Attachée à la lettre plus qu'à l'esprit des préceptes de charité contenus dans l'Évangile, l'opinion d'alors se persuadait qu'il entrait dans les vues de la Providence de répandre la pauvreté sur la terre, afin de fournir aux hommes l'occasion d'apaiser la colère divine par leurs offrandes volontaires. On s'imaginait qu'en tirant le pauvre de sa condition, on luttait contre le plan divin et que le devoir de tout bon chrétien était de soulager son frère indigent sans exiger de lui aucun effort. En prenant les apparences de la pauvreté, Jésus-Christ avait relevé les haillons de la misère pour montrer que la bassesse de la naissance n'était pas une honte, et le Moyen-Age avait conclu de ces sublimes enseignements que mendier était une profession honorable.

Une autre exagération tendait à maintenir ces préjugés. L'aumône à laquelle le Sauveur du monde avait attaché un grand prix possédait, aux yeux de ces générations croyantes, une puissance extraordinaire ; or, comme ells étaient dominées surtout par la crainte des jugements de Dieu, elles se ménageaient des occasions de faire la charité et ne rencontraient jamais trop de pauvres sur leur chemin. Ce sont ces idées qui ont donné naissance aux aumôneries permanentes près des monastères et des églises.

En lisant le règlement de l'hôpital Saint-Julien, le lecteur a pu se convaincre que mes appréciations ne se sont pas écartées de la vérité et de la rigoureuse exactitude des faits.

(Léon Maître).

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