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ORGANISATION DE LA VISITE DE NAPOLEON Ier A NANTES.

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La première pensée est pour l’organisation d'une garde d'honneur.

Dès le 23 mai, le Préfet écrit à M. Bertrand-Geslin : « N'étant point encore suffisamment autorisé à annoncer la formation de la garde d'honneur, j'ai pensé qu'il était plus convenable de réunir les personnes qui pouvaient en faire partie, pour les prévenir verbalement du passage présumé de Sa Majesté par cette ville, et les engager à faire toutes leurs dispositions préparatoires à l'organisation de cette garde. J'ai, en conséquence, convoqué par lettre plus de 250 individus, la plupart de cette ville, pour demain 24, à midi, au palais de la Préfecture. Je vous prie, Monsieur le Maire, de vous y rendre à onze heures et demie précises. Nous présiderons ensemble cette assemblée, dans laquelle le plan d'organisation pourra être arrêté, et vous resterez ensuite chargé du perfectionnement de cette organisation ».

Cette réunion eut en effet lieu, et la proposition du Maire et du Préfet fut chaudement accueillie. Il fut décidé que deux compagnies d'infanterie et un escadron de cavalerie seraient formés, et, séance tenante, 150 hommes s'inscrivirent pour l'infanterie et 95 pour la cavalerie. Le lendemain, les cadres se trouvaient entièrement remplis.

Dans cette garde d'honneur, toutes les classes de notre société apportaient leur contingent. Mais aussi, disons-le, et cela avec vérité, dans ce moment toute divergence d'opinions politiques était effacée ; ou plutôt toutes les opinions se réunissaient dans un sentiment commun, le désir de rendre hommage à celui qui, après avoir sauvé la patrie de l'anarchie, avait porté si haut le nom de la France.

Le 29 mai, tous les enrôlés inscrits, se réunirent à la Mairie, pour procéder à leur organisation définitive et à la nomination des commandants, officiers et sous-officiers.

Cette nomination eut lieu par l'élection.

Le commandement supérieur fut déféré à M. Deurbroucq, officier de la Légion-d'Honneur, chancelier de la 12ème cohorte et ancien adjudant-général.

M. Montaudouin fut nommé commandant de la cavalerie, formée en deux compagnies, dont étaient capitaines MM. Uric-Aug. Pelloutier et J.-B. de Couëtus.

L'infanterie, divisée également en deux compagnies, eut pour chef supérieur M. de Monti Saint-Pern, et pour capitaines MM. de Bruc de Montplaisir et F. Pâris.

Le procès-verbal de cette élection fut consigné au registre des délibérations de la Mairie, à la date du 30 mai.

Ainsi, la garde d'honneur était formée.

Voici quels en étaient le contrôle et la composition :

ÉTAT-MAJOR GÉNÉRAL.

P. Deurbroucq, colonel commandant.

P. Isid. de la Jarriette, capitaine quartier-maître, trésorier général.

MUSIQUE.
Fautrat, commissaire ; Mosneron Saint-Preux ; Valteau ; Saget fils ; Bernard ; Daniel fils ; Duplessix-Jochaud ; Ch. Landais ; Malescot ; Lourmand fils ; Gautier ; Renou ; Ritter ; Bruneau ; Lineau ; Brière ; Scheult Valerie ; Vauloup ;  Bedert, commissaire.

Ces premiers étaient musiciens amateurs ; les suivants, étaient musiciens artistes.
Canongia, chef de musique ; Lefebvre ; Guillonneau ; Huard ; Hugot ; Collet, membre de la Légion-d'honneur ; Clary ; André Hyll ; Moria.

INFANTERIE.
État-Major.
M. de Monti Saint-Pern, lieutenant-colonel, commandant.
J. Dubern, capitaine adjudant-major.
Pacquetau, sous-lieutenant, porte-drapeau.
Houssaye aîné, adjudant sous-officier.

Première compagnie.
M. De Bruc de Montplaisir, capitaine.
Lechauff, lieutenant.
A. Fellonneau, sous-lieutenant.
De Bercy.
Ch. Mellinet, sergent-major.
Ch. Rossel, sergent.
Rouault Villemartin jeune, sergent.
Lemerle fils, caporal fourrier.
Anthus aîné, caporal.
Lagarde aîné, caporal.
Palis, caporal.
Trevaux la Garenne, caporal.

GARDES.
MM. Pironneau ; Collin fils ; Aug. Guillemé ; F. Peccot ; Henri Delaville ; V. Letoup de la Billais ; Ach. Le Pays ; Fidèle Lehuédé ; Scherbrun ; De la Corbière ; A. Auvray ; Le Roux ; M. Sarrat ; Guillemard ;  Haranchipy aîné ; J.-J. Bernard ; Janse ; L. Cheguillaume ; Grubb ; Doré ; Walsh ; Real Desperrières; Vassal ; L. de Melient ; Berthomé de la Mothe ; F. Bonnemant ; Albert jeune ; Aguaisse ; Couy ; Pepin de Bellisle fils ; Lorois fils ; Astier ; Guerineau ; Toché aîné ; Millot des Fontaines ; Tarin ; Pierrette ; Verrier ; Drouet fils ; Aug. Cheguillaume ; Thoinnet ; Guibert Lasalle ; Cl. Feydeau ; F.-J. Marye ; Martin fils ; J.-B. Cormier ; N.-F. Sartorius ; Pusterle ; Allot fils ; J. B. Audouy ; J.-B. Moriceau ; Alex ; Guybert ; Coinquet ; Guichard fils ; Gicquiau fils.

Seconde compagnie.
S. Pâris aîné, capitaine.
Vallée aîné, lieutenant.
Fortuné Dumargat, sous-lieutenant.
Duboisviolette,
E. Pâris, sergent-major.
F. Marion, sergent.
Montano, sergent.
Félix Fruchard, caporal fourrier.
Mercier père, caporal.
U. Bernard, caporal.
A. Dubern jeune, caporal.
Deszaunay, caporal.

GARDES.
MM. Sarrebourse aîné ; Ubin Rairie ; X. Vernety ; Le Ray ; Vigneron Jousselandière ; Gallerand ; J. Dufour ; Cadot ; De Monti de Saint-Marc ; Desplantes ; Ch. Guillemet ; Charbonneau ; J. Guillemet ; Gulmann ; Plinguet ; Jolin ; Delphis ; Prout ; Mocquart ; Joyau ; Ferd. De Vischer ; R. Anthus ; Ed. Pelletier ; Foucault ; Ertaut ; Fabré ; Douillard ; Coïc ; Orillard ; Delisle de la Ferté ; Bourly ; S. Boistard ; Aubron ; H. Toché ; A.-M. Petitjean ; B. Papot ; L. Massion ; Neubourg ; Talvande ; Jacquier ; Du Lezard ; Grimperel ; Robert ; La Siccodais ; Degages ; Le Guée ; Luther ; Kern ; Salliot ; Materre ; An. Crucy fils ; Genevois ; Gorgerat fils ; Bergerot ; Boissouchard ; H. Charette.

Tambours soldés.
M. Revial, tambour major.
Fromentin, 1ère compagnie.
Cuit, 1ère compagnie.
Peltier, 2ème compagnie.
Martin, 2ème compagnie.

 

CAVALERIE.
ÉTAT-MAJOR.

MM. De Montaudouin, lieutenant-colonel, commandant ; Graslin jeune, capitaine-adjudant-major.
L. Chevy, sous-lieutenant, porte-étendard.

1ère compagnie.
Ulric-Aug. Pelloutier, capitaine.
De Landemont de La Guerre, lieutenant.
Gab. Dumoutier, sous-lieutenant.
E.-A. Delessert, sous-lieutenant.
J. Kermainguy de Cellart, maréchal-des-logis.
Joseph Sagory,
Benj. Coquebert, brigadier-fourrier.
Arm. de la Bretesche, brigadier.
De Martel, brigadier.
F. Chenantais, brigadier.
L. Crucy fils, brigadier.

GARDES.
Amaury Dufresne ; J. Monseron-Dupin fils ; Ph. de la Bretesche ; Prudent Tartoué ; L. de Landemont ; André Linsens de L’Epinay ; Ferd ; Petit-Pierre ; Prosper Delfault ; Briand-Dumarais ; Alp. de Marolles ; Ph. de Jasson ; Félix de Soussay ; Urvoy de Saint-Bedan ; Aug. de Bruc de la Bauche ; J.-J.-Armand Delessert ; Binsse ; De Monti Saint-Pern ; Fran. Dessaulx ; Gab. Duchaffault ; Brée de la Touche ;  P. Philippe ; Orye fils ; Delisle du Fief ; Marie Leroux ; Henri Bourcard ; Louis Hortier fils ; R. de Trevelec fils ; Hamot Saint-Leger ; J. Laffont.

2ème compagnie.
J.-B. de Couëtus, capitaine.
Henri Vilmain, lieutenant.
Aug. de Thouaré, sous-lieutenant.
P. de la Maronnière, sous-lieutenant.
F. Poulet, maréchal–des–logis.
L.-F. Berthaud La Bosser, maréchal-des-logis.
J.-Aimé Roger, fourrier.
N. Libault fils, brigadier.
P. Sarrebourse-d’Audeville, brigadier.
F. de la Rochefoucault, brigadier.
F.- Benj. Babin, brigadier.

GARDES.
Math. Crucy fils ; P.-M. de Bruc de Lyvernière ; Patrice Dulac jeune ; P. R. Villain ; André Bourgault ; J.-B. Allonneau ; L.-J. de la Brosse ; Édouard Gouin ; Félix Cossin ; René Bosset ; Louis Guerin-Doudet ; F. Rozier ; Ch. Bouteiller fils ; L. Lebreton ; R. Cillart-Kermainguy ; Florian de Jacquelot ; J.-M. de Carheil fils ; Armand La Roussière ; L. de Monti de la Cour-de-Bouée ; P. La Motte ; L.-A. Douillard ; Ls de la Maronnière ; Prosper Levesque ; P. Lamaignère ; Du Rocher ; Chery Duparc ; Michel Foucault ; C. de Carcouet ; Gédéon Coquebert ; L. de Lozes ; A.-M. Boubée ; Barrault.

Trompettes soldés.
MM. Paul Étienne ; Pottier ; Victor.

Ainsi l'effectif de la garde d'honneur comprenait 24 officiers, 32 sous-officiers, 200 gardes et 7 tambours et trompettes, en tout, 263 hommes.

Le 3 juin, M. Bertrand-Geslin, en annonçant au Préfet la formation définitive de la garde d'honneur, lui écrivait :

« L'espoir de posséder au milieu de nous notre Souverain bien-aimé remplit les Nantais d'allégresse. Nos jeunes gens mettent à l'honneur de faire partie de la garde d'honneur, que nous devons offrir à Sa Majesté, un prix qui donne la mesure de leur amour et de leur admiration pour le Héros de l'Europe. Leur empressement à se faire inscrire nous assure déjà qu'aucune ville de l'Empire n'aura présenté à son Empereur une garde d'honneur plus nombreuse, et l'enthousiasme qu'ils mettent déjà à se livrer aux exercices militaires, pour paraître dignement à ses yeux, fait l'orgueil et l'admiration.

La Mairie désire, Monsieur le Préfet, s'associer, dès aujourd'hui, au dévouement de ses jeunes administrés, et concourir au but qu'ils se proposent, de donner à cette époque, si précieuse pour nos coeurs, un éclat proportionné à son objet. Le Conseil partage notre voeu à cet égard et vient de voter, par la délibération que je vous transmets, une somme de 60.000 fr. pour faire face aux dépenses qui incomberont à la commune.

Je vous propose, Monsieur le Préfet, d'affecter sur cette somme celle de 10.000 fr. pour donner à la garde d'honneur ses drapeaux et pourvoir aux dépenses de toute espèce de sa musique.

L'organisation des corps est entièrement terminée ; la sagesse et la maturité que ces jeunes gens ont mises dans leurs choix, nous garantissent qu'ils représenteront dignement leur ville, et nous sommes impatients de leur en témoigner notre satisfaction, en leur faisant hommage des objets dont nous pensons que la Mairie doit se charger ».

Comme on peut le penser, le Préfet s'empressa de souscrire au désir manifesté par l'Administration municipale.

Le même jour, 3 juin, M. Bertrand-Geslin faisait aux artistes de la commune l'appel suivant :

« La ville de Nantes va jouir du bonheur, longtemps sollicité par nos voeux, de posséder dans ses murs Napoléon le Grand.

La Mairie désire mettre dans le témoignage de son amour et de son admiration pour le Père de la patrie et le Héros dont s'enorgueillit l'Europe entière, un éclat aussi digne que possible de celui qui en est l'objet.

Jamais les arts n'eurent plus de motifs de s'élever à l'enthousiasme, et sans doute ils s'empresseront d'acquitter la dette de leur reconnaissance, en contribuant à relever l'expression de la nôtre.

Tous les artistes de Nantes sont invités à déposer au secrétariat de l'Hôtel-de-Ville leurs projets sur les moyens de recevoir dignement notre auguste Empereur, et de célébrer d'une manière convenable le séjour qu’il daignera faire parmi nous.

Les plans devront être appuyés de devis estimatifs de la dépense. — Ils seront soumis à un jury nommé à cet effet, et l'on donnera la préférence à celui qui exprimera le mieux nos sentiments d'amour, et conservera plus longtemps le souvenir de cette époque précieuse de notre félicité ».

Un grand nombre de projets fut le résultat de cet appel, et l'on put remarquer des dessins de monuments, d'arcs de triomphe, qui prouvaient le bon goût et le talent de nos artistes.

Quatre projets fixèrent surtout l'attention.

Celui présenté par M. Peccot, architecte-voyer de la ville, obtint la préférence. Ce travail comprenait tout l'ensemble des mesures relatives à la réception de Leurs Majestés et aux réjouissances et fêtes auxquelles leur séjour devait donner lieu.

** PROGRAMME DRESSÉ PAR PECCOT **.

Architecte-voyer en chef de la ville de Nantes, pour les fêtes relatives à la réception de Sa Majesté Napoléon Ier.

« Il s'agit de recevoir dans les murs de Nantes l'Empereur des Français, le Roi d'Italie, le Protecteur de la Confédération  du Rhin ;

Celui dont les Espagnes et le Portugal reconnaissent le sceptre à l'ombre duquel ils veulent ouvrir au commerce français leurs immenses et riches colonies ;

Celui qui donne des lois jusque sur les bords de la Vistule, où il a brisé les fers d'une généreuse nation ;

Celui qui, par la seule force de son nom, a amené les Ottomans à suivre la direction de sa volonté suprême ; à qui la Perse envoie offrir la disposition de son territoire, et dont l'Inde attend les armées ;

Celui par qui règnent les lois et qui renouvellera la face de la terre.

Mais ce Potentat si puissant qui surpasse autant Charlemagne en grandeur que le dix-neuvième siècle surpasse le huitième en lumières, et que le globe de la terre surpasse l'Europe en étendue, ce Roi des Rois est encore l'homme extraordinaire qui a visité, en triomphateur, à la tête de ses armées, plus de pays que de célèbres voyageurs n'en ont parcourus ;

L'homme extraordinaire qui, sachant mieux profiter de la victoire qu'Annibal, a fait la guerre avec encore plus de génie et d'activité que cet étonnant général, et qui, supérieur à ce colosse de l'antiquité et, en lui, à tous les anciens, n'a personne parmi les plus illustres modernes qu'on lui puisse comparer,  ni pour les vastes combinaisons, ni pour les mouvements rapides, ni pour les soudaines illuminations, ni pour l'art heureux d'attendre avec patience où de brusquer la fortune ;

L'homme extraordinaire qui, dans les sciences, a mérité les éloges des plus illustres mathématiciens de l'Europe, et que le génie eut fait immortel, s'il ne l'avait été par la gloire des armes et de l'Empire ;

L'homme extraordinaire qui n'a pas seulement attaché son nom à des Codes où éclate la plus éminente sagesse, mais qui lui-même en a posé les bases principales, indiqué les principes les plus lumineux, et même discuté les détails avec une sagacité et une justesse qui ont étonné les plus habiles jurisconsultes ;

Enfin, l'homme extraordinaire que a fait dessécher d’immenses marais, creuser de nombreux canaux, aplanir de hautes montagnes, élever de magnifiques monuments, et a tellement multiplié sa gloire dans tous les genres de travaux utiles, tellement fait goûter les avantages et prodigué les bienfaits de la paix au milieu des soins de la guerre la plus laborieuse , qu'en lisant l'histoire de son règne, on croira lire l'histoire d'une dynastie tout entière.

Et que serait-ce encore s'il m'était possible d'entrer dans le détail de tous les services que cet homme prodigieux a rendus à la France ? La guerre civile de l'Ouest étouffée jusque dans sa dernière étincelle, l'atroce fanatisme ramené à la modération et à l'obéissance ; toutes les fureurs des factions et leurs noms mêmes anéantis ; la liberté des consciences non-seulement établie par une loi fondamentale, mais encore confirmée par le serment le plus auguste ; toutes les propriétés également consolidées, également inébranlables ; les finances réglées avec un ordre que la France n'avait jamais connu ; les manufactures créées, rétablies, encouragées ; les temples relevés, les moeurs épurées, les lois respectées, les magistratures honorées ; partout l'ordre et la sécurité, le rapprochement des esprits, l'oubli des injures, l'amortissement des haines, et, ce qu'il y a de plus étonnant, les plus antiques préjugés, ceux dont les racines se cachaient, pour ainsi dire, sous les premiers fondements du monde, les préjugés les plus invétérés, cédant à la raison impériale et les Hébreux se ralliant aux principes de la civilisation universelle.

Tel est l'auguste voyageur qui nous permet d'espérer que nos murs seront honorés de sa présence, tel est l'hôte auguste que les Nantais doivent se disposer à recevoir.

Certes, quand le génie de tous les arts emploierait, épuiserait tous ses moyens, et quand il serait secondé de tous ceux que peuvent fournir l'enthousiasme et l'opulence, il serait encore au-dessous de la noble tâche qui lui est imposée, surtout dans le département de la Loire-Inférieure, qui a déjà recueilli de si grands avantages de la pacification de l'Ouest, et qui doit s'en promettre de bien plus grands de l'exécution si rapide dans sa lenteur apparente, et chaque jour plus développée et plus sensible des plans maritimes de Sa Majesté l'Empereur  et Roi ; de ces plans, conçus avec tant de profondeur, amenés à terme avec tant de sagesse, et dont l'éclatant succès, en portant la gloire de Sa Majesté à un degré où les expressions manquent, élèvera la France au plus haut point de prospérité où il soit possible à la plus grande nation de parvenir.

Malheureusement, les moyens pécuniaires de Nantes sont très bornés, et cette ville, à laquelle les malheurs affreux qui l'ont assaillie font si vivement sentir le bonheur de vivre sous l'Empire de Napoléon, cette ville qui, ayant mieux aimé souffrir tous les fléaux de la guerre, la peste, la famine, la misère, les proscriptions, que de céder aux séductions et aux fureurs des perfides et atroces agents des Anglais, voit aujourd'hui avec la plus vive gratitude qu'elle est sur le point de recueillir le fruit de ses sacrifices ; cette ville qui, ayant soutenu un siège à jamais mémorable, dont l'infaillible résultat aurait été, si Nantes eût succombé, de livrer la France en proie à l'Angleterre, et ne devant attendre de l'ancienne dynastie que les sanglants effets d'une vengeance frénétique, peut se flatter de l'espérance que la dynastie impériale daignera agréer l'hommage de son inébranlable fidélité. Cette ville, qu'animent à la fois tous les sentiments les plus vifs d'admiration, de reconnaissance et de dévouement, a la douleur de se voir dans l'impossibilité de donner aux signes extérieurs de sa joie, tout l'éclat qu'elle désirerait. Mais, si les Nantais ne peuvent étaler la magnificence, il faut du moins qu'ils montrent toute leur affection ; il faut qu'ils mettent, pour ainsi dire, leurs coeurs à la place des moyens qui leur manquent, il faut qu'ils prouvent à Sa Majesté impériale et royale, qu'ils ont connu toute l'étendue de sa gloire, qu'ils ont apprécié toute la sagesse de ses mesures, qu'ils ont senti toute la grandeur de ses bienfaits.

La gloire de Napoléon me paraît donc devoir être l'idée dominante de la décoration de la ville.

Cette gloire doit être partout présente, partout sensible, partout palpable pour ainsi dire, tellement que les yeux les moins exercés puissent la voir, les esprits les plus grossiers la sentir.

Et, comme dans l'ancienne Grèce, l'âme de l’Univers était offerte à l'adoration des peuples, sous diverses formes réelles, qui représentaient chacune quelque attribut de l'intelligence suprême, ou quelque puissance de la nature, de même l'âme de l'Empire français doit être présentée à l'admiration publique sous les divers attributs de sa bienfaisance et de sa grandeur.

Ainsi, sur chaque place publique, l'on doit voir le buste de Napoléon, que présenteront au peuple la Victoire, la Religion, la Justice et les autres divinités emblématiques qui président à l'agriculture, à l'industrie, au commerce, à la navigation, à la concorde, aux sciences et aux lettres, aux arts, chacune avec les titres qui la lui rendent cher : la Religion, avec le Concordat ; la Justice, avec le Code Napoléon, le Code de procédure civile, l'organisation judiciaire ; l'Agriculture, avec le Code rural, les lois sur les desséchements, sur les canaux navigables, sur les grandes route, sur le cadastre ; le Commerce, avec le Code commercial, l'établissement de la grande foire nationale, la proclamation des principes du droit maritime, etc.

A ce moyen et à l’aide des expositions et des inscriptions qui y seront jointes, chaque particulier, en contemplant l'image du grand homme, dont il célébrera la présence, se pénétrera le coeur d'amour, de vénération et de dévouement au souvenir de quelque grand bienfait que la France en aura reçu ; et ainsi la reconnaissance l'imprimera dans les âmes en même temps que l'admiration.

En recueillant tous ces souvenirs, réunissant en un seul tableau tous ces traits épars de la grandeur, de la bienfaisance impériale, liant à l'image de Napoléon la mémoire de tous les actes qui consacrent son immortalité, chacun s'étant imprimé dans la pensée tous ces signes extérieurs et sensibles, s'élèvera aisément jusqu'à l'idée du Souverain le plus grand, du héros le plus illustre, de l'homme le plus extraordinaire qui ait jamais existé.

Cette expression de l'admiration des Nantais sera en même temps l'expression de leur amour pour leur souverain ; car comment n'aimerait-on pas avec transport, un monarque dont on a si présents tous les bienfaits ?

D'après ces considérations, on présentera au peuple :
Napoléon Empereur ;
Napoléon, victorieux ;
Napoléon, restaurateur de la Religion ;
Napoléon, législateur ;
Napoléon, pacificateur ;
Napoléon, protecteur de l'agriculture ;
Napoléon, protecteur de l'industrie et du commerce ;
Napoléon, protecteur des sciences, des lettres et des arts ;
Napoléon, libérateur des mers.

La statue de l'Empereur sera placée sur la colonne départementale.

Des inscriptions en prose et en vers feront connaître la gloire et les bienfaits de Napoléon, comme Empereur.

Cette colonne et les deux Cours seront illuminés avec toute la magnificence possible.

On ne doit pas songer à décorer cette place publique, afin de laisser libre le mouvement des voitures et des gardes, et de permettre l'accès du palais impérial à un peuple avide de la présence de son souverain.

Sur la place de la Préfecture, la Victoire couronnant le buste de Napoléon, le proclamera le plus grand des généraux.

C'est sourtout comme libérateur des mers qu'il importe de présenter Napoléon à l'admiration publique. Sans parler de plus de sept cents ans d'outrages de l'Angleterre contre la France, sans réveiller les souvenirs douloureux de la Vendée et de Quiberon, qu'on se fixe à cette seule idée : Point de commerce sans la paix, et point de paix stable et solide avec un perfide forban qui n'a de sacré que son intérêt commercial, et qui fonde cet intérêt commercial sur la ruine de tous les autres commerces, tant qu'on ne l'aura pas forcé d'abjurer sa tyrannie maritime.

Déjà l'Europe presque entière lui est fermée, et de vastes desseins, de l'exécution desquels ce que nous avons déjà vu nous garantit la réussite, vont éclater successivement contre cet éternel et implacable ennemi de la France.

Le blocus de l'Angleterre, qui a d'abord paru gigantesque, acquiert, chaque jour, plus de probabilité de succès, à mesure que l'on voit se développer les immenses moyens que met en accord le puissant génie qui a conçu un projet si extraordinaire.

Pour donner à la fois une idée simple et frappante de ce grand acte de puissance impériale et de vengeance nationale, et pour lier cette idée à la circonstance particulière du séjour de Sa Majesté dans notre ville, M. Antoine Peccot, commissaine impérial, près de la Monnaie, en a fait le sujet d'un tableau, dessiné par M. Ducarrey. Dans ce tableau, la ville de Nantes, rassurée par la présence de Napoléon, qui paraît dans toute la splendeur et la majesté de l'Empire, se plaint à lui des maux nombreux que les Anglais lui ont faits. L'Empereur, pour la consoler, daigne lui montrer Hercule (la force armée de la grande nation) qui tient un léopard (emblème de l'Angleterre) qu'il va précipiter dans la mer.

M. Chataigner, habile graveur, se fera un devoir et un plaisir de prêter son burin, pour faire de ce tableau une gravure qui sera mise sous les yeux de Sa Majesté.

Sur la place Saint-Pierre, la Religion, appuyée sur le piédestal qui soutiendra le buste de Napoléon, le montrera au peuple comme son restaurateur et son protecteur, et, de l'autre main, elle tiendra le Concordat.

Sur la place du Bouffay, la Justice fixant les yeux avec reconnaissance sur le buste de Napoléon, et tenant dans ses mains le Code Napoléon, le Code de procédure civile et l'organisation judiciaire, semblera remercier l'Empereur, au nom du peuple français, de lui avoir donné de bonnes lois civiles, qui, comme l'a dit Montesquieu, sont, après la religion, le plus grand bien que les hommes puissent donner et recevoir.

Sur la place de la Concorde (place Neptune), le buste de Napoléon s'élèvera avec l'inscription : Au Pacificateur de l'Ouest. Le piédestal sera orné de deux bas-reliefs, dont l'un représentera une réconciliation, et l'autre, la discorde enchaînée, avec ses poignards brisés et ses torches éteintes.

Sur la place Buffon (place Bretagne), l'Agriculture offrira à Napoléon les prémices des moissons, et, de l'autre main,  elle montrera le Code rural, le Code forestier et les lois sur les desséchements, sur les canaux navigables, sur les grandes routes, sur le cadastre et sur les plantations.

Sur la place du Commerce, le beau Mercure du Bologni, disposé convenablement, portera vers l'Olympe, comme messager des Dieux, l'image de Napoléon, qu'il tiendra de celle de ses mains qui est élevée, et, de la main qui tient le caducé, il proclamera, comme Dieu du commerce, le Code commercial, le traité d'alliance avec la Russie, les principes du droit maritime des nations, la liberté des mers et le blocus de l'Angleterre.

Sur la place Graslin, en face du magnifique morceau d'architecture qui la décore et qui est un des plus beaux qui existent dans toute l'Europe, les neuf Muses, ornées de leurs divers attributs, entoureront le buste de Napoléon, et le présenteront à la reconnaissance de tous les siècles, comme le protecteur des sciences, des lettres et des arts.

Sur l'éperon de l'île Feydeau, Neptune, affranchi de ses chaînes, fera hommage de son trident à Napoléon, libérateur des mers.

On a préféré, la place Buffon à la place des Agriculteurs, pour y placer la statue de l'Agriculture, afin de mettre plus d'ensemble et plus de rapprochement dans les diverses parties de la décoration. On pourrait faire dresser des tentes sur la place des Agriculteurs (place Viarme) et y établir des orchestres en faveur des nombreux habitants des campagnes, que le bonheur de ces journées appellera en foule à Nantes.

La place Impériale sera décorée d'un obélisque, de cinquante pieds de hauteur, qui, rappelant les glorieux souvenirs de l'expédition d'Egypte, réveillera les grandes espérances qui reposent sur ce pays. Chaque face de cet obélisque offrira l'image de Napoléon avec une inscription, et, sur le sommet, l'aigle de l'Empire tenant la couronne impériale.

MM. les habitants de cette place, devront être invités à illuminer uniformément ; on prendra à l'égard de l'illumination des autres places la détermination que prescrira chaque localité.

L'entrée de Sa Majesté se fera sur le pont d'Aiguillon, qui, de toutes les parties de la ville que doit traverser l'Empereur, est le seul lieu où l'on puisse placer un arc de triomphe. Pour le construire d'une manière qui réponde à une si grande solennité, on consultera les superbes monuments de l'antiquité et surtout l'homme célèbre qui en a fait une étude si profonde, et qui en a si bien exprimé les beautés dans ses ouvrages.

MM. les sculpteurs et artistes sauront varier la disposition de toutes les figures dont il est parlé dans ce programme, faire disparaître l'uniformité que paraissent avoir plusieurs des sujets proposés. Au surplus, cette uniformité sera moins sensible par l'éloignement des différents groupes.

Les édifices publics, qui appartiennent à la commune et qui n'entrent point dans ce plan, seront décorés et illuminés d'une manière adaptée à leur destination.

MM. les dépositaires de la confiance de Sa Majesté, dans les diverses branches de la distribution qu'elle a daigné leur faire de son pouvoir, décorant les édifices qui leur sont propres, chacun selon le genre de ses attributions, il en résultera nécessairement que les décorations qu'il leur plaira d'adopter, rentreront toutes dans l'esprit de ce programme, et qu'ainsi Nantes verra éclater, de toutes parts dans son sein, la gloire, la grandeur et la bienfaisance de Napoléon ».

Toutefois , la ville ne put remplir la totalité de ce programme ; le temps et les moyens bornés de la commune ne le permettaient pas. On put du moins réaliser la partie du projet qui s'appliquait aux monuments principaux, et fut ainsi décidé qu'il serait élevé :
1° Une porte triomphale sur le pont Rousseau ;
2° Un arc de triomphe sur le pont d'Aiguillon ;
3° Un obélisque sur la place Impériale ;
4° Un socle avec piédestal, de grande dimension, surmonté du buste de l'Empereur, au milieu de la place Graslin.

Tel fut le guide que l'Administration municipale se décida à suivre dans la disposition des préparatifs à faire. Jamais pareil zèle ne s'était manifesté, jamais aussi, comme nous le verrons, la ville de Nantes n'avait offert de pareilles fêtes.

La garde nationale se composait alors de huit bataillons, mais par le fait, cette garde, qui ne faisait aucun service, n'existait que de nom. Son organisation avait été fort négligée et elle n'était même armée qu'en partie.

On choisit, pour faire un service actif, huit cents hommes qui durent s'habiller et s'équiper ; M. Bosset, qui faisait le commerce des armes, mit à la disposition du Maire 400 fusils pour compléter l'armement.

Le commandement de cette garde, ainsi réorganisé, fut confié à M. Banchais, chef de brigade, qui eut sous ses ordres :
1er bataillon, commandant Weber.
2ème bataillon, commandant Durand.
3ème bataillon, commandant Allard.
4ème bataillon, commandant Devaux.
5ème bataillon, commandant Gaullier.
6ème bataillon, commandant Huette-Lamarre.
7ème bataillon, commandant Chauveau.
8ème bataillon, commandant Yvelin.

En outre, une compagnie de canonniers urbains, et formée de 70 hommes, avait pour capitaine M. Lamoureux.

Enfin, le corps des pompiers de la ville, formé en dix compagnies, et d'un effectif de 240 hommes, était sous le commandement de M. Mary.

Les autres troupes qui séjournaient alors à Nantes, se composaient de :
Vétérans nationaux : 100 hommes.
Gendarmerie : 133 hommes.
Garde départementale : 125 hommes.
Détachement de recrutement : 36 hommes.
Canonniers de la ligne : 16 hommes.

C'était ainsi un effectif total de 1.520 hommes.

Toutes ces troupes, fraîchement équipées, s'exerçaient chaque jour et rivalisaient d'ardeur.

Mais c'était surtout dans la garde d'honneur que se manifestait une activité vraiment extraordinaire.

Dans la réunion du 25 mai, une Commission avait été nommée à l'effet de s'occuper du choix des uniformes et de tout ce qui était relatif à l'armement et à l'équipement des deux corps.

Cette Commission, qui était en outre chargée, en s'entendant avec le Maire, de faire provisoirement toutes les convocations des gardes d'honneur, était composée comme suit :

INFANTERIE.
Émile Pâtris.
Joyau.
De Monti Saint-Pern.
Duboisviolette.
De la Jarriette.
Vallée fils aîné.
Pierson.

CAVALERIE.
Cossin.
Dumoutier.
Sagory.
Graslin.
Poulet.
De Carheil.
Vilmain fils aîné.

Deux secrétaires, M. de la Jarriette, pour l'infanterie, et M. Vilmain pour la cavalerie, étaient chargés de rédiger toutes les délibérations.

L'un des premiers soins de cette Commission fut de statuer sur l'uniforme, qui fut ainsi fixé :

Infanterie. — Habit de drap blanc. — Veste et culotte de casimir, de même couleur. — Bouton de métal, plaqué en or, portant un aigle au milieu, et autour, ces mots pour légende : Garde d'honneur.
L'habit, doublé de blanc. — Collet, revers et parements de velours amarante. — Les parements coupés et ouverts, se fermant en-dessus de la manche par trois boutons. — Les poches en travers et à trois pointes. — Les pans retroussés et agrafés avec un aigle brodé en or.
Les guêtres blanches ou noires, avec une jarretière attachée derrière par une boucle ronde en métal doré.
Pour les officiers, épaulettes en or. — Pour les sous-officiers et gardes, trèfles aussi en or. — Col blanc ou noir comme les guêtres.
Chapeau bordé d'un galon de poil de chèvre ouvragé ; la ganse en torsade, arrêtée par un bouton uniforme ; des glands dans les cornes, dépassant d'un centimètre.
Cocarde en argent.
Plumet blanc.
Baudriers blancs.
Pour les sous-officiers et gardes : un sabre, la poignée en ébène, les garnitures en métal doré et le fourreau noir. — Pour les officiers : l'épée, la garde et les garnitures également en métal doré.

Cavalerie. — Habit vert. — Couleur distinctive, en velours amarante, avec revers arrondis, terminés en pointes. — Gilet blanc, ressortant sous l'habit. — Trèfles d'or pour épaulettes et aiguillettes en or. — Pantalon serré, en casimir blanc, avec broderies en or. — Bottes à glands et bordures d'or. — Sabre de cavalerie légère, à fourreau en cuivre. — Chapeau à cornes, comme l'infanterie, avec le même plumet.
Le commandant supérieur de la garde d'honneur avait l'habit uniforme de l'infanterie, avec la forme, les aiguillettes, le pantalon et les bottes de la cavalerie.
Tous les gardes d'honneur avaient pour tenue de ville et de bal, quand ils n'étaient pas de service, une légère épée à tête d'aigle, et les bas de soie avec la culotte courte, de casimir blanc ; les boucles de jarretières et de souliers, en argent doré.
Cet équipement riche et d'un bel effet était aux frais de chaque garde d'honneur, et le coût en était encore assez élevé ; mais, en cette circonstance, ou ne se préoccupait guère d'un pareil sacrifice.

Le drapeau de l'infanterie était de taffetas blanc et d'un mètre carré.
Sur le côté droit était brodé un globe terrestre, entouré d'une couronne de laurier, nouée avec un large ruban amarante, sur lequel était cette inscription : IL L'A REMPLI DE SA GLOIRE.
A chaque coin, une étoile en or.
Sur l'autre côté, au centre, une N impériale, surmontée d'une couronne de neuf étoiles, au milieu d'une gloire radiale ; le tout entouré de deux branches d'olivier, nouées par un long ruban vert, sur lequel était la devise : IL DONNERA LA PAIX A L'UNIVERS.
Aux quatre coins, une N.
Dans le noeud de ruban, une ancre en noir et la traverse en or.

L'étendard de la cavalerie avait 75 centimètres carrés.
Le côté droit, en satin amarante, était entouré d'une guirlande d'olivier, brodée en argent. Au centre, une couronne de laurier surmontée d'une gloire ; et, au milieu une N en or. Pour devise : IMPERAT ORBI.
Baguette tout autour. A chaque coin, une étoile en or.
Le revers était en satin vert, entouré de même d'une baguette en or. Quatre N aux coins. Même guirlande d'olivier en argent. Au milieu, une couronne de chêne, brodée en or, et au centre pour devise : NOTRE AMOUR ÉGALE SON COURAGE.
Au bas de la couronne, une ancre en noir, la traverse en or.

Ces drapeaux, d'un beau et riche travail, furent brodés à Paris et donnés par la ville à la garde d'honneur.

Les tambours et trompettes furent également habillés et équipés aux frais de la ville, et cela d'une manière fort riche.

Le 28 juillet eut lieu la remise des drapeaux par M. Bertrand-Gestin, au nom de la commune.

La garde d'honneur à pied et à cheval, en grande tenue, se réunit sur le cours Saint-Pierre et ocupa l’avenue du milieu de la promenade. C'était la première fois qu'elle se trouvait ainsi rassemblée, et l'intérêt et la curiosité avaient attiré un grand concours de spectateurs. Les autorités de la ville avaient été conviées, et Monseigneur Duvoisin lui-même avait voulu être présent.

Le Préfet, en sa qualité de premier magistrat du département, prit d'abord la parole et félicita les gardes d'honneur de l’empressement qu'ils avaient mis à s'organiser, du bon esprit qui les animait, et du zèles qu'ils mettaient à se rendre dignes de l’honneur auquel ils étaient appelés.

Puis, M. Bertrand-Geslin, d'une voix pénétrante, rappela rapidement les merveilles qui avaient déjà signalé le règne de l'Empereur ; il montra Napoléon arbitre de l'Europe, régénérateur des peuples, protecteur tout puissant de ses alliés, législateur profond. Ramené ensuite par sa gratitude personnelle aux sentiments particuliers à la ville de Nantes, il indiqua avec chaleur les titres que s'était acquis le pacificateur de l'Ouest à l'amour éternel de nos populations. Enfin, il peignit à la garde d'honneur la haute mission qu'elle avait à remplir, destinée qu'elle était à entourer la personne sacrée de Napoléon et à garder celui sur qui reposaient les destinées du monde. Il termina son allocution par ces émouvantes paroles :

« Inutile, Messieurs, de vous recommander ce dépôt précieux ; l'on n'a pas besoin de prescrire ce que le coeur commande. Recevez, au nom de vos concitoyens, ces bannières, sous lesquelles vous devez vous rallier ; elles seront à l'avenir le monument de votre gloire et le signe commémoratif des plus beaux moments dont ait joui la ville de Nantes ».

Un long et unanime cri de vive l'Empereur ! répondit à cette allocution.

Après la remise des drapeaux, M. Deurbroucq, au nom de la garde d'honneur, remercia vivement le Maire et protesta que son zèle et celui de ses camarades sauraient justifier la confiance des Nantais.

Puis, le général Dufour, suivi de tout le cortége, passa la revue des deux corps, qu'il complimenta de nouveau sur leur excellente tenue et sur leur instruction, Il leur annonça en même temps qu'il allait partir le soir même, pour recevoir Sa Majesté aux confins de sa division, et qu'il s'applaudissait de pouvoir, le premier, présenter à l'Empereur les vœux et rendre compte de l'enthousiasme de la garde d'honneur de Nantes.

Quelques jours après, le lundi 1er août, la garde d'honneur, en armes et pareillement en grande tenue, se réunit de nouveau le matin et alla à l'Hôtel-de-Ville prendre ses drapeaux, qu'elle reçut des mains du Maire ; puis, elle se rendit à la Cathédrale.

Il s'agissait de resserrer par l'influence de la religion l'engagement sacré pris déjà au nom de l'honneur. Tous les fonctionnaires civils et militaires avaient été convoqués à la cérémonie qui se préparait et qui avait pour but la bénédiction des drapeaux.

Monseigneur Duvoisin monta en chaire et prononça un discours sur l'objet de la réunion. La parole du vénérable Evêque fut vive et en même temps touchante. Il retraça avec force ce qu'un Français doit de fidélité à ses drapeaux, d'amour à la patrie, de dévouement à Sa Majesté impériale. Il montra que la religion rend encore ces sentiments et plus solides et plus respectables. En un mot, tout ce que la religion, unie au patriotisme, peut avoir d'ascendant sur les âmes élevées, fut présenté avec cette onction, cette éloquence douce et persuasive qui caractérisaient le noble talent de Monseigneur Duvoisin.

Après ce discours, qui produisit la plus vive impression sur tout l'auditoire, Monseigneur l'Evêque, revêtu de ses habits pontificaux et entouré de tout son clergé, procéda à la bénédiction des drapeaux, et cette cérémonie offrit en même temps les émotions d'une assemblée de famille et l’intérêt plus élevé et plus puissant d'une fête religieuse.

Monseigneur Duvoisin réunit ensuite à sa table le Préfet, le Maire, l'Etat-Major et un certain nombre des gardes d'honneur. Comme on peut le penser, l'espoir de la prochaine arrivée de Leurs Majestés fut le principal sujet de la conversation.

La garde d'honneur voulut aussi cimenter son union et donner un témoignage nouveau de son esprit de corps. Le jeudi 4 août, elle se réunit dans un Banquet où prirent également place les principales autorités. De plus, un détachement de 150 hommes de la garde impériale à cheval venait d'arriver, pour servir d'escorte à l'Empereur. Pour fraterniser avec ces troupes, 30 hommes reçurent également une invitation. Inutile de dire que ce Banquet fut animé de la plus franche gaîté, et que, surtout, la santé de l'Empereur n'y fut point oubliée.

M. Vilmain y chanta la cantate suivante, faite pour la circonstance, et qui devint le Chant de la Garde d'honneur :

Unissons nos chants belliqueux,
Braves enfants de l'Armorique !
De nos intrépides aïeux
Rappelons le courage antique :
Que les Duguesclin, les Clisson
Soient pour nous un noble modèle ;
A l'auguste Napoléon
Nous devons prouver notre zèle.

CHOEUR.
Il compte sur notre valeur,
Quand parmi nous il vient se rendre,
Bretons, c'est au nom de l'honneur,
Que nous jurons de le défendre.
Loin de nous un lâche repos !
Pourrait-il jamais nous séduire ?
Quand nous veillons près d'un héros
Qui veille au salut de l'Empire ?
C'est lui dont la puissante main
A délivré notre patrie ;
C'est lui qui de chaînes d'airain
A chargé la discorde impie.

CHOEUR.
Il compte sur notre valeur, etc.
Ses étendards victorieux
Du Nil ont franchi le rivage ;
De nos paladins malheureux
Son épée a vengé l'outrage,
Et le renom de ses succès,
Pénétrant aux demeures sombres,
Des braves chevaliers français
Enfin a consolé les ombres...

CHOEUR.
Il compte sur notre valeur, etc.
Partout à ses pas triomphants
On voit s'attacher la victoire,
Des plus illustres conquérants
Il fait oublier la mémoire :
Et plus grand que tous ses rivaux,
Si dans ses mains la foudre gronde,
L'objet de ses nobles travaux
Est de donner la paix au monde.

CHOEUR.
Il compte sur notre valeur, etc.
En vain un perfide ennemi
A ses voeux voudrait se soustraire ;
Les flots entre la France et lui
Seront une faible barrière ;
Bientôt Albion expirant
Verra triompher notre audace
De Guillaume le Conquérant.
Napoléon suivra la trace.

CHOEUR.
Il compte sur notre valeur, etc.
Le chef auguste des Français,
Guidé par son vaste génie,
A fondé ses plus grands succès
Sur la concorde et l'harmonie ;
Fiers du nom de ses défenseurs
Nous en devons donner l'exemple ;
Compagnons d'armes, que nos cœurs
A l'amitié serve de temple.

CHOEUR.
Il compte sur notre valeur,
Quand parmi nous il vient se rendre,
Bretons, c'est au nom de l'honneur,
Que nous jurons de le défendre.

Cette cantate fut chantée le soir même au Théâtre, aux applaudissements des spectateurs, qui en répétaient le refrain en choeur.

Cependant, le moment de l'arrivée de l'Empereur approchait et l'activité de toute la population, et surtout des Administrateurs municipaux, s'en accroissait naturellement.

Le 31 juillet, le Maire avait fait afficher la proclamation suivante :

« HABITANTS DE NANTES,
Nous pouvons enfin vous donner la douce assurance que vous ne tarderez pas à voir dans vos murs celui que l'univers admire avec transport, celui qui éleva votre patrie au plus haut degré qu'ait jamais atteint une nation amoureuse de la gloire. Ses étonnants triomphes, ses travaux législatifs, en consacrant son nom à l'immortalité, ont assuré le bonheur commun des peuples de l'Europe, réunis pour ne former désormais qu'une famille, sous sa protection toute puissante. Ses soins paternels, la paix dont vous jouissez, le retour des moeurs et des habitudes qui rendaient le Français si justement célèbre, ont gravé dans vos coeurs l’amour et la reconnaissance. Vous vous disposez à en donner des témoignages à l'Objet auguste qu'appellent vos voeux impatients. Nous seconderons vos efforts pour célébrer dignement cette époque de notre félicité, et pour en faire la date d'une prospérité nouvelle pour notre ville. Unissez-vous aux intentions des Administrateurs qui vous chérissent ; que l'ordre et l'harmonie président à l'expression de vos sentiments unanimes ; l'ordre et l'harmonie embelissent les fêtes et donnent de la sécurité aux plaisirs.

A cet effet, nous recommandons à chacun la stricte exécution de toutes les mesures de police qu'exigent les circonstances, et faisons aux habitants l'invitation expresse de décorer et d'illuminer leurs maisons sur un plan uniforme adopté à l'avance pour chaque quartier bâti régulièrement. Les quartiers non réguliers seront illuminés le plus possible et d'une manière convenable. Trois coups de canon, qui seront distincts des salves d'artillerie de la place, annonceront le moment de l'illumination.

Nous nous en rapportons au zèle des habitants de Nantes, auxquels nous adressons le présent avis, pour tout ce qui peut toucher un événement aussi heureux pour leur ville ».

De son côté, M. Deurbroucq adressait à la garde d'honneur l'ordre du jour suivant :

« Le plus grand des Monarques va paraître dans nos murs ; nous allons voir Napoléon ; nous allons être admis à garder ce héros. Nous sentons toute l'étendue des engagements que nous avons pris. Nous répondrons à la France entière de celui qui dirige les destinées de l'Europe ; nous serons dignes d'une si grande confiance.

Gardes d'honneur de la ville de Nantes, vous allez être soumis momentanément aux ordonnances militaires ; l'honneur qui vous guide, les rendra de nul effet ; il suffira que vous soyez instruits des devoirs que vous aurez à remplir ; pour qu'on soit certain de leur exécution ».

Enfin, le 3 août, parut l'arrêté municipal concernant les mesures de police pour le bon ordre à observer dans la ville, les faubourgs et dans le port de Nantes.

Cet arrêté était ainsi conçu :

« ART. I. — Le jour de l'arrivée à Nantes de Sa Majesté impériale et royale, le Maire, ses Adjoints et le Conseil municipal se rendront à la porte d'entrée établie sur le Pont-Rousseau, servant de limite à cette municipalité, où Sa Majesté sera attendue ; ils seront accompagnés d'un détachement de la garde nationale.
ART. II — Le Maire présentera à Sa Majesté les clefs de la ville.
ART. III. — Attendu que Sa Majesté, en partant de Pont-Rousseau pour se rendre au Palais impérial, qui lui est préparé sur la place Joséphine, passera par les endroits ci-dessous désignés, les mesures de police ci-après seront strictement observées.
Aucuns chevaux ni voitures à des particuliers, ne pourront circuler sur le passage de Sa Majesté, savoir : depuis l'arc de triomphe établi sur le pont de la Poissonnerie jusqu'au Pont-Rousseau, et depuis ledit arc, sur le quai des Gardes-Françaises, le quai Bouguer, le quai Tourville, la place du Commerce, la rue de Gorges, la place Impériale, les rues Saint-Nicolas, de la Casserie, carrefour des Changes, Grande-Rue, place Saint-Pierre, rue Cerrutty et la place Joséphine.
ART. IV. — La voie, par le pont de la Poissonnerie et par l'arc de triomphe, ne sera rendue libre au public qu'après le passage de Sa Majesté ; avant ce moment, la communication entre la ville et les Ponts, ne pourra avoir lieu que par le pont de la Bourse.
ART. V. — Pendant le séjour de Sa Majesté dans notre ville, le Palais impérial, les maisons bordant les deux Cours, et tous les édifices publics seront illuminés. Les habitants sont invités aussi à illuminer la façade de leurs maisons. Les quartiers bâtis sur un plan uniforme, seront illiminés régulièrement, suivant les projets qui ont été adoptés.
ART. VI. — Tous les vaisseaux de la rade et du port seront pavoisés pendant le séjour de Sa Majesté.
ART. VII. — La cale Napoléon, sur la Fosse, est désignée pour l'embarquement et le débarquement de Sa Majesté.
ART. VIII. — Tous les canots qui lui sont destinés et aux personnes de sa suite, se placeront à ladite cale ; les officiers de port sont chargés d'en faire retirer tous bâtiments, chaloupes et barges, de manière que tant sur la rivière que sur le tablier de cette cale, il ne reste rien qui puisse encombrer ni embarrasser l'un et l'autre.
ART. IX. — Tous les bâtiments et autres embarcations qui se trouvent depuis le pont de la Bourse jusqu'à Chésine, devront être amarrés en couple et de manière que les rangs ne se coupent pas.
ART. X. — Toutes les cales, dans l'étendue ci-dessus, devront être entièrement libres ; aucuns bâtiments ni embarcations ne pourront se placer sur la rivière, au devant de ces cales. Elles seront dégagées des bois de corde et de tous matériaux et objets quelconques.
ART. XI. — Tous les maîtres mariniers du Pays-Haut, attendu que leurs bateaux sont très encombrants, sont requis de les retirer et de remonter au-dessus des Ponts, soient chargés ou non.
ART. XII. — Les Officiers du Port, les Commissaires de police et les Agents de police veilleront, chacun en ce qui le concerne, à la stricte exécution de cet arrêté »
.

L'autorité militaire prenait également ses dispositions.

D'après un ordre du jour du colonel Heurtaux, commandant par intérim la subdivision, la distribution du service des troupes fut ainsi arrêtée :

Un détachement de 50 hommes de la garde nationale devait accompagner le Corps municipal, en dehors de la porte triomphale de Pont-Rousseau.

La garde d'honneur prendrait la tête et se rangerait en bataille.

Les sapeurs de la garde nationale garderaient la porte.

Viendrait ensuite la garde nationale, formant la ligne à droite et à gauche. Puis la compagnie de réserve et les autres corps de troupes soldées.

Les 10 compagnies de pompiers devaient s'échelonner comme suit :
La 10ème compagnie, capitaine Garnier, de Pont-Rousseau à Pirmil.
Les 6ème et 8ème (9ème ?), capitaine Gautier, de Pirmil aux Récolets.
Les 5ème et 8ème, capitaine Carvain, des Récolets à la Madelaine.
La 4ème, capitaine Laffond, de la Madelaine au pont de la Poissonnerie.
La 3ème, capitaine Guené, du pont de la Poissonnerie à la place Impériale.
La 2ème, capitaine Bourmaud, de la place Impériale aux Changes.
Les 1er et 7ème, capitaine Bournichon, des Changes à la place Joséphine.
Le bataillon des vétérans devait se tenir en bataille, en face du Palais impérial.

Outre ce service, particulièrement relatif au cortège, celui des postes fut ainsi organisé :

Garde nationale.
Aux Frères  :  24 hommes.
Port-au-Vin : 40 hommes.
Hôtel-de-Ville : 12 hommes.
Les Salorges : 12 hommes.
Sainte-Elisabeth : 24 hommes.
Rue Rubens : 12 hommes.
Porte triomphale : 8 hommes.
Pirmil : 10 hommes.
Pont-Rousseau : 8 hommes.
Total : 150 hommes.

Pompiers.
Hôtel-de-Ville : 12 hommes.
Place Graslin : 12 hommes.

Troupes.
Quai de l'Hôpital : 8 hommes.
Arc de Triomphe : 8 hommes.
Port-au-Vin : 8 hommes.
Place Impériale : les sous-officiers de recrutement.
Aux Changes : 8 hommes.
Au Pilori : 16 hommes.
Place Saint-Pierre : 8 hommes.
Devant le Palais : 8 hommes.

Gendarmerie.
Arc de triomphe : 4 cavaliers.
Place du Commerce : 4 cavaliers.
Place Impériale : 4 cavaliers.
Changes : 2 cavaliers.
Pilori : 2 cavaliers.
Place Saint-Pierre : 4 cavaliers.
Place Joséphine : 4 cavaliers.

En outre, huit patrouilles de cinq gendarmes à pied, devaient circuler sur tout le parcours que devait suivre le cortège impérial.

Artillerie.
Au bas du cours Saint-André : 2 pièces.
Sur l'éperon de la Poissonnerie : 2 pièces.
Sur le terrain des Récolets : 2 pièces.
A la Machine , sur la Fosse : 2 pièces.
En dehors de la porte de Pont-Rousseau : 4 pièces.

La division du service de police était la même que celle établie pour les diverses compagnies de pompiers, et ce corps devait, au besoin, seconder l'action des commissaires, MM. Bar, Guillet, Durand, Merand Benoist, Ramard, Coppin et Bot.

Alors, en effet, Nantes n'avait point cette force organisée de sergents-de-ville, qu'elle possède au milieu du XIXème siècle. Tout le personnel se composait de :
4 archers faisant la police urbaine.
3 gardes faisant le service des bureaux de la Maire.
1 trompette de ville.
1 afficheur.
Au total : 9 hommes.
Ces 9 hommes reçurent pour cette circonstance un habillement uniforme complet, et furent chargés d'accompagner le Corps municipal.

Les officiers sans troupes et tous ceux attachés aux états-majors de la Division et de la Sous-Division, ainsi que tous les administrateurs militaires, devaient se mettre sous les ordres du commandant de la Sous-Division, et se rendre en corps à la barrière de Pont-Rousseau.

Ainsi, tout s'organisait en prévision de la prochaine arrivée de l'Empereur. Les membres de l'Administration municipale, M. Peccot, architecte-voyer, Fournier, inspecteur de la voirie, étaient constamment sur pied, pour surveiller, pour activer les travaux qui s'exécutaient simultanément de toutes parts et s'élevaient comme par enchantement.

Ainsi que nous l'avons dit, une porte triomphale s'élevait à Pont-Rousseau, un arc de triomphe sur le pont d'Aiguillon, un obélisque sur la place Impériale, et un monument auquel on avait donné la dénomination de Temple des Muses, sur la place Graslin.

La porte triomphale de Pont-Rousseau avait 12 mètres 25 centimètres de hauteur, sur 11 mètres de largueur. La charpente, solidement établie, était recouverte d'une toile peinte, représentant des sujets allégoriques, et entre autres deux victoires, les aîles déployées, présentant des couronnes ; sur le socle, des piles de boulets surmontées d'armures. Ce monument, d'ordre composé et d'un style sévère, était d'un grand effet. Il portait quatre inscriptions.

1ère Inscription.
Heureuse Cité ! dans ce jour
Napoléon, par sa présence,
De ton zèle, de ton amour
T'accorde enfin la récompense.
2ème Inscription.
C'est sur Napoléon, sur le plus grand des Rois,
Français, qu'avec raison, votre gloire se fonde,
Quand il est proclamé par la publique voix
L'arbitre, le héros, le bienfaiteur du monde.
3ème Inscription.
Assez et trop longtemps par le tyran des mers
O Nantes ! Tu fus outragée ;
Libérateur de l'univers,
Napoléon l'ordonne et tu seras vengée.
4ème Inscription.
Tel est le pouvoir du génie,
Napoléon parle, à sa voix
Le Sarmate reprend ses droits,
Et l'Ibère son énergie.

L'arc de triomphe, établi sur le pont d'Aiguillon, avait plus d'élévation que la porte de Pont-Rousseau.

Ses faces présentaient deux avant-corps, formés par des colonnes d'ordre corinthien. Elles étaient surmontées par un entablement portant quatre statues allégoriques. Derrière ces statues s'élevait un attique surmonté du char triomphateur attelé de six chevaux. Dans les entre-colonnements, des trophées d'armes antiques dans le genre de ceux qui décorent la place du Capitole à Rome.

Sur la face du côté des ponts, on lisait cette inscription : AU PACIFICATEUR DE L'OUEST.

Sur celle du côté de la ville : A NAPOLÉON LE GRAND, EMPEREUR DES FRANÇAIS, ROI D'ITALIE, PROTECTEUR DE LA CONFÉDÉRATION DU RHIN.

L'obélisque de la place Impériale avait 18 mètres 40 millimètres de hauteur. Au sommet, un aigle en bronze, habilement sculpté et les ailes déployées, présentait une couronne de chêne et de laurier.

La toile était peinte en granit oriental. — Sur chacune des quatre faces, le médaillon de l'Empereur. — Le piédestal, élevé sur un socle, présentait de deux côtés des cuirasses, des casques et boucliers antiques ; en bas relief et sur les deux autres côtés, les inscriptions suivantes :

1ère Inscription.
A peine au printemps de sa vie,
Il surpasse César en magnanimité,
Alexandre en grandeur, Annibal en génie,
Charlemagne en activité.
2ème Inscription.
Des bords de la Vistule aux rives de Valence,
Du grand Législateur on révère le nom ;
Et l'univers reçoit avec reconnaissance
Le Code de Napoléon.

Le monument élevé sur la place Graslin, et que l'on appela le Temple des Muses, se composait d'un piédestal circulaire, élevé sur une base carrée. Il avait environ 5 mètres de hauteur et était surmonté du buste colossal de Napoléon, avec les attributs des arts. Le pourtour présentait les neuf Muses en bas relief.

Quatre inscriptions y figuraient.
1ère Inscription.
O vous, les successeurs de Phidas, d'Appele,
Consacrez vos talents au plus grand des héros,
Et redoublez d'efforts pour rendre vos travaux
Dignes d'un si parfait modèle.
2ème Inscription.
Savants, dont il suivait, dont il guida les pas,
Admirez ce héros ; il fut grand par lui-même ;
Il aurait d'Uranie agrandi le compas,
S'il n'eut pas ceint le diadème.
3ème Inscription.
Érudits, assurez votre immortalité,
En recueillant les titres de sa gloire.
Quel héros, dans l'antiquité,
Fut plus digne jamais du burin de l'histoire ?
4ème Inscription.
Poètes, orateurs, par des chants immortels,
Célébrez à l'envi le héros, le grand homme,
A qui, dans les beaux jours de la Grèce et de Rome,
On eut élevé des autels.

Cette poésie n'offre sans doute rien de bien remarquable, mais elle exprimait la pensée du moment, et c’est le seul mérite qu'il faille y chercher.

L'érection seule de ces monuments, faits sur les plans de M. Math. Peccot, coûta à la ville plus de 21.000 fr. Les décorations et peintures étaient l'oeuvre de M. Dufay.

Mais, dans ce moment, il fallait pourvoir à tout.

Le pavé de nos principales rues fut remis à neuf ; des mesures sévères furent prises pour le nettoyage des voies urbaines ; toutes celles que devait parcourir le cortège impérial furent soigneusement sablées.

Puis des fêtes publiques se préparaient. Un feu d'artifice, riche et splendide, devait être tiré entre les deux Cours, dans la soirée du 10. — Ce jour-là et le 9, une illumination que l'on voulait rendre aussi brillante que possible devait éclairer les deux Cours et les monuments publics.

Pour ces mêmes soirées, des danses étaient organisées et des orchestres étaient dressés :
Place Impériale : 9 musiciens.
Place Graslin : 4 musiciens.
Place Viarme : 4 musiciens.
Port Communeau : 4 musiciens.
Place du Bouffay : 4 musiciens.
Place Bretagne : 8 musiciens.
Cours Saint-Pierre : 4 musiciens.
Cours Saint-André : 6 musiciens.
Hôtel-de-Ville : 4 musiciens.

Et, de plus, six musettes ou bignous bretons devaient provoquer à la danse nationale, sur les deux Cours et sur les places Bretagne, Viarme, Impériale et Graslin.

Ajoutons que des mâts de cocagne étaient également dressés sur toutes ces places.

Un autre objet donnait à l'Administration un souci assez sérieux.

La ville tenait à offrir à Leurs Majestés une fête communale.

A cette époque, Nantes avait pour unique salle de spectacle celle du Chapeau-Rouge, qui même n'appartenait pas à la commune. Le Grand-Théâtre de la place Graslin avait été détruit par un incendie en 1796, et malgré bien des efforts tentés depuis pour le reconstruire, cet édifice était toujours à l'état de ruines.

Le Palais de la Bourse n'existait point encore, et le cirque du Chapeau-Rouge, assez délabré, était le seul local où cette fête pût avoir lieu.

On s'empressa de tout restaurer, de tout remettre à neuf, et rien ne fut négligé pour que la décoration répondit au but que l'on se proposait. Nous verrons plus tard que le bal du 10 eut un véritable éclat.

Le commerce, de son côté, avait voulu prendre part aux apprêts des fêtes qui se préparaient. On savait que l'Empereur avait l'intention de visiter l'embouchure de la Loire, jusqu'à Paimbœuf, et un yacht de la plus heureuse construction avait été confectionné, à cet effet, par MM. Guibert et Mabon, au nom et aux frais de la Chambre de Commerce. La décoration de ce canot était aussi riche que complète. Il était ancré à la cale des Capucins, qui, à cette occasion prit le nom de cale Napoléon, avec plusieurs autres canots également richement décorés et destinés à la suite de l'Empereur. Cette petite flottille était l'objet d'une vive curiosité, et chacun s'empressait de l'aller voir.

N'oublions pas enfin de dire que, dans cette fête nationale et populaire, les classes indigentes ne devaient point être oubliées. De larges distributions de comestibles et de secours se préparaient pour les pauvres.

Mais une pensée qui dominait surtout, c'était d'entourer Leurs Majestés du plus d'hommages possible. Il fut, entre autres, décidé que cent dames leur seraient particulièrement présentées.

Le choix désigna à cet effet :

Mmes Allot. Colas. Barbier. Leroux de Commequiers. Baudouin. Coquebert. De Becdelièvre. Cormier. Bertrand. Cossin. Bertrand-Geslin. Du Couëdic. De Bercy. De Couëtus. Bodin-Desplantes. De Lisle du Fief. Bosset-Fabré. Dessaulx. Ch. de Bouteiller. Deurbroucq. Brager. Dubois. De la Bretesche. Dumaine. Briand-Dumarais. Dumoustiers. Bridon. D'Estrées. De Bruc de Livernière. Ferrey. De Bruc de Montplaisir. Dufou. Bruneau. Foucault. Brunet. Galbaut-Dufort. De Carcouet. Geoffroy. Chaurand. Genevois. De Codrosy. Giraud. Gondouin. Noury. Graslin. D'Orvault. Ve Graslin. Pâris. De la Guerre. Pelloutier. Guertin. Poulet. Gulmann. Prebois. Houdet. De Quehillac. Huché. De Regnon. Huet de Coetlisan. Rivet. Hummel. Roger. Des Jammonières. De la Roche. Jarry. De la Roche Saint-André. Jollivel. Du Rocher. De Kermainguy. De la Roussière. De la Brosse. Roux. La Fontaine. Saget. Law de Lauriston. De Saint-Aignan. Le Breton. Sarrebourse. Le Chantre. Schweighauser. Le Lubois. Siochan de Kersabiec. Lincoln. De Trevelec. Ls Levesque. De la Tocnaye. Pr. Levesque. Treluyer. De la Maronnière. Urvoy de Saint-Bedan. De Martel. Varsavaux. Metois. Vilmain. De Montaudouin. Walsh de Serrant. De Monti Saint-Marc. Bernard aînée. De Montpoly. Philippe.

Quarante demoiselles furent également choisies dans les familles les plus honorables, pour présenter des fleurs à l'Impératrice Joséphine.

Ces demoiselles étaient :
Mlles Arreau. Des Jammonières. Baudot. De Jacquelot aînée. Bertrand-Geslin aînée. De Jacquelot cadette. Blin. De Jasson aînée. Bodin-Desplantes. De Jasson cadette. Chaigneau. Siochan de Kersabiec. De Chataigner. Jollivel. Coeslier. Lamaignère. Leroux de Commequiers. Metois cadette. Coquebert. De Montaudouin. Cossin. De Monti Saint-Pern. Dandigné. Merger. Daudivier. Touffait. Dedon. De Quehillac. Dufour. De la Roche Saint-André. Edelin de la Praudière. Rousseau. Dufou aînée. De Ruais. Gasnier. Savary. Guertin. Vallier. Hummel aînée. Vernetty.

L'honneur de complimenter sa Majesté l'impératrice et Reine était déféré à Mlle de Monti.

Comme on peut le penser, on s'occupait aussi de la manière la plus active de meubler et d'orner le palais que devait occuper l'Empereur. On n'avait rien trouvé de mieux pour affecter à cette destination que l'hôtel d'Aux, présentant de vastes appartements, et qui, situé sur une large place, offrait les avantages les plus heureux.

Cet hôtel était occupé par le Préfet. De concert avec le Maire, ce magistrat se chargea de faire préparer l'ameublement nécessaire, et bientôt tout fut prêt pour recevoir Leurs Majestés. Un luxe de bon goût présida au choix du mobilier, et, dans ce palais improvisé, Napoléon put se croire dans l'une de ses plus riches résidences.

On dut pareillement rechercher des hôtels pour loger couvenablement les grands dignitaires qui accompagnaient l'Empereur. Sur l'appel que fit le Maire à cet égard, dix-sept hôtels et appartements furent immédiatement mis à sa disposition.

Ces offres furent faites par MM.
Leroux de Commequiers, pour l'hôtel Cottin, rue du Département. De Monti de la Cour-de-Bouée, pour un hôtel, rue du Département. De Beaumarchais, pour un hôtel, place Joséphine. Pepin de Belisle, pour un hôtel, place Joséphine. De la Tullaye, pour un hôtel, rue Notre-Dame. Mme Graslin, pour un hôtel,  rue Crébillon. Ls Levesque, pour un hôtel, rue Crébillon. Lamaignère, pour un hôtel, quai Brancas. Paimparay, pour un hôtel, quai Brancas. Deurbroucq, pour un hôtel, Ile-Gloriette. Dessaulx, pour un hôtel, Ile-Gloriette. Sallentin, pour un hôtel, Ile-Gloriette. Bourlet, pour un hôtel, aux boulevards. Schweighauser, pour un hôtel, à la Fosse. Guillemard, pour un hôtel, à la Fosse. Pasquer, pour un hôtel, à la Fosse.

Plusieurs de ces hôtels furent occupés, notamment l'hôtel Cottin.

Pendant que tous ces préparatifs se faisaient, le Corps municipal ne perdait point de vue les intérêts de la ville, sur lesquels l'attention de l'Empereur devait être particulièrement appelée.

Ainsi que nous avons eu occasion de le dire, une Commission avait été nommée pour préparer un travail à cet effet. Ce rapport était terminé, et, le 3 août, le Conseil municipal se réunissait de nouveau et adoptait la délibération suivante, que le Maire était invité à mettre sous les yeux de Sa Majesté :

« Le Conseil émet le voeu que Sa Majesté daigne agréer l'hommage de la colonne édifiée entre les deux Cours, ouvrage entrepris et exécuté par MM. les architectes de cette ville, qui en ont fait les frais, qui ont montré le désir que cette colonne fût achevée, et qu'il fût placé sur son faîte la statue de Sa Majesté impériale et royale, Napoléon-le-Grand ; il croit que la commune doit faire les frais pour la perfection de ce monument évalués à 40.000 fr. ;

Pour que le quai des Gardes-Françaises ne soit pas constamment masqué par les prisons et le palais du Bouffay ; pour l'accroissement de cette place et sa régularité, il est nécessaire que ce bâtiment antique et menaçant ruine soit démoli, et que la commune fasse l'acquisition des maisons qui s'opposent à l'alignement du quai des Gardes-Françaises ; il engage donc le Maire à solliciter de Sa Majesté la concession du domaine du Bouffay, et à se faire autoriser à acquérir, au nom de la commune, les maisons nécessaires pour la continuation de l'alignement des quais.

Il ne lui sera pas difficile de persuader Sa Majesté sur la nécessité d'établir des prisons plus sûres et plus salubres que celles qui existent ; sur le danger qui résulterait d'un incendie, dans la rue de la Poissonnerie ; sur la nécessité d'édifier un Palais de justice criminelles, un Palais de justice civile, police correctionnelle, Maison d'arrêt, de detention, correction, ateliers de travaux pour les condamnés à la détention, etc. Le château paraît présenter un local suffisant pour tous ces édifices ; il ne serait besoin que de transférer la poudrière dans un local hors de la ville, pour éviter, à l'avenir, les accidents dont Nantes a récemment senti les cruels effets ; la commune pourrait se charger de l'édification de la nouvelle poudrière.

Il ne manquerait rien à la régularité des quais, si Sa Majesté daignait faire transférer dans un autre endroit l'hôtel des Monnaies, qui menace ruine, et qui empêche de raccorder le quai Maillard à ceux du Bouffay et des Gardes-Françaises.

D'après l'avis du Conseil municipal, contenu dans sa délibération du 21 décembre 1807, relativement à l'achèvement de la Bourse de Commerce, M. le Maire est prié de solliciter de Sa Majesté l'autorisation qu'il a demandée à son Exc. le Ministre de l'intérieur, à qui il a envoyé les plans et devis qu'il avait demandés ;

De présenter les plans et devis, faits et rédigés par M. Crucy, pour la restauration de la salle de spectacle, qui doit coûter 400.384 fr., compris les augmentations et le prix d'acquisition de la maison Goisneau, nécessaire pour accroître et isoler entièrement l'édifice.

Le Conseil n'ayant pas sous les yeux les plans relatifs à l’Hôtel-de-Ville, est obligé de s'en référer à ce qui a été dit au cadastre ; il regrette que le terrain du sieur Colin n'ait pas été acquis dans le temps par la commune, pour procurer un accès facile et agréable à l'Hôtel-de-Ville. En se référant à ce qui a été dit précédemment, il émet son voeu pour que, du côté de la rue Follard, l’Hôtel-de-Ville soit entièrement isolé ; que, pour cet effet, la commune fasse acquisition des maisons qui y sont adossées dans cette partie, parce qu'à ce moyen, il sera facile de se procurer le local dont la Mairie a besoin pour l'établissement du Muséum.

Il est bien reconnu que l'Hôtel-Dieu est situé dans un endroit malsain, qu'il est caduc et condamné il y a plus de 60 ans, que sa reconstruction est nécessaire. Le Conseil croit qu'il pourrait être porté à la suite de l'hospice du Sanitat, tant pour la salubrité que pour l'économie dans les dépenses annuelles. 0n peut avoir recours, à cet égard, à ce qui a été dit et développé dans le compte moral présenté à M. le Préfet, en exécution d'un décret de Sa Majesté, du 12 juin 1807. Le Conseil est persuadé que le prix de vente du local actuel couvrira en grande partie les frais de construction du nouvel édifice. Il croit aussi qu'il est avantageux pour l'intérêt des hôpitaux que ses propriétés, principalement ses maisons d'habitation, soient aliénées par des baux emphytéotiques, pour éviter les frais de réparations et de réédifications.

Le Conseil émet le voeu qu'il soit édifié trois fontaines publiques, la première, près la maison Allot, rue Voltaire ; la deuxième, place Impériale ; la troisième, place de la Concorde.

Il en est ainsi pour la construction du pont des Petits-Murs, sur la rivière d'Erdre, au moyen d'un léger péage pour un temps déterminé.

M. le Maire est invité de solliciter auprès de Sa Majesté, à l'effet d'obtenir une prompte décision relative aux atterrissements et alluvions, dont la contestation entre la commune et le sieur Orillard est, pendante au Conseil d'État.

Il émet également le voeu que le lit de la rivière de Loire soit creusé, depuis la prairie de Mauves jusqu'à Chézine, en partant des canaux de Saint-Félix, la Belle-Croix et la Fosse ; il est persuadé que l'élévation du lit de la Loire provient de la pêche et principalement des nasses qui y sont placées.

Il est essentiel que les places du Commerce, Impériale, Delorme, Buffon, de la Préfecture, de la Reconnaissance, la chaussée de la Fosse, le quai de la Bourse, jusqu'à Chézine, la rue Vandick et la lisière du cours du Peuple, des deux côtés, soient pavés ou relevés à neuf. Ces travaux pourront coûter 40.000 fr. M. le Maire est invité à se faire autoriser à faire faire ces travaux extraordinaires ».

Tel était l'exposé des principaux besoins de la commune, que le Corps municipal désirait mettre sous les yeux de l'Empereur. Le Maire était, en outre, chargé d'entretenir Sa Majesté de quelques autres affaires auxquelles le Conseil attachait également de l'intérêt, entre autres : de l'établissement d'un dépôt de mendicité, de la création d'un grenier d'abondance, dans lequel les boulangers seraient tenus d'avoir constamment un approvisionnement pour trois mois, etc.

Une autre demande, que Le Conseil invitait le Maire à faire à Napoléon, était relative au rétablissement des Écoles chrétiennes. Voici comment s'exprimait à cet égard le Conseil :

« Cette institution, supprimée par la Révolution, avait rendu les plus grands services. Elle avait une influence heureuse sur les mœurs publiques ; tous les enfants de la classe indigente y recevaient une éducation morale, que rien depuis n'a suppléé. Il est sorti de ces écoles une pépinière d'hommes précieux dans tous les arts mécaniques, et même des sujets qui se sont distingués dans les sciences et dans les lettres. La ville de Nantes désire ardemment la renaissance de cet établissement, et s'en promet les résultats les plus avantageux. Les voeux des pères de famille et des magistrats à cet égard sont d'autant plus vifs, qu'ils sont parfaitement d'accord avec les intentions bienfaisantes et restauratrices du Gouvernement.

Le local, anciennement occupé par les Frères des écoles chrétiennes, sert aujourd'hui de maison d'arrêt et d'infirmerie des prisons. Le transfert des prisons au château rendrait aux Écoles chrétiennes les édifices et l'enclos qu'elles occupaient avant la Révolution.

Les dépenses pour loyer des salles de trois succursales dans les quartiers éloignés de la ville et pour pension des Frères, mobilier, etc., pourraient s'élever à 10.000 fr. ».

Nous avons été frappé de cette demande faite, à pareille époque et en terme aussi pressants, à l'Empereur lui-même, par le Conseil de notre commune. Cette institution, qui rend, en effet, de si grands services à notre population, devait sans doute reparaître, mais seulement douze ans plus tard et sur la seule initiative d'hommes charitables et bienveillants. Enfin, le Maire était chargé de soumettre à Sa Majesté le tableau suivant des revenus et des dépenses annuels de la ville de Nantes :

Recettes.
Centimes additionnels aux contributions : 18.182 fr. 17 c
Maisons, chantiers et moulins : 14.900 fr.
Rente foncière non éteinte : 500 fr.
Droits d'octroi, prix de bail courant : 565.000 fr.
Location des halles : 6.062 fr. 50 c.
Location des places aux foires et marchés  : 4.205 fr.
Ferme des boues : 10.100 fr.
Produit des actes civils : 600 fr.
Montant des recettes : 619.594 fr. 67 c.

Dépenses.
Rachat de la contribution mobilière : 145.153 fr. 82 c.
Secours aux hospices : 220.000 fr.
Secours au Bureau de bienfaisance : 24.000 fr.
Dix p. % aux droits réunis sur le produit des octrois : 49.351 fr. 32 c.
20ème des revenus à la compagnie de réserve : 23.517 fr. 08 c.
10ème des revenus fonciers pour le culte : 1.250 fr.
Bourses 1/2 et 3/4 au Lycée : 12.675 fr.
Contribution, pour le dépôt de mendicité : 13.000 fr.
Montant des dépenses obligatoires : 488.947 fr. 22 c.

Ainsi, à cette époque de 1808, le budget communal de Nantes présentait :
En recettes : 619.594 fr. 67 c.
En dépenses obligatoires : 488.947 fr. 22c.
Il restait ainsi en fonds libres : 130.647 fr. 45 c.

Cette dernière somme de 130.647 fr. 45 c. devait couvrir :
1° Les frais d'administration, loyers, contributions, entretien des biens communaux.
2° Les dépenses de police, salubrité, grande et petite voirie ;
3° Les dépenses de la garde nationale et des corps de garde ;
4° Les dépenses des travaux publics ;
5° Les dépenses des pensions à des employés vieux et infirmes ;
6° Les dépenses des établissements d'instruction publique ;
7° Les dépenses du culte ;
8° Les dépenses des fêtes publiques, etc.

Il faut dire cependant qu'en outre des revenus annuels mentionnés ci-dessus, la ville jouissait, depuis 1806, d'un 10ème additionnel à l'octroi ; mais ce produit avait une destination spéciale, celle de couvrir les dettes arriérées des hospices et de la commune. Il restait encore 30.800 fr. de ces dettes à éteindre, et la ville sollicitait la continuation de cette surtaxe et même l'établissement d'un second dixième pour permettre de suivre les améliorations projetées.

Cette position n'était certes pas brillante, et cependant, avec ces faibles ressources, l'administration de M. Bertrand-Geslin trouva moyen de faire à Nantes du bien et beaucoup de bien. Nous en dirons un par ailleurs. Mais en regard de cette position, que l'on juge de l'importance acquise par notre budget communal, dans ces cinquante dernières années.

En 1857, ce budget presente :
Recettes : 3.339.064 fr. 95 c.
Dépenses : 3.338.832 fr. 39 c.

Ainsi, tout marchait de front dans les préparatifs qui se faisaient ; tout était prévu, tout était prêt.

Répétons-le, du reste ; si, dans cette circonstance, l'Administration municipale montrait un zèle et une activité bien dignes d'éloges, il avait dans toute la population le même esprit, la même pensée, chacun, avec un empressement qui tenait de la passion, s'associait à tout ce qui se faisait pour donner de l'éclat à l'événement qui allait se passer dans nos murs.

A plusieurs années de distance, nous sommes tentés de taxer d'exagération cet entrainement, cette exaltation de l'opinion publique ; mais ce serait bien mal apprécier cette opinion que de la juger avec notre esprit du jour, avec cette froide raison que l'expérience des événements nous a donnée comme malgré nous.

Et si, d'ailleurs, nous n'avions pour expliquer et justifier ces manifestations de 1808, celles provoquées par la présence de Napoléon III en Normandie, et surtout en Bretagne, nous dirions encore : Que l'on se reporte à cette époque si brillante de l'Empire, que l'on se rappelle que Napoléon venait tout récemment d'imposer aux États du Nord une paix glorieuse, qu'en cent combats il avait attaché à son nom une gloire immortelle, cette gloire militaire surtout qui remue si fortement le coeur de la Nation française, qu'après avoir assuré la paix et la sécurité intérieures, il avait fait la France grande et puissante ; qu'en un mot, il apparaissait comme un génie auquel vainement on eut cherché un objet de comparaison, et alors on ne demeurera plus surpris de cet enivrement général pour la personne de Napoléon.

Ainsi donc, à Nantes, tout était dans l'attente ; et à chaque instant, les campagnes et les départements voisins versaient des flots de visiteurs dans notre ville dont la population se trouvait doublée. Cet accroissement de population était même tel que des inquiétudes s'élevèrent au sujet des subsistances. Pour détruire ces craintes, l'Admnistration municipale crut devoir prendre, à la date du 7 août, un arrêté qui obligeait les boulangers à augmenter leur fabrication d'un quart et à tenir leur boutique constamment garnie de pains. Appel était fait, en outre, à tous les approvisionneurs du dehors, d'apporter à Nantes leurs denrées en aussi grande quantité qu'ils le pourraient.

(M. J.-C. RENOUL).

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