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L'ÉPIDÉMIE DE LA PESTE NOIRE A NANTES.

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Europe est ravagée par la peste noire. — influence de cette épidémie sur le moral des populations. — Procession des Flagellants. — Massacre des Juifs. — Diverses affections bizarres qui ont régné pendant le moyen-âge.

VIII.

Nous sommes au XIVème siècle, pendant lequel une maladie pestilentielle, décrite par les historiens sous le nom de mort noire ou de peste noire, ravagea l'Europe depuis 1348 jusqu'en 1386. Sortie de l'Orient, elle gagna successivement la Russie, la Pologne, l'Allemagne, la France, l'Italie, la Sicile, les îles de la Méditerranée, l'Espagne ; et en passant ainsi d'un lieu dans un autre, elle était arrivée, par la peur qu'elle faisait naître, de plus en plus terrible dans les régions de l'Occident..... Cette épidémie fit de grands ravages et épouvanta le XIVème siècle ; elle fut tellement meurtière qu'on évalue à 25,000,000 d'individus le chiffre des morts... Outre les symptômes ordinaires de la peste que présenta cette épidémie, les organes de la respiration furent frappés de gangrène, les malades ressentaient de vives douleurs à la poitrine, ils expectoraient un sang noir et altéré, et leur haleine répandait une odeur empestée. Chez plusieurs, des pétéchies, isolées ou confluentes, apparaissaient sur tout le corps : ces taches noires lui valurent en Allemagne le nom de peste noire ; en Italie, on l'appela la grande mortalité, la mortalega granda.

Cette peste ravagea, en 1349, l'Angleterre, l'Ecosse, l'Irlande et la Flandre. En 1350, elle parcourut le Nord de l'Europe, et en 1360, dit Ozanam, revenant sur ses pas, elle vint encore désoler la France…… Comme presque toutes les grandes cités, Nantes en fut probablement atteinte... Partout où la maladie se déclare, la frayeur s'empare des esprits. On forme les boutiques, excepté celles des apothicaires et des regratiers, qu'on laisse entrebâillées pour ceux qui viennent acheter des médicaments et quelques provisions... Les uns se hâtent de quitter la ville, abandonnant leur femme et leurs enfants au milieu des pestiférés ; les autres restent chez eux, en proie à la terreur la plus grande... Dans ces tristes temps, les victimes, devenues des sujets d'horreurs pour leurs semblables, sont cruellement délaissées par les objets de leurs plus tendres affections. — Le fils sans pitié déserte la maison de son vieux père mourant ; — la fille, au lit de mort, appelle envain celle qui l'a nourrie ; — époux, parents, méconnaissant la loi de la nature, fuient ceux qu'ils devraient secourir .... Ami ou allié, on n'ose s'aborder, et on ne se parle plus que par les fenêtres ; les domestiques quittent leurs maîtres ; les voisins deviennent sourds aux plaintes de leurs voisins ; les ouvriers abandonnent leurs ateliers ; les besoins les plus pressants se font sentir...

L'effroi est si grand que l'on voit des femmes se prosterner dans les rues, le chapelet à la main, et poussant des hurlements affreux... Il n'est aucune maison, aucune famille qui ne compte plusieurs pestiférés ; les hôpitaux sont insuffisants pour les admettre ; les églises, les places publiques, les rues, et particulièrement celles où les malheureux espèrent trouver quelques secours, sont remplies de malades et de mourants .... La nuit suffit à peine pour l'enlèvement des cadavres. Le nombre des morts est si considérable qu'on ne sonne plus pour personne, et tous les corps sont transportés également sur des charrettes publiques, ceux des riches comme ceux des pauvres. On aperçoit à peine un passant ; le silence de la mort règne dans les rues, et l'on n'entend plus que le douloureux roulement de la voiture qui transporte des malades, et, la nuit, ces mots cries par un sonneur suivi d'un corbillard : Apportez vos morts ….

Pétrarque, dans une lettre écrite à son frère, fait une peinture lamentable de ce fléau , qui ravagea Avignon et ses environs :

« 0 mon frère ! s'écrie trois fois ce poète infortuné, comment se fait-il que sans guerre, sans incendie, sans la foudre céleste, la terre soit restée sans habitants ! Vit-on jamais de semblables désastres ? En croira-t-on les tristes annales ? Les villes abandonnées, les maisons désertes, les champs incultes, les voies publiques couvertes de cadavres, partout une vaste et affreuse solitude, et la peste poursuit encore de sa faux meurtrière et moissonne les misérables restes des humains qui avaient été épargnés jusqu'à présent ; consultez les historiens, ils sont muets ; interrogez les physiciens, ils sont stupéfaits ; demandez aux philosophes la raison de tant de maux, ils lèvent les épaules, froncent les sourcils, et le doigt sur les lèvres, ils imposent le silence. La postérité croira-t-elle ces choses, lorsque nous-mêmes qui en sommes les spectateurs, nous y croyons à peine, et il semble que nous nous réveillons après un songe épouvantable. Mais, hélas ! en parcourant notre ville couverte d'un voile funèbre, et en rentrant dans notre demeure que nous trouvons déserte et sans les objets de nos affections, nous avons reconnu que le sujet de nos terreurs et de nos larmes n'était que trop réel ».

Les grandes calamités portent à la superstition ; aussi les imaginations des hommes du moyen-âge s'ébranlèrent-elles à l'aspect de tant de désastres et sous l'influence de tant de terreurs... C'étaient des rêveries, des hallucinations sans nombre qui prirent naissance et trouvèrent foi dans tous les rangs de la société ; c'étaient — des anges traversant les cieux avec des armées flamboyantes, — des chars funèbres cheminant dans les airs, — des monceaux de cadavres se montrant au milieu des nuages, — des esprits rôdant par les rues et faisant signe aux passants pour les appeler dans la tombe.

A côté de ces aberrations s'offraient des spectacles d'un autre genre... Les Flagellans, qu'on nomma Frères de la Croix, qui s'étaient montrés déjà dans le courant du siècle précédent, reparurent d'abord en Hongrie, et puis bientôt dans toute l'Allemagne. Des hommes de la plus basse classe du peuple, vêtus d'habillements grossiers, la tête couverte d'un sac et de cendres, et une croix de drap rouge sur la poitrine, se mirent à parcourir les villes et les campagnes en chantant des hymnes et des cantiques tels que le Salve regina et le Stabat mater. Ils se donnaient la discipline avec des fouets de cordes nouées et armées de petites croix de fer. Ils avaient à leur tête des torches allumées et de riches bannières.

Partout où ils arrivaient, les cloches se faisaient entendre. Ces bandes, peu nombreuses dans le commencement, finirent par s'augmenter ; on les accueillait partout avec transport, et souvent le même vertige enlevait soudainement à une ville une partie de ses habitants, qui commençaient le pèlerinage et ses rudes dévotions... Ce fut comme une monomanie de pénitence et de deuil qui saisissait Un grand nombre d'esprits en Europe : effets combinés des vieilles superstitions et de l'épouvante nouvelle. Puis la maladie étant éteinte, l'exaltation religieuse tombée, les Flagellans devinrent odieux par des désordres menaçants pour les autorités spirituelles et temporelles qu'ils bravaient : ils furent poursuivis, dissous ou anéantis.... Mais à ces folles dévotions, à ce délire religieux de la terreur, dit le docteur Hecker, à qui nous empruntons ces détails, ne se bornèrent pas les effets de la peste sur l'esprit des peuples. Un vertige de sanglante cruauté accompagna le vertige de la superstition.

Nous savons par expérience comment l'ignorance cherche à s'expliquer les morts soudaines, mystérieuses, inévitables des grandes épidémies.... Comme le XIXème siècle, le XIVème siècle crut aux empoisonnements. On ferma les portes des villes, on mit des gardes aux fontaines et aux puits, et l'on accusa les juifs de l'effroyable mortalité. Alors l'Europe tout entière, continue le même historien, offrit un des plus affreux spectacles qui se puissent concevoir.... Tandis que la peste invisible dépeuplait les villes et les villages, et rendait les cimetières trop étroits pour la foule des morts, des passions infernales déchaînées ajoutaient de nouvelles souffrances aux souffrances universelles, et toutes les fureurs de l'homme aux fureurs de la nature... Dans plusieurs contrées, le peuple, persuadé que les juifs avaient empoisonné l'air, courait sur ces malheureux et les massacrait. On les fouillait exactement à l'entrée des villes, et si on leur trouvait des poudres, des onguents, des électuaires ou autres remèdes, on les obligeait à les avaler.

Ce fut en Suisse que leur massacre commença. Une diète s'assembla à Bennefeldt, en Alsace ; des évêques, des seigneurs, des barons et des députés des comtés et des villes y assistèrent et rendirent un arrêt sanglant contre les juifs. Mis à la torture, quelques-uns avouèrent, et l'on a encore les procès-verbaux de ces prétendus jugements. Condamnés, on les brûla ; mais la rage populaire n'attendit presque nulle part ces assassinats juridiques.... Là, on enferma les juifs dans leurs synagogues et on y mit le feu ; ailleurs, plusieurs milliers de ces malheureux, hommes, femmes, enfants, sont entassés dans de vastes bûchers.... A Mayence, ils essaient de résister ; vaincus, ils s'enferment dans leurs quartiers, et s'y brûlent au nombre de 12,000. A Strasbourg, 2000 sont brûlés sur un immense bûcher. On veut les convertir, on laisse la vie à ceux qui reçoivent le baptême ; leur fanatisme s'en irrite, et l'on voit les mères jeter leurs enfants dans les flammes pour les arracher aux chrétiens, et s'y précipiter après eux.... C'est toute l'Europe qui donne ce spectacle atroce ; les campagnes ne sont pas plus sûres pour eux que les villes ; les paysans traquent de toutes parts les fugitifs, la population les massacre, les magistrats les livrent à la torture, les princes et les nobles à leurs hommes d'armes ; et les juifs, poursuivis sans pitié, ne trouvent de refuge que dans la Lithuanie, où le roi Casimir-le-Grand les reçoit sous sa protection. C'est pour cette raison, pense le docteur Hecker, qu'ils se trouvent aujourd'hui en si grand nombre dans la Pologne.

A Paris, les Juifs épouvantés se réfugièrent non loin de la ville dans la forêt de Sainte-Opportune ; mais, menacés d'y être cernés, ils revinrent dans la rue dite des Hérétiques qu'ils habitaient. Le peuple se jeta sur eux et les égorgea en si grand nombre que leurs cadavres, laissés sans sépulture, y servirent durant plusieurs mois de pâture à un troupeau de loups qui rendirent longtemps ce quartier inabordable. Cette rue prit ensuite, au rapport de Borelus, le nom de Transnoniser qui signifie égorger, et enfin on a donné à cette rue le nom de Tranmonain devenu si célèbre par les massacres qui s'y commirent en 1834. (Ozanam).

La peste noire passée, cette grande calamité disparue, les morts pleurés et oubliés, le monde appartint de nouveau aux vivants et à toute l'activité des affaires humaines. Une vieille chronique peint naïvement cette résurrection : « Après que la mortalité, les processions des Flagellants, les pèlerinages à Rome, les massacres des Juifs, eurent cessé, le monde recommença à vivre et à être joyeux, et les hommes se firent de nouveaux habits ».

Si nous avons retracé ces tableaux de l'influence des épidémies du moyen-âge sur le moral des populations, c'est que nous avons pensé qu'ils méritaient d'être connus. Ce sentiment de conservation, porté jusqu'au plus vil égoïsme et qui conduisit les hommes de cette époque à abandonner les objets de leurs plus chères affections ; ce mélange d'esprit de pénitence et de cruauté barbare, qui, leur fit commettre des actes cruels envers des individus qu'ils accusaient d'être la cause des maladies qui décimaient alors le monde entier : ce sont là assurément de grands et singuliers phénomènes que nous devions reproduire quelqu'étranges et extraordinaires qu'ils puissent paraître.

La Faculté de Médecine de Paris, la plus célèbre du XIVème siècle, fût chargée de signaler les causes de l'épidémie, d'en indiquer le traitement et d'établir un régime de vie pendant la durée de la maladie.... Nous aurions pu mettre ici cette consultation, car elle a été envoyée à toutes les villes du royaume, et elle a servi probablement de guide aux médecins nantais ; mais nous avons craint que cette pièce n'eût pas présenté assez d'intérêt. Il nous suffira donc de dire que les idées qui dominent dans cette consultation sont entièrement conformes à celles du moyen-âge.

Lorsqu'on apppelait l’épilepsie le mal sacré, parce qu'on supposait que cette maladie dépendait des démons, et qu'on croyait que la lune envoyait cette affection aux mortels en punition de leurs crimes ;

Lorsque la magie, la chiromancie, la croyance aux maladies démoniaques, l'art cabalistique, et toutes les absurdités de la théosophie orientale étaient introduites dans l'enseignement et dans la pratique de la médecine ;

Lorsqu'on était persuadé que l'astrologie formait une branche essentielle de l'art de guérir ;

Lorsque les plus absurdes rêveries de cette science occulte attribuaient une vertu, spéciale aux médicaments préparés pendant la conjonction de Jupiter et de Vénus ;

Lorsque Gui de Chauliac et Bocace croyaient que les épidémies étaient dues à la conjonction des planètes, et que des médecins, comme Jérôme Cardan et Marsile Ficin, qui consultaient aussi les astres, faisaient redouter Saturne aux vieillards, vantaient les douces influences de Vénus aux jeunes gens, et les conjonctions de la planète de Mars aux belles dames....

Nous ne quitterons pas le moyen-âge sans mentionner plusieurs maladies caractérisées par les altérations mentales les plus singulières, et qui régnèrent, épidémiquement, à cette époque, sur des sujets qui n'étaient déjà que trop disposés, par les idées du temps, aux émotions surnaturelles...

Les uns, théomanes, s'imaginaient avoir des entretiens, des communications avec les anges, les saints, prétendaient être inspirés, avoir reçu une mission du ciel pour convertir les hommes.

D'autres, démonomanes, se croyaient possédés du diable et en son pouvoir, étaient convaincus d'avoir assisté aux assemblées chimériques des esprits malins, ou craignaient d'être damnés et voués au feu de l'enfer…

Ces affections bizarres, qui se développaient sous l'influence des idées prédominantes, se propagèrent dans toute la Bretagne demandant des exorcismes et sollicitant leur délivrance par des dons et des oblations... Tout alors, il faut le reconnaître, prédisposait aux hallucinations des fanatiques entourés de visions et de prodiges ; véritables fous, que l'on regardait comme des excommuniés, des damnés et des sorciers, tandis que la plupart de ces prétendus possédés du démon n'étaient que des esprits faibles ou des victimes d'une infâme persécution... Trop heureux quand les bûchers ne s'allumaient pas pour eux !...

(Gabriel Le Borgne).

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