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NANTES : L'ANCIEN PONT DE LA ROTONDE.

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Lorsque l'on considère la position heureuse de la prairie de la Madeleine, cette presqu'île qu'embrassent et arrosent deux bras de la Loire, l'on est en quelque sorte malgré soi amené à regarder ce bel et large emplacement, comme naturellement destine à former un quartier de notre ville. Le commerce, l'industrie surtout, trouveraient en effet dans cette position des avantages qu'on ne peut contester. Et enfin, puisque Nantes manque d'un champ de foire convenable, puisque les promenades y font défaut, ce vaste périmètre ne semble-t-il pas désigné pour satisfaire à ces besoins de la cité ?

Bien souvent l'opinion publique s'est préoccupée de cette question, et plus d'une fois aussi le Conseil de la commune a eu à en délibérer. Cependant jusqu'ici aucun parti n'a été pris, et la prairie de la Madeleine reste toujours avec ses seules espérances d'avenir, espérances qui, dans notre opinion, doivent tôt ou tard se réaliser.

A l'époque de 1830, l'idée d'établir un champ de foire sur ce terrain fut vivement émise, et l'on put même croire que l'exécution de ce projet allait recevoir une exécution prochaine. Une compagnie se forma alors, et dans des vues d'avantages particuliers auxquels cependant l'intérêt général n'était point étranger, cette compagnie fit l'acquisition de la prairie.

Nantes : l'ancien pont de la Rotonde.

Mais, dans la partie nord, aucun moyen de communication avec la ville n'existait alors, et ces terrains ne pouvaient acquérir de la valeur et être fructueusement utilisés qu'en ouvrant cette communication.

C'est pour arriver à ce but, qu'en 1835 MM. Séguin frères, ingénieurs à Paris, firent la proposition d'établir, moyennant un droit de péage, un pont suspendu, en fil de fer, de la Rotonde du Port-Maillard à la prairie de la Madeleine. Le 15 septembre, ils présentèrent à cet effet à l'Administration municipale leur soumission, accompagnée des plan, devis et projets de tarifs.

L'intérêt, urbain était évidemment engagé dans cette question de la manière la plus favorable. De plus, l'opinion alors était éprise de ce genre de pont que l'on regardait comme une heureuse innovation, et Nantes n'en possédait point encore. L'Administration se montra donc toute disposée à accueillir la proposition de MM. Séguin et à y donner suite.

Le Conseil municipal fut saisi de la question le 5 octobre suivant, et comme l'Administration, il se montra sympathique au projet. Sur le rapport, de M. Mellinet, il indiqua même, dès ce moment, les conditions réciproques qui pouvaient faire la base d'un traité à intervenir. Il fut décidé cependant que les commissions des finances et du contentieux feraient du tout un examen approfondi, et que le corps des ingénieurs des ponts et chaussées serait en outre consulté.

L'affaire suivit dès lors le cours indiqué et reçut l’instruction jugée nécessaire.

Les ingénieurs firent plusieurs modifications aux plans primitifs ainsi qu'aux tarifs proposés, et dressèrent un cahier des charges. Ils insistèrent surtout sur ce point que l'entreprise devait faire l'objet d'une adjudication.

Approuvé sur taus les points par le Conseil municipal dans ses séances des 25 mai et 20 juin 1836, le travail des ingénieurs fut soumis à une enquête de six semaines, et cette enquête ne fit surgir aucune opposition.

Le préfet se mit dès lors en mesure de présenter toutes les pièces du projet au Conseil supérieur des ponts et chaussées, afin d'obtenir la sanction royale.

Ce ne fut cependant que le 26 juin 1837 que fut rendue l'ordonnance qui autorisait la construction d'un pont suspendu sur le bras de la Loire du canal. Saint-Félix, à Nantes, entre le Port-Maillard et la prairie de la Madeleine.

On s'occupa aussitôt de mettre le projet en adjudication. Voici quelles étaient les principales clauses du cahier des charges.

Le pont devait être construit dans l'axe du cours Saint-Pierre et formé d'une seule travée suspendue, ayant au moins soixante-dix mètres d'ouverture.

L'adjudicataire était tenu de terminer dans un an tous les travaux du pont, et demeurait chargé de son entretien pendant tout le temps de la concession.

Il était aussi obligé d'établir une chaussée, faisant suite au pont et traversant toute la prairie de la Madeleine. Cette chaussée ayant douze mètres et demi en crête et six mètres cinquante-cinq centimètres d'élévation, devait aboutir à deux cents mètres en amont du pont de la Madeleine sur un quai de douze mètres de largeur, avec trottoir d'un mètre du côté de la rivière, et dont l'établissement était également à la charge de l'adjudicataire.

La chaussée devenait propriété de la commune aussitôt sa confection. Il devait en être de même du pont après le temps de la concession.

Le tarif du péage était fort détaillé. Nous citerons seulement :
Une personne : 50 c.
Un cavalier monté : 10 c.
Cheval, boeuf, vache, etc. : 05 c.
Veau, mouton, porc : 02 c. 1/2.

Le tarif des voitures était établi de 15 c. à 2 fr., suivant leur dimension et le nombre de bêtes attelées.

De son côté, la ville s'engageait à fournir à l'adjudicataire une subvention de 120.000 fr., en dix ans, et par portions égales de 12.000 fr., avec intérêt à 3 %.

Elle faisait en outre la cession du terrain comunal appelé Parc-aux-Fumiers, ainsi que des bâtiments qui pouvaient en dépendre, le tout estimé d'une valeur de 30.100 fr.

L'adjudicataire, enfin, devait jouir d'un droit de péage dont la durée ne pouvait excéder quarante années.

C'est sur ces conditions et celles accessoires stipulées au cahier des charges que l'adjudication fut annoncée pour le 16 août 1837. Cette adjudication devait avoir lieu en faveur du soumissionnaire qui offrirait le plus fort rabais sur la durée de la concession.

Au jour indiqué, plusieurs soumissions furent déposées ; celle de MM. Chaley et Bordillon, ingénieurs à Angers, stipulant seulement une concession de péage de vingt-huit années et cinq mois, fut la plus avantageuse, et par conséquent préférée.

Le procès-verbal d'adjudication reçut l'approbation du ministre de l'intérieur le 28 août suivant, et, dès lors, les premiers travaux pour la construction du pont purent commencer.

Le 12 avril 1838, M. Bordillon déposa en outre le plan des lieux, indiquant les terrains et édifices dont l'acquisition était nécessaire pour l'établissement des autres travaux. Aucune opposition ne surgit à l'enquête qui eut lieu à cet effet.

Les travaux continuèrent dans le cours des années 1838 et 1839.

L'épreuve du pont eut lieu les 13, 14 et 15 juillet 1840. Cette épreuve, faite conformément aux stipulations du cahier des charges, d'abord de 100 k., puis de 200 k. par mètre carré de tablier, fut complètement satisfaisante.

Procès-verbal d'acceptation du pont par la ville fut dès lors dressé. Les travaux de la chaussée et du quai n'étaient pas encore terminés, néanmoins M. Bordillon fut autorisé à toucher sa première annuité. Ces travaux, du reste, ne tardèrent pas à s'achever.

Depuis cette époque jusqu'en 1851 la petite place circulaire de la Rotonde était demeurée sans garde-corps. Une simple balustrade en bois, en fort mauvais état et de l'aspect le plus disgracieux, en tenait lieu. Le corps municipal jugea utile alors d'établir les choses dans un état plus convenable. Un crédit de 8.000 fr. fut voté pour l'établissement d'une rampe en fer, et M. Babonneau fut déclaré adjudicataire, sur un rabais de 18 % proposé par lui.

Tels sont les faits qui se rattachent à la création du pont de la Rotonde, création qui, en réalité, ne semble avoir donné ni à la ville, ni à l'entrepreneur, le résultat qu'on en attendait. Dans la première année où s'établit la circulation, M. Bordillon accusait une recette de 600 fr. par mois. Nous ne savons si cette recette s'est maintenue, mais nous avons peine à croire qu'elle se soit accrue. La circulation n'a pris aucune activité, et il nous paraît douteux qu'une recette annuelle d'environ 7.000 fr. chargée encore des frais d'entretien du pont et de ceux de perception, soit en définitive une indemnité bien satisfaisante des sacrifices que l'entrepreneur a dû faire. Et que l'on remarque, que dans quelques années, cette perception devra cesser, le terme de la concession arrivant vers la fin de 1868.

Quant à l'intérêt urbain, nous ne voyons pas qu'il y ait aussi sensiblement gagné. La prairie de la Madeleine est restée ce qu'elle était et nulle entreprise sérieuse n'y a même été tentée. La chaussée un peu négligée est en assez mauvais état et n'est point encore devenue un passage bien fréquenté. Le sacrifice fait par la ville ne semble donc pas jusqu'ici avoir reçu une compensation bien appréciable.

Si au lieu d'uli pont suspendu et surtout d'un pont à péage, la ville, en 1835, eût fait construire un pont en pierres, la dépense eût sans doute été plus considérable, mais aussi nous croyons que le résultat eût été bien différent. Dans ce cas, il ne nous semble pas douteux qu'une circulation active s'y fût établie ; la prairie de la Madeleine aurait alors acquis l'importance que lui vaut sa position et eut bien changé de face ; enfin cette question toujours agitée d'une deuxième ligne de ponts eut pu tout naturellement recevoir sa solution.

Nous ne voulons évidemment point discuter cette dernière question. Nous dirons seullement que, dans les vues de l'Administration, dès 1838, cette création du pont de la Rotonde se liait à ce projet d'une seconde ligne de ponts. Le 8 août, en effet, le maire, M. Ferdinand Favre, écrivait à M. Bordillon :

« J'ai eu l’honneur de vous écrire le 21 juillet dernier, pour vous donner connaissance des intentions de l'Administration municipale, relativement à la deuxième ligne de ponts, faisant suite à celui que vous construisez dans ce moment. Je vous prie de nouveau de m'adresser votre réponse sans retard, cette affaire devant être mise en état d’être présentée au Conseil municipal dans sa session prochaine ».

Ainsi, il y a déjà 25 ans, le choix de l'Administration était bien arrêté ; la deuxième ligne de ponts devait avoir pour point de départ ou d'arrivée le pont de la Rotonde. Que l'Administration ait abandonné depuis ce projet de créer une ligne de ponts suspendus, personne ne sera disposé à l'en blâmer, car on n'eût certainement pas tardé à regretter une pareille opération, mais l'idée même d'établir cette deuxième ligne de ponts dans l'axe du cours Saint-Pierre, doit-elle être également abandonnée ? C'est ce que, pour nous, nous sommes loin de penser. Ce point d'arrivée mettrait la ligne en contact presque direct avec la gare, et c'est là une considération d'un haut intérêt.

Elle communiquerait de la manière la plus facile avec nos trois grandes routes de Paris, de Rennes et de Vannes ; elle serait enfin à la proximité de la préfecture, du siège de la division militaire, de l'évêché, de la cathédrale, d'un grand nombre d'établissements religieux, des casernes, du lycée, etc. Ces motifs, et bien d'autres que l'on pourrait également faire valoir, nous font penser que toute préférence doit être donnée au projet arrêté en 1838, pour l'établissemnt de cette deuxième ligne, en amont de celle actuelle.

Du reste, le Conseil municipal a émis lui-même une opinion dans ce sens, lors de la discussion au sujet des grandes percées projetées dans notre ville. Mais aujourd'hui toutes ces questions semblent sommeiller et attendent une solution qu'une volonté ferme et soutenue peut seule leur donner.

Note : le pont de la Rotonde s'effondre le 21 juillet 1866, au passage d’un troupeau de bœufs. Il fallut alors construire un nouvel ouvrage : un pont métallique à travée unique de 48 mètres.

Nantes : l'ancien pont de la Rotonde.

(J.-C. Renoul).

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