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PAROISSE DE SAINT-NICOLAS A NANTES

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Les lecteurs de l'Histoire de Nantes de Travers ont remarqué le soin avec lequel le vieux Janséniste a noté tout ce qui avait trait au culte et à l’administration ecclésiastique dans notre diocèse. Nature chagrine, aigrie par la persécution, il satisfaisait une double passion, son amour du passé et son désir non moins vif de trouver en défaut ses supérieurs, évêques et chanoines. Il a puisé à pleines mains dans les registres du Chapitre, quand il a pu en obtenir communication, dans les archives des paroisses qui lui furent assez libéralement ouvertes. Il eut surtout le bonheur d’avoir en mains une remarquable collection d’anciens comptes de la fabrique de Saint-Nicolas. Il les tenait de La bienveillance de M. Arnollet, curé de cette paroisse, janséniste comme lui, mort en exil à Clisson en 1731. De cette collection fort étendue, (elle ne renfermait pas moins de cent registres) quatorze subsistent dans les archives de la  paroisse Saint-Nicolas. Le plus ancien remonte à l’an 1458, le plus récent à 1525. D’autres documents et les notes de Travers m’ont permis d’étendre mon enquête sur le culte paroissial à Saint-Nicolas, jusqu’à la clôture du Concile de Trente (A. Bourdeaut).

Histoire de la paroisse et de l'église de Saint-Nicolas

Les comptes de la fabrique de Saint-Nicolas ont moins trait à l’administration curiale qu’à l’administration fabricienne. Cette dernière était toute puissante dans l’église. Trois paroissiens, sous le titre de procureurs, étaient chargés de représenter la fabrique ou le corps social de la paroisse en son nom, ils administraient les biens de l’église, subvenaient aux besoins du culte, veillaient à l’exécution des fondations, tenaient compte des revenus et des quêtes, payaient les serviteurs de l’église, achetaient les objets nécessaires à l’exercice de la vie religieuse. Nommés à la fin d'Octobre par le corps des paroissiens, ils se faisaient agréer par l’évêché, entraient en fonctions ; ils terminaient leur charge au mois d'Octobre suivant. Ils transmettaient alors à leurs successeurs l’inventaire des biens meubles et immeubles de la fabrique, et justifiaient leur gestion par le compte rendu détaillé de leurs recettes et de leurs dépenses. Ils n’étaient complètement déchargés qu’après l’examen et l’approbation de leurs comptes par l’assemblée des paroissiens. Les plus notables bourgeois remplissaient tour à tour ces fonctions souvent fort onéreuses, car, alors, les attributions d’une fabrique, (nous le verrons dans la suite) étaient très étendues : elles comprenaient une part considérable de celles que la loi française confère au conseil municipal.

La paroisse de Saint-Nicolas n’avait pas alors l’importance qu’elle a aujourd’hui, mais elle était en voie de l’acquérir. Fondée vraisemblablement à l’époque des Croisades, elle apparaît pour la première fois dans notre histoire locale en 1186, à l’occasion d’un don fait à l’abbaye de Buzay, par Even, fils de Bourdin, d’un terrain situé au Bourg-Main, près du cimetière de Saint-Nicolas. L’acte de donation fut accompli en présence du comte de Bretagne, Geoffroy Plantagenet, représentant parmi nous de cette race envahissante des comtes d'Anjou, qui, non contents de régner sur l'Angleterre et la Normandie, avaient encore trouvé moyen d’annexer à leurs domaines le Poitou et la Guyenne. Nous trouvons autour de lui le sénéchal et le préfet de Nantes, les représentants les plus remarquables de l’aristocratie voisine, puis le chapelain Gauthier. Saint-Nicolas n’était qu’une chapelle ou une église succursale. Elle ne devait pas être alors bien ancienne. La Chronique de Nantes écrite vers 1050 n’en fait pas mention. Des prés couvraient alors la rive gauche de l'Erdre connue sous le nom de prairies Saint-Aignan. Il n’en est pas fait mention également en 1141, lorsque Conan le Gros donna au fondateur de l’ordre du Temple, venu solliciter son appui en faveur des Lieux Saints, le terrain où fut bâti le Temple de Sainte Catherine, au point précis de l’embouchure de l'Erdre dans la Loire, sur ce qui restait encore de l’antique prairie de Saint-Aignan. Le Bourg-Main toutefois existait alors, et il est peu probable qu’il fut dépourvu de chapelle : son nom caractéristique Burgus Magnus ne permet pas d’en douter, il était déjà le grand faubourg de Nantes [Note :  Ce nom de Bourg Main subsista jusqu'à la fin du XVème siècle dans le langage populaire. Jusqu'au début du XVIème siècle, la rue de Clavurerie était couramment appelée la rue du Bourgmain (Compte de l’année 1503)]. Tous ces terrains faisaient vraisemblablement partie de l’antique et immense paroisse de Saint-Similien.

Fait digne de remarque, presque partout, les églises dédiées à Saint-Nicolas se trouvent en dehors de l’enceinte des anciennes villes, ou dans le voisinage de quelques bourgades féodales : ainsi Saint-Nicolas d’Angers, Saint-Nicolas de Craon, Saint-Nicolas de la Guerche, Saint-Nicolas de la Chaume près des Sables-d’Olonne, Saint-Nicolas de Châteaubriant entre le château et la paroisse de Saint-Jean-de-Béré ; Saint-Nicolas de Montfort-sur-Meu, célèbre par le souvenir de sa canne miraculeuse ; Saint-Nicolas de Redon, à la porte de l’abbaye de Saint-Convoion. Toutes sont également contemporaines des Croisades. Saint-Nicolas de Nantes ne fait point exception à cette règle. Construite dans le faubourg principal de Nantes qui avait la garde du port, l’église fut, comme toutes celles de ce nom, destinées à servir de lieu de culte et d’asile aux étrangers, aux malades, aux voyageurs que le commerce attirait. Saint Nicolas, Sainte Catherine, deux noms évocateurs de l’âge héroïque de la Chrétienté à la grande époque des Croisades ! Tout pèlerin en montant sur la barque Génoise ou Vénitienne qui le conduisait en Palestine confiait à Saint Nicolas le soin de sa destinée et invoquait l’appui de Sainte Catherine, dont les Templiers, chargés de veiller à la sûreté de son voyage, avaient multiplié partout les chapelles. Dans l'Ouest, la plus ancienne église connue dédiée à Saint Nicolas est l'oeuvre du comte d'Anjou Foulques Nerra. Il l’érigea dans le faubourg d'Angers, à son retour de Jérusalem, vers l’an 1004, en témoignage de sa reconnaissance pour l’évêque de Myre, qui l’avait sauvé de la tempête. Depuis lors, nombre de chapelles furent élevées sur les deux rives de la Loire en l’honneur du saint favori de l'Orient, à  Corsept, au Migron en Frossay, à Chapouin près de la Varenne et du Cellier. Saint-Nicolas de Nantes est la plus illustre de ces chapelles maritimes. En 1220, Pierre Mauclerc engloba le Bourg-Main (Sainte-Catherine et Saint-Nicolas,) dans l’enceinte de la ville. Jusqu’au milieu du XVIIIème siècle, les deux tours de la porte Saint-Nicolas, (rebâties, il est vrai, vers 1450) rappelaient l’une le nom de Pierre Mauclerc, l’autre celui d’Alix de Plantagenet ; celle-ci portait sur sa couronne de machicoulis la statue de plomb de l’épouse du premier des Capétiens qui ait régné sur la Bretagne. En élevant cette nouvelle enceinte, Mauclerc n’abattit pas l’ancienne ; les murs en subsistaient encore au XVIème siècle, preuve patente des agrandissements de la ville. En 1236, Saint-Nicolas n’était pas encore paroisse, il était régi par le chapelain Aimery, aidé par un sous-chapelain du nom de Raoul (Archives de la Loire-Inférieure). A la fin du siècle, en 1287, il est paroisse, mais appartient encore, comme Saint-Similien sur lequel il l’emporte beaucoup en importance, au doyenné de la Roche-Bernard, il n’a pas encore acquis le titre de paroisse urbaine. Au XVème siècle, il figure au nombre des paroisses de villes et des paroisses du doyenné de la Roche-Bernard ; il relève de ce dernier à cause de son territoire hors les murs par ailleurs, il est le principal centre religieux de Nantes, après la Cathédrale (Voir Pouillé de la Province de Tours, publié par M. A. Longnon, p. 265-284).

La paroisse était alors composée de deux parties très distinctes : l’une, limitée par la rive de l'Erdre et les fortification de Pierre Mauclerc, que dessinent aujourd’hui les rues de l'Arche-Sèche et du Couëdic ; l’autre, beaucoup plus étendue, comprenant le surplus du territoire de Saint-Nicolas actuel et celui de Notre-Dame, territoire peuplé par des maraîchers, des vignerons, avec çà et là quelques manoirs nobles, comme La Bignon-Létard, Bouvet, la maison de campagne de l’évêque, la Touche, ancien siège du fief de la Fosse. Les habitants de cette seconde partie ne pouvaient réclamer le secours de leur curé après la fermeture des portes. A Noël, les fabriciens avaient soin de payer une gratification aux gardes de la porte Saint-Nicolas, pour que leurs concitoyens de la Fosse et des champs pussent assister à la messe de minuit. Un prêtre zélé, dom Gervais Le Court, fonda une messe à l’intention de ces derniers, sitôt l’ouverture des portes, à 7 heures du matin.

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CONSTRUCTION DE L'EGLISE SAINT-NICOLAS

(Sacristie – Aumôneries – Dédicaces - Cimetières – Vitraux et Grand Autel).

A l’époque qui nous occupe, 1450, l’ancienne chapelle de Saint-Nicolas n’était plus suffisante pour la foule des paroissiens. La fabrique songea à la reconstruire, ou, tout au moins, à l’augmenter d’une aile. Dans ce but, elle acheta, le 2 Février 1448, la maison d’un prêtre, dom Guillaume Botinard. Elle était située au sud de l’église, qu’elle joignait, ainsi que les murs de la ville et la maison des abbés de Pornic. On y avait accès par le cimetière qui s’étendait devant la grande porte de l’église. Pour décider dom Botinard à vendre le toit qui l’abritait, les fabriciens lui promirent de le loger jusqu’à sa mort, d’acquitter les rentes qui grevaient sa maison, de l’inhumer gratuitement dans le chœur, de célébrer un service anniversaire pour le repos de son âme. Toutes ces conditions furent fidèlement remplies. La fabrique logea dom Botinard dans un appartement qu’elle loua à cet effet au prix de 75 sols par an (TRAVERS - Histoire de la Ville de Nantes, II, p. 6). Si l’on songe que le salaire journalier d’un manœuvre était d’un peu moins d’un sol, vingt à vingt-deux deniers, on voit que la crise des logements était facilement conjurée. On rasa également l’ancienne aumônerie où logeaient les fidèles qui venaient en pèlerinage à Saint-Nicolas. Il en fut de même à cette époque de la maison de l’abbaye de Pornic (Archives de la ville de Nantes, CC, go, fol. 14-20. Comptes du Miseur). Elle fut vendue à la ville et englobée dans la Construction des fortifications de la porte dite de Saint-Nicolas [Note : La porte de ville de Saint-Nicolas est l’œuvre de Mathelin Rodier comme l’indique cette note du miseur de la ville « Item à Mathelin, maistre masson de St Pierre, pour la pourtraicture du devis du portal de St Nicholas en trois fassons appourtées devers le Duc, et pour sa peine d’avoir esté plusieurs foiz voair ledeffice dud. portal » (Archives de la ville de Nantes, CC. 239, n° 88. Jamet Thomas conterolleur des oeupvres de la ville du 1 Nov. 1443 au 1 Nov. 1444)]. L’ancienne porte s’était écroulée en 1445. Le quartier était en pleine crise de remaniement.

Grâce à ces dispositions, l’église fut agrandie d’une nef. Elle était orientée de l’est à l’ouest et occupait à peu près l’emplacement du clocher et des trois premières travées de l’église actuelle. Une porte du côté du cimetière fut ouverte à la place de l’aumônerie. Au sud, on accédait à l’église par deux échelles ou escaliers, l’un, à gauche, près des remparts l’autre, à droite, formé de deux groupes de marches séparées par un palier. Entre les deux escaliers s’élevaient quelques maisons, le cimetière enserrait l’église entre ces maisons et les murs du lieu saint.

Pour subvenir à ces dépenses, on fit appel à la charité des fidèles, en sollicitant l’octroi d’un pardon, c’est-à-dire, de quelques indulgences en faveur des chrétiens assez généreux pour aider par leurs aumônes à la réparation de l’église. Le cardinal d'Estouteville était alors à Nantes. Le pape Nicolas V l’avait envoyé en France comme légat, dans le double but de rétablir la paix entre la France et l'Angleterre et d’obtenir de Charles VII l’abandon de la Pragmatique sanction. Au cours de ce voyage diplomatique, le cardinal vint à Nantes où il séjourna pendant les mois de Mars et d'Avril 1452. Il n’y était point un inconnu : son frère avait été chambellan de Jean V ; lui-même était prieur de Sainte-Croix et de Donges, bien faibles bénéfices dans son opulente dotation. Nul n’ignorait la brillante conduite de son père dans la défense du Mont-Saint-Michel et les hautes fonctions de ses frères à la cour de Charles VII. Guillaume d'Estouteville présida, assisté de l’évêque de Nantes, à la solennité que les Cordeliers célébrèrent dans leur église en l’honneur de Saint Bernardin de Sienne nouvellement canonisé. Sollicité d’avoir égard à la pauvreté de Saint-Nicolas, (cette église ne possédait aucun titre de rente antérieur à 1395) [Note : Il est facile cependant de trouver des titres de fondation antérieurs à cette date. Cependant ils ne figurent pas dans l’inventaire des fabriciens. Au mois d’Août 1317, Pierre Lespervier, citoyen de Nantes et sa femme Perronnelle font leur testament, ils donnent 200 livres pour fonder une chapellenie en l’église Saint-Nicolas, plus un obit de 6 sous de rente en la même église. Le 13 Août 1382, Jean Goudan, prêtre, fonda une chapellenie en l’église Saint-Nicolas en l’honneur de Notre-Dame, plus deux messes à l’autel Saint-Michel. Il donna à cet effet deux maisons l’une proche la porte Saint-Nicolas, l’autre sise au Bignon Létard, plus 100 florins d’or, ses ornements d’église, son missel, son calice, son bréviaire pour servir aux titulaires de sa chapellenie. (Archives de la Ville de Nantes, II, 116 et Archives de la Loire-Inférieure, G. 487)]  il accorda une lettre de pardon, dont les fabriciens firent aussitôt exécuter une double copie authentique, preuve qu’il devait être important. Il fut immédiatement publié par leur soin dans toute la ville. Le curé était alors Jean Froger le pape lui-même l’avait nommé à la mort de Guillaume du Guermeur décédé depuis peu ; celui-ci avait remplacé Messire Guillaume Chapeillon, qui, pour perpétuer le souvenir de son passage en son église, lui avait fait don d’un riche missel écrit en lettres de forme, relié en cuir rouge [Note : Guillaume Chapeillon, recteur de Saint-Nicolas, mérite d’être rappelé. Il remplit le rôle de promoteur ou d’accusateur public dans le procès inquisitorial contre Gilles de Rais]. Le cardinal d'Estouteville ne quitta point notre ville sans y satisfaire ses goûts de bibliophile. Il y acheta, le 31 Mars 1452, pour quarante écus, une splendide Concordance des Evangiles qui figure aujourd'hui encore avec honneur dans les Collections du Vatican [Note : Muntz et Fabre. La Bibliothèque du Vatican au XVème siècle, article publié en 1887 dans la Bibliothèque des Ecoles françaises de Rome et d’Athènes, 48 fascicules, p. 261-264].

En 1457, les fabriciens entreprirent de reconstruire le revestuaire ou sacristie de leur église. Ils prélevèrent une taillée ou imposition de trois sous quatre deniers sur chaque écuelle ou couple de paroissiens, ainsi désignait-on alors chaque ménage ; le langage administratif n’était pas moins familier que l’argot populaire. On compta dans la circonstance 397 ménages en 1472, la paroisse en possédait 855 [Note : En 1472, la population se décomposait ainsi : 282 ménages habitent en ville ; 653, hors ville dans la campagne. En cette même année le registre énumère 162 décès]. On recueillit ainsi 66 livres 6 sous ; certains paroissiens ne donnèrent rien ; d’autres plus riches, ou plus charitables, offrirent de plus fortes sommes.  Olivier Hamon de Bouvet donna 50 sous, petit chiffre qui aujourd’hui fait sourire, mais grosse valeur pour le temps, car il représente le salaire de plus de cinquante journées de travail.  Certains payèrent en nature, qui, un panneau de vitre qui, une chappe blanche ; un Allemand, si j’en juge par son nom, Hans Tachs, offrit la grande vitre ou fenêtre de la sacristie. C’était, sans doute, un verrier. A sa mort, il accomplit quelques fondations en faveur de l’église. Le devis de l’ouvrage établi par le maître maçon, Jean Giguenne, monta à 100 réaux d’or évalués 125 livres d’alors. Il fallut, en outre, solder quelques menues dépenses, la peine de l’écrivain qui transcrivit le marché, le vin et la chandelle indispensables en pareille affaire, soit deux gros d'Angleterre et 25 deniers. L’édifice achevé, on appela le maître de l'oeuvre de Saint-Pierre, c’était Mathelin Rodier, l’architecte de la cathédrale, pour qu’il donnât son avis sur le travail accompli.

Les constructeurs sont infatigables : un édifice achevé, ils en recommencent un autre. En 1461, les fabriciens résolurent de rebâtir l’ancienne aumônerie : depuis qu’ils l’avaient abattue, les pèlerins de Saint-Nicolas n’avaient plus d’asile pour s’y retirer la nuit, pendant qu’ils accomplissaient leur neuvaine. Or, les statuts de l’église de Nantes leur interdisaient de coucher dans l’église. On acheta dans ce but, le 13 Janvier 1462, aux enfants de Jamet Bonamy, la maison de leur père joignant l'érail. On établit sur les paroissiens une nouvelle taillée de 5 sous par écuelle : 431 ménages payèrent, 47 refusèrent, alléguant leur pauvreté. Tanneguy Bosec bâtit l’aumônerie. Elle subsistait encore à l’époque où l’abbé Travers existait : le temps des neuvaines à Saint Nicolas était passé, elle servait alors de salle de catéchisme. Le mobilier n’en fut jamais somptueux on y trouvait, en 1506, deux couettes, six oreillers, sept écuelles, une pinte et un petit plat d’étain marqués aux armes d'Yves Le Thorieuc et de Messire Jean Gouyn, anciens recteurs de Saint-Nicolas.

Il restait encore beaucoup à faire : malgré l’agrandissement opéré en 1452, l’église était encore trop étroite. Le projet était de l’augmenter, cette fois, en longueur et d’une aile nouvelle du côté du cimetière. Saint-Nicolas avait alors à sa tête un recteur actif : Yves Le Thorieuc, chanoine de Nantes et archidiacre de Léon. Tout dévoué à Saint Yves, son patron, il fonda son office à la Cathédrale. Pour subvenir aux travaux qu’il méditait d’accord avec ses fabriciens, il prit son bâton de pèlerin et s’en alla à Rome. Il en revint apportant une belle lettre scellée par onze cardinaux accordant « onze cent jours de vrays pardons à ceux qui donneraient de leurs biens pour la réparation de l’église de Monsieur Sainct Nicolas » à l’occasion de certaines fêtes. Un autre prêtre, Jean Mazeril, obtint de son côté l’octroi de 300 jours d’indulgences de trois autres cardinaux.

Les pardons ou indulgences étaient alors le moyen en usage pour attirer les yeux de la charité sur une église, un hôpital, un monastère. Saint-Pierre de Nantes qu’on reconstruisait alors fort  lentement avait les siens ; le monastère des Carmes en avait d’autres. Quelques-uns de ces derniers religieux ayant encouru par leurs écarts les jugements de l'Eglise, les indulgences de leur monastère furent transférées à Saint-Pierre [Note :  Dom Morice. Preuves de l'Histoire de Bretagne, III, col. 89. Le Pape Pie II avait supprimé toutes les indulgences particulières en raison de la publication de la Croisade contre les Turcs. A la requête de Jean Noël, un Carme, docteur en théologie et prédicateur du Duc, et du cardinal Alain de Coëtivy, le pape Paul II rétablit les indulgences dans la cathédrale de Nantes alors en construction et en celle de Léon. Il transféra à Saint-Pierre de Nantes celles du monastère des Carmes].

Jadis pour attirer les ressources on n’eût pas eu recours à Rome ; on eût porté dans la campagne et dans les rues les reliques de la paroisse, sollicitant la générosité des passants. Les légendes de Saint-Similien offrent un curieux exemple de cette manière de procéder, lorsque après le départ des Normands, le chapitre voulut en reconstruire l’église [Note : « Gaultier, évesque que Nantes, avoit donné aux chanoines de Saint-Pierre l'Eglise de Saint-Similien, à condition de la rebastir. Pour s’acquitter de leur promesse ceux-ci assignèrent une solennelle Procession générale, laquelle, sortant de l'Eglise Cathédrale, passoit le long de la ville et s’alloit rendre au lieu de l'Eglise Sainct-Sembin, quatre Lévites portant la Chasse où estoient les doux et reliques de St Pierre et St Paul exhortans le peuple à contribuer à ce nouvel édifice et départir de leurs aumosnes et libéralitez ». Albert Le Grand. Vies des Saints de la Bretagne-Armorique, p. 311 de l'édition de M. de Kerdanet]. Mais les temps étaient changés ; à la prière près des reliques on ajoutait alors l’octroi d’un pardon ou d’une indulgence. Voici comment on procédait la veille, par exemple, de la fête de Saint-Nicolas, un bresteur, c’est-à-dire, un crieur public, dans l’espèce le sacristain, une plaque au bras, une échelette ou sonnette à la main, annonçait par les rues de la ville les pardons que l’on pouvait gagner à Saint-Nicolas. A l’église, devant le chœur, les reliques étaient exposées au pied d’un cierge solennel près duquel le sacristain plaçait une écuelle d’étain. Une fois sa prière faite, chaque visiteur déposait son offrande. Les sommes ainsi recueillies étaient modestes : 19 livres en 1464 ; 13 en 1467 ; 17 en 1472 ; 57 en 1479 ; 59 en 1480 ; 80 en 1484. Les reliques du lieu manquaient de notoriété un siècle plus tard, nul n’en connaissait plus la nature. Celles de Saint-Pierre et les indulgences qu’on y gagnait étaient beaucoup plus célèbres : une foule d’étrangers y accourait, à tel point qu’on doublait la garde aux portes de la ville. Ainsi s’élevèrent peu à peu, parmi nous, Saint-Nicolas et Saint-Pierre, à l’aide de ces ressources minimes, mais durables comme la foi et la charité chrétiennes. Aussi la sollicitation et l’octroi de ces pardons étaient-ils une affaire importante, en faveur de laquelle les diplomates du duc étaient chargés de s’entremettre à Rome.

Ainsi munis des pardons obtenus par Yves Le Thorieuc, les fabriciens reprirent leurs travaux. Ils en confièrent, en 1472, la conduite à deux maîtres maçons, Pierre et Jean Hochard. Ils construisirent dans cette campagne au moins trois arcs de voûte, et, en particulier, la chapelle Saint-Sébastien. La nef de l’église fut poussée jusqu’au mur de la ville. On n’hésita pas à l’entamer pour que l’arc des voûtes près des fonts baptismaux s’achevât dans toute son ampleur. Tout n’alla pas sans encombre : il fallut recourir à dame Justice pour stimuler l’ardeur des maçons, qui ne besognaient pas comme ils l’avaient promis ; le vin qu’on leur offrait était sans effet sur leur bonne volonté.

La construction de la charpente fut confiée en 1473 à Jean Joumaulx, mais, soit décès, soit toute autre cause, c’est un autre personnage que nous voyons apparaître en 1474. Jean de Borgell, un charpentier doublé d’un sculpteur, a signé lui-même en ces termes une curieuse sablière, l’un des rares débris qui subsistent de l’église Saint-Nicolas : I. de Borgelle fist cette Charpentrie en l'an mil CCCC LXXIIII. [Note : Le nom de l'auteur de cette charpente est en réalité : I. de Borgell].

Aux deux extrémités de cette pièce, il a taillé en plein bois, d’un côté, un montreur d’ours ; de l’autre, d’élégants feuillages ; au milieu, un personnage à mi-corps pilant des drogues dans un mortier. Ailleurs, sur une autre sablière, on voit une figure grimaçante au nez bourgeonné ; une tête d’évêque ; un fol et un sage chantant, le fol porte besicles ; ailleurs encore on voit un moine à corps de lion et, vis-à-vis, une tête de femme. Les ouvriers qui travaillaient à l’œuvre de Saint-Nicolas n’étaient pas tous des mystiques ils étaient plus touchés par les spectacles de la rue, par la verve caricaturale de nos fabliaux que par les méditations spirituelles de l’auteur de l’Imitation. C’est, au contraire, à cette dernière source qu’a puisé l’auteur du panneau de bois provenant de l’armoire des reliques de la même église, où l’on voit la tête calme d’un Christ nimbé, appliquée en très bas-relief sur un réseau de nervures flamboyantes.

Yves Le Thorieuc, sous le rectorat duquel s’accomplirent tous ces travaux, contempla les progrès de son œuvre, mais n’y entra pas. Il mourut à Lyon, au mois d'Octobre 1475. Il était vraiment l’homme des pardons ; il accomplissait un dernier voyage à Rome pour solliciter l’octroi de nouvelles indulgences pour la construction de Saint-Pierre, et, sans doute, aussi, de Saint-Nicolas.  Il eut pour successeur Messire Jean Gouyn, un autre chanoine.

Au début de 1478, la nouvelle église paraissait achevée : les fabriciens qui avaient tant peiné voulurent être à l’honneur. Ils demandèrent à l’évêque, Pierre du Chaffault, de la consacrer. Le nouveau prélat était un Nantais. Il avait pour lui l’affection de tous, des chanoines, ses anciens collègues, qui à l’unanimité l’avaient appelé sur le siège de Saint Clair, de son clergé et de son peuple. Aucun prélat n’a laissé parmi nous un tel souvenir : après sa mort, il fut honoré comme un saint. Aux qualités morales, il joignait celles d’un esprit cultivé. Pierre du Chaffault était alors à Chassay, en Sainte-Luce, où il jouissait d’un repos bien gagné, il venait de mettre fin à l’interminable querelle qui divisait les ducs de Bretagne et les évêques de Nantes. Pour obtenir de lui un accueil favorable, les fabriciens lui offrirent quelques bouteilles de vin de Beaune et de Capparit. Ce dernier était un vin d'Espagne venu de Cappara en Estramadure, province peu renommée par ses clos actuels mais à cette époque aucun Nantais ne prisait les vins de Bordeaux, ils n’obtinrent cours qu’au XVIIIème siècle ; par contre, les vins espagnols jouissaient d’une grande faveur. L’évêque désigna le mardi de la première semaine de Carême, 24 Février 1478, jour de la fête de Saint Mathias.

Je ne sais si quelques muses Nantaises célébrèrent la consécration du nouveau Temple, comme le firent en 1854 Mme la Comtesse de Saint-Jean et Mlle Elia Morin ; cependant Saint-Nicolas comptait alors au nombre de ses propriétaires, tout proche de l'Eglise et de la cure, un poète de talent, Jean Meschinot. Je ne sais pas davantage quel furent exactement les détails de la cérémonie. Travers, qui a compulsé les comptes de l’année, est muet sur ce sujet, mais je sais, grâce à lui, qu’on éleva des échafaudages pour permettre à l’évêque consécrateur de monter du grand cimetière sur la muraille de la ville qui joignait l'Eglise à l’Occident. Nous connaissons également le menu du repas que la fabrique offrit en ce jour. On était en Carême : on servit, à table, un saumon, six lamproies, mets Nantais par excellence six anguilles salées, deux brochets, deux carpes, deux brèmes ; le tout coûta 113 sols 10 deniers. Le repas fut arrosé de quatre cartes de vin de Beaune et de Capparit. Les chantres eurent leur part des mêmes vins, des dragées et des échaudés pour 10 sols 8 deniers. C’était un grand luxe pour une fabrique pauvre.

L'église était à peine achevée qu’un coup de tonnerre malencontreux, la nuit de Noël 1479 vint compromettre la solidité du clocher, briser les verrières des nefs et de la sacristie. Les fabriciens réparèrent tout d’abord leurs vitraux. Bertrand Le Soudet, le vitrier, remit en état les images des saints, les armoiries des bienfaiteurs de la paroisse. Jean de Chaillou replaça au sommet du clocher, en guise de girouette, une main de cuivre, objet de moqueries de la part des Bretons de langue. Les Nantais, disaient-ils, avaient été contraints de placer ces sortes de mains sur leurs clochers par le duc Jean le Conquérant, pour rappeler qu’ils s’étaient laissés graisser la main par les Français de Philippe de Valois, lorsqu’en 1345, ils leur avaient livré Jean de Montfort, le compétiteur de Charles de Blois.

Les travaux reprirent bientôt leur cours à Saint-Nicolas. En 1483, on reconstruisit le porche, la grande porte de l’église, avec l’aide d’un nouveau maître maçon, Jean Perrier. On confia encore à Bertrand Le Soudet [Note : Bertrand Le Soudet, ou Le Soudec était un vitrier de talent. En 1486, il prit le titre de vitrier du Duc en vertu de lettres patentes de François. B. 10 fol. 93-94, 17 Décembre 1486] le soin de décorer le vitrail qui le surmontait. Malgré les recommandations de l’évêque qui s’efforçait de réfréner l’abusif usage d’apposer partout, sur les murs, dans les verrières et jusque sur les vases sacrés et les portes des tabernacles, les armes des seigneurs fondateurs, Bertrand Le Soudet fut assailli d’offres d’argent de la part des bourgeois désireux d’insérer leurs marques dans les panneaux des nouvelles verrières. Très bien instruits de ces offres d’argent, les fabriciens eussent voulu ne donner à l’artiste que 30 livres pour solde de son travail, l’estimant assez payé par les dons qui lui avaient été faits de la main à la main. Toutefois, ils se ravisèrent et inscrivirent simplement sur leur compte qu’ils lui donnaient 30 livres à valoir « sur la vitre » qu’il devait exécuter « en l’œuvre neuff du portal de lad. église ». Ce porche nouveau donnait accès à la chapelle Notre-Dame, située dans l’ancienne église du côté de l'Epître. C’était le morceau architectural le plus intéressant du vieux Saint-Nicolas.

La même année, l’évêque Pierre du Chaffault revint à Saint-Nicolas pour y bénir les agrandissements des cimetières. La paroisse en avait deux, l’un au sud, l’autre au nord. Le plus grand à l'imitation des cimetières bretons, possédait une galerie, sorte d’ossuaire, où l’on déposait chaque année les restes des défunts que relevait le fossoyeur [Note : Item se deschargent avoir payé pour serrer les ossements des défunctz qui estoient autour du cymetiere pour les faire arranger ou petit chapitreau qui est près lad. église devers le Cymetiere. (Compte de l’an 1503)]. Plus tard, M. de la Polonie y joignit une chapelle, où on le voyait à genoux devant un Crucifix. Pour remercier l'évêque, on lui offrit deux poinçons de vin d'Orléans qu’on fit conduire au Palais, épiscopal à Saint-Pierre.

L’église était achevé, il restait à l’orner. Il ne semble pas que les paroissiens se soient pressés d’accomplir cette œuvre. Ils n’avaient près d’eux aucun recteur capable de les stimuler. Les successeurs d'Yves Le Thorieuc et de Jean Gouyn ne résidaient point ; ils se faisaient remplacer par des vicaires fermiers, dont le plus remarquable parait avoir été Messire Maurice Jambu. Les temps d’ailleurs étaient troublés ; les guerres de la succession de Bretagne, le siège de Nantes en 1486, l’incendie, en cette circonstance, d’une demi douzaine d’immeubles paroissiaux, sur la Motte Saint-Nicolas, par l'Artillerie française, n’étaient pas favorables à l’esprit d’entreprise. Les fabriciens cachèrent les vases précieux et les reliques de leur église ; ils en descendirent même les vitraux.

L’orage passé, ils retrouvèrent, grâce à la présence parmi eux d’un nouveau recteur, Messire Jean Pouart, leur esprit d’initiative. En 1480, lors de la réfection de leurs verrières brisées par la foudre, ils n’avaient pas compris dans le marché l’ornementation de la fenêtre qui ornait le chevet de l’église. Quinze ans plus tard, ils commandèrent à un peintre verrier d’exécuter ce travail. Allèrent-ils au loin chercher l’artiste qui leur convenait ou s’adressèrent-ils à quelque maître local ? je l’ignore.  Il y avait dans la paroisse même deux artistes capables de les satisfaire : Bertrand Le Soudet dont nous avons remarqué les œuvres, et Pierre de la Chasse, peintre et enlumineur du duc François II, dont ils mirent à profit le crayon en plus d’une circonstance. On retrouve leurs noms çà et là à propos des vitres de l’église, mais rien n’indique d’une manière certaine qu’ils aient composé le magnifique vitrail qui, pendant trois siècles, fit la gloire de l'église Saint-Nicolas [Note : En faveur de Pierre de la Chasse, il convient de rapporter cet article du compte de l’an 1503 : « Item avoir payé à Pierre de la Chasse pour avoir abillé la Grant Vitre quelle estoit rompue ..... 10 soûls tournois ». L’artiste prit pour sujet la Passion qu’il résuma dans une vingtaine de panneaux.

Travers qui les contempla tout à loisir, a écrit à leur sujet : « C’est le plus beau vitrage de la province, et il n’y en a peut-être point dans le royaume qui le surpasse ou l’égale. Les principaux événements de la vie de N.-S. y sont représentés et son portrait est si bien tiré qu’on n’y remarque point de différences en plus de vingt endroits ou plus que la vitre le donne ». Paroles remarquables qui supposent une œuvre d’un mérite éclatant, car elles sortent de la bouche d’un janséniste militant, imbu des théories de son temps, fort opposé à l’art du Moyen-Age. Pour payer l’artiste, on réclama de chaque couple de mariés une taxe de cinq sols et deux sols six deniers par célibataire [Note : On leva également une taillée de 5 sous par ménage (Compte de 1502-1503). « Item avoir payé à Monsieur le Vicayre de Nantes pour une lectre décrétée pour lever une tailler de V sols par coupple, monnoie de Bretagne sur les paroessiens dud. lieu de Saint-Nicolas par le consentement de la plus saine partie d’icelle pour les affaires de la fabrique »].

Il restait encore à reconstruire le grand autel. Messire Jean Pouart en eut l’idée : il ouvrit uns souscription sur laquelle il s’inscrivit pour la somme de quarante sous. Il mourut sans avoir célébré la sainte messe sur le grand autel dont il méditait le dessein, mais ses héritiers accomplirent fidèlement ses intentions.

Cette dernière entreprise est peut-être la plus curieuse de toutes celles que nous avons rappelées. Si cet autel subsistait, il serait montré comme un type unique en Bretagne des travaux de la Renaissance.

On le sait, la Renaissance ne fut point un mouvement d’origine nationale : le goût nouveau, dans les arts comme dans les lettres, fut parmi nous une importation de l’étranger. Deux nations, l'Allemagne et l'Italie marchaient à la tête de toutes les autres et exerçaient réciproquement leur influence dans le pays. C’est à des artistes Allemands, et non point Italiens, que les paroisiens de Saint-Nicolas s’adressèrent pour l’ornementation de leur grand autel. Nul n’ignore les relations de la Bretagne avec la Ligue Hanséatique [Note : En 1486, le duc de Bretagne François II avait pour « pavillonner » fabriquant de drapeaux, d’enseignes, de tentes Hances Heber « des parties d’Allemaigne ». Archives de la Loire-Inférieure, B. 10, fol. 33. On trouve également parmi les personnes inhumées à Saint-Nicolas soit dans l’église, soit dans les cimetières un certain nombre d'Allemands] ; nul n’a oublié le premier mariage d'Anne de Bretagne avec Maximilien d’Autriche.

La maçonnerie et l’œuvre architecturale proprement dite, furent le travail d’un français, Jean Ballue, que contrôlèrent le nouveau maître de l'oeuvre de Saint-Pierre, Jean Lemaistre, et celui du château, Maître Jacques. De ce fait, il toucha 85 livres, une fois, 105 l’autre, non compris force vin qu’il fallut payer à plusieurs reprises à ses aides pour activer leurs travaux, les exciter à embellir l’œuvre à laquelle ils consacraient leurs soins.

Ce n’était pas, en effet, une petite entreprise : il fallut remuer l’ancien autel, enlever quatre tombeaux, rapporter des terres nouvelles. L’autel fut prêt pour la solennité de Saint Nicolas. Il était de grande dimension : surmonté d’un tableau qu’entouraient deux statues de Notre-Dame et de Saint- Nicolas.

La partie décorative et sculpturale fut confiée à Philibert Jacques « ymaigier des parties d’Allemagne ». Aidé de plusieurs compagnons, il ne tailla, pour l’orner, pas moins de vingt-deux statues ; elles lui furent payées au prix de quarante sous pièce, soit au total : 44 livres. On ne se fit pas faute d’offrir également le vin aux ouvriers « qui besoignoient entour lesdites statues, affin qu’ils les feissent plus somptueuses ». Quant tout fut achevé, on plaça sur l’autel le sacraire ou tabernacle. Fait sur le modèle de l’ancien, il présentait une disposition curieuse. Derrière l’autel, un degré de pierre permettait d’y avoir accès. Les maîtres d'oeuvre de la cathédrale et du château s’assemblèrent pour aviser à la solution de ce petit problème liturgique. « La rubrique ancienne, observe Travers, tenait le sous-diacre au haut de ce degré pendant une grande partie de la messe, d’où il observait ce qui se passait à l’autel ».

Les fidèles ne devaient guère jouir des sculptures de Philibert Jacques. Ils enveloppaient l’autel d’un vaste lit d’honneur avec ciel, vergettes et rideaux. Ces derniers portaient alors le nom de « très doulx ». Saint-Nicolas en possédait de différentes couleurs et de très beaux, l’un cendré en Carême, l’autre orné d’un Crucifix et de diverses images. L’un d’eux en « velours rouge garny de franges d’or » fut donné en 1480 par le frère bâtard d'Anne de Bretagne, Mgr. de Clisson, François d'Avaugour.  En 1546, la fabrique entreprit de renouveler cette ornementation : elle y employa 83 livres de fer (à 2 sous la livre), en vergettes pour rideaux 24 aunes de toile de Quintin, la plus fine et la plus blanche de Breitagne, pour le ciel, et 24 aunes de franges. On voulait ainsi rappeler le tabernacle de toile sous lequel reposa l’arche dans le désert [Note : Cet autel de la Renaissance fut, croyons-nous, démoli sous le rectorat de M.  Brelet de la Rivellerie. Voici ce que nous lisons dans le registre baptistère de l’année 1741 : « Le 7 May 1741, jour de Dimanche, a été célébrée, par moy recteur, la première grand’messe au grand autel, depuis le changement qu’on y a fait en le construisant en tombeau de bois doré et marbré, car auparavant il étoit seulement orné d’étoffe et de dentelle à la manière accoustumée. Ce tombeau fut ainsi posé mercredi dernier. On y a aussi changé les trois marches, parce qu’auparavant il n’y en avoit que deux ; on les y a mises toutes neuves ». Brelet de la Rivellerie (Archives de la Loire-Inférieure, GG. 244)].

Un nouveau curé, personnage de grand renom, apparenté à l’évêque de Nantes, frère de l’évêque de Dol, Jean de Plédran, sieur de la Villeboneault, prit alors possession de Saint-Nicolas.  Il était déjà doyen du chapitre, recteur de Saint-Aubin-des-Châteaux, d'Herbignac, de Saint-Etienne-de-Montluc. Il ne pouvait remplir les fonctions curiales dans chacun de ces postes : il se fit remplacer à Saint-Nicolas, comme ailleurs, par un vicaire fermier [Note : La succession de Jean Pouart prêta à quelque difficulté. Il y eut évidemment plusieurs compétiteurs. Le Compte de 1501-1502 contient les deux articles suivants : « Item se déchargent lesd. naguères procureurs avoir payé aud. vicaire pour deux lettres de cure pour donner congié de fère le service et bailler les sacrements de l’église ès paroessiens pour ce que le recteur dud. lieu estoit décédé et y avoit débat sur la possession tellement que le vicaire y meist et appousa le scel ...... XXV sols. Item avoir payé à Denis Prodhomme, clavurier pour avoir abillé les claveures des portes de lad. église et y avoir faict des clefs et changé les gardes lesquelles avaient esté rompu quand la possession de l’église fut prinse »]. Il n’eut donc aucune influence dans la vie paroissiale, pas plus que son héritier et successeur, Mathurin de la Garanne ; ils en eurent encore moins, les trois italiens qui se firent ensuite adjuger cette rectorerie par la cour Romaine. Au surplus, Saint-Nicolas est construit : tel il restera jusqu’au jour où Mgr. Fournier jettera bas ses murs séculaires pour lui substituer la basilique que nous avons sous les yeux.

C’était un édifice rectangulaire à trois nefs, divisées par six gros piliers : le chœur avec chevet plat était moins large que le transept, si l’on peut donner ce nom à la première travée de l’église. Elle n’était pas voûtée, sauf en quelques points, mais lambrissée. Le clocher reposait sur les quatre piliers les plus rapprochée du chœur à l’un desquels venait s’appuyer une arcature ancienne, seul vestige de la chapelle primitive, contemporaine des Croisades. Les cordes des cloches, des sings, comme on disait au Moyen-Age, (du latin : signum), pendaient au milieu de la nef. On pénétrait dans l’église par plusieurs portes ; les unes, au nord, ouvrant sur le cimetière, et deux autres, au sud, auxquelles on accédait par les fameuses échelles ou escaliers, qui font à Saint-Nicolas une renommée particulière. L’aile Nord, du côté du cimetière et de l'Erail, présentait trois ou quatre chapelles latérales. Il n’y avait aucun passage entre l’église et le mur de la ville près duquel étaient situés les fonts baptismaux. L’aile Sud, avec son porche accueillant qui débouchait en côté du chœur, sur le bras de la Croix, dans la chapelle Notre-Dame, était la partie la plus intéressante et la plus soignée de l’édifice. M. Benoist nous en a conservé une intéressante lithographie.

Outre le grand autel, l’église n’en renfermait pas moins de douze autres de moindre importance en 1636 ; quelques-uns de minimes dimensions, étaient adossés, sans doute, à quelques piliers. Au XVème siècle, on ne trouve mention que de six ou sept ; dont deux au moins, ceux de Saint-Mathurin et de Saint-Christophe, ont disparu au XVIème siècle. Tous ces autels étaient surchargés de statues. Le procès-verbal de visite en 1636 ne compte pas moins de 46 images sculptées en ronde bosse exécutées par le ciseau des artistes du Moyen-Age et de la Renaissance ; par contre, il n’y avait que six peintures placées à la contretable de quelques autels. Quel était le mérite de cette statuaire issue de la dévotion de multiples âmes croyantes ? Très variable, sans doute, mais très grand, si elles ont été taillées par les mains expertes qui ont dessiné en pleines poutres les images caricaturales des sablières conservées au musée Dobrée. Toutes ont disparu. Je ne crois pas qu’aujourd’hui, âme vivante puisse nous dire ce que sont devenues les œuvres de l'Allemand Philibert Jacques. Mais nos ancêtres venaient moins chercher à Saint-Nicolas la beauté que l’édification.

Au milieu des maisons qui l'environnaient, comme si elles eussent voulu l’étouffer, l’église de ce saint, populaire entre tous, devait être aussi fréquentée des maraîchers que des bourgeois. C’est dans une église toute semblable, pleine de saints et de vitraux, que la mère de Villon répétait la ballade à Notre-Dame que son mécréant de fils a placée sur ses lèvres :

Dame du Ciel, régente terrienne,

Emperière des infernaux palux,

Recevez moy, vostre humble chrestienne. !

Que comprinse soy entre voz esleuz,

Ce nonobstant quoncques rien ne valuz.

..........................................................................

Femme je suis povrette et ancienne,

Ne riens ne scay ; oncques lettres ne leuz ;

Au moustiier voy dont suis paroissienne

Paradis pains où sont harpes et leuz

Et ung enfer où damnez sont boulluz,

........................................................................

En ceste foy je vueil vivre et mourir.

 

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Culte des Saints - Sépultures - Processions diverses

L’église est le cadre dans lequel s’exerce le culte. Il ne suffit pas de d’écrire la scène d’un théâtre, il convient de voir ce qui s’y passe. Lorsqu’on lit les comptes de Saint-Nicolas, on a l’impression d’être dans un monde très différent du nôtre : la foi qui nous anime est la même que celle de ces bourgeois Nantais, mais plus de cinq siècles nous en séparent. Entre nous et eux ont passé le siècle de la réforme, le jansénisme et le philosophisme. Nous avons perdu la simplicité quelque peu enfantine de nos pères : nous ne comprenons plus la familiarité dont ils usaient, soit avec les saints, soit avec Dieu, soit même entre eux. Leurs comptes sont chargés de quantité de détails dont on chercherait vainement l’équivalent dans ceux des fabriciens de nos jours.

Nous avons déjà mentionné le lit d’honneur que le sacristain entretenait autour de l’autel, souvenir liturgique de la primitive église mais que dire d’articles tels que ceux-ci : « Une petite robe de drap d’or pour l’enfant Nostre Dame ; une robe de drap d’or pour Nostre Dame ; onze chemises pour Nostre-Dame ; une chemise de peillettes que donna la grande Jehanne ; trois guimples pour servir à Nostre Dame ; une grande guimple toute neufve pour mectre sur la teste Notre Dame ; une petite robe brodée pour le petit Dieu » [Note : « Item avoir payé à Marthe lingière (en l’an 1507) pour avoir ployé es festes solempnelles à menuz plitz les guimples qu’on met suz l'imaige de Nostre Dame au grand aultier, comme les ciels et touailles dud. aultier, pour ce 6 sous 8 deniers ». Compte de l’an 1507]. En un mot, les saints étaient considérés par les Nantais du XVème siècle comme des contemporains, ils changeaient de toilette, je ne dirai pas suivant la mode, mais suivant la saison liturgique.

Autres détails sur lesquels ne veillent plus les fabriciens de nos jours : aux grandes fêtes, l’église était jonchée, de pailles en hiver, de verdures au printemps, de fleurs en été. La même coutume était en usage alors dans les maisons princières. Deux grands lampiers ou roues lumineuses, garnis de lampes et de giroles pour les cierges, étaient suspendus dans l’église. A l’époque de Pâques fit de Noël, ils étaient nettoyés avec soin ; les lampes étaient remplies de vin et d’huile, non pas d’olive, mais de noix.

Chacun avait à cœur d’avoir sa place dans l’église pendant sa vie, et voulait, en outre, la conserver après sa mort. Il semblait qu’on était d’autant plus sûr de ressusciter glorieux qu’on dormait son dernier sommeil plus proche de l’autel [Note : L'Eglise n’admettait pas qu’un excommunié put être enseveli en compagnie des vrais chrétiens. On n'hésitait pas à déterrer le corps d'un excommunié inhumé par erreur en terre sainte. On lit cet article dans le compte de 1478 : « Item pour faire remuer le corps de feu Olivier Rouxel qui estoit en sépulture au petit cymetière comme l’on va de la petite porte à la grande échalle devant la muraille de la ville et la maison ou demeure Mgr. Le Connestable pour cause que ledit defunct estoit ou temps de son déccix en sentence d’excommunié, et pour ce ...... III sols IV deniers »]. Aussi la place d’une sépulture était-elle payée d’autant plus chère qu’elle était plus élevée dans le chœur. On payait 30 sous pour être inhumé dans celui-ci ou dans la chapelle Notre-Dame, ce qui n’est aucunement exagéré. Une sépulture devant les autels de Saint-Mathurin et de Saint-Christophe se payait vingt sous ; dans la nef, dix sous ; sous le bénitier ou le Crucifix, cinq sous. Les obsèques se faisaient à la lueur des torches fournies par la fabrique : on payait dix deniers pour une, vingt pour deux, nul n’obtenait davantage. Ces torches solennelles sont encore en usage dans les églises de campagne de l'Artois et de la Picardie.

Peu de grandes familles se faisaient inhumer à Saint-Nicolas elles avaient leurs enfeus aux Carmes, aux Jacobins, aux Cordeliers. Les cimetières servaient aux pauvres et aux étrangers : ils environnaient l'église de toute part. Nul ne pouvait entrer dans son enceinte sans passer par le champ des morts. La couleur noire n’était pas exclusivement celle des ornements liturgiques le jour d’une sépulture. On se servit longtemps « pour les mortuages d’un drap de satin rouge à quatre angelots, avecques ung ymaige de Nostre Dame, le tout brodé ».

La pensée de la mort était familière à nos ancêtres. Ils avaient soin de s’assurer les suffrages de l’église après leur trépas. De là, le grand nombre de fondations faites en chaque église pour assurer la célébration d’un service, d’une messe, d’un Libera, d’un de Profundis sur leur tombe ou à l’autel de quelque saint favori [Note : Ces fondations étaient d’un revenu minime. En 1721, le vicaire général Mathieu Gautron de la Bâte dut procéder à leur réduction. Pour la somme de 1381 livres 10 sols, la fabrique était chargée de faire acquitter 649 messes à haute voix ; 646 messes à basse voix, des matines, des saluts, des Stabat et de faire chanter les Vêpres des Morts (Archives de la Loire-Inférieure, G. 487)]. 

De là, encore, l’existence de confréries érigées en l’honneur de quelques saints, mais destinées en réalité à procurer à chacun de leurs membres décédés les prières des survivants et la célébration d’un trentain. Il y en avait trois dans l’église dont nous nous occupons : l'une en l’honneur de Sainte Catherine, l'autre de Saint Nicolas, la troisième en l'honneur de Notre-Dame de la Chandeleur. Cette dernière était la plus renommée, la plus ancienne, disait-on, de tout Nantes, et même du royaume [Note : Archives de la Ville de Nantes, CC. 611. Confrérie de Notre-Dame de la Chandeleur. En 1708, elle comptait encore plus de 2000 membres. De temps à autre les recteurs de Saint-Nicolas acceptaient de remplir le rôle de prévôt]. Elle conservait encore au XVIIIème siècle la liste de ses prévôts depuis l’an 1444, mais elle remontait beaucoup plus haut. Elle avait son autel, ses ornements, des fondations et des revenus spéciaux, ses chapelains particuliers.

Il en était de même de celle de Saint Nicolas et de Sainte Catherine [Note : Archives de la Ville de Nantes, CC. 610 et 611. La confrérie de Saint-Nicolas existait déjà en 1382. Elle reçut don par testament, le 13 Septembre 1382, de la part de J. Gondan, prêtre, de deux maisons, de 100 florins d’or, d’un calice et d’un bréviaire pour servir au chapelain. Chacune de ces confréries avaient ses indulgences particulières accordées par bulles papales qu’elles avaient soin de faire annoncer dans les rues de la ville par le ministère d’un « bresteur », ou crieur public revêtu des insignes de la confrérie].

Tous les membres du clergé paroissial étaient obligés d’assister aux obsèques des paroissiens pauvres ou riches. En 1547, sous le rectorat de Guyno de Fontana, un Italien qui se faisait représenter dans la gestion de ses droits curiaux par le banquier Florentin Strossi, les paroissiens décidèrent qu’il y aurait désormais douze prêtres en leur église, « gens dévots et de bonne conscience ». La première obligation qu’ils leur imposèrent fut « d’aller quérir les corps des trespassés et bénignement les porter à l’église ».

On voit que le goût des Nantais pour les cortèges religieux est ancien ; d’aucuns trouveront même que leur zèle pour les processions était excessif. Ils en faisaient une hors de leur église à peu près chaque dimanche. En 1458, les paroissiens de Saint-Nicolas n’en firent pas moins de trente-huit : chiffre minime généralement fort dépassé. On se rendait tantôt dans une paroisse voisine, tantôt dans un couvent, tantôt dans un sanctuaire vénéré. Une procession générale, à laquelle toutes les paroisses étaient représentées, avait lieu au début de chaque mois : le but en était désigné par le chapitre et l’évêque [Note : « Item se deschargent avoir payé aux chapelains dud. lieu de Saint-Nicolas pour avoir porté la croez et bannière aux processions générales tant hors la ville que dedans (en 1507), 75 sols tournois ». « Item avoir donné aux vicaires et aultres chapelains de Saint-Nicolas par deux fois qu’ils furent en procession tant à Monsieur Saint-Sébastien d'Aigne, que à la Blanche, que à Saint-Donatien et Saint-Médart et plusieurs aultres processions hors la ville, 20 sols tournois »]. On allait à Notre-Dame sur la place des Moûtiers, à Saint-Similien, à Saint-Denis, à Saint-Léonard, à Sainte-Radegonde, à Saint-Laurent, à Sainte-Croix quand arrivait la fête de ces paroisses. On allait aussi à Notre-Dame des Carmes, aux Jacobins, aux Cordeliers, les trois grandes maisons religieuses du temps à Saint-Jean de l'Hôpital, à Sainte-Catherine du Temple, souvenirs des Croisades, quand une circonstance attirait de ce côté la dévotion. Bien d’autres noms de chapelles sont désignés à l’occasion de ces processions : Saint-Ladre, léproserie sur les Hauts-Pavés, en Saint-Similien ; Saint-Georges, à la Haie-l'Evêque, en Saint-Donatien ; Saint-Guédas, dans la rue des Carmélites ; Saint-Yves, dans la rue de la Boucherie ; Saint-Antoine de Padoue, dans les jardins du Duc à Richebourg, souvenirs disparus des dévotions nantaises. On faisait des courses bien autrement longues à certains jours. En 1458, les paroissiens allèrent à Saint-Médard de Doulon, le Vendredi après la Saint-Nicolas de Mai [Note : Travers. I, p. 233, remarque à l’occasion de la procession annuelle à Saint-Médard de Doulon : « L’évêque Benoît, dans le Concile de 1106 tenu à Nantes par l’archevêque de Tours, du consentement du clergé, de la noblesse et du peuple, remit à ceux qui après s’être confessés visiteraient l’église de Doulon au jour anniversaire de sa Dédicace la septième partie de la pénitence qui leur aurait été imposée. On peut rapporter à l’indulgence pour la visite à l’église de Doulon et à une fondation postérieure l’origine de la procession qui s’y fait tous les ans. On doit aussi remarquer que lorsque l’archevêque de Tours arriva à Nantes pour la célébration de ce Concile de 1106, un Lundi de Pâques, l'évêque Benoist était en station à Saint-Donatien. Cette procession se fait encore tous les ans au même jour »], et trois fois à Saint-Sébastien. Il ne fallait rien moins qu’une épidémie ou la guerre pour mettre obstacle à ces manifestations. L’église prenait part à toutes les manifestations de la vie politique. La paroisse alla en procession au-devant du Duc François en 1458, lorsqu’il revint de France après avoir fait hommage à Charles VII : elle y retourna, en 1478, au-devant de la Duchesse Marguerite de Foix.

En 1472, on ne fit pas moins de huit processions aux intentions du Duc ; il était alors en guerre avec Louis XI : Chantocé, Ancenis étaient occupés par les Français. En 1487, lors du siège de Nantes par le Duc Gilbert de Bourbon, on ne compte pas moins de cinquante-sept processions, non comprises celles des premiers dimanches du mois (Voir Travers, Histoire de la Ville de Nantes, II, p. 193). Autres détails : tous les ans on allait en procession, le Lundi de Pâques, à Saint-Donatien ; le Mardi, à Notre-Dame de la Blanche, en Rezé ; le Mercredi, tantôt à Saint-Sébastien, tantôt à Chantenay. Ces détails paraissent, sans doute, minimes, mais ils expliquent la survivance parmi nous de certaines coutumes locales, ils affirment à leur manière la révérence que portaient nos ancêtres aux lieux qui furent parmi nous les berceaux du christianisme.

Parmi les processions, deux méritent surtout d’être notées parce que fort solennelles : celle de Saint-Sébastien et celle du Sacre.

Processions à Saint-Sébastien.

Nul n’ignore combien les épidémies de peste, de dysenterie étaient fréquentes dans les villes du Moyen-Age : peu d’hygiène, aucun service d’eau, pas davantage de voierie, des puits partout contaminés, tout contribuait à rendre terribles et nombreuses ces redoutab1es calamités. Elles anéantissaient en quelques jours des familles entières. En 1501, le compte du Miseur porte cette note « audit temps, la peste eut cours et mourut quatre mille personnes et plus et demeura ceste ville quasi inhabitable de la plus part des gens de puissance et des louagiers. Ils s’enfuissoient de nuict et lessoient les clefs sous l’uys » (Voir Archives de la Ville de Nantes, CC. 105).

Pour se préserver, nos pères n’avaient guère d’autres moyens que la fuite : ils usaient toutefois de quelques moyens naturels. Ils veillaient avec soin sur les cas de lèpre. Lorsqu’un d’eux était signalé, les fabriciens faisaient examiner d’office par les médecins le malheureux qui était dénoncé ; en cas de constatation, il était conduit à Saint-Ladre où la paroisse payait sa pension [Note : On usait de la réclusion comme préservatif même pour la peste. Le 15 Juillet 1501, la ville ordonna de visiter les maisons, d’en faire sortir les infectés et de les enfermer avec l’apposition du sceau de la ville. TRAVERS, II, p. 254]. On faisait la quête dans l'église pour les lépreux avec une écuelle spéciale. Les Comptes mentionnent plusieurs procès de ce genre. En 1501, les fabriciens firent examiner et enfermer la malheureuse femme d’un cordonnier, Jean Vaillant ; celui-ci usa en vain de tous les artifices de la procédure pour sauver sa compagne, elle fut enfermée à Saint-Ladre sur les Hauts-Pavés, où l’on paya 7 livres 10 sous pour sa pension [Note : La fabrique n’était pas seulement obligée de faire les frais des lépreux hospitalisés, elle avait la charge de veiller sur l'entretien et l’éducation des enfants abandonnés. Le compte de 1517 porte la note suivante « Item pour la nourriture d’un enfant qui fut apporté auxdits fabriqueurs, pour plusieurs parcelles montant la somme de cent sols. Item pour le linge baillé pour ledit enfant VIII sols IV deniers ». L'Eglise était un lieu d’asile : il lui arrivait de payer pour l’entretien d’un prisonnier réfugié sous ses voûtes : « Item pour la despense d'un prisonnier lequel fut en franchise en lad. église par le temps de ouict jours .... 10 sols »]. Même cas, en 1524, pour la veuve de François Denys. Traduite devant l’official, elle fut, sur son ordre, examinée par un médecin et deux maîtres barbiers, puis conduite à Saint-Ladre. En 1563, lors d’une nouvelle invasion de la peste, la fabrique acheta des herbes odoriférantes « pour les répandre chaque dimanche en l’église à cause de la maladie et qu’il sentait mal en l’église ». (Voir Travers, II, p. 383). Mais le grand moyen était le recours à la prière publique, à la pénitence, à l’invocation des saints. Sous ce rapport, nos comptes renferment de curieux détails. 

En 1484-1485, la peste sévissait, les paroissiens chargèrent Messire Maurice Jambu, leur vicaire, d’aller à leur intention en pèlerinage vers Monsieur Saint Julien de Vouvantes. Ce sanctuaire était alors fort célèbre : il est mentionné dans les comptes de nos ducs et mieux encore dans les poésies de Villon, qui, évidemment, rôda quelques jours dans son voisinage. Messire Jambu reçut à cette occasion une allocation de 60 sous.

Mais, le grand patron invoqué en pareil cas était Saint Sébastien d'Aigne, protecteur de la Cité nantaise. Sa renommée remplissait tout l'Ouest de la France : il était invoqué jusqu’en Guyenne. Il figure dans Rabelais, les compatriotes de ce Tourangeau y ayant fait un voyage (Voir Rabelais, Gargantua, livre Ier, chapitre 45), au même titre que Messire Jambu à Saint-Julien de Vouvantes.

Bien avant nos comptes, Saint Sébastien était honoré des Nantais. Ils s’y rendaient plusieurs fois l’année. Le 16 Septembre, par suite, évidemment, de quelque ancien voeu, les paroissiens de Saint-Nicolas y portaient leurs cierges. C’étaient de véritables monuments édifiés grâce aux offrandes de tous : le plus gros ne pesait pas moins de 80 livres. Quelques jours avant cette échéance, le sacristain allait chercher les restes du cierge de l’année précédente [Note : « Item à Guill. Fenouzet, segrétain, pour estre allé à Saint-Sébastien quérir la veille souche du cierge que l’on a accoustumé y porter, 20 deniers tournois »]. Une fois refondu et réajusté, on le reportait processionnellement à Saint-Sébastien [Note :  « Item avoir payé à ceulz qui portèrent ung grand cierge dempuis Saint-Nicolas à Saint-Sébastien d'Aigne .... 5 sous tournois » (Compte de l’an 1503)] priant ce martyr « que son bon plaisir feust estre intercesseur envers Jésus-Christ nostre rédempteur qu’il luy plus et préserver lesd.  paroissiens de bosse, d’épidémie, de mort subite, de dampnation et de mort éternelle ». Ainsi s’exprime le compte de 1485 [Note : Compte de l’an 1507. « Pour deux cierges pour Mons St Sébastien dont le plus grand pèse 90 livres de cire et lequel fut porté à Mons. St Sébastien d'Aigne et l’aultre pour la décoration de l'Eglise de Mons. St Nicolas pesant 30 livres, lequel fut mis ou cousté de l'aultier de Mons. St Sébastien et de Madame Ste Barbe »], année particulièrement éprouvée. A côté de ce grand cierge que le sacristain était chargé de « gouverner », un second était placé mais beaucoup plus petit (il ne pesait que 25 livres) ; on le rapportait du pèlerinage pour le déposer en l’église Saint-Nicolas devant l’autel de Saint-Sébastien. On l’y allumait les dimanches et fêtes solennelles.

Primitivement, le pèlerinage était une oeuvre de pénitence ; avec le temps, il devint une fête. En l’an 1500, le corps des paroissiens refusa d’approuver une dépense de cinq sous faite pour le déjeuner du curé et de ses chapelains. Bientôt, on y distribua le pain bénit [Note : « Item avoir payé le jour que le cierge fut porté audit lieu de St Sébastien tant pour le portaige de la Croix et bannyère et du pain benoist que aux presttres qui conduisoient ledit cierge, et au secretain pour avoir gouverné ledit cierge ...... XX sols » (Compte de 1517)]. Le déjeuner fut enfin de règle. Déjeuner modeste, puisque, tous frais compris, il coûtait à la fabrique 15 sous en 1522. Quand le fléau de la peste devenait plus menaçant, on redoublait d'austérités. En 1563, la paroisse se rendit à Saint-Sébastien trois lundis de suite : elle y porta un cierge de 80 livres, comme c’était la coutume immémoriale, et « en bougies le tour de l'église ».

La mairie de Nantes suivait l’exemple général. Elle s’y rendait en corps. Elle y faisait porter un cierge gigantesque par huit chapelains chargés chacun d’y célébrer la messe à ses intentions. En certaines circonstances, pour marquer la dévotion unanime des citoyens, elle y joignait 2.000 brasses de bougies installées sur un rouet orné des armes de la ville. Les maçons avaient généralement la mission de porter cette machine. Ces 2.000 brasses de bougies représentaient l’enceinte de la ville.  Les deux trompettes de la mairie sonnaient la marche. On se rendait ainsi jusqu’à Pirmil : là, on remontait la Sèvre en bateau jusqu’à Saint-Sébastien. Ce devait être, on l’avouera, un curieux spectacle, digne de tenter le pinceau d’un peintre.  Hélas il nous a manqué un Rembrandt ! Le souvenir du cierge de Saint-Sébastien est aboli ; il faut remuer de poudreux registres pour en retrouver la trace. 

La procession annuelle de Saint-Nicolas ne concordait pas avec celle de la ville ; la première avait lieu le 16 Septembre, la seconde le 20 Janvier, jour de la fête de Saint Sebastien. Depuis longtemps, la première était régulière, la seconde était intermittente et n’avait lieu qu’en temps d’épidémie. Nous trouvons les premières mentions de cette dernière en 1499 et 1501, années fameuses dans les annales sanitaires de Nantes. A partir de 1507, elle devint régulière, la ville ayant fait le voeu de s’y rendre chaque année, si elle était délivrée de la peste. Elle demeura fidèle à sa promesse jusqu’à la Révolution. Elle y porta, en 1515, un groupe Commémoratif : un Saint-Sébastien accosté de deux archets, oeuvre d’un imagier auquel elle paya 31 sous 10 deniers [Note : Archives de la Ville de Nantes. CC. 287, fol. 74 r°. Compte de Guill. Raboceau, conterolleur des œuvres de la ville. A Guill. Boaisjois, menuisier, pour avoir fait le tour de boys ouquel a esté mis la saincture de la ville en cyre. 7 sols 6 den. A Gilles Le Breton, ciergier, lequel a baillé pour Messieurs de la ville 2000 brasses de bougies mises sur led. tour et rouet cy dessus pour led. tour de la ville. Lequel tour et cyre fut porté et présenté par Messieurs de la ville en procession générale à Monsieur Sainct Sébastien, pesantes ensemble lesd. 2000 brasses, cyre nette 195 livres à 4 sous 2 den., chaque livre.. 40 l. 14 s. 7 d.. Plus pour deux cierges blancs pesans trois livres, à 6 sous 8 den. lesquels furent portés dessus led. tour à St Sébastien. Aud. Le Breton lequel fist faire à ung imaigier une imaige de St Sébastien avecq deux archiers queulx furent mis sur led. tour.... 31 s. 10 d. A Jehan Collart, paintre, lequel a paint le tour ouquel a esté la saincture de la ville et pour avoir estouffé d’or et aseur lad. ymaige ci dessus avecques les archiers..... 30 sols. A huict hommes qui portèrent le tour cy dessus à St Sébastien où estoit la procession générale..... 10 sols]. En 1640, le maire, M. Juchault des Blottereaux, (le plus ancien historien connu de Nantes à mon humble avis) y déposa un tableau, qui, à son tour, fut remplacé, en 1712, pair un troisième ex-voto composé par M. Desjardins [Note : En accomplissant la cérémonie du voeu en Janvier 1712, le maire et les échevins s’aperçurent que le tableau représentant St Sébastien était presque effacé ayant été donné par la ville en 1640 sous M. Juchault des Blottereaux dont il portait les armes. La communauté crut « qu’il estoit de son devoir de le changer. Elle convint avec le sieur Desjardins, peintre, de faire ung aultre tableau représentant le saint percé de flèches attaché à un arbre duquel trois dames Romaines le détachent, et ostant les flèches de ses plaies, avec un ange qui lui apporte la palme et la couronne du martyr et fit marché à la somme de 110 livres » (Archives de la Ville de Nantes. CC. 199)]. 

La paroisse de Saint-Nicolas ne se contentait pas d’aller en pèlerinage à Saint-Sébastien, elle avait élevé à ce saint martyr une chapelle et un autel sur lequel, en 1636, étaient rangées, outre sa statue, celles de Sainte Madeleine, Sainte Barbe, Saint Julien et Saint Estienne, saints guérisseurs, par excellence, très en honneur au Moyen-Age.

Processions de la Fête-Dieu.

L’Eucharistie est le centre du culte dans l'Eglise catholique : autour d’elle gravite l’ensemble des cérémonies religieuses. C’est pourquoi nous avons voulu grouper en un seul article tous les détails que nous avons trouvé relatifs à ce sacrement, dans les comptes que nous avons analysés.

Jusqu’au Concile de Constance, l’usage de la communion sous les deux espèces s’était maintenu dans l'Eglise d’Occident. Survivance de cette coutume et des agapes qui accompagnaient cette cérémonie dans la primitive Eglise, la fabrique offrait le vin à toute personne qui communiait, soit le Samedi-Saint, soit le jour de Pâques, soit le lundi ou le mardi suivant, en l’église de Saint-Nicolas. Comment était bu ce vin ? aucun détail ne le révèle dans nos comptes, mais vraisemblablement tous les fidèles, après avoir reçu la communion sous l’espèce du pain, allaient tremper leurs lèvres dans un calice que tenait un prêtre de chaque côté de l'autel ; ainsi se pratique encore la chose au jour de l’ordination des prêtres. Pendant longtemps, on alla chercher le vin de Pâques à Basse-Goulaine ; à partir de l’an 1500, la fabrique acheta simplement un poinçon de vin d’Orléans. Fort commun sur les quais et très goûté à Nantes, il se recommandait par la facilité avec laquelle on se le procurait. Le même jour, la fabrique offrait le pain bénit et achetait à cet effet 40 sous de fouaces.

Autre détail, chaque année, le Jeudi-Saint, le sacristain achetait du vin qu’il faisait chauffer, l'étendait d’eau et en lavait les autels.

Nos comptes ont surtout l’avantage de nous éclairer sur les origines de la procession du Sacre. Cette fête, on le sait, fut instituée an 1624 par le pape Urbain IV ; Saint Thomas d'Aquin en composa l’office. Jean XXII ordonna de la célébrer par une procession solennelle. Mais cet usage ne fut pas accepté universellement. Il n’existait pas à Nantes avant 1472 ; tout au moins, avant cette date, on n’en trouve pas trace dans nos comptes. On se bornait à exposer ce jour le Saint-Sacrement dans une custode spéciale à patte d’argent. En 1458, l'église en possédait d’eux : l'une d’argent doré pour porter le Corpus Domini aux malades, l’autre de simple cuivre pour conserver les hosties dans le Sacraire ou tabernacle. Aucune mention d’ostensoir à proprement parler, mais simplement de custodes, qui, à vrai dire, sont les ciboires de nos jours.

En 1458, aucun indice, que le Sacre soit solennel : on se borne à répandre des fleurs et des feuillages dans l’église, comme on le fait aux autres fêtes : on achète un peu d’encens, pour dix deniers, somme bien minime, puisqu’on en dépense six fois plus à Pâques, à Noël, à la Mi-Août. Mais le Saint-Sacrement étant exposé, on place devant l’autel un grand chandelier de bois au pied duquel est déposé un plat d'étain. En 1467, la fête est plus solennelle, la fabrique fait publier les pardons.

En 1472, premier indice d’une procession : les fabriciens font nettoyer la rue depuis la maison Maussion jusqu’à l’église ; ils font jeter des fleurs et des feuillages. Le Saint-Sacrement ne sort pas de l'église, on l’y apporte ; donc on venait d’ailleurs, de la cathédrale, sans doute.

Les trois comptes suivant ne font plus aucune allusion à l’usage d’une procession. Cependant elle existait, car un règlement de la confrérie de Notre-Dame de la Chandeleur, dont le siège était à Saint-Nicolas, contient, le 11 février 1480, cette disposition : « Item plus a esté ordonné estre faict, de partie du linge de la confrairie ad ce propice, le nombre de cinq sourpliz pour les bailler au temps avenir ès porteurs et gouverneurs des torches d'icelle le jour de la feste du Sacre, et sera faict quatre grans tableaux esquels sera imprimée en painture honorable l'imaige de Nostre Dame ô son enfant tenans ung cierge ardent, pour iceulx estre mis esd. torches à la feste du Sacre ». La même année, un très notable paroissien, François d'Avaugour, (M. de Clisson, ainsi désignait-on le bâtard du Duc François et d'Antoinette de Maignelais,) donne à l’église un ciel garni de velours rouge avec franges, pour parer l'autel pendant la solennité.

En 1484, on achète une custode d’argent ; on fait la quête pour la faire dorer.

En 1506, la tradition Nantaise est fixée : une procession partie de Saint-Pierre conduit le Saint-Sacrement dans l’église de Saint-Nicolas. Les fabriciens payent à cet effet 50 sous à Jean Lasnier « pour la façon d’une petite carrée de menuiserie que l’on place au bas du grant aultier, qui sert au jour du Sacre pour mettre Corpus Domini, ainsi qu’il est apporté de Saint-Pierre, que aussi pour garder le linge qui est mis à l’entour de lad. carrée ». Modeste reposoir, modeste début de grandes solennités.

La même année, nous trouvons deux autres articles très caractéristiques. Les tapisseries ducales remisées au Château sont apportées à Saint-Nicolas. Les fabriciens n’oublient pas de payer le vin au tapissier de la Reine Anne, pour qu'il accède avec bienveillance aux désirs des paroissiens. La Souveraine, retenue à Blois, à son grand regret, ne prend pas part à ces manifestations religieuses dans la paroisse, où l’année précédente elle était venue gagner l’indulgence du Jubilé [Note : Dans le registre des Baptêmes de Saint-Nicolas de l'année 1505, on lit la note suivante : Le 26 Juin « Qua die, auctoritate apostolica, processione facta ut in festo Sti Sacri altaris, pro remissione omnium peccatorum dicentibus quinquies pro nobis : Ave Maria, Regina Anna Francorum ac Britonum ducissa proesens in processione et in ecclesia Sti Nicolay ». Cette note n’est pas seulement intéressante par la mention qu’elle donne de la Reine Anne à Nantes, mais encore par l’indication qu’elle fournit sur les origines de la Fête-Dieu. Archives de la Ville de Nantes. CC. 169].

Du même coup, les paroissiens se mettent en frais, ils font exécuter par un orfèvre Nantais, Guyon Franchepierre, une custode d’argent plus magnifique que toutes les autres : elle pèse 10 marcs 3 onces et demie, soit un peu plus de 5 livres. Ils sacrifièrent dans ce but deux calices et une ancienne custode ; ils achetèrent le surplus du métal précieux nécessaire. Cette custode, on le devine sans peine, était un véritable ostensoir assez original : une monstrance portée par deux anges. Il rappelait l'ostensoir donné par Jean de Montagu aux Célestins de Marcoussis sous Chartes VI. Il était loin d’offrir la même valeur que le sacraire déposé dans le trésor ducal : ce dernier ne pesait pas moins de 43 marcs et était couvert de pierreries, mais celui de Saint-Nicolas fut longtemps le grand joyau de cette modeste église de faubourg.

La fête du Sacre durait huit jours pendant lesquels le Saint-Sacrement était exposé jour et nuit. Pour éviter que des voleurs ne fussent tentés d’enlever les tapisseries de la Reine ou le nouvel ostensoir, le sacristain aidé d’un autre homme couchait dans l’église [Note : Item avoir payé à deux hommes qui couchèrent en lad. église durant les octaves du Sacre pour garder la custode de paour qu’elle feust desrobée ...... 6 sous 8 deniers tournois. (Compte de 1507). Item avoir payé au ségretain et à ung aultre homme pour avoir couché en lad.  église durant les octaves du Sacre, pour fleurs et senteurs mises à l’entour de la carrée où l’on met le sacraire à la venue de la procession en lad. église ..... 10 sols (Compte de 1517)].

Vers la même époque, sûrement en 1510, la Fête-Dieu reçut un nouvel éclat [Note : Le 10 Mai 1510, le Chapitre chargea son scribe de s’aboucher avec le procureur de la ville pour le choix de quatre notables chargés de porter le dais le jour de la Fête-Dieu. Redoutant un refus, preuve que c’était bien là une nouveauté, les chanoines désignèrent dans ce but quatre d’entre eux pour remplir cet office : Messires G. Rouxel, I. Deno, Ol. Richard et Ant. de la Bouexière. Le scolastique de Vannes, Yves du Quirissec, doyen d'âge du chapitre fut chargé de porter le St Sacrement. (Archives du Chapitre.) (Registre des Délibérations)].

Elle devint la manifestation de la foi publique et sociale par excellence. La municipalité, les juges, l'Université, les membres de la cour des Comptes, les paroisses, les confréries commencèrent à y prendre part. Chacune de ces dernières se rangeait autour d’un gros cierge de cire orné de ses insignes.  En 1520, celui de Saint-Nicolas pesait 80 livres, il était porté par quatre hommes sur un « bayart » ou brancard. La vanité de corps s’introduisit bientôt dans le cortège : l'envie de l'emporter les uns sur les autres par la beauté, le poids des cierges, le désir d’occuper le premier rang faillirent bannir la paix de ces pieuses manifestations. Le Présidial dut assigner par arrêt la place que chaque paroisse et confrérie devrait occuper. Partie de Saint-Pierne, la procession se rendait par la Grande-Rue, les Changes, la Casserie à Saint-Nicolas, montrant ainsi l’importance que celle-ci occupait dans l’estime populaire. Le cortège revenait à la Cathédrale par le même chemin.

Inutile d’entreprendre la description de cette manifestation religieuse ; ce serait sortir du cadre que nous nous sommes tracé [Note : Il y avait évidemment certaines fêtes plus solennelles accompagnées en certains cas de réjouissances étrangères à la liturgie. Ainsi pour le jour de la Pentecôte 1507, je trouve ce détail « Item avoir poyé pour le mystère du Sainct Esprit à la feste et solempnité de la Pantecoste, 7 sols 6 deniers »]. Elle n’avait pas le caractère théâtral de celles d'Angers et d’Aix-en-Provence, qui furent organisées par le roi René d'Anjou, poète et artiste que hantaient les imaginations des humanistes et les réminiscences des romans de chevalerie, mais, malgré tout, elle plaisait, parce qu’elle répondait aux besoins populaires.

L'Université définitivement établie depuis 1462 avait également ses manifestations publiques. Les processions qu’elle faisait à la fête de Saint Yves allaient de la cathédrale à Saint-Nicolas, de là se dirigeaient par la rue de la Clavurerie, l'ancienne rue du Bourg-Main, à la chapelle Saint-Yves située rue des Halles. Après avoir rendu ses devoirs à son protecteur, elle revenait à la Collégiale de Notre-Dame. Elle y achevait la solennité par une grand-messe, quand ce n’était pas à la cathédrale (Voir Travers, II, p. 216-237).

La Prédication à Saint-Nicolas et à Nantes.

Parmi les comptes des fabriqueurs, il est un article qu’on s’étonne de ne rencontrer que rarement c’est celui des prédications. A cette époque, la prédication n’avait pas lieu à Saint-Nicolas, comme d’ailleurs dans les autres paroisses urbaines, de la même façon qu’aujourd’hui. Elle était chose rare. Le prône du dimanche consistait en quelques annonces mi-civiles mi-religieuses ; il n’était suivi que très rarement d’instructions catéchistiques. En principe, la prédication était une charge épiscopale : le clergé paroissial administrait les sacrements, mais ne prêchait pas. Depuis le XIIIème siècle, l’éloquence sacrée était le privilège presque exclusif des ordres mendiants : dominicains, franciscains et carmes. Ces trois ordres existaient à Nantes ; ils y avaient des monastères très fréquentés, précisément parce qu'ils exerçaient le ministère de la parole.

En fait, voici comment la prédication s’exerçait dans les paroisses, tout au moins à l’époque du Carême, telle que nous pouvons l’entrevoir, soit à l’aide des registres de la ville, soit à l’aide de nos comptes. Il y avait quatre prédicateurs attitrés, l’un à la cathédrale, les trois autres dans chacun des couvents dominicain, cordelier et carme. Le premier était généralement un étranger, un gradué en théologie, il était payé par le chapitre et par les quêtes que l’an faisait en sa faveur. Las trois autres appartenaient ordinairement au couvent où ils prêchaient. La ville les payait ; peu de chose, on vérité, dix livres à chacun. Lorsque l’auditoire avait été satisfait, le corps de ville ajoutait quelquefois des gratifications. Nous possédons les reçus donnés par les religieux prédicateurs au miseur de la ville pendant l’espace d’un siècle et demi ; les salaires sont constants, 10 livres ; ils ne varient que pour des motifs étrangers aux mérites du prédicateur, motifs qui montrent la charité et l'ingénuité de nos pères à cette époque. C’est ainsi que le 10 Avril 1477, la ville versa 10 livres de gratification au cordelier Jacques de la Lande pour lui « aider à faire sa feste d'estre docteur en théologie qu’il alloit passer à Angers ». Un Augustin, Hervé Guynot, reçut 35 livres pour lui aider à construire son couvent à Lamballe.

Le prédicateur en vedette étant celui de la cathédrale. Ses charges étaient beaucoup plus lourdes que celles des prédicateurs de couvent. Il était vraiment le prédicateur de la ville : il prêchait le Dimanche à Saint-Pierre, puis à Saint-Nicolas. Dans la semaine, il se faisait entendre dans les diverses paroisses urbaines. Tel est le motif pour lequel les fabriciens ne chargent leurs comptes, jusqu’en 1525, d’aucun versement au prédicateur de Carême. Ils n’avaient ni le soin de le choisir, ni celui de le payer ; tout cela incombait au chapitre.

Toutefois, en certaines circonstances, fort rares, les fabriciens offraient aux paroissiens le luxe de quelques sermons d’apparat. On récompensait l’orateur, lorsqu’il avait plu, par le don de quelques bouteilles ou pots de vin. En 1501, on porta deux pots au couvent des Cordeliers pour témoigner à frère Jean Barrel de la satisfaction des paroissiens ; il en fut de même, en 1523, en faveur des religieux qui prêchèrent les fête de la Dédicace et de Saint-Nicolas. Récompenses modestes, le prix le plus élevé de ces pots de vin fut de 3 sous 4 deniers.

Généralement, une quête était faite dans l’assistance en faveur de l’orateur. En 1478, un jeune religieux Carme fut invité à prêcher à Saint-Nicolas. On résolut de lui donner un lion d’or, monnaie du temps. On fit la quête pendant que « le prescheux faisoit son sermon ». Elle ne produisit que 31 sols 3 deniers ; la fabrique fournit le surplus. La coutume de ces quêtes en faveur du prédicateur, abolie en France depuis de longues années, est encore en usage en Amérique, au Canada, à la Nouvelle-Orléans et dans les anciennes colonies françaises.

A mesure que la vie sociale se développe, on comprit combien une prédication aussi réduite était insuffisante pour l'instruction du peuple. La principale cause des succès remportés par la réforme protestante fut précisément le soin qu’elle prit de multiplier le nombre des orateurs : de chacun de ses ministres, elle fit un évangéliste. Elle ne créa pas ce mouvement ; il est d'origine humaniste, mais elle sut s'y plier plus vite que le clergé catholique. Que ce goût nouveau de la parole de Dieu ne soit point d’inspiration Calviniste ou Luthérienne, je n’en veux qu’une preuve : l'exemple donné par le chanoine Yves du Quirissec, noble figure de vieillard, devant laquelle j’aime à m’incliner. Ce prêtre Vannetais, vicaire général de Robert d'Espinay et du cardinal Guibé, est parmi nous le type le plus représentatif de l'humaniste chrétien. Lettré et traditionnel, il s’efforce de développer à Nantes le respect du culte, d’atténuer les folles libertés liturgiques de la fête des Innocents que tant du Protestants reprocheront à l'Eglise Catholique. Dans ce but, il multiplie ses générosités. Le 7 Mai 1516, il a le premier l’idée d’établir une fondation de 40 livres pour procurer de bons prédicateurs de Carême à la Cathédrale. Ceux-ci devront être religieux ou séculiers, savants en théologie et de moeurs irréprochables. Toutes les idées qui alimenteront les polémique entre protestants et Calvinistes sont ici visées. Encore quelques années, le volcan aura éclaté, toutes les bouches réclameront de la part des orateurs sacrés et plus de science et plus de dignité ! Yves du Quirissec fut un précurseur qu’on est heureux de rencontrer dans notre paisible Bretagne, si éloignée de l’arène où éclateront les terribles luttes du XVIème siècle. Son initiative fut comprise à partir de 1519, la ville résolut de contribuer elle-même à l’entretien du prédicateur de la Cathédrale pendant le Carême : elle donna dix livres tournois à Maître Etienne Giraudy, docteur en théologie ; elle accordait la même somme à chaque religieux mendiant des couvents de Nantes. Il en fut ainsi jusqu’en 1551 : cette année, elle alloua dix livres de plus à Nicolas de Martimbes, docteur en Sorbonne, pour le récompenser de ses bons et agréables services. Désormais, tous ses successeurs, jusqu’à la mort d'Henri IV, toucheront 20 livres, dix de plus que les prédicateurs de couvent.

Dès lors, les idées d'Yves de Quirissec sont dominantes. Les fondations en faveur des prédications se multiplient. Guillaume Floury et sa femme donnent à Saint-Nicolas 30 livres de rente pour assurer le payement des sermons de Carême, (28 Novembre 1557). Le Crésus Nantais de l’époque, l’hôte des rois à leur passage à Nantes, André Rhuys, et son épouse Isabelle de Santo Domingo, ajoutent à cette donation une nouvelle rente de 28 livres 18 sols.  Il est vrai que les uns et les autres mettent à leur générosité des conditions onéreuses : le prédicateur de Carême devait célébrer trois messes par semaine en faveur de Guillaume Floury ; chacun de ses sermons était précédé de la récitation des sept psaumes de la pénitence et suivi d’un De Profundis sur la tombe du donateur. Ces conditions furent exécutées jusqu’au milieu du XVIIIème siècle ; aujourd’hui, elles ne seraient pas acceptées. Une riche veuve, Mme François Arnollet, fonda le sermon de la Dédicace de l’église, jour de la fête de Saint Mathias.

L’opinion publique mieux formée ne permet plus à un curé d’être un pasteur muet. Jusqu’alors, les paroissiens de Saint-Nicolas avaient admis que le recteur ne résidât pas dans sa paroisse et fut remplacé par un vicaire fermier à portion congrue : ce temps est désormais passé. On vit, en 1562, un curieux spectacle : les paroissiens firent procès à leur curé, Gilles Hamon, pour l’obliger à leur annoncer la parole de Dieu. Un avocat d'origine espagnole, Antoine de Myrande, se fit leur interprète devant la justice. Des revenus curiaux furent saisis : bien plus, les fabriciens appelèrent un prêtre, qui, sous un curé précédent, avait été vicaire, pour qu’il leur administrât les sacrements et les instruisit de leurs devoirs. Le réveil était complet, presque aussi vif à la campagne qu’à la ville. Les registres des visites paroissiales, faites en 1554 et en 1562, soit au sud, soit au nord de la Loire, sont remplis des doléances des paroissiens sur ce sujet. Rien d’étonnant que trente ans plus tard, la ville et le pays Nantais ne se soient trouvés à la tête des villes Ligueuses de France. La mairie n’entendait pas plaisanterie en cette affaire : en 1553, elle refusa de payer quoi que ce soit au religieux Carme qui s’était absenté pendant le Carême. En 1568, elle rappela aux trois ordres mendiants l’obligation où ils étaient de prêcher chaque Carême dans leur église et menaça de leur supprimer toute allocation, s’ils ne se soumettaient strictement à l’ancienne coutume.

Après les guerres de la Ligue, sous le règne de Louis XIII, nouvelle recrudescence de l’esprit religieux. La ville modifia les tarifs des prédicateurs de la Cathédrale, mais cessa peu à peu de payer les prédications faites par les religieux dans leurs couvents ; seuls les dominicains reçurent de temps à autre des allocations. Le salaire du prédicateur de Carême à la Cathédrale fut, par contre, porté à 300 livres. Mais il ne faut pas croire que la ville déboursait elle-même la somme en question. On commençait par faire la quête pour le prédicateur dans chaque paroisse, deux dames étaient choisies pour s’acquitter de ces fonctions. Les archives de la ville conservent encore une liste de ces quêteuses dressée vers 1670. Les meilleurs noms du barreau, de la magistrature et de la médecine y figurent. La quête achevée, la mairie complétait les 300 livres allouées à M. le Prédicateur. En 1620, elle paya 99 livres 4 sols au docteur Lambert ; la quête avait produit 200 livres 16 sols. En 1621, celle-ci fut plus abondante en faveur de Charles Hersent, de l'Oratoire : (la congrégation naissante était dans tout son lustre ; elle était sur le point d’acquérir le collège de la ville) les dames recueillirent 269 livres 4 sols la ville ne déboursa que 30 livres 16 sols. Le système n’était cependant pas heureux : la quête rapporta de moins en moins finalement, la ville demeura seule chargée du payement du prédicateur.

Il eût été préférable de tracer le tableau de l'éloquence de la chaire à Nantes, à l’aide des textes laissés par les prédicateurs, plutôt que par l'énumération de leurs salaires. Mais la chose n’est pas possible. Un fait cependant saute aux yeux : de cette collaboration constante du public avec les orateurs, en vigueur aussi bien dans toutes les villes de France qu’à Nantes, est née l'éloquence de la chaire, telle qu’elle a brillé au XVIIIème siècle avec Bossuet, Bourdaloue et Massillon. C’est le joyau le moins contesté de notre trésor littéraire. Anglais, Italiens, Allemands prétendent avoir des poètes plus grands que les nôtres : aucun d’eux n’ose mettre l’un de leurs orateurs en parallèle avec Bossuet ou Massillon. Ils nous cèdent la palme. Grands noms, dirai-je, mais non moins grande époque, qui savait se plaire dans l’étude de si magistrales expositions : chaque époque et chaque auditoire obtiennent généralement le genre d’éloquence qui leur conviennent.

Inutile d'énumérer les noms des prédicateurs qui sont montée dans les chaires de Saint-Pierre et de Saint-Nicolas : la plupart sont aujourd’hui totalement inconnus. Quelques-uns cependant surnagent, je ne dirai pas dans la mémoire des hommes, mais dans les colonnes des Dictionnaires historiques : le cordelier Olivier Maillard, Nantais d’origine ; l'érudit Feuardent, l’éditeur des œuvres de Saint Irénée ; Philippe du Bec et M. de Cospeau, tous deux évêques de Nantes ; le bénédictin ligueur Jacques Le Bossu, forte tête et beau tempérament oratoire. Un nom cependant domine tous les autres : Saint Vincent Ferrier. Les églises étaient trop étroites pour contenir les foules accourues pour l'entendre. Il prêcha dans le cimetière de Saint-Nicolas, lors de son passage à Nantes au Carême de 1417. Moins de quarante ans après, ses auditeurs assistèrent à sa canonisation. Les paroissiens de Saint-Nicolas placèrent son image dans l’un de leurs vitraux (Voir Compte de 1503), et l’un deux, Michel Lesueur, fit présent à son église de reliques de l’illustre dominicain.

Le Trésor de Saint-Nicolas.

« Il n’est point de paroisse à Nantes, observe l’abbé Travers, que les souverains aient plus affectionnée que Saint-Nicolas ». On peut souscrire sans crainte d’erreur à ce jugement d’un historien qui connaissait mieux que personne le passé de sa ville natale. Malgré son exiguïté, malgré le peu de caractère architectural de ses murs, Saint-Nicolas aurait pu constituer un véritable musée à l’aide des cadeaux que lui firent, soit les membres de la famille ducale, soit ses enfants les plus fortunés, espagnols ou français. Mais la mode n’était pas encore aux Musées. Le goût des collections artistiques suppose une certaine culture générale, la richesse et les loisirs de la paix.

En 1525, dernier compte que nous ayons pu dépouiller, le sacristain de Saint-Nicolas aurait pu montrer un ornement donné par le duc Jean V, chasuble et dalmatiques « veloutez à tiers poils de blanc et de rouge ».

Sa nièce, Marguerite de Foix, seconde femme de François II, fut plus généreuse. Fille du roi de Navarre, à demi espagnole par le sang, elle aimait Saint-Nicolas, où abondaient les étrangers de langue hispanique [Note : Le Cardinal de Foix, son frère donne également à l’église de Saint-Nicolas des lettres de pardon de 100 jours]. Le duc l’avait épousée dans le but d’avoir un fils légitime. C’était le vœu unanime : faute d’héritier, le duché revenait aux Penthièvre ; or, ceux-ci avaient vendu leurs droits à Louis XI, qui, débarrassé du duc de Bourgogne, n’était pas homme à les abandonner. Quand Marguerite de Foix vint à Nantes, ce fut une allégresse générale. Un propriétaire voisin de l'église de Saint-Nicolas, le poète Jean Meschinot, peut-être le plus remarquable que Nantes ait produit, se fit l’interprète des voeux de tous les sujets de la nouvelle duchesse. Après un magnifique éloge de la Bretagne, 

Riche païs, contrée très heureuse

Amez de Dieu...

Duché sans pair, province plantureuse,

De noblesse trésor et parement...,

il s’adresse à François II au sujet de sa nouvelle épouse :

Prince parfait, mettez sens, temps et cure

A la chérir, tant qu’elle nous procure

Le plus grant bien qui soit dessous la nue

C’est un beau filz. Lors dirons sans mesure :

Benoiste soit sa joyeuse venue !

Or, ce souhait poétique, nous le trouvons à deux reprises dans les comptes de Saint-Nicolas. Evidemment, la princesse avait essayé de mettre le ciel et notre saint dans son jeu. En 1478, elle donna à la fabrique une chasuble, et deux dalmatiques de velours cramoisi, puis, en 1480, un grand calice d’argent [Note : Item avoir payé au doridier qui fit le grant calice et la pataine d’argent doré que la duchesse de présent a donné à la fabrice pour fère service à Dieu et à Mons. St Nicolas ad ce que led. calice fust bien doré et qu’il le fist bien grant et de belle monstre, 27 sols 6 den. A Lorens Turhert, paintre, pour sa peine d’avoir tiré en papier pour bailler audit doridier les ymaiges et histoires qu’il convenoit fere mectre et appouser esd. calice et patainc.... 10 sols. (Compte de 1480). Ce calice pesait 12 marcs 6 onces et 6 gros]. Après l'insertion du nom de la généreuse donatrice, le scribe ajoute ces mots « Dieu luy donne un beau fils » ! Même souhait en 1484, après la mention d’un nouveau cadeau de deux couvre-chefs de toille de Hollande destinés à parer « l'imaige de Nostre Dame assise sur le grand aultier ». Pas plus en 1484 qu’en 1478, le ciel ne devait exaucer les vœux des Bretons. Marguerite de Foix n’eut que deux filles pour le bien de la France et, sans doute aussi, de la Bretagne.

Celles-ci, Anne et Isabeau, ne se montrèrent pas moins dévotes à Saint-Nicolas. La plus jeune, Isabeau, fit remettre à sa mort une robe de drap d’or, dont le brodeur, G. Chastelain, fit une chape ornée d’un écusson d'hermines.

Devenue reine, Anne fut plus généreuse encore. A son retour à Nantes, en 1499, après la mort de Charles VIII, elle offrit un calice d’argent doré avec ses deux orseulx ou burettes de même métal. En 1501, remariée à Louis XII, elle donna un ornement de velours perse, chasuble et dalmatiques, et une chape de drap d'or.

Sa fille, la reine Claude, femme de François Ier, à ces cadeaux ajouta celui d’un ornement violet.

De grandes dames de la cour apportèrent également leurs offrande : la vicomtesse de Thouars, Marie de Rieux, mère de la B. Françoise d'Amboise, un calice d’argent ; Jeanne de Restrenen de la Ville-Pépin, un calice d’or de deux marcs et demi.

Quelles requêtes, quels actes de reconnaissance rappellent les dons faits par un certain nombre de riches bourgeois et bourgeoises, les calices de Mme veuve Thomas Micheau, de Colette Haye, les chapes de J. Caillon, Mme Jean d'Olive Bourgneuf, veuve de Guillaume Moulnier, le drap d’or de Fabry Bazire ? il est impossible de le dire.

D’autres paroissiens offrent des tapisseries de Flandre, des broderies, des reliques de la Vraie Croix ou de quelques saints ; d'autres des Agnus Dei, des statuettes formant reliquaires en matière plus ou moins précieuse.

Il importe de rappeler que Saint-Nicolas était alors, plus encore qu’aujourd’hui, la paroisse des étrangers. Les Espagnols y étaient fort nombreux depuis les traités passés entre Jean V et le roi de Castille. Ils jouissaient d’une grosse influence parmi les marchands de la Fosse. Lors d’une fondation faite en 1546 par Mme. Jeanne de Myrande, je n’ai pas compté moins de douze bourgeois espagnols dans le corps paroissial réuni pour délibérer sur son acceptation [Note : Archives de la Loire-Inférieure. H. 284. Jeanne de Myrande était veuve de Jean de la Presse. La fabrique de Saint-Nicolas était chargée de faire acquitter chaque année une messe anniversaire au jour de son décès dans l’église des Cordeliers où elle fut inhumée]. Nous retrouvons leurs noms parmi les fabriciens et les bienfaiteurs de Saint-Nicolas. Un dévot de Saint-Jacques de Galice, Alonso de Lerme fonde un anniversaire en 1478, le jour du patron de toutes les Espagnes et donne à cet effet une chape de velours vermeil ; Martin d'Arande offre, en 1522, un banc à l’antique, c’est-à-dire, une sorte de bahut à la mode nouvelle venue d'Italie, avec pilastres et autres ornements imités de l'antiquité classique ; Mme Consallo de Compludo présente de grandes toiles pour la communion, un ciel pour le grand autel.

La communauté paroissiale savait au besoin veiller à l’honneur de la paroisse par l’achat de bannières [Note : La bannière fut achetée en 1517 après marché et commande faits devant deux notaires. On paya 45 sols à Pierre de la Chasse pour avoir baillé un des patrons pour pour faire lad. bannière ; 50 livres tournois au brodeur François Legoulx, etc. Une première bannière avait été faite en 1479, elle avait coûté plus cher. On avait alors payé 19 livres pour l’achat du drap de soie, à Fabry Razire ; 18 livres aux brodeurs pour exécuter les deux images de Notre-Dame et de Saint Nicolas dont un peintre payé 10 sols avait fourni les patrons ; 18 livres par ailleurs en frais divers] ornementées des images de Saint Nicolas et de la Vierge, de croix de procession.  En 1516, elle éprouva le besoin d’une croix paroissiale. Cette acquisition fut marquée par un léger incident, trait de moeurs qu’il importe de rapporter, car nous ne le retrouverons plus. « La basse Fosse n’avait guère que des pêcheurs et des bateliers pour habitants, logés dans des huttes et des cases, convenables avec leur état, remarque Travers. Ces petites gens s’avisèrent d'aller à la pêche pendant les fêtes de la Pentecôte 1515. L’official les condamna à 2 sols d’amende pour payer la Croix de Saint-Nicolas ». [Note : TRAVERS, II, p. 274. « Tous ces pêcheurs, ajoute Travers, se sont retirés à Trentemou, à la Haute et Basse Aindre et de belles maisons ont pris la place de ces cases ». Voici en quels termes le compte de 1515 enregistre cette amende : « Item se chargent avoir receu de 73 pescheurs de la Basse Fosse queulx furent taxés par M. l'Official de Nantes chacun deux sols tournois pour employer à faire la croez dud. lieu de St Nicolas, pourtant qu’ils avoient pesché les jours des féries de la Penthecoste »]. Somme bien minime pour procurer un joyau digne de la plus grande paroisse de Nantes. Quatre gros bourgeois (Moteil, Robin Poulain, J. Guischart, Fr. Ernoullet) se cotisèrent pour offrir en 1517 une magnifique croix d’argent du poids de 25 marcs 7 onces [Note : Cette croix après la procession était vraisemblablement déposée sur l’autel pendant la grand'messe, autrement on ne s’expliquerait pas l'acquisition suivante faite en 1517 par les fabriciens : Item pour le chandelier de cuivre qui sert pour mettre la croix neufve, pesant XXIII livres et demye, cent sols]. En reconnaissance de leur présent, ils réclamèrent un anniversaire solennel avec office et messe des morts, le jour de la fête de l'Exaltation de la Croix devant l’autel de Notre-Dame de la Chandeleur. Le jour de Pâques, entre la station aux fonts baptismaux et le commencement des Complies, le recteur de Saint-Nicolas devait les recommander aux prières des fidèles et réciter un De Profundis à leur intention.

Vainement chercherait-on aujourd’hui tous ces objets : ils furent vendus au XVIIème siècle, lorsqu’il s’agît de reconstruire le misérable clocher fait de lattes et d’ardoises qui dominait l’ancienne église. Du vivant de l’abbé Travers, Saint-Nicolas ne conservait plus que l'ornement violet donné par la reine Claude. En 1666, la fabrique vendît un ancien calice d’or qui servait de tout temps « à l'ablution des communions du peuple ». En 1672, nouveau sacrifice en faveur du clocher encore inachevé « les vieux livres écrits sur velin en lettres anciennes, missels, bréviaires, manuels, antiphonaires, légendaires, etc., furent mis en vente ». Le souvenir de Jean Chapeillon, d'Yves Le Thorieuc ne les sauva pas de l’oubli. « Il serait à souhaiter, remarque Travers, qu’on les eût conservés. Nous en apprendrions beaucoup de rites anciens, singuliers et curieux dont on n’a pas ou que fort peu de connaissance aujourd’hui » (Voir Travers, III, p. 400 et 433).

Le goût des collections était alors assez commun dans les hautes classes de la société. Il y avait à Paris et même en province un certain nombre d’amateurs à l’affût des autographes, des volumes rares, des miniatures du Moyen-Age. Le goût de l’histoire était héréditaire dans les familles des Rosmadec, des Lannion, des marquis d'Asserac. Les Bénédictins, les Jésuites belges, pour la composition des Acta Sanctorum, se livraient à de grandes acquisitions de manuscrits liturgiques et hagiographiques. Ces vénérables parchemins dédaignés, parce que mal commodes, depuis l'invention de l' Imprimerie, trouvaient un prix qu’ils n’avaient jamais rencontré. Plus d’un recteur désireux d’avoir un clocher ou une horloge vendit pour quelques écus les vieux grimoires de son église, que des amateurs payeraient aujourd’hui au poids de l’or. L’aventure du Missel de Barbechat, célèbre parce que récente, a été précédée de plusieurs centaines d’autres toutes semblables, en Bretagne, au siècle de Louis XIV.

 

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INVENTAIRE DES COMPTES DE LA FABRIQUE SAINT-NICOLAS CONSERVES A LA CURE DE SAINT-NICOLAS

1. Compte de Colin Doublet, Guillaume Simon, Robin Guyet, procureurs et fabriqueurs de l’église paroissiale de Saint-Nicolas, du 26 Octobre 1458 au 26 Octobre 1459 rendus à Jehan Bioret, Jehan Derval, Jehan de Corval, nouveaux procureurs.

Recettes : 270 livres, 5 sols, 4 deniers.

Dépenses : 259 livres, 16 sols, 6 deniers.

Approuvé, le 11 Mai 1460.

2. Compte de Laurent Mosnier, Jehan Le Bonyer, Gervais Le Gauffre, procureurs de la fabrique du 26 Octobre 1463 rendu à Amaury Main, Jehan Marquer, Antoine Boujan, nouveaux procureurs le 26 Octobre 1464.

Recettes : 181 livres, 5 deniers.

Dépenses : 167 livres, 13 sous.

Approuvé le 18 Août 1465.

3. Compte de Guill. Le Maczon, Jehan Chaussé, Macé Durant, procureurs de la fabrique du 26 Oct. 1467 rendu à Estienne Chardavoine, Jehan Regnaud, Guillemin Laradin, nommés procureurs le 26 Oct. 1468.

Recettes : 92 livres, 3 sols.

Mises : 103 livres, 12 sols, 9 deniers.

Approuvé le 13 Août 1469.

4. Compte de Pierre Maudet, Guillaume Gegat, Louis Maillard, procureurs de la fabrique du 30 Octobre 1471, rendu le 30 Oct. 1471, à Michel Lecompte, Gillet Picart, Jehan Delalande.

Le dernier feuillet fait défaut.

5. Compte de Rolland Agenays, Pierre Michelet, rendu pour eux et défunt Michelet Vaultier, procureurs, à Guillaume Boullart, Bertrand Le Soudec et Guillaume Domart à présent procureurs, pour un an entier du 30 Oct. 1478 au 30 Oct. 1479.

Recettes : 184 livres, 14 sols, 3 deniers maille.

Dépenses : 184 livres, 15 sols, 2 deniers.

Approuvé le 8 Octobre 1480.

6. Compte que rendent Guill. Boullart, Bertrand Le Soudec et Guill. Domart, procureurs de la fabrique, à Jehan Houys, Phelippot Perron, Guillaume Suplice, nouveaux fabriqueurs pour un an du 30 Oct. 1479 au 30 Oct. 1480.

Recettes : 281 livres, 2 sols, 8 deniers.

Dépenses : 277 livres, 2 sols, 7 deniers.

Approuvé le 19 Août 1481.

7. Compte de Guillaume Preseau, Guillaume Maugendre et Jean Gourdel du 30 Octobre 1483 au 30 Octobre 1484.

Recettes : 384 livres, 11 sols, 10 deniers obolle.

Dépenses : 392 livres, 8 sous, 1 denier.

Arrêté le Dimanche 2 Juillet 1486.

8. Compte que rendent Nicolas Maynardeau, Olivier Hoyart, Guyon Kerhouaz, procureurs de la fabrique, à Jacques Guischart, Pierre de la Chasse, Jamet Beraud, nouveaux procureurs, pour un an du 30 Octobre 1491 au 30 Octobre 1492.

Recettes : 198 livres, 8 sous, 9 deniers.

Dépenses : 216 livres, 9 sous, 1 denier.

Arrêté et approuvé le 8 Juin 1494.

9. Compte que rendent Jean Jubelot, Jean Maunoyes, Estienne Ripvière, procureurs de la fabrique, à Guillaume Ernault, Jehan La Teste, Jehan Viollain, procureurs nouveaux, pour un an du 30 Octobre 1499 au 30 Octobre 1500.

Recettes : 410 livres, 5 sols, 6 deniers.

Dépenses : 410 livres, 9 sols, 3 deniers.

Arrêté et approuvé le 8 Août 1502.

10. Compte que rendent Guillaume Ernault, Jehan La Teste et Jehan Viollain, procureurs, à Guill. Hervé, Guill. Guérin, Charles Blandin, nouveaux procureurs, pour un an du 30 Octobre 1500 au 30 Octobre 1501.

Recettes : 432 livres, 18 sols, 5 deniers.

Dépenses : 417 livres, 17 sols, 7 deniers.

Arrêté et approuvé le 10 Juillet 1503.

11. Compte que rendent Guillaume Hervé, Guill. Guérin, Chartes Blandin, procureurs, à Armel Besic, Guillaume Texerant dit d'Orléans, et Mathurin Blouyn, led. compte pour l’an du 30 Oct. 1501 au 30 Oct. 1502.

Recettes : 329 livres, 9 sols, 6 den. tournois.

Dépenses : 297 livres, 4 sols, 1 den. tournois.

Arrêté et approuvé le 21 Déc. 1503.

12. Compte que rendent Guillaume Le Roz, Guillaume Riallen et Michel Buret, à Guillaume Gourdet, Jehan Ramasseau et Pierre du Retail, procureurs nouveaux, led. compte pour l’an du 30 Oct. 1506 au 30 Oct. 1507.

Recettes : 271 livres, 9 sols, 6 den. tournois.

Dépenses : 284 livres, 6 deniers tournois.

Arrêté et approuvé le 1er Sept. 1510.

13. Compte que rendent Imbert Garreau, Guillaume Cousin et Jean Geffroy, procureurs, à Colas Tireau, Guyon Pellerin et Jehan Beaupeigne, leurs successeurs pour l’année échue du 30 Oct. 1511 au 30 Oct. 1512.

Recettes : 601 livres, 12 sols, 2 d. tournois.

Dépenses : 502 livres, 10 sols, 5 d. tournois.

Arrêté et conclu le 8 Août 1513.

14. Compte que rendent Jehan Guillauton, Jehan Baugé et Martin Ramaseul, procureurs, à Pierre Main, Bernardin d'Espinoze et Cire Bourget, leurs successeurs, pour l’année échue du 1er Nov.  1516 au 1er Nov. 1517.

Recettes : 316 livres, 4 sols, 4 deniers.

Dépenses : 375 livres, 16 sols tournois.

Arrêté et conclu le 15 Fév. 1518 (v. st.).

15. Compte que rendent Giron de Mirande, Bastiende Villediago, Jehan Symon, procureurs, à leurs successeurs, pour l’année échue du 1er Nov. 1522 au. 1er Nov. 1523.

Recettes : 354 livres.

Dépenses : 339 livres, 18 sols, 8 deniers.

Arrêté et conclu.

16. Compte que rendent Jehan Guischart, Pierre d'Espinoze, Jean Pavaret, procureurs, à leurs successeurs pour l'année échue du 1er Nov. 1524 au 1er Novembre 1525.

Recettes : 872 livres, 5 sols.

Dépenses : 806 livres, 14 sols, 11 deniers.

Arrêté et conclu. (A. Bourdeaut).

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