Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

SERVICE MÉDICAL SOUS L'ANCIEN RÉGIME A NANTES

  Retour page d'accueil      Retour Ville de Nantes 

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Pendant la période la plus ancienne du Moyen-Age la science médicale fut étudiée et pratiquée à peu près exclusivement par les clercs et les religieux qui seuls alors possédaient les livres nécessaires ; elle faisait partie de leur instruction comme la théologie et le droit canon. La religion et la charité sont soeurs. L'Eglise ne voulait pas qu'un prêtre apportant les consolations de son ministère aux malheureux fût incapable de porter secours à leurs misères corporelles. Même après l'envahissement des écoles par le Tiers-Etat, les gens d'église continuèrent à exercer la médecine en concurrence avec les laïcs et restèrent leur rivaux jusqu'en 1790, comme l'attestent les nombreux arrêts d'interdiction rendus contre eux par les Parlements aux XVIIème et XVIIIème siècles [Note : Raoul Tual, chanoine de Notre-Dame, et Jean Brehaut, scholastique de la cathédrale, furent médecins de François II]. Je suis donc fondé à croire que les premiers médecins des léproseries et des hôpitaux furent leurs propres aumôniers.

Cet empiétement du clergé sur un domaine étranger à la théologie n'a rien de surprenant. Avant les progrès modernes des sciences, les professions libérales ont été plus ou moins exploitées par celles qu'on nomme aujourd'hui mercantiles. Dans le même temps où le prêtre se faisait médecin, le barbier s'intitulait chirurgien et saignait les malades, l'épicier vendait des drogues et marchait, dans les cérémonies, sur le même rang que l'apothicaire.

Il ne faut pas oublier que nous parlons de l'époque où toutes les sciences se réduisaient à un petit nombre de formules qu'on appliquait à tort et à travers, du temps où l'empirisme régnait en maître, où les sorciers passaient pour docteurs, et la superstition populaire attribuait à chaque saint du paradis la puissance de guérir une maladie particulière.

L'usurpation était d'autant plus facile aux ecclésiastiques que l'exercice de leur sacerdoce les mettait souvent en présence de nécessites impérieuses que les médecins alors très-peu nombreux laissaient sans soulagement. On sait que l'assistance médicale dans les campagnes est une institution toute moderne et que, malgré la facilité des communications ouvertes de tous côtés, bien des malades mourraient encore aujourd'hui sans secours si l'expérience d'un curé ou d'une sœur de charité ne venait à leur aide. Qu'on juge d'après cela ce qui serait arrivé, sous l'ancien régime, si les arrêts des Parlements avaient été observés.

A Nantes, les médecins n'ont commencé à se recruter dans la société civile qu'à la fin du XVème siècle, après la création de l'Université fondée par François II ; mais il s'écoula bien encore un siècle avant qu'ils fussent appelés à exercer leurs talents parmi les pauvres. Au reste, leurs inclinations ne les portaient pas, comme ceux de nos jours, vers les hôpitaux.

Le médecin du XVème siècle ou physicien était un homme de spéculation plutôt qu'un observateur attaché à l'étude de la nature humaine ; il passait volontiers sa vie dans son cabinet au milieu des in-folios et se dispensait de visiter ses malades le plus souvent possible. Il se reposait de la lecture de Gallien el d'Hippocrate en étudiant les influences heureuses ou malfaisantes des astres dans leur cours et leur déclin. C'est là qu'il puisait surtout l'inspiration quand il dictait les formules de ses médicaments.

On ne le voyait jamais travailler de la main ni exécuter ses prescriptions, cette condescendance aurait ravalé son art au niveau d'un métier [Note : La suppression des corporations, en 1790, a mis fin à la division de la médecine et à la rivalité]. La partie manuelle et pratique de la médecine passait alors pour une œuvre basse, bonne pour servir de gagne-pain aux manœuvres sans instruction.

C'est aux barbiers nommés pour cela chirurgiens qu'on commettait le soin d'administrer les remèdes, de panser les plaies, d'appliquer les emplâtres et onguents, de présenter les potions, de suivre le traitement et de manier la lancette. Par son contact perpétuel avec les malades, celui-ci acquérait, une certaine expérience que beaucoup de gens préféraient à la science trop abstraite du premier, et qui, dans certains cas, lui permettait de donner des consultations. L'estime qu'inspirait son dévouement lui permettait de réunir en sa personne l'exécutif et le législatif. Il est aisé de comprendre maintenant pourquoi les chirurgiens sont parvenus à s'introduire dans les hôpitaux avant les médecins et comment ils ont pu dans ce domaine exercer la plénitude de la puissance médicale avant le XVIIème siècle. Entre deux rivaux si différents la préférence devait naturellement s'arrêter sur celui que témoignait le plus d'abnégation.

On ne peut parler de l'exercice de la médecine à Nantes sans mettre en première ligne la corporation des chirurgiens, car c'est toujours elle qui fut appelée par la municipalité au secours des indigents pendant les XVème siècle et XVIème siècles. Elle avait la place principale à l'Hôtel-Dieu comme dans les aumôneries. Pour ce qui concerne Saint-Clément il est facile de se convaincre en compulsant les comptes de dépenses de l'aumônier, que les malades de cette maison n'ont jamais été traités que par la main d'un chirurgien (Cartons de l'aumônerie, série H, Archives départementales). Le praticien qui consentait à soigner les indigents de Saint-Clément ne remplissait pas de vulgaires fonctions, les ducs avaient eux-mêmes pris soin de relever la dignité de cette place en l'érigeant en titre d'office avec prérogatives et franchises comme toutes les charges publiques : « Mesmes ont lesdits princes créé et institué office de cirurgien pour subvenir aux pouvres estans audit hospital et lui ont assigné gaiges par leurs estats généraulx et aultrement et leur ont baillé plusieurs previlléges et franchises pour servir audict hospital  » (Requête des habitants de Nantes, de 1532, Archives départementales).

Robin Launay comme son prédécesseur Guillaume Letexier jouissait, en 1476, par mandement du duc François II, d'une franchise qui lui permettait de faire entrer en ville 20 pipes de vin étranger sans payer le droit de billot qui s'élevait alors à 27 sous par pipe (Trésor des chartes des ducs, E 212). Il était de plus affranchi de tous les impôts et subsides, du guet, de l'arrière-guet et de la garde des portes, et touchait encore 20 livres de gages annuels de la direction de l'aumônerie. En retour de ces avantages, qui n'étaient pas surabondants, il était tenu de fournir les drogues et médecines aux malades [Note : L'institution de barbier-cirurgien aux malades et poures de l'aumosnerie de Saint-Clémens près Nantes, pour Robin Launay à la charge d'iceulx malades visiter et penser et leur pourveoir des choses médicinables et curables. (Livre de la chancellerie de 1473, folio 153, série B. Archives de la Loire-Inférieure)].

Dans les temps d'épidémies qui revinrent vingt fois pendant le cours du XVIème siècle, les chirurgiens n'eurent pas de rivaux parmi les médecins et nous en aurons à citer plus d'un qui perdit la vie en donnant ses soins aux pestiférés. Leur intrépidité mérite d'autant plus d'être signalée qu'elle ne se retrouvait pas à un égal degré même dans les classes habituées au dévouement. La peste répandait autrefois tant de terreur par le nombre des victimes qu'elle emportait, que les prêtres eux-mêmes, dit l'historien Travers, ne se montraient pas très-empressés à porter les sacrements aux moribonds. A l'approche du fléau les populations fuyaient épouvantées, les offices religieux étaient suspendus, les procès et les foires ajournés, et les gouverneurs des pauvres n'acceptaient leurs fonctions qu'a la condition de ne point entrer dans les maisons des pestiférés [Note : Délibérations du bureau de ville de 1583, folio 46 : Tout pestiféré qui se montrait en public s'exposait à être pendu]. L'histoire doit naturellement une mention à ceux qui sont restés fermes à leur poste au milieu de cette panique générale.

L'héroïsme est trop rare pour qu'on s'attende à une liste nombreuse. Quand le fléau faisait son apparition on trouvait rarement plus d'un homme déterminé à le combattre, c'était ordinairement le chirurgien de l'Hôtel-Dieu. Si le brave qui se présentait n'occupait pas cette place, il était sûr de l'obtenir en récompense lorsqu'il avait fait ses preuves.

Jean Durand soigna les pestiférés de la ville et des faubourgs, de 1488 à 1501, non sans péril, car dans cette dernière année le nombre des victimes dépassa 4,000 (Voyez comptes du miseur de 1501).

Jean Thoron, son successeur, jusqu'en 1526, eut à déployer son zèle trois fois pendant les années 1518-1522 et 1523.

Similien Turcand, qui vint ensuite, fut aidé pendant la terrible peste de 1530 par un collègue du nom de Jean Leroy, qui succomba promptement, et le laissa seul pendant une année entière. Il est bien constaté, dans le compte du miseur, qu'il fut impossible Turcand de rencontrer un auxiliaire.

Pierre Dibel, put prit la place de chirurgien de l'Hôtel-Dieu, en 1532, se trouva aux prises avec une épidémie qui ne disparut qu'en 1534. Les comptes du miseur (Comptes du miseur, 1532-1540, fos 39 et 51), qui nous donnent le chiffre de ses gages ordinaires, 60 livres, nous apprennent également quelles lourdes obligations lui étaient imposées. En acceptant ses fonctions, il avait pris l'engagement de visiter les malades à leur entrée dans la maison, de les panser deux fois par jour, quel que fût leur mal, et, en temps de peste, d’étendre ses soins jusqu'aux habitants atteints de la contagion, logés dans la ville ou dans les faubourgs. Quand le maître administrateur de l'Hôtel-Dieu lui envoyait des pauvres teigneux, son devoir était de les traiter.

Jean Bois-Robert et Lucas Mouraud, qui lui succédèrent, montrèrent le même zèle pendant les épidémies de 1545, 1548, 1552 et 1563 et reçurent 72 livres de gages par an.

Julien Pesché est un de ceux qui méritent aussi une mention spéciale. Pendant les épidémies meurtrières que désolèrent la ville de Nantes de 1567 à 1572, aucun barbier-chirurgien n'ayant voulu s'exposer au contact des pestiférés il s'offrit seul pour tenir tête au fléau qui épouvantait tous ses confrères. Pour toute récompense, il sollicita de la mairie un état de barbier et le titre de chirurgien de la ville en temps de peste. On ne pouvait être plus modeste.

Le Conseil des bourgeois se sentit obligé à une reconnaissance plus large, et après avoir consenti à ses désirs, il lui concéda, en 1572, la jouissance viagère de la tenue de l'Asnerie que la ville venait d'acquérir pour y établir une maison de santé réservée aux pestiférés. Le domaine de Julien Pesché se composait d'un manoir entouré de jardins, de vignes, de saussaies, dont le revenu lui tenait lieu de gages. Il en jouissait sans trouble quand les habitants de Nantes n'avaient rien à craindre de la contagion, mais dès que le moindre cas de peste noire se manifestait, il était tenu d'ouvrir sa porte et d'habiter avec ceux que la ville rejetait de son sein. Il perdait, en temps d'épidémie, la liberté de sortir de l'Asnerie sans la permission des gouverneurs des pauvres, et lorsque la nécessité le conduisait en ville, il ne devait pas traverser la foule sans qu'il y ait passage de la largeur d'une charrette. Il avait l'ordre de paraître dans les rues avec un costume marqué d'une croix blanche sur le dos et la poitrine, le ventre ceint d'une écharpe rouge, portant dans la main une longue baguette blanche armée de deux sonnettes et d'avertir les passants en criant à haute voix : Place ! place ! le tout prescrit sous peine de punition corporelle et de privation de gages. La peste de 1583 l'emporta.

Il eue pour successeur un chirurgien-apothicaire du nom de Jean Piot qui, plus exigeant que ses prédécesseurs, demanda 20 écus par mois et voulut les toucher d'avance. Ses successeurs mirent leur dévouement à un prix encore plus élevé. Pierre Silvestre, qui soigna les pestiférés de 1602, ne s'était engagé qu'à la condition de recevoir 70 écus de gages par mois, une gratification de 80 écus après la fin de l'épidémie, et 50 écus d'or pour son ameublement. Le fléau l'emporta après quelques mois d'exercice, et ses confrères furent si peu empressés de recueillir sa succession que les gouverneurs des pauvres furent réduits à prendre un garçon chirurgien. Celui-ci reçut 40 écus de gages avec la promesse d'être gratifié de lettres de maîtrise après l'épidémie.

Le chirurgien qui donna ses soins aux pestiférés en 1625 reçut 120 livres par mois, et fut aidé, dans sa périlleuse mission, par des pères récollets et capucins pour lesquels on construisit des loges particulières dans les vignes voisines du Sanitat. On obligeait ces religieux à quitter leurs habits de grosse laine pour en revêtir de camelot que la ville leur fournissait comme à tous ceux qui approchaient les pestiférés. Un dernier nom me reste à citer pour clore ma liste d'honneur : c'est celui de François Rabion, garçon chirurgien, qui, pour récompense des trois années (1625-1627) consacrées au soulagement des pestiférés, reçut des lettres de maîtrise. Les confrères qui lui succédèrent près des pauvres ayant été relégués au second rang, j'indiquerai plus loin de quelle manière ils continuèrent leurs fonctions dans les hôpitaux.

En prèsence d'états de service si honorables, le lecteur jugera sans doute qu'il eût été injuste de ne rien dire de la corporation des chirurgiens barbiers de Nantes. Si le désintéressement ne fut pas toujours la vertu dominante chez elle, il n'en est pas moins vrai que la ville a toujours rencontré parmi ses membres des hommes d'un courage peu commun.

Lorsqu'en 1583 la mairie eut le projet de recourir aux lumières des médecins, le poste le plus périlleux lui fut encore réservé. Le médecin préposé au traitement des pestiférés ne devait pas les approcher ; il se rendait dans un lieu voisin du Sanitat pour s'entendre avec le chirurgien sur les remèdes à employer et n'en franchissait pas la porte. Il ne s'exposait pas davantage près des riches bourgeois de la ville, car le texte ne dit point qu'il eût la clef des maisons condamnées. Le chirurgien seul avait le triste privilège de circuler partout où la contagion se répandait.

Afin qu'on ne me taxe pas d'exagération, je vais soumettre au lecteur l'ordonnance de police sanitaire rendue à cette date (Reg. des délibérations de la ville, année 158). Je ne cite que les articles relatifs au service médical en renvoyant pour les autres à l'historien Travers.

Pour l'advenir sera député un médecin et chirurgien demeurans en ville pour visiter et secourir ceux que Dieu visitera de la contaigion (Travers, Histoire de Nantes, t. II. p. 548).

Les malades qui ne seront frappés de ladite contagion ains d'autres maladies se pourront faire traicter et médicamenter par tel médecin, barbier et chirurgien que bon leur semblera et ceux qui seront pestiférés par les médecin et chirurgien députés à ladite fin. Les infectés de contaigion, si sont pauvres, seront incontinant menez au Sanitat et la maison condamnée, en laquelle seront enfermées personnes pour incontinant purifier ladite maison de l'ordonnance desdits gouverneurs des pauvres ou commissaires dudit Sanitat par les moiens qui seront trouvés plus propres pour purifier.

Et quant aux malades de contagion ayant moyen, demeureront en leurs maisons et en icelles se feront traicter si bon leur semble à leurs despans, parce qu'ils seront cadanés en icelles avecque leurs gens et serviteurs qui y vouldront demeurer et à leurs frais se feront administrer vivres et toutes choses nécessaires et aura le chirurgien qui tes traitera la clef du cadane pour aller et venir ès dites maisons pestiférées et servir et médicamenter lesdits contaigieux.

Le médecin député pour visiter les malades de contaigion trois fois la sepmaine, se transportera en lieu, certain près ledit Sanitat pour ordonner ce qu'il sera requis aux malades y estant et suivant les ordonnances ; le chirurgien domestique traictera lesdits malades sur les peines que en tel cas eschéent.

Tous malades qui auront esté frapés de contaigion ne fréquenteront en publicq que quarante jours après leurs reconvallessences sur peine de cent escus et du fouet à faulte de payer comptant.

Le chirurgien domestique du Sanitat et tous les serviteurs d'icellui porteront des gaules blanches et de petites cloches au bout d'icelles et de loign semondront toutes les personnes de se retirer sur peine de punition corporelle. [Note : Ceux de mes lecteurs qui voudraient avoir réunis tous les passages de l'historien Travers relatifs aux épidémies qui ont désolé la ville de Nantes, les trouveront accompagnés de considérations générales dans l'ouvrage du docteur Leborgne : Recherches historiques sur les grandes épidémies qui ont régné à Nantes. Nantes, 1852, 1. vol. de 163 pages].

Une réflexion vient se placer ici d'elle-même dans mon récit. Je me demande quels pouvaient être les succès de tous ces braves valets d'Esculape agissant seuls au milieu d’une population décimée. Quand on sait de quoi se composait leur bagage scientifique, on ne peut s'empêcher de frémir pour les infortunés qui étaient condamnés à subir sans appel les arrêts de ces pauvres praticiens. Veut-on savoir en quoi consistait le chef-d'œuvre d'un chirurgien au moment d'entrer dans sa corporation comme maître. M. de la Nicollière, archiviste de la ville de Nantes, vient de découvrir un document de 1568 qui va nous l'apprendre (Mémoire lu à la Sorbonne en avril 1873). Tout compagnon qui se présentait pour être reçu parmi les maîtres jurés en chirurgie, devait avant tout examen montrer qu'il savait forger une lancette ou un rasoir. Il suffisait qu'il confessât son ignorance sur ce point pour qu'on le renvoyât sans l'entendre. Glande Viard, beau-frère d'Ambroise Paré, s'étant recasé sur la question préjudicielle devant la corporation de Nantes, ne put obtenir la faveur d'être interrogé quoiqu'il offrit de prouver que l'anatomie n'avait pas de secrets pour lui. Dans la requête qu'il adressa au Parlement de Rennes, pour protester contre la stupidité de ses juges, il dit que ceux qui refusent de le reconnaître pour collègue avaient admis bien des postulants qui ne savaient ni lire ni écrire. La justice qu'il réclamait lui fut accordée, mais il est peut-être le premier qui ait reçu des lettres de chirurgien sans avoir forgé sa lancette. Tels étaient les préjugés et les habitudes routinières qui dominaient parmi les praticiens qui, pendant plusieurs siècles, disposèrent en maîtres suprêmes de la santé publique.

Le public, au milieu duquel ils exerçaient leur profession, n'étant pas capable de mesurer leur savoir théorique, il leur était facile de déguiser leur ignorance sous une certaine habileté de main. Nos magistrats municipaux soupçonnaient si peu l'impéritie et l'insuffisance des chirurgiens qu'ils refusèrent longtemps de leur adjoindre des médecins même dans les temps de peste. En voici une preuve que me fournissent les comptes des miseurs.

Le duc François II, effrayé du nombre de pestiférés qui mouraient sans soins, avait retenu Nantes, en 1488, un médecin étranger, du nom d'Arthur Savaton, en lui promettant 50 livres de gages [Note : Ce duc avait aussi pour chirurgien de sa maison un étranger, du nom de Conrad de Riffenburg en 1473, auquel il donnait 100 livres. Son médecin commensal, à cette date, était Michel Gros, docteur en médecine. (Livre de la chancellerie ducale, f° 67, année 1473)]. Ce prince espérait sans doute que la ville accueillerait le nouveau venu avec empressement et lui offrirait des avantages suffisants pour l'attacher au service des pauvres malades ; il se trompait. L'augmentation de personnel, qui venait de sa prévoyance, avait été regardée comme une faveur qui ne devait rien coûter à la ville ; aussi grande fut la surprise au conseil des bourgeois, quand on vit figurer les honoraires sur le livre du miseur. En examinant les comptes des deniers communs, les commissaires ratifièrent cet article de dépense, mais en ayant soin d'observer qu'ils n'entendaient pas le maintenir dans la suite à titre de pension, attendu que les revenus publics étaient avant tout destinés aux travaux de réparation et d'entretien. Le même médecin ayant continué, par l'ordre de la reine Anne, de donner ses soins aux malades, ses honoraires furent inscrits de nouveau sur le compte de 1490. Cette fois, les bourgeois signifièrent au miseur que s'il payait de nouveau des gages au sieur Savaton, il n'en serait pas remboursé.

La menace fit son effet, car j'ai compulsé tous les livres de comptes des années suivantes et ceux du XVIème siècle, sans rencontrer une seule mention de dépenses de cette nature.

L'ordonnance de 1583, que j'ai citée plus haut, porte : « Pour l'advenir sera député un médecin et chirurgien demeurans en ville pour visiter et secourir ceux que Dieu visitera de la contaigion ». Le désir qu'avait à cette époque le Conseil de ville d'améliorer le service médical au moins pendant les temps d'épidémie ne trouva pas d'écho parmi les médecins. Ceux de noire époque, parmi lesquels l'égoïsme et l'avarice sont inconnus, auront peine à croire que leurs ancêtres du XVIème siècle refusèrent leur concours envers les pestiférés, parce que la ville n'accordait que 20 écus d'honoraires par mois.

En 1591, deux médecins se présentèrent devant les gouverneurs des pauvres pour visiter alternativement les malades de l'Hôtel-Dieu et ne demandèrent pour tout salaire que l'exemption de la garde pendant l'année de leur service. Ils eurent bientôt regret d'avoir mis leur science à si bas prix et se relâchèrent tellement dans l'accomplissement de leurs devoirs qu'ils amenèrent la mairie à passer, en l'année 1600, un nouveau traité.

Tous les médecins de la ville furent appelés, cette fois, à concourir au traitement des indigents malades et à choisir entre 100 livres d'honoraires et l'exemption de toutes charges publiques. Leur préférence s'arrêta sur les 100 livres.

Le chiffre convenu était accepté en temps ordinaire comme une rémunération suffisante ; mais quand la peste sévissait il fallait y ajouter une indemnité qui ne se réglait pas toujours sans difficulté. Pour éviter toute contestation, la mairie transigea, en 1625, avec un seul médecin, du nom d'Henri de Mello, auquel elle accorda 300 livres, moyennant qu'il traiterait les pestiférés comme les autres malades, sans réclamer aucun supplément d'honoraires. Celui-ci remplissait ses devoirs à ces conditions depuis quatorze ans, lorsque sept à huit de ses confrères, jaloux des avantages de sa position, essayèrent, en 1639, de le détrôner en proposant à la ville de remplir les mêmes obligations pour une somme de 200 livres. La mairie allait accéder à cette offre sans souci de la reconnaissance qu'elle devait à son ancien serviteur, lorsque la menace d'un procès lui inspira la pensée d'un arrangement. Mello resta le médecin de la ville de Nantes, mais il fut convenu qu'il recevrait 150 livres seulement, dans les années ordinaires et 300 dans les temps d'épidémie. La mairie ne perdit pas dans ce nouveau marché, puisque la peste ne fit qu'une seule apparition dans la seconde moitié du XVIIème siècle.

Lorsque les salles du nouvel Hôtel-Dieu construit sur la prairie de la Madelaine furent remplies de malades, les gouverneurs des pauvres reconnurent bientôt qu'un seul homme ne pouvait suffire au traitement de 200 pensionnaires. On désigna donc deux médecins qui tous les matins faisaient une visite dans chaque salle. Leurs honoraires inférieurs à ceux de leurs prédécesseurs s'élevaient en 1670 à 100 livres pour chacun et restèrent à ce chiffre jusqu'en 1790 [Note : Par arrêté du bureau de ville du 24 avril 1688 les malades du Sanitat étaient reçus d'office à l'Hôtel-Dieu et traités gratuitement].

En 1780, afin de soulager le personnel de l'Hôtel-Dieu, le bureau invita le collége des médecins à déléguer deux membres de leur compagnie pour visiter les militaires avec quelques élèves, s'il leur plaisait. Le Ministre de la guerre avait donné l'ordre au chirurgien du château de suivre le traitement des militaires placés à l'Hôtel-Dieu, mais le bureau lui interdit toute visite en alléguant que sa présence troublerait la paix de la maison et porterait atteinte à ses priviléges.

Après le départ des médecins, les malades n'étaient pas abandonnés aux soins plus ou moins intelligents des serviteurs. Leurs breuvages et leurs remèdes étaient préparés par un aspirant apothicaire résidant, que nous appellerions aujourd'hui élève en pharmacie. Dans la maison demeuraient également deux compagnons chirurgiens qui remplissaient, le jour et la nuit, des fonctions à peu près identiques à celles de nos internes actuels. Tous trois étaient nourris aux frais de l'Hôtel-Dieu et logés dans une chambre particulière. Leurs gages, peu différents, ont monté successivement de 50 livres à 100 livres, de 1668 à 1790, et le premier compagnon chirurgien, qui prenait le litre de major, recevait de plus un habit de camelot tous les deux ans.

Après un service non interrompu de six années dans les salles de l'Hôtel-Dieu, ils gagnaient maîtrise, c'est-à-dire qu'ils acquéraient le droit de tenir boutique ouverte, d'entrer comme maîtres jurés dans leur corporation sans faire aucun stage et de solliciter des lettres patentes de provision. Ce légitime privilège, confirmé par Louis XIV et Louis XV, donnait lieu à de fréquentes contestations comme toutes les faveurs accordées aux hôpitaux, car les décisions même souveraines ne s'exécutaient jamais sans un renfort de lettres de jussion, de pareatis, et d'arrêts impératifs ou comminatoires. Chaque fois qu'un nouveau maître sortant de l'Hôtel-Dieu ou du Sanitat se présentait dans les assemblées des apothicaires ou des chirurgiens, ses confrères lui refusaient voix délibérative et ne cédaient qu'après des poursuites judiciaires dans lesquelles les pères des pauvres étaient toujours partie intervenante.

Les maîtres jurés en chirurgie qui montraient dans leur hostilité acharnée plus de. zèle pour leurs intérêts que pour les progrès de la science, auraient voulu tenir les apprentis éloignés des hôpitaux et les renfermer dans leurs boutiques. Cependant ils ne pouvaient alléguer, pour leur défense, que les pères des pauvres admettaient des compagnons sans s'assurer préalablement de leur capacité. Les places vacantes à l'Hôtel-Dieu ne s'obtenaient qu'après un concours dont les épreuves se passaient en public et auxquelles ils avaient la liberté d'assister comme examinateurs. Voici la série des questions qui furent posées, en 1701, au sieur Mangin, aspirant chirurgien :

Nous Maurice Lehoreau et Estienne Dufrou, docteurs régents de la faculté de médecine en l'Université de Nantes, préposés à la curation des malades de l'Hostel-Dieu de cette ville, certifions que pour procéder à l'examen de la capacité de Millet Mangin, chirurgien, qui s'est présenté pour estre en qualité de premier chirurgien audit Hostel-Dieu à la place du sieur Guillaume Duston, nous l'avons fait panser les blessés dudit Hostel-Dieu, en nos présences, dans l'espace de deux mois, l'interrogeant à toutes les fois sur lesdits pansements, sur les opérations de chirurgie que nous lui avons fait faire dans nos visites, et que pour nous informer davantage de sa capacité nous lui avons fait faire la démonstration d'une grande partie du squelette, le 20 juillet dernier, après laquelle nous lui avons fait diverses interrogations sur l'anatomie des os, leurs maladies, leurs cures et les bandages nécessaires.

Que, le 26 du mois dernier, nous lui avons fait subir un examen général sur les tumeurs, et que le dernier jour du mois de juillet dernier, ayant eu un subject convenable pour la saison, nous lui avons fait faire une dissection et une démonstration anatomique de toutes les parties du bas-ventre, sur lesquelles nous lui avons fait plusieurs questions tant de l'anatomie que des maladies de chirurgie qui y peuvent survenir. Enfin, ce jour 2 août, nous lui avons fait subir un autre examen général sur les plaies et les ulcères en présence de MM. les directeurs des pauvres de l'Hôstel-Dieu, après lequel nous sommes convenus qu'estant satisfaits dudit Mangin, dans lesdits examens, il estoit capable d'entrer audit Hostel-Dieu comme premier chirurgien, à condition que dans toutes les maladies de conséquence qui regardent la chirurgie et pour les opérations considérables il advertira un des médecins dudit Hostel-Dieu, ou en leur absence un maistre chirurgien de cette ville, afin que les pauvres soient servis avec toute l'exactitude possible et qu'il ne manque rien de nôtre part de ce qui peut soulager leurs misères. 2 août 1701. Ont signé LEHOREAU et DUFROU. Suit la reception au bureau par les administrateurs.

Aux termes des statuts de 1730 promulgués par le Roi pour l'exercice de la chirurgie en province, la corporation aurait dû déléguer ses deux prévôts à chaque examen ; mais ce devoir n'était pas toujours accompli sans résistance par les chirurgiens. Aux convocations qu'on leur adressa en 1754, leur mauvais vouloir se manifesta avec tant d'opiniâtreté qu'il fallût invoquer l'autorité du Parlement.

L'arrêt qui mit fin à la querelle, le 5 mars 1755, décida qu'à l'avenir les examens se passeraient en présence des deux prévôts de la corporation des chirurgiens jurés, des deux médecins de l'Hôtel-Dieu, du procureur du Roi près le Présidial, du doyen de la faculté de médecine de Nantes, du lieutenant du premier chirurgien du Roi et des administrateurs de la maison.

La question de publicité non résolue par les Conseillers du Parlement donna naissance à de nouveaux débats, le 14 mars 1755, à l'ouverture du concours. Malgré les remontrances du procureur du Roi, qui voulait que l'auditoire fût accessible à tous, suivant les usages adoptés depuis 1719, le bureau, après en avoir délibéré, ordonna le huis-clos. Aussitôt que le procureur général en fut informé, il adressa la lettre suivante que nous citons comme un modèle de haute raison :

Le procureur général près le Parlement de Bretagne, au Procureur du Roi près le Présidial de Nantes.

Vous direz de ma part, Monsieur, à MM. les chirurgiens, que les examens doivent être faits publiquement et non-seulement devant tous les élèves, mais même devant tout le public ; ces examens ayant été affichés et étant une leçon pour les élèves. Vous leur direz aussi que pour éviter tout soupçon de partialité de leur part, il ne suffit pas qu'ils interrogent les aspirants parce qu'on pourrait avoir communiqué les interrogations, que l'on peut faire, mais il faut qu'ils fassent expliquer les aspirants à l'ouverture du livre et que les aspirants s'interrogent réciproquement les uns et les autres. C'est là le seul moyen de connaître la capacité des différents sujets, et les Messieurs qui composent le bureau ne pourraient pas autrement en décider, les chirurgiens seraient seuls les maîtres de faire briller les uns aux dépens des autres, et comme il ne doit y avoir dans ces sortes de choix ni partialité, ni acception de personne, il faut prendre toutes les voies nécessaires pour s'assurer de la capacité de ceux qui se présentent.

Celles que je vous ay indiquées sont d'usage dans toutes les Universités et Académies où l'on concourt pour des places. Tout doit être public, afin que le public juge de la bonté du choix, et tout doit être égal entre les concurrents.

Voilà ce que j'ay cru devoir vous mander, Monsieur, par rapport à la place qui se dispute à Nantes, et sur ce que j'ay entendu dire qu'il s'y passait. En un mot, l'impartialité et l'égalité, voilà ce que vous devez maintenir et ce que je vous recommande.

Vous ferez part de ma lettre à Messieurs du bureau qui ne peuvent qu'être contents qu'on les mette en état de juger avec connaissance de cause, et aux chirurgiens qui doivent chercher à avoir des confrères habiles.

Je suis très-véritablement, Monsieur, votre bien humble et très-affectionné serviteur. Signé DE LA CHALOTTAIS.

Les principes défendus par le procureur général parurent si bien fondés au bureau, qu'ils furent adoptés pour règles dans la suite.

Le Roi avait introduit dans le règlement du 14 février 1730 une disposition qui donnait également à la corporation des chirurgiens le droit de contrôle sur ce qui se pratiquait à l'intérieur de l'Hôtel-Dieu, on ne s'explique donc pas la persistance de leur animosité. En vertu de l'article 22, ils devaient s'assembler tous les mois et déléguer deux maîtres jurés pour visiter chaque matin les hôpitaux de la ville. Au lieu d'user de la facilité qui s'offrait à eux de se perfectionner dans l'exercice de leur art et de former de bons compagnons, ils s'acquittèrent de cette obligation avec la plus grande négligence. Ils ne paraissaient dans les salles qu'a de longs intervalles, après des sommations réitérées de la part de l'administration et leur passage était toujours signalé par des disputes qui troublaient l'ordre ou diminuaient le respect des élèves pour les compagnons chirurgiens.

Fatigué d'une lutte qui tournait toujours au préjudice des malades, le bureau prit le parti, en mai 1752, de désigner l'un des maîtres chirurgiens de la ville et commit au sieur Bournave la charge de visiter journellement les malades, en compagnie des garçons chirurgiens gagnant maîtrise, afin de les assister de son expérience dans les opérations difficiles. Voici dans quels termes lui furent tracés ses devoirs :

Sur les plaintes qui ont esté souvent réitérées au bureau que, quoique par les statuts accordés par Sa Majesté pour les chirurgiens de province, le 14 février 1730, enregistrés au Parlement de Bretagne le 7 avril 1740, il soit ordonné, article 22, que les maîtres chirurgiens nommeront par chaque mois, deux d'entre eux pour se trouver tous les jours dans les hôpitaux, où il n'y a pas de chirurgien ordinaire, et quoiqu'on ait même fait sommation aux maîtres chirurgiens de cette ville de s'y conformer, il n'a pas été possible de les y engager, qu'ils ne sont venus que très-rarement dans cet hôpital et que s'ils y sont venus quelque fois, ce qu'ils ont entièrement cessé de faire depuis quelques années, ils ne s'y sont presque jamais trouvé sans avoir des contestations même très-vives, soit avec les médecins ordinaires, soit avec les compagnons chirurgiens de la maison ; que cette mésintelligence et ces discussions toujours préjudiciables au soulagement des malades, ont occasionné d'autres dérèglements, que cela autorise les apprentis chirurgiens qui, pour leur instruction, assistent aux pansements, à manquer à la déférence qu'ils doivent au gagnant maîtrise et qu'ils prétendent au mépris du règlement de la maison, et ont même entrepris par des voies de fait intolérables et qu'ils ont poussées jusqu'à déchirer les rideaux des lits, voir les pansements des femmes et des filles déjà que trop humiliées par l'obligation où elles se trouvent de montrer souvent des plaies, que la nécessité seule peut forcer la pudeur naturelle au sexe de découvrir, sans se voir exposées à la risée d'une foule de jeunesse peu circonspecte ;

Que pour remédier à des abus si préjudiciables au bien des pauvres malades, il paraît nécessaire de nommer un chirurgien ordinaire de cet hôpital, qui soit un maître de la communauté que l'on jugera capable, tant par ses talents que par sa conduite, de remplir dignement cette place, d'imposer aux jeunes élèves en chirurgie ; de les retenir dans la décence et de rétablir l'ordre et en second lieu, de faire observer les statuts concernant les pansements des femmes et des filles ;

Le bureau délibérant a nommé pour chirurgien ordinaire de l'Hôtel-Dieu de Nantes, le sieur François Bournave, l'un des maîtres chirurgiens de cette ville, pour servir pendant trois ans dans cet hôpital à commencer de ce jour, sauf à le continuer s'il est jugé nécessaire au bien des pauvres et a arresté qu'il fera journellement la visite des malades aux heures ordinaires et accoutumées ; parce que néanmoins, celle des femmes ne pourra estre faicte qu'en présence de l'une des soeurs de la pharmacie, conformément au règlement de la maison. Il sera assisté lors de ces visites par le premier compagnon gagnant maîtrise, avec lequel il consultera sur les opérations nécessaires, le jour et heure convenables pour les faire en sa présence. Il aidera de ses avis le compagnon gagnant maîtrise dans toutes les opérations et les pansements qu'il fera, et pourra opérer lui-même lorsque les opérations seront de conséquence et que le bureau le croira utile au bien des pauvres.

Il ne pourra estre fait aucune opération sans l'avis du chirurgien ordinaire et des médecins de la maison, lesquels y seront convoqués par billets suivant l'usage, le tout sans préjudicier à l'avancement du chirurgien gagnant maîtrise.

Le chirurgien ordinaire aura également que le gagnant maîtrise, inspection sur les élèves en chirurgie, ils maintiendront l'ordre et la bienséance recommandés par les statuts de la maison et ne souffriront pas qu'aucun élève soit présent, si ce n'est en cas de nécessité, au pansement des filles et des femmes, lors entre antres qu'il s'agira de plaies dans des parties que la nécessité seule peut obliger le sexe de découvrir.

Il ne sera reçu aucun externe qu'il n'ait été présenté an bureau par le chirurgien ordinaire et le gagnant maîtrise.

Ils écouteront les plaintes qui leur seront faites par les sœurs ou autres, contre les externes et en instruiront Messieurs les administrateurs pour y remédier.

Le chirurgien ordinaire pourra également que le gagnant maîtrise, ordonner à la pharmacie les remèdes convenables aux blessés et prieront les soeurs de faire observer la diète à ceux qui en auront besoin.

Ils écouteront à l'issue de leurs pansements, les personnes du dehors qui viendront les consulter et les aideront de leurs conseils.

Le chirurgien ordinaire fera tous les ans un cours d'opérations à l'Hôtel-Dieu, où le gagnant maîtrise et son second assisteront, et le gagnant maîtrise fera par chaque année deux cours d'ostéologie et deux cours d'anatomie, en présence du chirurgien ordinaire, le tout aux jours et heures dont ils conviendront et le chirurgien ordinaire tiendra la main à ce qu'il soit suivi pour l'instruction des élèves, à qui le gagnant maîtrise fera réciter des leçons de principes de chirurgie pendant tout l'été.

.... Et seront nos seigneurs du Parlement, suppliés d'homologuer la présente délibération et faire défenses aux apprentis chirurgiens d'assister, et estre présents aux pansements des femmes sans une permission expresse des chirurgiens de la maison et d'y faire du bruit, ou causer du désordre à peine d'être chassés, même d'être emprisonnés sur le champ au cas qu'ils se présentent de nouveau après en avoir été chassés.

Le Parlement renvoya de suite son homologation conforme. (Registres de l'Hôtel-Dieu).

Cette délibération instructive peint mieux que je ne pourrais le faire, la situation du service médical à l'Hôtel-Dieu, tel qu'il était dans tous ses détails au milieu du XVIIIème siècle. L'organisation qu'elle nous révèle est de beaucoup supérieure à celle des siècles précédents ; elle porte les indices d'une administration plus soucieuse de la vie des malades et plus dévouée aux progrès de la science. Des documents postérieurs à celui-ci attestent qu'après la retraite du sieur Bournave, la place de chirurgien ordinaire ne resta pas vacante. En 1771, le nombre des chirurgiens était égal à celui des médecins.

On ne saurait trop louer la disposition qui interdit au gagnant maîtrise de tenter aucune opération grave dont l'issue serait douteuse, sans avoir pris l'avis du chirurgien ordinaire et des médecins de la maison. Cette défense, inscrite au règlement de l'Hôtel-Dieu, fut toujours maintenue avec vigilance et renouvelée à chaque occasion dans les termes les plus formels (Registre des délibérations de l'Hôtel–Dieu).

En lisant la pièce citée plus haut, on pourrait croire que sa date est celle des premiers cours de clinique et d'anatomie qui furent fondés à Nantes. C'est à une époque antérieure qu'il faut attribuer les premières tentatives d'enseignement de ce genre. Il est avéré que dès le commencement du XVIIIème siècle, les compagnons chirurgiens de l'Hôtel-Dieu de Nantes se livraient à des démonstrations en présence de quelques élèves externes pendant le pansement des malades. Quand ils en faisaient la demande, les directeurs les autorisaient à prendre des cadavres dans l'ensevelissoir, afin de leur fournir les moyens d'approfondir leurs études et d'étendre leurs explications [Note : Les squelettes désarticulés qu'on a trouvés sur l'emplacement de l'aumônerie Saint-Clément, prouvent que dès le XVIème siècle les chirurgiens des hôpitaux se livraient aux dissections]. Leurs leçons étaient dépourvues sans doute d'esprit scientifique et de méthode, néanmoins elles annonçaient les conquêtes à faire sur la routine et préparaient l'annexion des écoles de médecine aux hôpitaux.

Pour ceux qui désirent connaître jusqu'où s'étendait l'art de chirurgie au XVIIIème siècle et quels étaient les moyens employés par les praticiens, j'intercale ici la liste des instruments qui leur étaient remis en prenant possession de leur service à l'Hôtel-Dieu :
1 trépan composé de 20 pièces.
2 trépans dont l'un perforatif et l'autre exfoliatif.
1 grande scie pour les amputations.
1 petite scie.
1 scie moyenne.
1 plaque à cautériser.
4 cautères à cautériser.
1 bec de canne dit tireballe.
1 paire de tenailles incisives.
2 paires de tenailles à séton.
1 aiguille à séton.
3 aiguilles courbes.
6 aiguilles à suture.
1 spatule canulée.
2 crochets pour les accouchements, 1 grand et 1 petit.
1 crochet tranchant d'argent pour les accouchements.
2 algalis d'argent, 1 pour homme et 1 pour femme.
2 grands bistouris, l'un droit, l'autre courbe.
1 bistouri hernière.
1 paire de ciseaux pour les emplâtres.
2 paires de ciseaux, l'une droite, l'antre courbe.
1 bec de cigogne.
1 grand bec-de-corbin.
1 grande sonde avec son bistouri.
1 sonde creuse courbe.
1 sonde à fistule d'argent.
1 sonde cannelée de fer et 1 d'argent.
1 couteau lenticulaire.
1 couteau interosseux.
1 lithotome caché avec sa lame de rechange.
10 rasoirs.
1 rugine.
1 vieux polican et 1 à quatre branches.
1 vieille couronne.
1 speculum pour la matrice.
1 seringue d'argent avec 2 canules.
1 instrument canulé pour l'hydropisie.
1 curette et son bouton.
2 conducteurs mâles et 2 femelles.
1 gorgeret.
4 catheter.
1 valet à patin.
1 pharingtome.
1 meningophilax.
3 scalpels.
1 araigne, 1 davier, 1 repoussoir.
12 lancettes fines et 6 vieilles.
1 dechaussoir à manche de corne [Note : Cette liste comprend les instruments employés depuis 1701].

Ceux qui ont lu Molière ne s'étonneront pas du grand nombre de lancettes portées sur l'inventaire, car la saignée jouait autrefois, comme on sait, un rôle préponderant dans le traitement des maladies. Quiconque savait tirer un peu de sang se croyait indispensable au salut de l'humanité. Quelque fréquente qu'elle fût, il paraît que cette opération était encore susceptible de perfectionnement au XVIIIème siècle. En 1758, tous les hôpitaux de France reçurent de Paris un mémoire qui condamnait les errements suivis jusqu'alors pour saigner, et les invitait à propager une nouvelle méthode. Le bureau de l'Hôtel-Dieu en vota l'impression à 100 exemplaires.

S'il avait été permis aux compagnons chirurgiens d'enseigner le maniement de la lancette à tous ceux qui se présentaient, leurs cours auraient été abondamment pourvus de spectateurs ; mais il fallait compter avec l'œil jaloux des maîtres jurés de la ville qui n'étaient pas d'humeur endurante. Plusieurs fois l'Hôtel-Dieu avait eu maille à partir avec eux à propos des élèves externes qui assistaient à la visite quotidienne des salles ; il était donc prudent d'écarter tout nouveau sujet de querelle en fermant la porte aux étrangers. Cependant les directeurs ne croyaient pas donner prise aux attaques en admettant parfois aux leçons des chirurgiens et à la pharmacie quelques femmes qui se destinaient au service des malades dans les couvents ou dans les hôpitaux de la campagne. Ce fut pour leurs ennemis le prétexte d'une nouvelle déclaration de guerre.

Sous l'influence des privilèges exclusifs, l'esprit d'intolérance s'était tellement développé au détriment du bon sens chez nos pères que les actes même inspirés par les plus louables idées de bienfaisance rencontraient des contradicteurs. Qui le croirait ? Les pères des pauvres eux-mêmes tombaient dans cet excès ; ils se croyaient obligés, pour favoriser leurs administrés, de combattre tout projet qui aurait eu pour but de fonder un nouvel établissement charitable à Nantes. Aveuglée par la jalousie qu'excitait parmi ses membres toute apparence de rivalité et de concurrence, la corporation des chirurgiens ne voulait pas apercevoir les avantages que la science allait retirer de l'admission des externes dans les hôpitaux et ne voyait dans cette innovation qu'une atteinte à ses prérogatives.

Elle se contenta d'abord d'une transaction dans laquelle les directeurs de l'Hôtel-Dieu s'engagèrent, en 1748, à ne pas recevoir plus de quatre apprentis, puis, cette concession lui paraissant insuffisante, elle eut recours au veto absolu. Par des manoeuvres peu loyales, elle obtint du Parlement, en 1750, un arrêt qui défendait de former des apprentis quelconques dans les hôpitaux et d'y donner des leçons. A défaut de bons arguments, la corporation se plaignait, dans l'énumération de ses griefs, que les sujets admis à l'Hôtel-Dieu fussent des gens de peu de naissance.

Il ne fut pas difficile aux administrateurs de repousser les attaques d'une si mauvaise chicane, en répondant que le public s'intéressait plus au talent des chirurgiens qu'à la qualité de leur origine. Sur les autres chefs leurs raisons ne furent pas moins victorieuses. Ils démontrèrent jusqu'à l'évidence que loin de porter préjudice à la corporation des maîtres chirurgiens, les leçons de clinique lui préparaient au contraire d'utiles collaborateurs dont elle pouvait vérifier la capacité, puisque, malgré les deux années de stage passées à l'Hôtel-Dieu, les apprentis étaient encore obligés de travailler deux ans chez les maîtres de la ville pour avoir droit au brevet d'apprentissage. Les autres moyens de défense n'étant pas moins péremptoires, les demandeurs abandonnèrent une lutte qui tournait à leur confusion. En se reportant à la délibération prise deux années après, en 1752, et que j'ai rapportée à propos de la nomination du chirurgien ordinaire Bournave, on verra que les compagnons et les élèves n'avaient pas renoncé à leurs leçons.

Il est à croire qu'à partir de cette époque, une plus grande latitude fut laissée aux professeurs, car, en 1780, le nombre des étudiants qui assistaient aux cours de clinique montait à trente. Dix ans plus tard, toutes les restrictions furent levées. Le docteur Darbefeuille obtint, en 1790, par des instances réitérées, la permission de se présenter avec un nombre illimité d'élèves. Voici l'arrêté qui lui ouvrait les portes de l'Hôtel-Dieu :

Le directoire du département, oui le Procureur général syndic, arrête que le sieur Darbefeuille aura ta liberté de se présenter avec ses élèves à l'Hôtel-Dieu de cette ville aux heures accoutumées pour assister aux visites et pansements des hommes et des femmes malades, en observant la plus grande décence et le plus profond silence, et parce que les élèves en entrant dans chaque salle se placeront de suite auprès des lits dont ils auront les numéros et qu'ils ne seront que quatre au plus à chaque lit, et qu'au surplus les uns et les autres se comporteront suivant les règlements concernant cette partie et qu'ils observeront les choses de police intérieure qui leur seront prescrites par les administrateurs. (Séance du 9 octobre 1790, folio 180, verso).

Le bureau de la direction fut alarmé pour la tranquillité des malades d'une innovation qui introduisait dans l'Hôtel-Dieu une jeunesse trop bruyante pour l'asile de la souffrance et manifesta sa désapprobation en donnant sa démission, en 1791. Malgré cette opposition, les nouveaux cours de clinique ne furent pas supprimés et après 16 années d'exercice, le docteur Darbefeuille eut la joie de voir son institution consacrée par l'empereur Napoléon. Le décret qui érige une école de médecine à l'Hôtel-Dieu de Nantes, est du 4 mars 1808.

Jusqu'au milieu du XVIIIème siècle, le personnel médical du Sanitat a été déchargé des soucis les plus lourds. Lorsque des cas graves se manifestaient, les malades étaient transportés à l'Hôtel-Dieu qui se réservait le monopole du traitement des maux aigus et la fourniture exclusive des médicaments sans vouloir tolérer aucune rivalité sous ce rapport. Après un siècle d'expérience, on cessa de déplacer les malades, mais on continua de recourir à la pharmacie de l'Hôtel-Dieu et cet usage s'est perpétué jusqu'en 1820. Les femmes atteintes du mal vénérien étant exclues du Sanitat et les aliénés étant classés au nombre des êtres dont la société n'a plus à s'occuper, l'infirmerie n'avait le plus souvent à soigner que des vieillards. Il était cependant indispensable que l'hôpital fût pourvu d'un médecin et d'un chirurgien pour visiter les nouveaux pensionnaires qui se présentaient au bureau d'admission et pour vérifier l'état sanitaire des différents quartiers.

Le médecin attaché à l'établissement ne se montrait pas très-empressé à soigner cette clientèle, il laissait volontiers la place aux chirurgiens. Il se dispensait si fréquemment de ses fonctions qu'il fallût le rappeler plusieurs fois au respect de ses engagements. En 1680, on ne le voyait qu'une fois par semaine et en 1722 encore plus rarement. Le bureau des pauvres renfermés l'ayant alors menacé de porter plainte la mairie pour le faire remplacer, il voulut bien promettre de venir plus régulièrement et de « dicter la composition des médecines, » ce qu'il négligeait sans doute de faire auparavant. Celui qui devait remplir le même office, en 1767, fut accusé devant la municipalité de laisser passer quelquefois plusieurs mois sans paraître au Sanitat, cependant il n'est pas constaté qu'il ait été astreint à cette époque à aucun service déterminé. Ce n'est qu'en 1775 qu'un arrêté de la mairie obligea le médecin du Sanitat à faire des visites journalières.

Le chirurgien était plus exact dans l'accomplissement de ses devoirs : il venait plusieurs fois par semaine et plus souvent encore lorsque la nécessité le commandait. Il était tenu à l'assiduité, car en son absence le Sanitat n'avait pas comme l'Hôtel-Dieu un compagnon de son art qui pût le suppléer. De 1653 à 1659 les pauvres renfermés furent traités par un compagnon chirurgien qui leur donna gratuitement ses soins dans l'espoir de gagner plus rapidement ses lettres de maîtrise. Lorsqu'après six années il offrit de continuer ses services aux mêmes conditions, si on voulait lui permettre d'ouvrir une boutique, la corporation devant laquelle il n'avait pas fait ses preuves s'émut de sa démarche et proposa de le remplacer gratis dans le cas oit sa demande serait rejetée. La corporation des chirurgiens l'ayant emporté sur l'aspirant, il fut convenu avec la mairie que le premier maître chirurgien de la Fosse ou de la ville serait tenu d'aller au Sanitat quand il en serait requis.

Le premier chirurgien qui ait habité près des pauvres renfermés est le sieur Carly qui se présenta, en 1714, comme locataire de l'une des chambres que la direction affermait dans la cour extérieure aux divers gens de métier dont elle pouvait tirer quelque utilité. Celui-ci offrit pour prix de son loyer de tenir une école de sa profession. « Il voulait, disait-il dans sa requête, par esprit de charité montrer à saigner aux pauvres qui auraient quelque disposition et leur apprendre assez de pharmacie pour pouvoir servir sur les vaisseaux en qualité de chirurgien ». Les registres attestent que ce professeur inattendu fut accepté sans la moindre objection. Son zèle était sans doute fort louable, mais il faut plaindre les matelots qui tombaient entre les mains de ses élèves.

Le sieur Fléchot étant d'un âge trop avancé pour continuer ses fonctions de chirurgien du Sanitat, ses confrères Marie et Frichet s'offrirent, en 1734, aux administrateurs pour le remplacer alternativement, et afin de gagner plus sûrement la préférence sur leurs rivaux, ils firent les promesses les plus séduisantes. Leur requête est pleine de détails instructifs que je me plairais à citer s'ils étaient moins longs ; je me contente de les résumer. Ils proposaient aux pères des pauvres, non-seulement de soigner les pensionnaires et le personnel de service de la maison en fournissant à leurs frais tous les instruments nécessaires à leurs opérations, mais encore de former des élèves chirurgiens parmi les enfants et les sœurs. Les charges qu'ils imposaient en retour n'étaient pas lourdes. Le Sanitat devait leur fournir les médicaments et linges nécessaires aux pansements, leur permettre de pratiquer des autopsies et entretenir un garçon chirurgien pour travailler sous leurs ordres. Ils ne demandaient pour indemnité de leurs peines que 50 livres de gages en priant toutefois les administrateurs d'employer tout leur credit pour les faire jouir de l'exemption du guet, de la patrouille et du logement des gens de guerre comme leur prédécesseur.

Le bureau, après en avoir délibéré, répondit à ces propositions dans les termes suivants :

Le bureau a délibéré que l'on accepterait les offres des sieurs Marie et Frichet pour donner alternativement leurs soins pour la maison tant aux aumôniers, sœurs, pensionnaires, qu'aux pauvres et qu'ils viendront par semaine ou par mois, l'un après l'autre tant et si souvent qu'il leur sera nécessaire, parce que l'on leur fournira tous les ustensiles et médicaments nécessaires fors les instruments dont ils se fourniront.

Et continueront les mêmes soins tant et si longtemps que MM. les administrateurs le jugeront nécessaire, parce que de leur côté ils pourront en cas de maladie ou d'autres affaires qui ne leur permissent pas de continuer les mêmes soins, ils pourront remercier en avertissant un mois d'avance afin de remplacer celui qui viendrait à manquer.

Et pendant le temps de leur service il leur sera payé à chacun par chaque année une somme de 50 livres qui a commencé de Noël dernier.

On leur a accordé d'avoir dans la maison un garçon sirurgien qui puisse travailler sous leurs ordres et exécuter ce qu'ils ne pourront faire comme saignée et petits pansements, et de faire dans la maison quelques ouvertures de cadavres qu'ils jugeront à propos et dont la mort aura été causée par des cas particuliers et extraordinaires.

On leur a accordé d'employer les bons offices pour les faire jouir des exemptions de logement de guerre, guet et patrouille dont a joui le sieur Fléchot et même de faire modérer leur capitation et casernement s'il est possible.

On leur sera obligé si pendant le temps qu'ils voudront bien rendre leurs services pour la maison, ils veulent bien styler quelqu'un des enfants de la dite maison et mesme quelques sœurs à saigner et leur apprendre ce qu'ils jugeront estre à leur portée de la sirurgie, et au cas de mort de MM. Marie et Frichet, le bureau fera prier Dieu pour eux comme associés de la charité.

Bien que dans leur traité les sieurs Marie et Frichet eussent stipulé qu'eux seuls jouiraient du droit d'opérer dans le Sanitat, on ne se donnait pas toujours la peine d'aller les chercher. Ils se plaignirent quelque temps après leur entrée que leur privilège n'était pas respecté et comme exemple ils rapportèrent que le bourreau des hautes œuvres avait été appelé pour remettre un bras cassé. Le bureau leur donna satisfaction en promettant que le fait ne se renouvellerait plus.

Il est probable que le zèle de leurs successeurs se refroidit à la fin du siècle, lorsque Louis XV, par les lettres patentes de confirmation qu'il octroya au Sanitat, les obligea ài servir les pauvres sans aucun salaire.

Voici les termes de ce nouveau règlement :

Voulons que le corps des maîtres chirurgiens de la ville donne et nomme deux d'entre eux pour servir audit hôpital et y assister gratuitement les pauvres.

Les mêmes lettres reconnaissent au garçon chirurgien qui résidait depuis 1734 dans la maison du Sanitat le privilège d'acquérir maîtrise en servant six années consécutives. Cette récompense était bien due à un homme que remplissait les triples fonctions de barbier, de chirurgien et de pharmacien au milieu d'une population ramassée dans la boue des rues. Ses appointements d'abord modestes furent élevés, en 1786, à 96 livres par an non compris les 30 livres qu'il recevait pour s'éclairer et se chauffer. Quand il n'avait plus de sang à tirer ou de barbes à raser, il composait les remèdes suivant les ordonnances que le médecin avait prescrites. Un arrêté en date du 18 décembre 1767, nous apprend que pendant longtemps les pauvres malades furent exposés à tous les dangers que peut entraîner la négligence dans le service médical. C'est la première décision qui oblige le garçon chirurgien à prendre les ordonnances par écrit sur un livre chiffré en indiquant le nom du malade et le numéro du lit. Chaque sœur chargée d'une infirmerie fut également invitée à suivre le médecin et le chirurgien dans leur visite afin de mieux appliquer ce qui était prescrit. Nos médecins seront surpris que des précautions commandées par la prudence la plus vulgaire aient été prises si tard.

(Léon Maître).

 © Copyright - Tous droits réservés.