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L'histoire de l'Université de Nantes

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Si la Bretagne ancienne compte dans ses fastes beaucoup d'illustrations dans tous les genres, il faut reconnaître que ses plus grands noms n'appartiennent pas au monde des Lettres, des Sciences et des Arts. Ses enfants ont plutôt cherché la gloire sur les champs de bataille et à travers les périls de la mer, que dans les luttes académiques. Ils ont suivi en cela le penchant de leur nature, et il n'y a pas lieu de le regretter, car si leur mérite, dans le rude métier des armes et dans la marine, a été souvent égalé, il n'a jamais été surpassé. Le souvenir de la valeur des guerriers et des marins intrépides nés sur le sol breton est dans toutes les mémoires, mais on cite rarement les productions de ses littérateurs, de ses savants et de ses artistes.

Faut-il en conclure que les Bretons aient méprisé le savoir ? Le penser, ce serait leur faire une injure gratuite et méconnaître les efforts répétés de leur clergé pour combattre l'ignorance. Dans les neuf diocèses de la province, on ne comptait pas moins de 38 abbayes peuplées de Bénédictins qui, dès le XIIIème siècle, propageaient autour d'eux le goût de l'étude, par leur exemple, et tenaient école pour tous ceux qui témoignaient le désir de s'instruire. Au centre de chaque diocèse, à l'ombre du manoir épiscopal, florissait également une école ouverte à tous, aux riches comme aux pauvres, et, dans les temps moins éloignés, de nombreuses légions de Dominicains, de Cordeliers et de Carmes, vinrent propager, avec la lumière des saines doctrines théologiques, l'art de bien penser et de bien dire (Inventaire des arch. départ., séries G et H).

On ne peut pas nier l'influence bienfaisante de tous ces docteurs, à la fois professeurs et apôtres ; il en reste plus d'une preuve écrite dans les archives des ducs de Bretagne. Aux plus mauvaises époques, ils ont su recruter des élèves et continuer leur enseignement, malgré les troubles des guerres. En plein XVème siècle, c'est-à-dire pendant que l'invasion anglaise tenait en alarme tous les esprits et obligeait tous les hommes d'armes à se préparer au combat, la noblesse bretonne trouvait encore le temps d'apprendre à lire et à écrire (Arch. de la Loire-Inférieure, E 144-147). En 1440, le duc Jean V ayant voulu s'assurer de la fidélité de ses vassaux, envoya des commissaires chargés de recueillir leurs serments. La plupart de ceux qui furent appelés à comparaître dans les divers ressors, étaient capables de signer leur protestation, et on peut juger, par beaucoup de signatures, que leurs auteurs maniaient la plume non moins bien que l'épée. Plus tard, au XVIIème siècle et au XVIIIème siècle, on a vu plus d'un Breton s'asseoir dans les rangs de nos académiciens (La Bretagne à l'Académie française, par R. Kerviler).

Les leçons qui se distribuaient autour des églises et des monastères étaient bonnes pour initier les enfants aux connaissances élémentaires, mais elles étaient rarement suffisantes pour former des hommes supérieurs. Les clercs et les laïcs pi voulaient acquérir une instruction étendue dans le droit, la médecine, la théologie ou la littérature ancienne, étaient obligés de s'expatrier, d'aller aux cours de l'Université de Paris ou de l'Université d'Angers. Cette dernière ville conserve toujours les registres de la nation bretonne.

La science s'acquérait alors au prix de mille peines ; elle n'en était pas moins recherchée. On ne croyait pas l'acheter trop cher, même en se faisant mendiant. Le titre d'écolier valait, dans bien des cas, celui de chevalier.

De chaque dioçèse partaient périodiquement des légions de pauvres écoliers, qui, en dépit des obstacles et de la misère, se rendaient à pied, la besace sur le dos, un bâton à la main, aux universités les plus célèbres de France ou d'Italie, quêtant leur pain le long de la route et couchant dans les aumôneries (Histoire de Du Guesclin, par Siméon Luce, p. justif., p. 613). Dans beaucoup de contrées, ils trouvaient des lits qui leur étaient spécialement réservés par la volonté formelle d'un pieux fondateur d'hôpital, et, à leur arrivée, ils recevaient l'hospitalité gratuite dans des collèges. Est-il une époque où les écoles aient rencontré plus de patrons généreux, et où la science ait exercé une pareille attraction sur les esprits ? On sait que, quand le professeur se nommait Abélard, des milliers d'auditeurs le suivaient dans toutes ses pérégrinations.

Le duc Jean V, surnommé le Sage, est le premier prince de Bretagne qui ait songé à affranchir ses vassaux de la nécessité d'aller conquérir les grades universitaires en dehors de leur province. Désireux de rivaliser avec les ducs d'Anjou, qui, dès 1364, avaient fondé une université, il voulait que la Bretagne, fière de son autonomie, jalouse de son indépendance, pourvût elle-même à tous ses besoins, et qu'elle eût ses écoles propres, comme elle avait sa nationalité, ses privilèges, ses coutumes ; et il était trop éclairé pour ne pas comprendre qu'en dotant ses États d'un enseignement supérieur, il aurait du même coup une pépinière sans cesse renaissante de recteurs, de juges, de sénéchaux, de prélats et de conseillers.

Ce projet ne pouvait se réaliser sans l'assentiment préalable de l'autorité du Saint-Siège, duquel relevaient alors tous les corps enseignants dans l'ordre civil, comme dans l'ordre ecclésiastique. Le pape était, au Moyen-Age, le docteur suprême de la Chrétienté, et quiconque voulait exercer une maîtrise était obligé de demander une délégation. Les bons rapports que la Bretagne entretenait depuis longtemps avec le Saint-Siège rassuraient d'avance le duc sur le succès de l'ambassade qu'il envoya à Rome pour traiter de l'érection d'une université bretonne, vers 1414.

Le pape Jean XXIII, qui portait alors la tiare, s'empressa d'accorder son approbation. En même. temps, il notifia qu'il ordonnait aux collecteurs des dîmes du duché de Bretagne de verser, pour le soutien de la future institution, le tiers de la dîme triennale imposée sur les biens ecclésiastiques de la Bretagne. Faute de ressources ou de professeurs, la pensée de Jean V resta sans suite. Sous les pontificats de Martin V et de Nicolas V, le duc François Ier obtint des bulles de confirmation, et les mêmes raisons sans doute l'empêchèrent de les mettre à exécution.

Enfin, sous le duc François II, l'érection d'une université fut encore mise en délibération, et il fut arrêté au Conseil ducal, dans la séance du 13 avril 1459, qu'elle serait établie à Nantes (Dom Morice, Histoire de Bretagne, pr., t. II, col. 1740). Pour justifier le choix de cette ville, le prince exposa au Souverain Pontife, comme ses prédécesseurs, que Nantes offrait des avantages particuliers pour l’établissement d'une université. Il vanta sa situation voisine de la mer, la commodité du fleuve navigable qui l'arrose, la douceur de sa température, la variété des ressources dont elle est pourvue en tous genres, et l'abondance de ses vignobles. Le pape Pie II, gagné d'avance par la haute utilité du projet, décréta que la Bretagne aurait une université. Plus large que ses prédécesseurs, il voulut qu'elle eût autant de facultés que celles de Bologne, de Sienne, d'Avignon, de Paris et d'Angers, sans en excepter celle de théologie. La bulle par laquelle ce grand pape notifie ses volontés à la Bretagne contient des considérations qui méritent d'être citées. Si faible que soit ma prose pour rendre ses hautes pensées, je vais tenter d'en donner la traduction :

« Pie, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, a voulu consacrer la mémoire de ses faveurs à perpétuité par l'acte suivant :

Parmi les biens qu'il est donné à l'homme d'obtenir du Ciel dans le cours de sa vie mortelle, il y en a un qui mérite au plus haut degré notre estime : c'est le bonheur de pouvoir s'enrichir des trésors de la science (Quod per assiduum studium adipisci valeat scientiœ margaritam), car la science nous aide à passer des jours heureux et à pratiquer le bien. Son prix est tel, qu'elle élève le savant bien au-dessus de l'ignorant. Elle nous fait pénétrer les secrets cachés du monde ; elle s'impose même aux moins lettrés et porte les hommes de la plus humble origine aux sommets les plus élevés de la considération humaine.

Le Saint-Siège apostolique, dont la prévoyance et l'action s'étendent aussi bien sur les choses temporelles que sur le monde spirituel, s'est toujours plu à favoriser les entreprises louables, et principalement celles qui sont capables de conduire les hommes au plus haut perfectionnement de la nature humaine, et au moyen desquelles ils peuvent ensuite répandre autour d'eux le trésor des lumières qu'ils ont acquis, sans cesser de faire des progres. Car, dans le cours ordinaire des choses, toute largesse appauvrit le fonds où l'on puise, tandis que, dans le domaine intellectuel, le savoir croît d'autant plus qu'il se prodigue plus généreusement, etc. » [Note : Scientiœ vero communicatio, quantum in plures diffunditur, tanto semper augeatur et crescat. (Ibid.)].

Peut-on faire un panégyrique plus éloquent de la science, et le pouvoir qui en comprenait ainsi la portée et la valeur n'était-il pas digne de présider au gouvernement des esprits ?

Comme gage de sa sympathie pour la nouvelle institution, Pie II voulut que les professeurs et les étudiants de l'Université de Nantes fussent en possession des mêmes privilèges qu'il avait à concédés à l'Université de Sienne, si chère à son cœur, et leur envoya copie de la bulle adressée à cette dernière, en 1459. Aux termes de cet acte, les ecclésiastiques réguliers ou séculiers, suivant les leçons de l'Université de Nantes, devaient être aussi bien traités que ceux qui fréquentaient assidûment la cour de Rome et y poursuivaient continuellement la délivrance des titres et bénéfices auxquels ils aspiraient ; ils étaient aptes à obtenir les faveurs et prérogatives qui s'accordent aux postulants assidus ; leurs procès en cour de Rome se jugeaient comme en leur présence. Dans toute compétition, ils avaient la préférence sur leurs rivaux, et le grade de docteur de Nantes leur assurait les mêmes prérogatives que le titre de docteur obtenu à Rome ; ils étaient dispensés de toute résidence, quelle que fût leur dignité, et continuaient à percevoir les revenus de leurs cures ou de leurs bénéfices pendant le cours de leurs études. Ce résumé d'une longue bulle est une peinture fidèle des mœurs de la société ecclésiastique au quinzième siècle (Arch. de la Loire-Inférieure, E 48).

L'évêque Guillaume de Malestroit, en sa qualité de chancelier, fit publier, le 21 juillet 1460, la bulle d'érection datée du 4 avril 1460, et, le 23 du même mois, après en avoir donné lecture en présence de tous les docteurs, licenciés et bacheliers qu'il put réunir dans son palais épiscopal, il déclara l'Université constituée. D'après le premier matricule, elle se composait, dès ce début, de 77 gradués, savoir : d'un docteur en théologie, de 41 canonistes, de 27 légistes, de 4 médecins et de 4 maîtres ès-arts (Travers, Histoire de Nantes, t. II, p. 120).

Après l'institution canonique vint la consécration du prince. Dans toute création importante au Moyen-Age, on est sûr de trouver la coopération du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel. Ces deux forces entraient parfois en lutte dans les questions de prépondérance, mais sur le terrain des entreprises utiles, elles marchaient toujours d'accord. Quand une œuvre était patronnée par l'Église, l'autorité civile omettait rarement d'y mettre sa sanction, et, comme si elle avait voulu enseigner sans cesse que rien ne pouvait vivre sans elle, elle y apportait sa part contributive de secours matériels. On sait que nos rois et nos princes n'avaient pas les immenses ressources que donne la centralisation aux États modernes ; l'argent était rare dans leurs mains, et quand ils voulaient venir en aide à des favoris, ils n’avaient le plus souvent à leur portée qu'un expedient : c’était de leur concéder des exemptions. Cet artifice, qui ne soulevait pas la moindre réclamation, leur permetait de se montrer généreux à l'excès sans courir le risque de perdre, leur popularité. François II n'agit pas autrement à l'égard de l'Université de Nantes. Voici les privilèges étendus qu’il lui accorda par ses lettres du 22 avril 1461.

Le duc concède aux docteurs, clercs et écoliers incorporés à l'Université et à tous ses suppôts les grâces, privilèges, prérogatives et prééminences dont jouissent les étudiants et les maîtres de Paris et d'Angers ; et précisant sa pensée, il indique le droit d'avoir deux bedeaux dans chaque faculté avec un grand bedeau, le droit de choisir et d'établir deux libraires et un parcheminier. Le prince veut que tout ce personnel soit exempt de toutes tailles et impositions publiques, et jouisse, en franchise, de toutes les denrées qu'il tirera de son propre crû. Suivant la teneur des mêmes lettres, maîtres et écoliers avaient la facilité d'apporter ou de faire venir les denrées nécessaires à leurs besoins, sans payer aucune taxe de coutume, de traite, de péage, d'acquit ou de billot, ils étaient affranchis de tout subside, du logement des gens de guerre, des charges du guet, de tutelle et de curatelle, et, en cas de déni de justice, les uns et les autres pouvaient invoquer la protection directe du pouvoir ducal. L'Université avait sa juridiction spéciale, et son juge devait seul connaître des instances civiles ou criminelles dans lesquelles ses membres étaient parties en cause, soit demandeurs, soit défendeurs [Note : Le sénéchal de la Prévôté de Nantes fut désigné pour être le juge conservateur des privilèges de l'Université ; il garda cette charge jusqu'en 1789]. Par ces mêmes lettres le duc interdisait d'établir aucune taxe sur les vivres vendus à Nantes, sans entendre les remontrances du procureur général de l'Université. De cette dernière faveur il ne faut pas conclure, à l'exemple de l'abbé Travers, que la police municipale devenait l'une des attributions de l'Université ; son procureur acquérait seulement, par là, le droit d'accompagner le prévôt dans les visites qu'il jugeait à propos de faire chez les marchands et le droit de réprimer les exactions [Note : L'abbé Travers a cru que l'Université avait été chargée de la police municipale jusqu'en 1560 (t. II, p. 228, 229)].

François II mérite le titre de fondateur de l'Université de Nantes, par d'autres motifs. Quand il publia les lettres que je viens de résumer, il avait préparé le succès de la nouvelle institution en construisant des écoles et en appelant à Nantes « plusieurs vénérables docteurs et autres clercs licentiez et graduez ès-sciences », et de suite on avait vu accourir une multitude d'étudiants [Note : Voir le préambule des lettres de François II. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1316)]. Le duc annonce lui-même le fait en 1461. Quelques-années plus tard, il ajouta à tous les bienfaits énumérés ci-dessus une dotation permanente sur la recette de ses finances. Par les mandements transcrits dans les registres de la chancellerie ducale, on voit que le trésorier général avait reçu ordre de payer chaque année une somme de 200 livres aux docteurs régents [Note : Reg. de 1472-1473, f° 159. Reg. de 1486-87, f° 152. (Archives de la Loire-Inférieure, B)]. L'Université étant une institution destinée à répandre la lumière sur toute la Bretagne, il était juste que la recette générale des impôts contribuât aux frais d'entretien des professeurs.

Par ces concessions, la corporation universitaire s'enrichissait de toutes les prérogatives nécessaires à son indépendance, elle se trouvait placée, par ce fait, au nombre des puissances morales qui commandaient le respect. A Rome, l'Université de Nantes n'était pas moins en honneur qu'en France, car toutes les fois qu'un pape prenait la tiare, il ne manquait pas de notifier sa promotion aux régents et docteurs de Bretagne. A peine montés sur le trône, nos Rois s'empressaient de leur envoyer des lettres patentes de confirmation qui leur permettaient de jouir en paix de leurs exemptions. On peut voir, dans le recueil imprimé des privilèges de l'Université, que Charles VIII, Henri II, Charles IX, Henri III, Henri IV, Louis XIII et Louis XIV n'ont pas manqué de ratifier ce qu'avait fait François II (Bibl. de Nantes, 8427). Après avoir dispersé les écoliers et les maîtres, pendant la guerre qu'il entreprit contre la duchesse Anne et son père, Charles VIII se hâta de rétablir les leçons interrompues en assurant un traitement aux professeurs. Ses lettres du mois de novembre 1493 érigent 4 chaires, et assignent à chacune d'elles 100 livres à prendre sur les deniers communs de la ville de Nantes (Mandements royaux, vol. I, p. 20). Quelque temps après, il consentit à transférer cette dépense au compte de la recette des Domaines de Bretagne (Histoire de Nantes, de Travers, t. II, p. 222). C'est le même roi qui, au mois d'avril 1493, accorda aux régents de la faculté de médecine la permission de prendre les cadavres des suppliciés et des noyés pour étudier l'anatomie [Note : Procès-verbal de 1669 (Arch. du greffe du Tribunal de Nantes)].

Les troubles causés par les guerres de religion, en relâchant tous les ressorts de l'autorité temporelle et de l'autorité spirituelle, auraient dû nuire à l'impoortance de notre premier corps enseignant ; il, n'en fut rien, au contraire, il semble que le XVIème siècle fut l'époque de sa grande influence dans la cité. Dans tous les principaux événements du temps, il a le pas sur les autres corps constitués, même sur l'évêché. S'agit-il d'orthodoxie ? Les attestations de catholicité de l'Université sont les seules valables (Histoire de Nantes, de Travers, t. II, 499). Si un gouverneur ou un prince se présente pour faire son entrée solennelle, c'est le recteur entouré de ses docteurs régents qui porte la parole et lui souhaite la bienvenue (Histoire de Nantes, de Travers, t. II, p. 390). En politique, l'Université prétendait avoir aussi voix au chapitre, et, quand elle entendit parler en 1576 d'un édit de paix avec les Protestants, elle envoya des députés à la barre du Parlement avec mission de protester contre l'enregistrement de certains articles (Histoire de Nantes, de Travers, t. II, p. 467). Pendant la rébellion du duc de Mercœur, elle résista avec tant de fermeté et afficha si haut son attachement à Henri IV, que les chefs de la compagnie se firent emprisonner (Mémoire de 1764. - Arch. dép., D.).

Le recteur Choimet prétend, dans sa déclaration de 1792, que l'Universilé possédait, dans la paroisse Saint-Similien, des terrains considérables provenant de sa première dotation qui lui auraient été enlevés sans indemnité par le duc de Mercœur, pour la punir de ses opinions royalistes (Histoire de Nantes, de Travers, t. III, p. 76, 77). Cette assertion est appuyée sur des données si mal déterminées qu'il est permis de la tenir pour suspecte.

Ni les registres de la chancellerie ducale, qui font mention de la rente constituée par François II, ni le dénombrement de temporel produit en 1554, ne font allusion à cette propriété immobilière. L'indemnité à payer pour cette prétendue confiscation n'a pas pu être demandée par le Roi, aux Etats de 1593, comme le dit Choimet, puisque la pacification n'a eu lieu qu'en 1598. L'abbé Travers, qui a compulsé les registres de l'Université, et qui nous en donne fréquemment des extraits dans son histoire, est bien plus digne de foi quand il nous parle de cette époque. Le duc de Mercœur, suivant ce dernier, n'aurait pas fait main basse sur les domaines de l'Université, mais il aurait détourné au profit des grands travaux de fortification de la ville neuve du Marchix, les 60,000 livres votées par les Etats de Vannes à l'intention des professeurs. Il n'aurait obtenu cette somme importante qu'en simulant un projet de rassembler les régents dispersés.

En déclarant que les étudiants de l'Université de Nantes seraient non moins favorisés que ceux des Universités de Paris et d'Angers, le duc François II avait ouvert la porte à bien des revendications qui se firent jour peu à peu, et obtinrent, par l’usage, force de loi. Voici, d'après Rebuffé, les privilèges qu'on reconnaissait aux collèges et aux écoliers de son temps.

Si une maison voisine d'un collège est nécessaire à son agrandissement, on peut obliger le propriétaire à la céder.

Il n'est pas permis aux corps d'état qui font grand bruit de demeurer près des collèges, et quand ils y sont établis, on peut les faire chasser.

On ne peut retenir les livres d'un écolier pour se payer de sa pension ou de ses dettes, ni saisir ses biens et ses vivres.

Il n'est pas permis à des archers ou à des sergents de venir dans un collège arrêter un écolier, ou une autre personne, si ce n'est un écolier rebelle à ses maîtres.

Les valets d'un écolier jouissent aussi du privilège de scholarité.

Les écoliers jouissent de tous les privilèges acordés aux habitants de la ville où ils étudient, mais ils ne participent pas aux charges.

Les écoliers ont trois sortes de juges, le conservateur apostolique, le conservateur royal et leurs docteurs régents.

Un écolier peut recevoir des legs, tester du vivant de son père, il ne l'apporte pas ses livres au partage de famille, il agit en justice tant en matière civile que criminelle.

Un étudiant qui prend une cure, peut obtenir une dispense de résidence pour 7 ans.

Les Universités de Paris et d'Angers avaient le pouvoir exclusif d'instituer des messagers auxquels les étudiants et leurs familles remettaient de l'argent, des lettres, des paquets ; l'Université de Nantes s'empressa de revendiquer ce monopole et de l'exploiter. Il était de son intérêt de se mettre en relation avec les principales villes de Bretagne et de France, afin d'attirer à elle les étudiants, en leur offrant les moyens de correspondre avec leurs parents. Elle eut ses courriers pour Rennes, Vannes, Quimper, Angers, Paris, Poitiers, la Rochelle. Chaque messager, de son choix recevait une commission qu'il payait souvent très cher, et signait un marché qui réglait le tarif de ses gages et l'itinéraire de sa marche. Chaque Université ayant ses courriers, il arrivait que les uns faisaient concurrence aux autres ; de là des réclamations et des procès qui aboutissaient à une réglementation excessive. Ainsi le messager Raguideau, qui faisait le service, en 1603, de Nantes à Paris, ne pouvait pas tenir bureau en passant à Angers ; il lui était enjoint de passer seulement sans séjourner (Privilèges de l'Université, p. 40). En 1669, le privilège des messageries rapportait 486 livres, sans compter le produit de la poste de Rennes, pour laquelle nos régents plaidaient (Procès-verbal de 1669) ; mais il faut observer que la majeure partie de ce profit était absorbée par les frais de procédures et de consultations que nécessitait sa conservation. Vers 1650, l'Université menacée par je ne sais quel traitant, avait été obligée de se pourvoir au Conseil, et le Roi lui avait adressé un arrêt du 23 mars 1653, revêtu de lettres patentes, qui la maintenait, dans le droit exclusif d'instituer des messagers jurés dans la province de Bretagne « par respect pour les concessions faites par les ducs et les Rois de France » (Déclaration du recteur de 1792. - Arch. dép., Q.).Toutes ces faveurs ne s'obtenaient pas sans bourse délier.

En 1673, quand l'état s'empara du privilège des postes, nos docteurs régents surent encore se préserver de la confiscation ; il n'en fut pas de même sous le règne de Louis XV. Le vent de l'opinion qui poussait nos gouvernants à la centralisation était tel, qu'il fallut alors transiger avec les fermiers du fisc. L'Université céda son monopole, en 1732, moyennant une rente de 300 livres (Déclaration du recteur de 1792. - Arch. dép., Q.).

Les finances de la corporation n'ont jamais été assez prospères pour qu'elle eût la possibilité de faire construire ou d'acquérir un immeuble. Ses réunions avaient lieu tantôt dans la chapelle Saint-Cosme et Saint-Damien, à la collégiale, tantôt dans l'une des salles des Cordeliers, après la messe du dimanche, et les exercices publics se faisaient chez les Carmes (Histoire de Nantes, par Travers, t. II, p. 192). Chaque Faculté avait ses recettes particulières et ne versait à la caisse commune que des contingents très modiques. Sous Henri II, la recette des Domaines n'acquittait sans doute plus la rente de 540 livres crée par Charles VIII, car elle ne figure pas dans la déclaration produite devant le sénéchal de Nantes par le procureur général Patrice Feuillet. Ce document n'accuse en charge que 50 livres de rentes hypothècaires sur les seigneurs de Chavagne, de Larchats et de la Guerche [Note : Registre des déclarations de biens non sujets aux décimes, 1554. (Arch. dép., B.)]. Dans l'année 1644-1645, le bedeau préposé à la recette générale encaissa 253 livres qui se décomposent ainsi : Une doctorande : 3 liv. Rentes foncières constituées et hypothécaires. 250 liv. Total : 253 liv.

Dans d'autres comptes de la même époque, on voit figurer des cotisations d'entrée. Les dépenses sont instructives : elles consistent en gratifications distribuées au célébrant et aux choristes de la messe de rentrée, en frais de services funèbres commandés pour les collègues décédés, en jetons de présence accordés aux assistants et en frais de pain bénit (Arch. dép., D). En 1669, la situation financière était bien meilleure ; le Recteur annonçait au commissaire du Roi 458 livres de rentes constituées et 486 livres de casuel provenant des messageries. Le XVIIIème siècle fut fatal à l'Université : c'est l'époque où elle perdit ses franchises d'impôt, sur les subsistances, où le privilège des postes fut racheté, et où les Facultés de droit furent transférées à Rennes. Affaiblis par ces infortunes successives, ses revenus ne dépassaient pas 537 livres quand la Révolution l'obligea à déposer son bilan (Arch. dép., Q).

Se nous voulons connaître ce qu'étaient les ressorts de la vie intérieure du corps universitaire, les rapports de chaque Faculté avec l'assemblée générale des agrégés, le personnel, les usages, les règlements de l'association, il ne faut pas chercher ces renseignements dans la bulle de Pie II, ni dans les lettres d'institution du duc François II. L'organisation de notre Université est tout entière dans le recueil qui fui préparé par ses docteurs et arrêté dans la séance du 30 octobre 1461. La promulgation n'eut lieu que l'année suivante (11 octobre 1462), lorsque le pape et le duc, fondateurs, eurent donné leur approbation à la rédaction des statuts [Note : Statuta inclytœ universitatis Nannetensis, man. in-4° goth. 96 ff. (Bibl. de Nantes, 8426). Ces statuts ont été imprimés à Nantes, chez la veuve Dorion, en 1630 et en 1651, puis, chez Lemonnier, en 1653, avec diverses pièces annexes. La dernière édition est dans la bibliothèque de Boismen, notre éminent architecte diocésain]. Dans une étude aussi rapide que celle-ci, je dois me borner à citer les dispositions principales.

Le premier dignitaire était l'évêque, chancelier né de l'Université, qu'on nommait aussi le conservateur des privilèges apostoliques ; il désignait en son absence un vice-chancelier pour signer les actes soumis à son approbation. Après lui, venait le Recteur, officier renouvelable tous les quatre mois, qu'on prenait à tour de rôle dans chacune des cinq Facultés. Dans le principe, il ne devait étre ni marié, ni religieux. Le jour de son installation, il prêtait serment à son prédécesseur ; et l'investiture de sa dignité lui était conférée par la remise de la robe, du sceau et des statuts de la corporation. Le titre de Recteur était, le plus envié, aussi chaque élection amenait avec elle des compétitions ardentes. On voyait des Facultés qui pour ramener plus souvent leur tour, grossissaient le nombre de leurs votants en multipliant les agrégations d'une façon abusive. Après avoir accordé voix delibérative aux bacheliers et aux licenciés, il fallut les écarter des assemblées pour rétablir la paix.

Le doyen était aussi un dignitaire électif, ainsi que le procureur général. Ce dernier était chargé de la défense active de tous les intérêts temporels de la corporation. On lui adjoignait un greffier qui enregistrait soigneusement toutes les décisions prises dans les séances particulières ou générales. Le célibat était de rigueur pour être suppôt ou affilié à un titre quelconque ; les suppôts mariés n'ont été tolérés qu'après 1581 (Histoire de Nantes, de Travers, t. II, 521).

Si nous en jugeons par les extraits fournis par l'abbé Travers, les questions d'étiquette, de cérémonial, de préséance et de vêtement tenaient une grande place dans les préoccupations de notre Université bretonne. Le 24 mai 1551, il fut décidé qu'on achèterait pour le Recteur une chape ou robe de satin rouge cramoisi avec le chaperon doublé de taffetas bleu, et pour le syndic une chape de tabis rouge ou camelot de soie rouge avec capuchon doublé de taffetas. Ordre fui donné aussi aux suppôts de toutes les Facultés de se procurer des chapes de taffetas ou de damas mue avec capuchons doublés de bleu. Le premier bedeau, les bedeaux et le scribe avaient également un costume qu'on détermine avec précisicin (Histoire de Nantes, t. II, p. 326).

Tout cet appareil n'était pas inutile, car les démonstrations extérieures étaient autrefois l'accompagnement obligé des moindres événements de la vie civile ou religieuse. Nos pères aimaient les bannières, les insignes, les défilés par les rues ; et l'Université tenait à faire grande figure dans chaque manifestation, de même qu'elle exigeait un rang très honorable parmi les assistants. Le Chapitre de la cathédrale ayant refusé de lui céder le pas à la procession du Sacre, en 1563, nos régents restèrent chez eux plutôt que de marcher après les chanoines. L'installation des docteurs et des licenciés se faisait toujours en grande pompe. Hervé Jacob et Yves Busnel admis à la doctorande, en 1494, invitèrent l'Evêque, les deux Chapitres et toutes les personnes de distinction à leur faire cortège. Ils partirent de l'église des Carmes, en habits de docteur, précédés des trompettes, entourés de régents et de suppôts de tous degrés et montèrent ainsi toute la Grande Rue jusqu'à Notre-Dame. Là, le vice-chancelier leur donna le bonnet rond et les installa dans la chaire doctorale, où ils prirent possession de leur titre, en ouvrant et en fermant un livre (Histoire de Nantes, par Travers, t. II, p. 230).

Le jour de la Saint-Yves, fête patronale de l'Université, il y avait messe solennelle et grande procession depuis Saint-Pierre jusqu'à Saint-Nicolas. Le défilé se rendait à la chapelle de Saint-Yves de la Boucherie et revenait de là à la collégiale de Notre-Dame où l'office se célébrait dans le principe (Histoire de Nantes, par Travers, t. II, p. 216). Yves du Quirisec ayant établi une fondation, la messe fut chantée à la cathédrale après 1492.

L'ouverture des cours avait lieu le lendemain de la Saint-Clair, le 11 octobre, et les vacances commençaient au 15 août (Privilèges de l'Université, p. 33).

Il y a peu de chose à dire sur les rapports de notre Université avec le pouvoir royal. Bien que celui-ci ait revendiqué dans l'ordonnance de Blois de 1579 le droit d'envoyer des commissaires-inspecteurs pour surveiller l'exécution des statuts, il n'en est pas moins vrai que la corporation a vécu dans la plus grande indépendance depuis son origine jusqu'à la fin. La tutelle de la puissance civile était purement nominale. On voit bien, lors de l'enregistrement des lettres de Charles IX au Parlement, que les conseillers de la Cour annoncent qu'il sera procédé à une réformation, mais la conséquence de cette résolution n'apparaît nulle part. Sous Louis XIV, la visite faite en 1669, par le sénéchal, n'a modifié aucunement les habitudes de la corporation, et ses successeurs n'ont pas touché davantage à sa constitution. On n'a jamais vu sous l'ancien régime de Conseil supérieur dicter des programmes de leçons et des méthodes d'enseignement. Le Parlement est la seule autorité qui ait vécu en relations étroites avec l'Université : par son droit d'homologation, il avait connaissance de toutes les résolutions importantes, et par son droit de juridiction souveraine, il réglait les compétitions ou les conflits, et éteignait les rivalités.

(L. Maître).

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