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LES CHARGES PARLEMENTAIRES EN BRETAGNE

LETTRES DE PROVISIONS, DE DISPENSES ET DE PERMUTATION. 

INCOMPATIBILITES - DISTINCTION DES ORIGINES 

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On sait que les fonctions judiciaires dans les juridictions royales, délégations de la puissance publique, constituaient, sous l'ancien régime, des charges ou offices, dont la finance a pu faire l'objet de contrats d'ordre privé, mais dont le souverain a toujours eu le droit de pourvoir ceux-là seulement qu'il jugeait dignes et capables de les exercer. Nul ne pouvait donc être reçu dans un parlement président, conseiller, avocat général ou procureur général, sans avoir obtenu du roi des lettres de provisions délivrées par l'intermédiaire du Chancelier de France et de sa Chancellerie, expédiées sur peau vélin et scellées du grand sceau royal à simple queue. Ces lettres, auxquelles rien ne suppléait et sur le vu desquelles il lui était permis de demander son admission dans la Compagnie où vaquait l'office, ne se délivraient pas sans des justifications que nous allons indiquer. 

 

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Lettres de Provision. — L'impétrant devait produire plusieurs pièces dont le nombre et la nature ont varié suivant les époques ; voici celles qu'on exigeait de lui au XVIIème siècle, depuis l'établissement de la paulette : la quittance du prix de l'office lorsqu'il avait été vendu par le roi ; les quittances du droit annuel, et des droits de résignation et de marc d'or, un certificat d'avocat général affirmant qu'il n'avait pas de parents au degré prohibé dans le parlement où il voulait entrer, des extraits baptistaires constatant qu'il avait atteint l'âge d'admission fixé par les ordonnances ou, à défaut de ces pièces, des dispenses de parenté, d'âge et, s'il y avait lieu, du temps de service exigé pour certaines charges, l'acte de résignation du dernier titulaire ou de nomination par ses héritiers, et depuis 1679, les lettres de baccalauréat et de licence en droit, avec la mention du serment d'avocat. Il fallait aussi quelquefois des dispenses nécessitées par la distinction des origines. 

Sous le régime de la vénalité, il devint nécessaire peu après le décès du titulaire d'acquitter, sous le nom d'un successeur, les droits dus au Trésor sous peine de déchéance, l'office dans ce cas redevenant la propriété du roi (Note : La déchéance faisait, comme on disait, « tomber l'office dans les parties casuelles du roi », dans lesquelles toute personne pouvait « le lever », les héritiers déchus comme les autres, en payant le prix fixé par arrêt du conseil). Pour le conserver à la famille, l'usage s'introduisit de présenter, pour la forme, un parent, un ami, un avocat complaisant, au nom de qui était délivrée la quittance de finance ; plus tard, au XVIIIème siècle, il fallut, sous la même peine de déchéance, faire pourvoir ce successeur ou tout autre, dans l'année et jour du contrôle de la quittance ; un arrêt du conseil pouvait seul relever le vendeur de cette irrégularité. A partir de 1724, beaucoup d'offices, surtout les non originaires, ne trouvant pas d'acquéreur, restèrent longtemps sous le nom de ces successeurs fictifs ; on avait au moins, suivant l'expression consacrée, « donné un homme au roi », faute d'avoir pu donner un magistrat au parlement [Note : Le dernier « homme au roi » présenté, à la veille de la Révolution, a été Me. Toussaint Lemoine Desforges, avocat au parlement, après le décès des frères Grimaudet, qui est devenu membre d'une Cour souveraine ; il est mort à Rennes, le 4 novembre 1809, président honoraire de la Cour d'appel de cette ville]. 

Les lettres de provisions accordées à un fils, sûr la résignation de son père, l'ont été souvent « en survivance », ce dernier conservant ses fonctions, avec les avantages y attachés, pendant un nombre d'années fixé, ou non déterminé, et quelquefois jusqu'à sa mort, et reprenant la propriété de son office, sans formalités, si le fils mourait avant lui : elles ont permis à des gens du roi de se démettre aux mêmes conditions, deux procureurs généraux continuant l'exercice de leur charge concurremment avec leur successeur, même celui-ci étant un étranger, un avocat général pouvant être suppléé par le sien, en cas d'empêchement. 

Lorsqu'un tiers avait intérêt à empêcher la délivrance de lettres de provisions à un impétrant, il faisait opposition au sceau : ces affaires se jugeaient au Conseil du roi. Quand il n'y avait qu'une question d'intérêt pécuniaire, de créance à conserver, le Conseil passait outre, en réservant les droits de l'opposant : il en était autrement quand ce dernier prétendait que les lettres devaient lui être délivrées et non à l'impétrant. C'est ainsi que Charles de Sévigné a obtenu l'annulation de la cession faite par son père à un fils d'un autre lit et s'est fait pourvoir au lieu de celui-ci. 

 

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Dispenses de parenté et d'alliance. — L'inconvénient cive présentait pour la bonne administration de la justice la présence de proches parents dans une même Compagnie a frappé les réformateurs de l'organisation judiciaire au XVIème siècle : aussi les auteurs des ordonnances d'Orléans (art. 32), de Moulins (art. 95) et de Blois (art. 116) n'ont-ils pas hésité à interdire de recevoir dans le même parlement le père et le fils, l'oncle et le neveu, les deux frères, interdiction étendue ensuite au beau-père et au gendre, aux beaux-frères. On défendait d'accorder des dispenses, mais cette défense ne dura pas. Ce ne fut pas la faute du parlement de Bretagne si la règle salutaire imposée par les ordonnances disparut, remplacée par des dispositions plus favorables aux intérêts des magistrats. La Cour accepta par ses arrêts des 19 décembre 1630 et 2 mars 1635 (RS) qu'au moyen de dispenses des parents au degré prohibé pussent se trouver ensemble dans la Compagnie, à condition qu'ils ne siégeassent pas dans la même séance ou dans la même chambre ; et si quelque circonstance les réunissait, ils devaient, sauf un, s'abstenir de siéger ; les arrêts mentionnés ci-dessus et d'autres posèrent ce principe et sollicitèrent l'approbation royale : un arrêt du Conseil du 12 mai 1636, enregistré le 15 mars 1637 (RS), écarta ce système et décida que les parents au degré prohibé pouvaient siéger dans la même chambre, prendre part au jugement du même procès, avec cette seule restriction qu'en cas de même avis, leurs voix ne compteraient que pour une. La Chancellerie n'a jamais varié sur ce point. 

Notre répertoire a relevé un grand nombre de dispenses de parenté : que de parents proches réunis au parlement, sans parler des parentés non prohibées qui y abondaient ! On y vit ensemble, entre autres, les premiers présidents de Bourgneuf et du Merdy avec leurs deux fils, le président de Langle avec deux beaux-frères, le conseiller Auvril, avec deux fils, le conseiller Rosnyvinen avec son aïeul Descartes et un beau-frère. On ne refusa à personne ces facilités qui aidaient au recrutement des Compagnies judiciaires. 

 

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Dispenses d'âge pour les conseillers et les gens du roi. — Il est probable que, dès l'érection du parlement de Bretagne, on a appliqué à ses membres, par assimilation, l'édit d'avril 1553 qui fixait à vingt-cinq ans l'âge d'admission des conseillers au parlement de Paris ; c'est le même âge qu'a fixé, en 1579, l'ordonnance de Blois (art. 605), « pour être pourvu et reçu ès cours souveraines ». L'édit de décembre 1665, confirmé par celui de février 1672, a posé en principe qu'il faut un âge d'une maturité plus grande pour entrer dans les Compagnies qui jugent en dernier ressort, ainsi que le prescrivaient prudemment les anciennes ordonnances ; il a exigé pour les conseillers vingt-sept ans et pour les avocats et procureurs généraux trente ans ; mais ce dernier édit a maintenu le droit d'accorder des dispenses qui durent désormais être délivrées par lettres séparées, peut-être pour leur donner plus de poids ou parce que cela coûtait plus cher ; la production de l'extrait baptistaire, à deux exemplaires, dont la sincérité fut assurée par des mesures pénales en cas de faux, fut ordonnée. Enfin, l'édit de novembre 1683 a ramené l'âge d'admission à vingt-cinq ans, sans doute pour rendre la carrière judiciaire plus accessible. Il n'y a pas eu moins de dispenses ; et, loin de vouloir y mettre un terme, le roi a accordé une faveur aux dispensés, par la déclaration du 20 mai 1713 qui permettait de distribuer des procès à ces jeunes conseillers et leur donnait voix délibérative dans les affaires dont ils feraient le rapport. 

Le parlement de Bretagne dut favoriser de tout son pouvoir ce mode de recrutement ; sous peine de voir une partie des charges indéfiniment vacantes, il fallait attirer à la Cour de très jeunes gens par l'appât d'une haute situation judiciaire, à l'âge où dans l'armée ils ne seraient encore que lieutenants ou tout au plus capitaines. En se montrant très rigoureux pour les preuves nobiliaires des récipiendaires, la Compagnie écarta nombre de candidatures et peut-être beaucoup de lumières ; elle crut à tort y suppléer en faisant de ses audiences et de ses délibérés une école où, sous l'oeil de leurs anciens, les conseillers novices apprenaient leur métier. Aussi se plaignit-elle très vivement, en 1755, lorsqu'elle constata que la Chancellerie se refusait d'une façon permanente à délivrer des dispenses d'âge aux sujets âgés de moins de vingt-cinq ans ; dans une lettre au chancelier Guillaume de Lamoignon, elle expliqua que les jeunes nobles, à l'âge fixé pour l'admission, se trouvaient presque tous engagés dans d'autres carrières qui les éloignaient du parlement et que, par suite du refus de dispenses, il y avait en ce moment quinze charges vacantes ou supprimées. Le chancelier se rendit à ces raisons et répondit avec empressement qu'il accorderait cette faveur aux « fils de maîtres ». La Chancellerie ne tarda pas à donner la plus complète satisfaction aux désirs de la Cour. 

C'est ainsi que le parlement qui ne comptait plus, en 1789, y compris les présidents des Enquêtes et des Requêtes, que 80 conseillers au lieu de 94, nombre fixé par l'édit de 1724, put, depuis cette époque, combler plus ou moins les vides que la mort faisait au palais et remplacer ceux de ses membres que l'âge ou leurs affaires en éloignaient. Déjà, dès le commencement du XVIIIème siècle, la magistrature parlementaire attirait moins d'acquéreurs. Sur 324 conseillers reçus de 1700 à 1789, 164, plus de la moitié, ont bénéficié de dispenses d'âge ; à la date où ils les ont obtenus, 33 avaient vingt-quatre ans ; 38 en avaient vingt-trois ; 37, vingt-deux ; 18, vingt et un ; 24, vingt, et 14, moins de vingt ans. Ces chiffres sont significatifs. 

Nous n'avons pas noté de dispenses accordées aux procureurs généraux, au XVIIIème siècle ; elles l'ont été virtuellement à Charles-Marie Huchet qui n'avait pas trente ans ; ses successeurs n'en ont pas eu besoin. Sur 6 avocats généraux reçus dans le même laps de temps, 4 n'avaient pas l'âge requis ; même pour Porée du Parc et Le Prestre de Châteaugiron, il s'en fallait de plus de cinq ans. 

 

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Dispenses d'âge et de service pour les présidents. — Les présidents à mortier ne se trouvèrent pas plus facilement que les conseillers ; la cherté relative de leur charge limita le nombre des acquéreurs dont la plupart ne put remplir les conditions exigées. Sur 34 présidents reçus de 1700 à 1789, 21 ont eu des dispenses d'âge ; 16 ne comptaient pas dix ans de service à la Cour. Les deux derniers, Hue de Montaigu et Saint-Pern, admis en 1784 et 1787, l'ont été à vingt-trois ans, avec l'obligation de rester au banc des conseillers jusqu'à vingt-cinq ans, de n'avoir voix délibérative qu'à cet âge et de ne pouvoir présider qu'à trente. Leur noviciat durait encore lorsque la Révolution les a chassés de leurs sièges. 

La moitié des présidents des Enquêtes, 13 sur 26, a bénéficié des mêmes dispenses. Les présidents des Requêtes, bien que le roi eût déclaré en 1618 qu'ils n'étaient tenus de justifier d'aucun temps de services accompli à la Cour, ont été assimilés aux autres ; 6 sur 8 sont entrés au parlement dans les mêmes conditions ; en 1789, il n'y en avait plus qu'un, Freslon de Saint-Aubin, qui n'avait pas encore voix délibérative et n'était âgé, lors de sa réception en 1785, que de dix-huit ans et huit mois. Cela montre en quelle défaveur étaient tombées ces charges ; on ne trouvait pour les occuper que des jeunes gens à peine sortis des bancs du collège, à qui des dispenses de temps d'études et d'interstices permettaient de conquérir en quelques semaines les titres de licencié en droit et d'avocat. 

 

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Lettres de permutation. — Les magistrats ne pouvaient échanger entre eux les charges dont ils étaient pourvus sans avoir obtenu du roi des lettres qui sanctionnaient ces conventions. Les échanges qui s'opéraient quelquefois pour l'un ou l'autre des échangistes avant sa réception, comme cela s'est fait entre Kerboudel et Marbeuf, ont eu le plus souvent pour but de permettre à l'un et à l'autre de posséder des offices conformes à leurs origines, alors qu'auparavant, ils avaient, étant bretons, des charges non originaires et réciproquement, tels que Barrin et Trémigon. Il a eu une fois pour effet d'affecter un conseiller à une autre séance pour qu'il pût remplir ailleurs une autre fonction. 

Les simples échanges de séance entre conseillers qui d'ailleurs conservaient leurs offices ont été fréquents ; ils satisfaisaient à des convenances particulières, ou ils étaient imposés par la Cour soit pour que de proches parents ne siégeassent pas ensemble, soit pour qu'il n'y eut pas trop de magistrats de la même origine dans une même chambre. Ils s'opéraient toujours en vertu de lettres de permutation obtenues préalablement ou même après coup, lorsque le parlement avait pris sur lui d'autoriser ou d'exiger ces changements. 

Des lettres dites aussi « de permutation », dont nous avons relevé beaucoup d'exemples, ont permis de réaliser des ventes d'office dans lesquelles, sous couleur d'échange, l'acquéreur d'une charge, qui en possédait une autre, donnait celle-ci en paiement à son vendeur pour s'acquitter jusqu'à due concurrence. 

 

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Incompatibilités. – Nous avons déjà indiqué, en relatant l'érection du parlement, qu'on déclara, dès le début, incompatibles avec les charges créées à la Cour, celles qui s'exerçaient, soit dans les juridictions bretonnes qui étaient de son ressort, soit à la Chambre des comptes de Nantes avec laquelle elle pouvait avoir et eut en effet des conflits. A l'inverse, il y eut compatibilité entre les charges du parlement de Bretagne et celles que ses membres possédaient hors de la province. Cette faculté du cumul des fonctions, tant qu'elle fut possible, favorisa singulièrement le recrutement des non originaires. Il y eut même une création spéciale d'offices en faveur des maîtres des Requêtes, et des conseillers au parlement de Paris. 

D'après la loi de son établissement, la Cour n'avait pas de conseillers clercs ; elle a refusé d'enregistrer l'édit de décembre 1581 qui en créait huit ; le chancelier Maupeou en a fait entrer quatre dans la Compagnie érigée en 1771, qui a été de très courte durée. En réalité, il n'y a jamais eu incompatibilité entre l'exercice d'une charge parlementaire en Bretagne et l'état ecclésiastique ; ceux qui y étaient engagés, avant leur réception, et ceux qui, au cours de leur exercice, prirent la tonsure et les ordres sacrés, purent sans difficulté, les uns entrer au parlement, les autres y continuer leurs fonctions, sauf à s'abstenir dans les affaires capitales dont la connaissance leur était interdite par les canons de l'Eglise. Voici ceux des membres du parlement, qui, à notre connaissance, appartenaient à l'état ecclésiastique soit au moment de leur entrée en fonctions, soit avant la fin de leur exercice : G.-A. Barrin, Bitault, Boylesve, Cahideuc, Des Cognets, Constantin, De la Corbière, Cousinot, Daniello, Descartes, Feydeau, Garnier, Gaullay, Glé, Le Gouvello, De Lignières, Marbeuf, Marest, L'Ollivier, Du Poulpry, Le Prestre, Le Roy, Saguier, Talhouët.

La question de compatibilité se posa, en 1574, pour la charge de maire de Nantes. La Cour défendit au conseiller Grignon, qui venait d'être élu, « d'exercer ledit état » ; mais le roi leva l'interdiction (Note : Depuis cette époque, aucun conseiller en exercice n'a été élu maire de Nantes ; Harouys, René Louis et Jean Charette, et Jacques Raoul n'étaient plus à la Cour lorsqu'ils ont occupé cette mairie et remplissaient en même temps les fonctions de sénéchal). Il déclara de même compatibles, en 1642, 1673 et 1676, les charges de conseiller et celles de procureur général syndic des Etats de Bretagne. La Cour n'avait pas cru que les lettres de 1642 accordées à Brenugat (Note : Les conseillers Brenugat, Guy et Philippe-Guy de Coetlogon, Jacques et Jacques-Claude Raoul de la Guibourgère et le président Boterel de Bédée ont cumulé leurs fonctions à la Cour avec celles de procureur général syndic des Etats) fussent une solution de principe : elle eut un scrupule pour Guy de Coetlogon et exigea qu'il justifiât de l'autorisation royale qui, pour l'avenir, résolut définitivement la question. 

Le président Fouquet a pu, sans opposition, acquérir une charge de capitaine et gouverneur pour le roi des « ville, château et sénéchaussée » de Concarneau qu'il a conservée onze ans ; mais Coetlogon père a été suspendu de ses fonctions, en 1649, pour avoir accepté une commission d'intendant qui faisait de lui un agent administratif et n'a été autorisé à les reprendre qu'après avoir renvoyé ces lettres et promis de ne plus en recevoir.

 

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Distinction des Origines. – L'édit d'érection a créé dans le parlement deux catégories de magistrats, en nombre égal ; les Bretons ou « originaires », et les Français ou « non originaires ». La pensée politique, qui, dès 1495, avait introduit aux Grands Jours cette distinction, se justifiait encore en 1554 : en donnant à la Bretagne, si récemment réunie à la France, une Cour souveraine, investie d'un grand pouvoir, il paraissait prudent d'y introduire des hommes dévoués au roi, représentants naturels des idées et de l'influence françaises, assez nombreux pour paralyser d'avance les entreprises du particularisme breton (Note : Les procureurs généraux purent être indifféremment bretons ou français ; il en fut de même pour les avocats généraux en vertu d'une déclaration du roi du 15 octobre 1714 ; auparavant, leurs deux charges durent être l'une bretonne, l'autre française). D'autre part, les membres du parlement de Paris, qui cumulaient avec leurs fonctions celles de présidents ou conseillers en Bretagne, continuaient l'oeuvre d'unification commencée à la fin du XVème siècle par leurs prédécesseurs : ils importaient les traditions judiciaires de leur compagnie dont ils faisaient adopter les formes, les règles et les pratiques. Bientôt l'égalité fut rompue entre Bretons et Français, au moins pendant quelque temps, et la majorité assurée à ceux-ci (édit de juin 1557). 

Au XVIème siècle, le recrutement des non originaires se fit sans beaucoup de peine : des gages plus élevés, la dispense du service des vacations et la facilité de cumuler ces charges avec d'autres offices qui ne réclamaient pas leur présence aux mêmes époques les attirèrent : les fatigues et les périls du voyage ne les effrayaient pas, quoique les routes fussent mauvaises et peu sûres. Leurs fonctions ne les obligeaient qu'à un séjour de trois mois, quatre au plus, au chef-lieu de la Cour ; ils pouvaient consacrer le reste de l'année à leurs affaires, à leurs familles et à l'exercice d'autres charges. Les troubles de la Ligue les éprouvèrent beaucoup : ils durent d'abord, pour venir à Rennes, s'exposer au hasard de périlleuses rencontres : le premier président Faucon et d'autres magistrats de la Cour, arrêtés par des bandes de partisans, ne recouvrèrent leur liberté qu'en payant de fortes rançons. Puis, le parlement royaliste, toujours sur la brèche pour soutenir la cause d'Henri IV et lutter contre ses ennemis, doubla la durée des séances. Aussi la majorité fut-elle désormais acquise aux originaires. 

Le retour de la paix rendit la sécurité aux routes, mais on ne revint plus aux séances de trois mois : l'édit de 1600 leur donna une durée légale de six mois ; ce fut un changement profond dans les habitudes judiciaires, surtout pour les étrangers résidant au loin. Le cumul des fonctions n'existait plus ; il fallut rester pendant un semestre absent du lieu de son principal établissement, se séparer de sa famille ou l'amener à Rennes. Le recrutement des non originaires se modifia : les Parisiens, si nombreux au siècle précédent, se firent plus rares ; on ne vit plus venir à peu près que des jeunes gens, très pressés de gagner leurs éperons et de se faire admettre ensuite plus facilement au Parlement de Paris ; les frères Girard, les frères Barillon, Villoutreys, Vasseur et d'autres n'ont plus fait à Rennes qu'une courte apparition. On vit alors se former de véritables dynasties de présidents et conseillers non originaires : les unes établies définitivement en Bretagne (les Descartes, les Jacquelot, les Hubert, les Marbeuf, etc.) ; les autres partagées entre cette province et leur pays d'origine, surtout l'Anjou (les Boylesve, les Denyau, les la Forest d'Armaillé, les le Febvre, les Fouquet, les du Pont, etc.). La liste des magistrats reçus à titre français se complète par quelques Manceaux, Angevins et Poitevins, sans parler des Bretons qui y figurèrent par faveur. La proportion n'était plus celle de 1554 : en 1640, au semestre de février, on en comptait 16 sur 47 ; et au semestre d'août, 22 sur 52 ; en 1653 (février), 20 sur 50 (Voir Archives Parlement de Bretagne, liasse de listes manuscrites et imprimées). Et comme on le verra par la suite, le prix des offices non originaires, même aux époques où les charges parlementaires étaient en grande faveur, a toujours été inférieur à celui des autres. 

Au XVIIIème siècle, surtout dès 1724, quand le parlement fut devenu annuel et qu'il fallut siéger du 12 novembre au 24 août, les nouveaux non originaires se firent de moins en moins nombreux. Les héritiers des titulaires décédés ne trouvèrent d'acquéreurs qu'au bout de plusieurs années à des prix infimes, et quelquefois n'en trouvèrent pas. Ils n'eurent, dans ce dernier cas, d'autre ressource que de solliciter du roi la suppression de la charge, sous réserve des gages et émoluments conservés viagèrement à un membre de la famille ; nous citerons les offices de du Pont d'Oville, de Ruellan, de Morant, d'Auvril de la Chauvière, de Guerry. Des titulaires eux-mêmes, désespérant de découvrir un successeur, obtinrent soit du roi (Robin d'Estréans), soit du parlement (du Pont d'Eschuilly), le rachat de leurs charges. 

En principe, nul ne pouvait être pourvu, sans dispense, d'un office non originaire que s'il était étranger à la Bretagne par sa naissance et sa famille ; parmi ceux-là, il en était un auquel le souverain s'était réservé de pourvoir lui-même et qui devait rester exclusivement français, c'était celui de premier président ; quatre titulaires sur douze ont échappé à la règle des origines, René, Jean et Henry de Bourgneuf (1570, 1595 et 1622), à cause des attaches qu'ils avaient, par leurs alliances, dans la haute magistrature parisienne ; du Merdy de Catuélan (1777), dont la nomination, gage de paix, avait pour but de faire oublier les souvenirs amers de l'affaire de Bretagne. 

Les étrangers n'ont été investis que rarement de charges bretonnes ; ils les ont prises, faute d'autres ; mais les Bretons, que tentaient des gages plus élevés, n'ont perdu aucune occasion de se glisser dans des charges françaises. Il y avait toujours quelque prétexte à invoquer : pour Calon, son long séjour en Anjou ; pour Folvais, l'intérêt qu'il a à ne pas faire le service des vacations ; pour l'Escu, sa résidence à une extrémité de la Bretagne et le grand nombre de parents qu'il a hors de cette province. D'autres Bretons ont fait valoir le hasard de leur naissance au-delà des frontières bretonnes ou les services rendus par leurs ancêtres. Cette question d'origine a fait naître des débats qui divisaient la Compagnie et des accusations de faux. La Cour, au moins une fois, s'est refusée, malgré des lettres de jussion, à recevoir un Breton, pourvu d'une charge française, et ce dernier a dû renoncer à vaincre cette résistance. 

La Cour voulut, à plusieurs reprises, mettre un terme à ces irrégularités et se décida à édicter des règles précises. Elle arrêta d'abord que le « papier baptismal » ne sera plus une preuve de l'origine, et que les enfants de ceux qui ont leur établissement en Bretagne seront censés originaires (27 juin 1656, RS). Plus tard, elle rédigea un règlement plus explicite (21 juillet 1683, RS), dans lequel elle affirma sa volonté de garder invariablement et sur tous les points la différence des origines portée par l'édit de création du parlement. Elle fit reposer cette différence sur le lieu du principal établissement de la famille du récipiendaire pendant les quarante dernières années ; suivant que ce lieu serait ou non en Bretagne, le futur magistrat serait originaire ou non originaire ; toutefois elle déclara que les possesseurs actuels et futurs de charges non originaires et ceux qui en auront possédé depuis quarante ans seront eux et leurs descendants mâles « in œtermun » réputés non originaires, sauf ceux qui auront été pourvus et reçus, autrement que comme non originaires ; dans ce dernier cas, leurs descendants ne pourront posséder que les charges non originaires de leur père et de leur grand-père à eux transmises immédiatement et sans interruption (Note : Ce règlement a été approuvé par un arrêt du Conseil du 15 janvier 1684, enregistré au parlement le 3 juin suivant). Il ne fut plus possible désormais aux récipiendaires d'équivoquer sur leur origine ; l'un d'eux, Jouneaux du Breilhoussoux, né hors de France mais Breton par sa famille, ne put se soustraire à l'application du règlement qu'en obtenant la qualité de français par un acte de naturalisation. 

Les charges non originaires, comme nous l'avons vu plus haut, ne trouvaient plus que très difficilement des acquéreurs au XVIIIème siècle ; le nombre de leurs titulaires diminua notablement [Note : A la séance de février 1724, les non originaires étaient au nombre de 21, sur 57 présidents et conseillers ; le parlement devenu annuel en comptait 43 en 1735 (Voir Archives du Parlement de Bretagne, listes imprimées)].  A la fin de 1788, sur 80 présidents et conseillers inscrits sur la liste, ils n'étaient plus que 24, parmi lesquels sept seulement ne comptaient pas d'ancêtres dans le parlement ; depuis 1777, on n'en avait reçu que deux, Malfilastre, en 1784, et Polastre, en 1786. Ainsi s'était maintenue la distinction des origines ; c'était par cette tradition du passé si amoindrie que la France gardait sa place dans la Compagnie. 

extraits de F. Saulnier

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