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L'EGLISE DE PENCRAN |
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L'église de Pencran est connue dès 1363 sous le nom de " Capella beatae Mariae de Pentran " et subit trois transformations importantes vers 1550, 1696 et 1718. L'église s'élève au sommet d'une croupe rocheuse et boisée qui domine Landerneau et la pittoresque vallée de l'Elorn.
Notre-Dame de Pencran était avec Loc-Eguiner, La Martyre, La Roche-Maurice et Saint-Julien de Landerneau une des « trèves » ou succursales de Ploudiry. En 1619 seulement Pencran obtint des fonts baptismaux. Nous avons le procès-verbal de bénédiction des fonts le 18 mai 1619 par Christophe de Lesguen, archidiacre, vicaire-général de Léon et recteur de Ploudiry. C'est par la transcription de cet acte que débute le registre des baptêmes de 1619 à 1668 que possèdent les archives communales de Pencran.
L'église est probablement datée par une inscription gothique en relief sur un cube de pierre qui remplace une statue à gauche de l'entrée du porche sud. En voici la transcription tout à fait exacte :
« LE 45 JOUR DE MARS L'AN 1553 FUT FONDÉ (sic) CESTE CHAPELLE AU NO[M] DE DIEU ET DE SA MÈRE ET MADAME SAI[N]CTE APPOLINE DE PAR HERVÉ K[ER]AHÈS ET GUILL[AUM]E BRAS, FABRIQUES DE LAD. CHAPEL... » (Archives du Finistère, G, paroisses, Pencran. Il est probable que par chapelle on veut entendre l'édifice entier et non une portion de l'édifice).
Nous avons relevé dans un acte une mention de ces deux personnages remplissant déjà les mêmes fonctions trois ans plus tôt. Les archives du Finistère (Archives du Finistère, G, paroisses, Pencran), conservent en effet une donation reçue « le vignt (sic) septiesme jour de Juillet l'an mil cinq cent cinquante « par » Hervé Kerahès et Guillaume Bras, fabricques de l'église et chappelle Notre-Dame de Pencran ».
Le même carton renferme deux actes encore plus anciens relatifs à Pencran :
1° Un contrat du 6 février 1516 dans lequel figurent « Olivier Le Cann et Guillaume Diverrès... procureurs et syndicques de la chappelle Notre Dame de Pencran ».
2° Une fondation du 2 avril 1548 où il est question d'un lieu de sépulture situé « en lad. église, en l'arch (sic) d'entre le cueur et la chappelle monsr Sainct-Eutrope ».
Entre ces deux actes il faudrait placer dans l'ordre des dates une inscription de 1521 que nous avons pu déchiffrer au moyen d'un estampage sur la base de l'une des croix du calvaire. Cette inscription est très fruste. Nous en donnons pour la première fois une lecture complète :
AU MOYS DE MAY MIL V. VIGNT (sic)
UNG FURENT CESTES CROIX ET MASSO[N]
FOUNDÉES (sic) PAR JEHAN LE CAM,
YVVES LE JEUNE ET YVON CRAS, PROCUREURS
DE LA
CHAPPELLE DE CÉANS. E. R.
Nous ne ferons pas état de la date 1517 que porte une sculpture sur bois à l'intérieur de l'église. Cet objet pourrait venir d'ailleurs. Les autres documents suffisent pour attester l'existence à Pencran d'une église antérieure à 1553 et remplacée alors par celle que nous voyons actuellement.
Une tête, de sculpture assez barbare, que nous voyons encastrée dans le mur nord en dehors de l'église pourrait être un morceau réemployé. Il y a des têtes un peu du même genre faisant office de chapiteaux sur les colonnettes du porche ouvert sous le clocher de La Martyre, clocher qui paraît être du XIVème siècle.
On a souvent signalé que la cloche de Pencran portait la date de 1365. Mais nous verrons que cette cloche n'a pas été faite pour l'église : c'est une cloche flamande.
Il reste que l'église actuelle de Pencran a dû être commencée en 1553. Nous verrons plus loin qu'une statue de la patronne, sainte Appolline, y fut placée en 1555, ce qui semble indiquer que l'édifice était dès lors livré au culte.
Nous allons maintenant étudier l'église et voir les additions qu'elle a reçues à diverses époques. Les documents nous fourniront encore plusieurs dates précises.
Intérieur. — La disposition de l'édifice est celle de la plupart des églises rurales bretonnes : nef et bas-côté compris sous une toiture unique et éclairés seulement par les fenêtres des collatéraux ; chevet plat ajouré par deux grandes baies et deux ouvertures secondaires.
La nef, suivant une disposition fréquente en Bretagne, est partagée par un arc-diaphragme en deux parties symétriques. De chaque côté, deux arcades en tiers-point pénètrent dans des piliers ronds, le pilier extrême étant engagé dans un pan de mur qui correspond à la moitié de la longueur de la nef. Cette disposition avait pour objet de permettre l'établissement d'un jubé.
A gauche du choeur, une porte gothique en accolade, sans doute réemployée, surmontée d'une statue de saint Pierre, donne entrée dans la sacristie.
Clocher. — Le clocher, placé sur le pignon occidental, possède deux galeries : la première est bordée de quatrefeuilles ; la seconde de pilastres. Une pierre carrée encastrée dans la face méridionale porte l'inscription suivante :
IAN LE ROUX
YVES LE BESCO
NT 1696
Des documents heureusement conservés nous apprennent que cette inscription se réfère à une reconstruction qui ne fut pas la dernière : il fallut de nouveau en 1718 reprendre le clocher frappé par la foudre ; c'est alors que l'on établit la seconde galerie.
Jean Le Roux et, Yves Le Bescond étaient fabriques pour les années 1695 et 1696. Leur compte, que nous a communiqué obligeamment M. l'abbé Guézennec, recteur de Pencran, porte qu'ils ont payé « pour le rétablissement et construction de la tour depuis la première voûte qui est plus bas que le toit de l'église jusque au choc (sic) qui est sur la tour inclusive (sic), la somme de 1185 livres 18 solz ».
Les archives du Finistère (série et fonds déjà indiqués), possèdent toute une série de pièces relatives à cette reconstruction :
1° Le 8 mai 1696, marché conclu avec Pierre Tréguier et Gabriel Berthelé qui s'engagent à démonter et remonter le clocher avant la Saint-Michel, pour la somme de deux cent-trente livres.
2° Le 12 juin 1696, sentence de la Cour de Landerneau condamnant Tréguier et Berthelé à remplir leurs obligations sous peine de nullité du marché.
3° Le 30 juin 1696, nouveau marché conclu avec Michel et Olivier Callac, père et fils, et Jean Le Moign pour la somme de trois cent-dix livres.
4° Le 9 octobre 1697, quittance notariée d'Olivier Callac à Jean Le Roux et Yves Le Bescond de la somme de cinq cent-vingt-cinq livres « comme pour l'advis du général de la dite trève on auroit fait des augmentations sur la dite tour pour la somme de 150 livres... et en outre par le mesme advis dudit général on auroit pareillement accordé avec ledit Callac pour et en faveur de la somme de soixante et cinq livres pour le dédommager pareillement des autres augmentations par lui dû depuis faites et qui estoient requises et nécessaires pour faire lad. tour renable ».
Il semble que cet Olivier Callac ait été un habile homme qui sut amener peu à peu les « tréviens » à dépenser plus qu'ils n'avaient d'abord projeté. Notons d'ailleurs que la même année, il n'eut pas autant de succès auprès des gens de La Martyre et ne put obtenir l'adjudication de la nouvelle sacristie dont la construction fut confiée aux Kerrandel, père et fils.
Le dossier que nous venons de citer n'est pas sans intérêt pour l'histoire de l'administration des paroisses rurales de Basse-Bretagne. On y voit quelle est l'importance du goût et de la volonté du « général des habitants » dans les questions de construction et d'arrangement des églises. Les gens de ce pays peuvent se vanter d'avoir des églises bien faites par eux et pour eux. Ce groupe de vieux actes en apporte une fois de plus la preuve.
Le clocher de Pencran reconstruit en 1696 fut frappé par la foudre vingt-deux ans plus tard.
Les archives du Finistère conservent le marché passé le 24 juillet 1718 avec François Gourvez de Plounéventer :
« On fera quatre lanternes (sic) ou flambeau (sic) sur les quatre écoinnures (sic) des garde-corps ainsi qu'il est marqué sur le dessein (sic), on fera une seconde platte-forme pour recevoir la seconde chambre de cloches... on fera un garde-corps avec quattre lanternes sur les encoignures de la dite seconde chambre des cloches... ».
Le « dessein » ne paraît pas avoir été réalisé point par point, mais il semble bien que la seconde galerie, telle que nous la voyons aujourd'hui avec ses balustres, date de la seconde reconstruction.
Nous ne citerons que pour mémoire un marché du 2 juin 1737, conclu en vue de menus travaux comme de « chicter », c'est-à-dire rejointoyer le clocher.
Dans la nuit du 16 au 17 septembre 1833 la foudre tomba encore sur le clocher de Pencran. M. le chanoine Peyron a bien voulu nous communiquer la lettre que le desservant, l'abbé Calvez, écrivait le lendemain à son évêque. Les dégâts faits au clocher et à l'église étaient sérieux :
« La pointe a été emportée... et une large brèche faite à un des côtés jusqu'aux secondes galeries. Toute l'église a souffert du coup. Tous les vitrages des croisées ont été emportés ».
La lettre se termine par cette réflexion :
« On ne meurt pas de peur, puisque je ne suis pas mort la nuit dernière ».
Nous voyons par le même dossier qu'il y eut quelques difficultés administratives. Le curé, pressé par les habitants, voulait rétablir l'intérieur d'abord ; le préfet s'y opposait par crainte d'écroulement du clocher. Les bretons du XIXème siècle se montrent ici non moins jaloux d'arranger leurs églises à leur dée que ne l'étaient leurs prédécesseurs.
Sacristie. — La sacristie est un grand édifice formant équerre avec l'église, dont il prolonge au nord le pignon oriental. Il y a aux angles des lanternons.
Il se peut que les gens de Pencran, lorsqu'ils construisirent cette sacristie, aient voulu rivaliser avec leurs voisins de La Martyre qui venaient, quelques années auparavant, de se faire bâtir une sacristie monumentale.
Ce qui devait servir primitivement de sacristie, c'est la partie occidentale du bas-côté nord qui forme un réduit complètement séparé du reste de l'église par des murs.
La porte de la sacristie se trouve du côté ouest. On a mis au-dessus la moitié supérieure d'une grande statue en pierre de saint Jean l'évangéliste que l'on a sciée en deux : l'autre moitié gît dans le cimetière du côté sud de l'église.
A droite de la porte, à l'extérieur, il faut remarquer, encastré dans le mur, un bénitier gothique en granit noir.
Porche. — La dépendance la plus intéressante de l'église est le porche méridional orné de nombreuses sculptures et qui tient une place importante dans la série des porches scupltés de la Basse-Bretagne.
L'ouverture d'entrée, en anse de panier, est bordé d'un feston de feuilles de vignes et de grappes finement sculptées.
Trois larges gorges parallèles, renfermant des motifs sculptés, suivent les pieds-droits et, formant plein-cintre, délimitent au-dessus de l'entrée un vaste tympan. Celui-ci a dû être autrefois complètement garni de statues que supportait une corniche munie de cinq ressauts reposant sur des culs-de-lampe. Tout le dessous de la corniche est sculpté de feuillages qui varient pour chaque cul-de-lampe.
De chaque côté des pieds-droits, trois colonnettes torses, surmontées de pinacles, servent de point de départ à des moulures appliquées contre le pignon : la première en plein cintre, la seconde en accolade, la troisième et dernière en mitre. L'écoinçon compris entre le plein-cintre et le sommet de l'accolade est occupé par une statuette de la Vierge couronnée tenant l'Enfant.
Enfin le pignon est accoté de part et d'autre par un contrefort creusé de trois niches destinées à recevoir des statues.
A l'intérieur du porche, nous voyons, comme c'est la règle pour les porches bretons, les statues des douze apôtres. Les dais qui les abritent sont très riches. Tout cet ensemble intérieur a été peint au XVIIème siècle. On distingue encore sous les voûtains des restes de grandes figures.
A l'extérieur, la décoration sculptée du tympan et des niches creusées dans les contreforts latéraux n'est plus complète.
Peut-être y avait-il sur le tympan une Annonciation et une Nativité. Actuellement les deux ressauts de gauche ne portent plus de statues. Sur l'avant-dernier ressaut à droite subsiste le berceau de l'Enfant. C'est bien sa place primitive, car au-dessus sortent d'une pierre encastrée dans le mur, comme à La Martyre, les têtes de l'âne et du boeuf unies par un joug. La statuette de l'Enfant a disparu. Sur les ressauts, de part et d'autre, se voyaient les statues agenouillées de la Vierge et de saint Joseph. Elles sont maintenant décapitées et mal remises en place, présentant le côté grossièrement équarri qui devrait toucher le mur.
Dans les niches des contreforts nous trouvons actuellement, de chaque côté, deux statues. Dans une niche de droite, une jolie statuette de femme à longs voiles. Il y reste des traces de peinture et de dorure. L'inscription en lettres gothiques porte : SUSSANNA : ORA.
La niche de la face extérieure abrite une statue de sainte-Anne faisant lire la sainte Vierge.
La niche extérieure de gauche est occupée par une statue décapitée de Vierge hanchée tenant l'Enfant. Ce n'est évidemment pas la place qui revient à une image de la sainte Vierge. Cette statue a peut-être surmonté autrefois la porte ouest au-dessus de laquelle on voit aujourd'hui un saint Pierre.
Dans la niche du milieu, on voit une sainte en longue robe et voile dans le genre de la sainte Suzanne de l'autre côté, puis dans la niche du côté intérieur, au lieu d'une statue, le cube de pierre qui porte l'inscription de 1553 dont nous. avons déjà donné la transcription.
Les gorges qui encadrent l'entrée ont heureusement conservé toutes leurs sculptures. Celle du milieu n'en a jamais eu que dans le bas, mais les deux autres en sont complètement garnies.
Dans la partie droite c'est une série de scènes bibliques et au-dessus les statues des quatre évangélistes. Dans la partie en plein cintre il y a des anges. Le premier ange dans chaque gorge est un ange encensant, dans la gorge intérieure tous les autres sont des anges musiciens, dans la gorge extérieure des anges priant. Les scènes bibliques sont au nombre de neuf distribuées de façon assez capricieuse :
1° Dans les trois compartiments du bas à gauche : la Tentation d'Adam et d'Eve ; Eve à gauche, Adam à droite, au milieu l'arbre, autour duquel s'enroule le corps du serpent dont la tête et le buste féminins se voient dans le compartiment de gauche. Par une inadvertance du sculpteur Adam et Eve ont déjà des feuilles de vigne.
2° Symétriquement, de l'autre côté de la porte : Adam et Eve chassés du Paradis Terrestre : à gauche Adam, au milieu Eve près de l'arbre, à droite l'ange l'épée à la main. Les statuettes d'Adam et de l'ange sont décapitées.
3° A gauche de la porte, au-dessus d'Eve écoutant le serpent, Eve mère de famille, tenant dans ses bras un enfant emmailloté et remuant avec son pied un autre enfant posé par terre dans un berceau. Elle a comme pendant Adam laboureur, vêtu d'une souquenille serrée à la taille par une ceinture ; il porte une longue barbe et s'appuie sur une bêche.
4° Du même côté, au-dessus d'Eve mère de famille, le sacrifice de Caïn : Caïn à genoux, coiffé d'une toque, fait brûler des gerbes de blé. La fumée revient l'aveugler. De sa main gauche il se frotte les yeux.
5° Du même côté, au même niveau, dans la gorge de droite, la scène correspondante du sacrifice d'Abel : Abel pieusement agenouillé, mains jointes et tête nue, fait brûler des agneaux ; on distingue une petite tête sortant du feu ; la flamme monte droite et aiguë.
6° De l'autre côté de la porte, gorge de gauche et gorge du milieu : Caïn meurtrier de son frère : à gauche Caïn, la bêche à la main, chaussé de houseaux de paysan et de sabots, écoute le Père Eternel dont le buste apparaît dans une nuée. Ce dernier motif est mutilé. Dans la gorge du milieu, Abel vêtu de même que Caïn est étendu à terre, le front largement ouvert.
7° Au même niveau, dans la gorge de droite : l'arche de Noé, d'où sortent, au milieu, des têtes d'hommes, et, de part et d'autre, des têtes d'animaux.
8° Au-dessus, gorge de gauche : Noé cueillant le raisin.
9° Faisant pendant à cette scène, dans la gorge de droite, la scène de l'impiété de Cham.
Au-dessus de chaque scène il y a un dais. Le dais qui se trouve entre Adam chassé du paradis et Caïn répondant au Seigneur a une sorte de chapeau servant de base à la scène supérieure et que semblent soutenir deux minuscules personnages. Le dais qui est sous l'arche de Noé a une disposition analogue, mais les deux parties enserrent un petit personnage qui, allongé sur le sommet plat du dais proprement dit, s'arcboute pour ne pas être écrasé par la base soutenant l'arche de Noé. Au-dessus de la figurine qui représente Abel mort couché par terre, il y a, au lieu d'un véritable dais, une simple bandelette tenue à plat par deux bêtes dont les queues s'enlacent et dont les museaux, au-dessus de la bandelette, entrent dans un objet aujourd'hui mutilé, peut-être un nid. Avec un réel sens de l'équilibre, le sculpteur s'étant décidé à mettre deux sujets dans la gorge centrale de droite alors qu'il n'y en avait qu'un seul dans la gorge correspondante de gauche, a du moins voulu faire en sorte que le sujet ajouté à droite n'occupât, avec ses accessoires, qu'une place restreinte. Nous trouvons ici les traditions de l'art du Moyen âge qui réprouve également le manque d'équilibre et la symétrie trop rigide. D'ailleurs tous les détails de ce porche témoignent de beaucoup de soin et de goût. Ainsi, dans le feston de feuillage qui borde l'ouverture d'entrée, quelques petits motifs accusent les principales divisions des lignes : au milieu de la ligne horizontale un masque ; en haut de chaque pied-droit, à côté d'une grappe de raisin, une minuscule figurine de même hauteur que la grappe : à droite, c'est un petit personnage en longue robe qui serre la grappe dans ses bras ; le personnage de gauche, court-vêtu, souffle dans une trompe. Au bas de chaque pied-droit, le point de départ du feston sculpté est marqué par une sorte de crapaud qui s'efforce de grimper. Quant au style des figurines, tout en étant plus correct qu'au porche de La Martyre, il a presque autant de saveur naïve. La série des scènes bibliques paraît d'ailleurs avoir été fort admirée dans la région. Au siècle suivant, les sculpteurs qui ornèrent le porche de Guimiliau copiaient des scènes entières du porche de Pencran.
Nous voudrions pouvoir dater de façon précise cette oeuvre vraiment capitale, mais les éléments nous manquent. Tout ce que nous pouvons dire, c'est que ce porche est de la seconde moitié du XVIème siècle, par conséquent postérieur de plus d'un siècle au porche de La Martyre.
Un détail important à noter au sujet de la technique, c'est que l'on relève sur les claveaux des marques d'appareilleurs. Il est donc bien probable que les motifs ont été taillés en carrière, pratique constante chez les sculpteurs bretons et qui explique bien des caprices et des anomalies dans l'ordre de leurs séries iconographiques.
Mobilier. — On remarque en entrant dans l'église le remplage élégant de la grande fenêtre, mais il n'y a pas de vitraux anciens. Nous ne savons s'il y en avait avant l'ouragan de décembre 1833.
Il y a eu de bonne heure des orgues. Nous trouvons aux Archives du Finistère (Série et fonds déjà indiqués), un marché passé le 18 mars 1619 avec deux facteurs d'orgues de Dinan qui s'engagent à « réparer les hogres (sic) estantz dans la dicte chappelle et iceulx faire soner tout aynsy comme sy les dictz hogres soint neuff (sic) ».
Inutile de dire que nous ne trouvons plus trace de ces orgues.
L'objet mobilier le plus intéressant est une belle sculpture sur bois qui se trouve placée aujourd'hui dans le choeur à gauche de l'autel. C'est une sorte de retable représentant en plein relief la descente de croix. Les personnages sont assez habilement groupés. Au bas se déroule sur une seule ligne l'inscription suivante dont la fin est difficile à interpréter : La première partie n'a rien qui puisse embarrasser :
EN LA[N] MIL Vc XVII CEST HISTOIRE FUT COMPLET (sic) : DIOUGUEL.
Diouguel est un nom de famille breton dont il y a bien des exemples.
Ensuite viennent sur deux lignes occupant au total la même hauteur que le reste de l'inscription la syllabe moy et la syllabe ist. Après cette dernière un petit ruban suivant à peu près la sinuosité d'un oméga.
Nous serions portés à voir dans ces deux syllables et dans ce signe une marque d'ouvrier. Les exemples que nous avons recueillis nous donnent à penser qu'en Bretagne, aux XVème et XVIème siècles, les noms que l'on trouve en toutes lettres sur les oeuvres d'art sont des noms de donateurs ou de fabriques tandis que les ouvriers ne mettaient que des initiales ou des marques.
Dans le bas-côté sud se trouve la statue de sainte Appolline dont nous avons déjà eu l'occasion de parler à cause de la date qu'elle porte. Cette statue est en pierre, de facture maladroite. Elle a été grossièrement repeinte. Sur le socle se lit l'inscription suivante en relief d'une écriture cursive assez gauche :
CEST YMAIGE FUT FAICTE
ET CESTE CHAPELE NICHE AN
P[AR] O. LE MERCIER ET R.
SCAN
LAN 1555.
L'inscription est évidemment fautive. La première ligne contient déjà une de ces libertés syntaxiques fréquentes à cette époque dans les inscriptions françaises de Bretagne, où nous trouvons constamment le masculin pour le féminin. Déjà deux inscriptions de Pencran, celle de 1553 sur un cube de pierre et celle de 1517 au bas du groupe de la descente de croix, nous ont fourni des exemples de ce genre de faute : fut fondé ceste chapele — cest histoire fut complet.
La fin de la seconde ligne est incompréhensible. On lit très nettement : niche an. Peut-être le premier mot doit-il être interprété : niché. A cette époque on ne peut s'attendre à trouver un accent sur la finale. Quant à la syllabe an c'est une graphie très répandue en Bretagne à cette époque et encore au XVIIème siècle pour la préposition française : en. On lit sur le calvaire de Plougastel : A[N] LA[N] 1602, sur une sablière de La Roche : A[N] LA[N] M V LXVII.
Maintenant faut-il joindre an au mot l'an qui commence la quatrième ligne. Faut-il supposer une autre transposition et comprendre ainsi les deux premières lignes :
CESTE YMAIGE FUT FAICTE
ET EN CESTE CHAPELE NICHÉE
(niché au lieu de nichée étant un exemple de plus de manque d'accord) ?
En tout cas l'inscription est fautive, et d'ailleurs il ne faut pas trop s'étonner de trouver des fautes dans les inscriptions françaises de Basse-Bretagne, exécutées par des ouvriers bretonnants qui devaient souvent reproduire sans les comprendre des modèles déjà incorrects.
Quant aux deux noms qui occupent la troisième ligne, ce sont des noms de fabriques. Nous avons trouvé un autre O. le Mercier dans l'acte de 1619 relatif à la réparation des orgues. C'est un des deux notaires de Landerneau devant lesquels est passé l'acte. Il se peut que le fabrique 0. le Mercier habitât déjà Landerneau puisqu'en 1550 Hervé Kerahès avait sa demeure dans cette ville.
L'inscription de la statue de sainte Appoline, malgré les difficultés qu'elle offre, nous fournit donc des renseignements intéressants.
Outre cette importante statue, l'église de Pencran renferme un certain nombre de sculptures sur bois dont il est difficile de préciser l'époque. Dans la nef : une Piéta assez expressive et une Annonciation composée de deux statues séparées qui ont été mises en pendant, l'ange à gauche, près de la chaire, la Vierge à droite ; dans le bas-côté sud, une statue de saint Yves, dans le bas-côté nord, celles de saint Tugdual, évêque, et de saint Mandez, diacre.
Pour compléter notre étude du mobilier nous devons parler de la cloche qui passe pour la plus ancienne cloche du Finistère.
L'inscription n'a encore jamais été reproduite de façon tout à fait correcte. En
voici la teneur ;
MARIA + DANIEL + ET + ROGERUS + FRATER + EJUS + DE
CURTRACO + FECERUNT + NOS + ANNO + DNI + M + CCC + LXV +.
Cette inscription, en champlevé, fait tout le tour de la cloche.
D'après des renseignements qu'a bien voulu nous communiquer M. le Président du Cercle archéologique de Courtrai, le nom de Daniel a été répandu au XIVème siècle dans la famille des chatelains de Courtrai. Daniel et Roger semblent bien en tout cas être des donateurs, fecerunt signifiant comme très souvent : ont fait faire. Maria pourrait être le nom de la cloche. Toutefois sur ce point notre savant, confrère M. Joseph Berthelé si compétent dans les questions de campanographie n'a pas voulu se prononcer.
Ce qui ressort du moins bien nettement de l'inscription, c'est que la cloche est d'origine flamande. Serait-ce un trophée rapporté par quelque breton pendant les guerres de Louis XIV ou de Louis XV au cours desquelles nos troupes ont pris quatre fois Courtrai ? Ne serait-ce pas plutôt, comme nous le suggéra M. Berthelé, une cloche ayant fait partie d'un butin de guerre pendant la Révolution et vendue ensuite d'occasion à la paroisse au moment du rétablissement du culte ? Il paraît que plusieurs cloches belges actuellement dans des clochers de France y sont arrivées de cette manière.
Le 2 août 1914 la cloche flamande de Pencran appelait aux armes des bretons dont plusieurs devaient verser leur sang sur les champs de bataille de Belgique.
Cimetière et calvaire. — Le cimetière de Pencran n'a pas, à proprement parler, de porte monumentale. Il y a seulement de part et d'autre de l'entrée des piliers à pinacles qui, d'après leur style, pourraient être contemporains de la sacristie bâtie en 1706.
Le calvaire est très simple ; placé sur la clôture du cimetière il est constitué par trois cubes de pierre dont chacun supporte une croix.
A côté des deux larrons nous voyons comme d'ordinaire l'ange et le diable emportant leurs âmes. Ils sont ici perchés sur un bras de croix. Au sommet du montant de la croix du Christ est un petit personnage en longue robe les mains levées. Ce détail un peu étonnant est le résultat d'une restauration. Sur la lithographie du recueil de Taylor et Nodier la croix du Christ et celle du bon larron apparaissent mutilées. On a rétabli l'ange et ajouté ce personnage. A chaque bout de la traverse de la croix du Christ se tient un ange, celui de droite restitué. Au revers du Christ crucifié un Ecce homo. Plus bas une traverse supporte deux cavaliers, puis au-dessous se trouve encore une autre traverse sur laquelle sont placées au centre la Pietà, au revers une Vierge tenant l'Enfant, aux extrémités quatre statuettes : saint Jean, sainte Madeleine, saint Pierre et saint Yves.
Sur le piédestal de la croix centrale une Madeleine à genoux ne semble pas être de même époque.
L'inscription qui date le calvaire et que nous avons transcrite plus haut est sculptée sur la face intérieure du massif qui porte la croix du mauvais larron.
Grâce à la date que nous donne cette inscription le calvaire de Pencran nous apparaît comme un des plus anciens du Finistère.
Plusieurs détails de rédaction sont à noter. Signalons deux particularités d'orthographe :
1° La graphie : Vignt, que nous avons aussi relevée dans l'acte de 1550 où figurent Hervé Kerahès et Guillaume Bras.
2° La graphie : foundées, vieille orthographe normande qu'il est intéressant de trouver encore usitée en Bretagne au XVIème siècle.
Il y a aussi une particularité de vocabulaire, le mot : masson, pour désigner l'oeuvre de maçonnerie qui soutient les croix d'un calvaire. Nous avons vu dans l'inscription du calvaire de Plougastel le mot mace employé avec le même sens.
Au point de vue des institutions nous remarquerons la mention de trois gouverneurs.
Quant aux initiales E. R. qui terminent l'inscription, nous serions portés à y voir une signature d'artiste et nous exprimerions encore à ce propos l'idée que nous avons émise déjà : à savoir que l'on trouve sur les oeuvres d'art bretonnes des XVème et XVIème siècles les noms en toutes lettres des donateurs ou administrateurs et seulement les initiales des artistes (quelquefois accompagnées d'une marque, ce qui n'est pas le cas ici).
L'inscription de Pencran est donc une des plus importantes inscriptions de calvaire existant en Basse-Bretagne. Son état d'usure avait jusqu'à présent empêché de la lire.
Le cimetière de Pencran possède, outre ce calvaire, une autre croix probablement de date assez récente. Elle porte, au revers du Christ, la Vierge couronnée ; sous le Christ, un écu maintenant rasé, puis deux anges debout tenant un calice. Au-dessous de la Vierge couronnée se trouve représentée la Sainte-Face.
Aux extrémités de la traverse on voit d'un côté les statues de saint Jean et de la Vierge, de l'autre celles de saint Pierre et de saint Paul.
Sur la base de cette croix, comme sur celle de la principale croix du calvaire, est placée une statue de Madeleine à genoux.
Ossuaire. — Pencran possède un bel exemple d'une des annexes caractéristiques de l'église bretonne : un ossuaire.
Cet ossuaire se trouve placé contre la clôture du cimetière au nord-ouest de l'église. La façade présente une série de fenêtres en plein-cintre, aujourd'hui bouchées, séparées par des colonnes qui supportent un entablement. Au-dessus de l'entablement, une série de niches, séparées elles aussi par des colonnes, qui portent la corniche supérieure. Le toit est à double rampant. Sous le pignon Est on voit la trace d'une grande fenêtre en tiers-point bouchée. La porte se trouve au milieu de la façade. Elle est abritée par un petit fronton. Le linteau placé sous le fronton porte l'inscription suivante :
1594. CHAPEL DA SA. ITROP HA KARNEL DA LAKAT ESKERN AN POBL
c'est-à-dire : chapelle de saint Eutrope et charnier pour mettre les os du peuple.
On voit par cette inscription que l'édifice avait une destination double ; il servait non seulement d'ossuaire ou, comme disent les actes, de reliquaire, mais aussi de chapelle. Nous avons vu par un document cité plus haut qu'une chapelle de saint Eutrope existait à l'intérieur de l'église de Pencran en 1548. Ce culte se trouve en 1594 transporté dans un édifice annexe. Il est intéressant de posséder, grâce à l'inscription, la date exacte de cette élégante petite chapelle.
L'intérieur a été aménagé pour servir d'habitation ; on a établi à mi-hauteur un plancher. Cette addition regrettable permet toutefois d'examiner de près les sablières sculptées qui sont le plus curieux ornement de cet ossuaire.
On remarque également à La Martyre et à La Roche des sablières historiées, celles de La Roche datées de 1559 et de 1567. Nous trouvons ici, sur la partie occidentale de la sablière nord, une scène qui ligure aussi à La Martyre : c'est la représentation d'un enterrement. Le reste de la décoration des sablières consiste en animaux mythologiques disposés symétriquement deux par deux. Il y aurait intérêt à étudier l'ensemble des sablières sculptées de la région. Pencran possède dans son ossuaire un bel exemple de cet élément décoratif.
Voilà encore un des aspects de l'art breton représenté dans cette petite enceinte où se trouvent réunis tant d'oeuvres si caractéristiques de l'art religieux breton au XVIème siècle.
L. LÉCUREUX (1915).
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