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Jean-Paul GEORGELIN, prêtre mis à mort en 1798 par les colonnes mobiles
dans le territoire du diocèse actuel de Saint-Brieuc.

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358. — Le futur abbé Georgelin naquit au village de la Deute, en Plœuc, le 3 mars 1765, du mariage de Pierre et de Elodie Agar, et fut baptisé ce même jour. Il fît ses études au collège de Saint-Brieuc, et ses supérieurs, à cause de la tournure que prenaient les événements, le firent recevoir des mains de l’évêque de Tréguier (celui de Saint-Brieuc étant absent depuis plusieurs années) la tonsure, les mineurs et le sous-diaconat, le 9 septembre 1789. C’est encore à Tréguier qu’il fut ordonné diacre, le 29 mai 1790. Enfin son ordination sacerdotale est insinuée sur les registres de ce même évêché à la date du 18 décembre suivant. Quelques jours après, l’Assemblée Constituante, après avoir voté la néfaste Constitution civile du Clergé, affirmait son intention de la maintenir envers et contre tous, en imposant l'obligation de jurer fidélité à la dite Constitution à tout prêtre à charge d'âmes.

L’abbé Georgelin, qui s’était fixé au village de la Hazaie, dans sa paroisse natale, où l’on montre encore sa maison d’habitation, n’était pas dans ce cas. Il eût donc pu, se cantonnant dans une attitude passive, attendre le cours des événements et se concilier de la sorte la bienveillance des pouvoirs publics. S’il avait eu de l’ambition, prêtant l’oreille aux suggestions qui lui venaient d’un peu partout, il eût adhéré sans hésiter à la réforme nouvelle, et cet acte n’eût pas manqué de lui valoir immédiatement un poste avantageux. Tout au contraire, M. Georgelin, fortement attaché à la saine doctrine, adopta une ligne de conduite toute différente. Dès que la question du serment envers la Constitution civile fut posée, il prit nettement parti, parmi ses adversaires et se vit enveloppé dans la réprobation que leur portaient les Révolutionnaires ; tel le prouve la teneur de l’arrêté ci-dessous, où le nom de M. Georgelin figure parmi ceux des prêtres de Plœuc qui luttaient davantage contre la Constitution Civile. Cette pièce est extraite des Archives des Côtes-du-Nord, série L m 5, liasse 18 :

« Me le requérant le sieur Jean-François Moy, procureur de la commune de la paroisse de Plœuc, nous, Yves-Louis Alleno, secrétaire-greffier de cette municipalité, j’ai, à la requête du dit sieur Moy, notifié l’arrêté pris par la même municipalité le 17 juillet 1791, défendant tout attroupement pour cause de pèlerinage et procession nocturne, à Pierre Eudo, Jean-Paul Georgelin, J.-B. David et J.-B. Helo, prêtres de la paroisse de Plœuc, avec sommation d’y obéir... A Plœuc, le 19 juillet 1791 ».

A cette époque, en effet, Plœuc était nanti d’un constitutionnel et MM. Chevalier et Bertrand, recteur et vicaire légitimes de cette localité, avaient dû s’en éloigner à une distance d’au moins six lieues, aux termes de l’arrêté du département des Côtes-du-Nord du 18 juin précédent.

359. — La persécution commençait : M. Georgelin ne s’en émut pas outre mesure. La violence excita son zèle. Nul péril ne l’arrêta. Nul arrêté, nul décret, nulle loi ne purent l’empêcher d’accomplir ce qu’il croyait son devoir. Les révolutionnaires faisaient rage, mais il demeurait insaisissable. La loi du 26 août 1792, condamnant à l’exil tous les prêtres qui, astreints au serment, l’avaient refusé, ne l’atteignait point ipso facto, mais un de ses articles permettait cependant de la lui faire subir. Aussitôt, six révolutionnaires, tant de Plœuc que de Saint-Carreuc, s’empressèrent de signer la dénonciation qu’exigeait la loi pour faire condamner M. Georgelin à l’exil. Cet exposé des griefs que l’on alléguait contre cet ecclésiastique constitue le plus bel éloge que l'on puisse faire de sa personne. On l’a reproduit ailleurs intégralement, aussi n’en retiendrons-nous ici que la conclusion : « Si vous n'exilez le sieur Georgelin, nos églises seront bientôt tout à fait abandonnées ! ». Et cependant, malgré l’arrêté de déportation rendu à la suite de cette démarche par le Directoire des Côtes-du-Nord, arrêté qui lui fut notifié à son domicile à Plœuc, au village de la Hazaie, le 17 octobre 1792. M. Georgelin persista à se cacher dans le pays, risquant tous les périls pour ne pas abandonner les âmes sans secours religieux. Ses confrères, MM. Eudo et Helo, comme lui prêtres habitués à Plœuc, compris dans l’arrêté de déportation du 2 novembre 1792, avaient pris l’un après l’autre la route de l’exil. Le recteur les avait précédés dans cette voie ; le vicaire était interné à Saint-Brieuc. L’immense paroisse de Plœuc demeurait sans prêtre catholique. Mais M. Georgelin était là, et, trois ans durant, il se dévoua sans compter, risquant sa vie tous les jours, surtout après la promulgation de la loi de sang des 29 et 30 vendémiaire de l’an II (20 et 21 octobre 1793).

Cependant, pour se venger de ne pouvoir s’emparer de sa personne, les révolutionnaires, dès le 31 décembre 1792, mirent les biens de ce prêtre sous séquestre comme propriétés d’émigré, et l’abbé Georgelin, pour subsister, en fut réduit aux aliments que ses sœurs Marie et Euphrosine (celle-ci épouse de Jean Le Couturier) lui faisaient passer dans les cachettes où, durant le jour, il échappait aux poursuites de ses ennemis.

360. — Lors de la pacification du printemps 1795, le frère cadet de Jean-Paul Georgelin, nommé Pierre, ayant reçu la prêtrise, put s’occuper des catholiques de Plœuc, et son aîné fut envoyé travailler à Plessala. Il n’y voulut point faire les promesses exigées par la loi du 11 prairial an III (30 mai 1795), ainsi que par celle du 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795) dont les termes, volontairement ambigus, choquaient sa conscience. Aussi continua-t-il d’exercer le culte catholique dans les granges et les maisons particulières, entraînant du reste à sa suite l’immense majorité des fidèles. Bientôt la loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) vint rouvrir par son article 10 la persécution religieuse dans toute son acuité, et M. Georgelin, pour accomplir son ministère, dut user de toutes sortes de précautions. Cette situation terrible dura jusqu’à la fin de 1796. A compter de la loi du 14 frimaire an V (4 décembre 1796), le vent souffla à l’apaisement ; aussi, à moins d’avoir affaire à des jacobins forcenés, les autorités dans les Côtes-du-Nord fermaient volontiers les yeux sur la présence dans les paroisses du clergé réfractaire, quand celui-ci s’efforçait de s’y faire oublier. C’était du reste le cas de l’abbé Georgelin, lequel, déclarent eux-mêmes les administrateurs des Côtes-du-Nord, le 9 mars 1797, « n’avait pas fait sa soumission aux lois du 7 vendémiaire an IV (27 septembre 1795), tout en exerçant dans les maisons les fonctions de son culte, et n’avait provoqué aucune plainte sur son compte ».

361. — Mais le bien s’opère souvent sans bruit et l'influence de M. Georgelin à Plessala était considérable, tant et si bien que ceux que sa présence y gênait énormément, le clergé constitutionnel et les jacobins, lui vouèrent une haine forcenée. Les uns et les autres jurèrent sa perte.

Le meurtre de l’abbé Georgelin fut machiné entre le prêtre constitutionnel Honoré-Léonor Laubé, ancien curé assermenté de la Prenessaye, et le sous-lieutenant Robert Boulogne, vieux soudard, devenu officier par la grâce des élections militaires.

Ainsi qu’on l’a publié aux pièces officielles des Actes de M. Georgelin, Laubé et Boulogne, deux complices, unis à des titres différents, par la même haine du catholicisme romain, circonvinrent Robin, l’agent municipal de Plessala, pour qu’il délivrât l’ordre de perquisitionner au domicile des personnes qui donnaient asile à l’abbé Georgelin. Pour obtenir cette autorisation qu’il ne se décidait pas à signer, Boulogne n’hésita pas à lui faire violence. Terrorisé, Robin délivra enfin la pièce désirée. On n’avait plus besoin de lui, on le laissa aller : c’était le 24 février 1797, vers les 7 heures du soir.

Boulogne organisa aussitôt son expédition et désigna quatre hommes et un caporal. Nous savons le nom de trois d’entre eux : c’étaient Louis-Nicolas Toutelier, de Paris, 22 ans, caporal : Silvain Ricard, 22 ans, et Jean Drouillard, 25 ans. Aucun commissaire civil ne les accompagnait.

362. — On n’a pas le texte du rapport qu’ils durent rédiger de leur méfait. Le commissaire du Directoire Exécutif à Loudéac, le jacobin Bigrel, bien que l’affaire ne le concernât pas, était tellement heureux de l'assassinat d’un prêtre catholique, qu’il éprouva le besoin de communiquer aux administrateurs des Côtes-du-Nord la version officielle des meurtriers, en l’assaisonnant d’un commentaire fielleux digne de sa mentalité. On l’a publié ailleurs. Est-on obligé d’ajouter pleine confiance à sa relation ? — On ne peut demander d’être plus crédules que l’administration centrale des Côtes-du-Nord, dont voici l'opinion : « On a surpris M. Georgelin dans la maison où il était couché, sans armes et sans défense, et on l'accuse, à l'ordinaire, d'avoir voulu s'enfuir ! ».

Voici du reste cette relation, qui paraît suspecte à plus d’un titre : « Dans la nuit du 5 au 7 ventôse an V, le commandant du cantonnement de Plessala ayant appris (on a vu par quels moyens) que trois prêtres chouans, nommés Paul (Georgelin), Mathurin De Quilleuc et Nicolas Loncle, devaient être couchés au Closneuf, maison de Donet, habitée actuellement par la sœur et la servante de Donet, et qui font beaucoup de mal dans le canton, fit partir une patrouille de 6 hommes commandés par un caporal.

Rendus au Closneuf, après un peu de résistance, ils se firent ouvrir les portes, fouillent les en-bas, les chambres, trouvent un lit défait et encore chaud et un habit sur une chaise, y trouvent M. Paul qui n’avait que ses culottes et avait déjà commencé à percer la couverture pour s’évader. Il refuse de dire son nom et son état. Il s’habille, on le fouille. On trouve dans ses poches deux bréviaires ou livres d’église, une boite aux saintes huiles, deux paquets de poudre et de plomb ; il est sans doute de l’Eglise militante.

Dans la maison, on trouva également plusieurs ornements d'église. Sitôt son arrestation, il a demandé à gâter de l’eau. Le caporal avec deux fusiliers l’y conduisirent. Il s'échappe. On lui crie d’arrêter. En courant toujours, il reçut une balle dans les reins. Les soldats, attendu l’obscurité de la nuit, le perdent. Ils se partagent pour pouvoir le rencontrer et reviennent au Closneuf où le prêtre s’était rendu. Il s’évada à nouveau et reçut un nouveau coup de fusil. Les soldats le rejoignent une heure après au village de Sous-le-Feu, presque mort, et le mettent dans une charrette pour le transporter à Plessala où il est mort ».

363. — Alors même que l’on adopterait tous les termes de la version fournie par les assassins de M. Georgelin, il demeurerait établi que ce prêtre, en tant que membre du clergé catholique romain, fut mis à mort par des militaires dépêchés pour cette mission. Car, ainsi qu’on le fit remarquer à cette époque, si Boulogne, l’un des machinateurs du meurtre de ce prêtre, avait vraiment voulu éviter tout excès contre la personne de M. Georgelin, il eût fait, comme la loi le prescrivait, accompagner sa troupe d’un commissaire civil, qui aurait pu au besoin modérer les soldats déjà trop excités contre les prêtres réfractaires. La lettre que l’administration centrale des Côtes-du-Nord adressa le 9 mars au Ministre de la Police pour lui faire connaître le meurtre de M. Georgelin est, à ce point de vue, remplie de réflexions fort justes. On avait, dit-on, prémédité bel et bien la perte de M. Georgelin, à cause de sa qualité de prêtre réfractaire, le rapport de l’agent Robin le démontre clairement. On prit ensuite les moyens appropriés pour réussir. L’excuse classique : « Il a cherché à s’enfuir, on l’a tiré, il est mort », revient encore ici. Elle ne convainc personne, on l'a déjà vue trop de fois utilisée quand des soldats de la Révolution ont assouvi leur haine contre un prêtre catholique en l’assassinant.

Il reste donc établi que M. Georgelin, demeuré fidèle à l’orthodoxie catholique la plus intégrale, resté en France pour exercer son ministère auprès des âmes au prix de mille dangers sans cesse renaissants, périt victime de l'animadversion que lui avait vouée en tant que prêtre réfractaire un membre du clergé schismatique des Côtes-du-Nord, ainsi que des sentiments semblables qu’éprouvait pour lui un soldat jacobin, tout impreigné des déclamations virulentes que l’on répandait de tous côtés contre le clergé fidèle. Enfin les révolutionnaires jacobins, tel Bigrel, le commissaire de Loudéac, applaudirent à sa mort.

364. — Du reste, les descendants en ligne collatérale de sa famille du côté maternel, ont pieusement jusqu’ici conservé son souvenir. D’après une enquête faite par M. le doyen de Plœuc dans sa paroisse d’origine, on regarde cet ecclésiastique comme ayant été mis à mort en haine de la religion catholique, parce que prêtre et prêtre insermenté.

(Archives des Côtes-du-Nord, séries G et L. — Archives état civil de Plessala).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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