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Plougonven : la reconstruction de l'église et ses fondations au XVIème siècle. |
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Le premier recteur connu de Plougonven est Maître Pierre de Kerloaguen, de la noble maison de Rosampoul, auquel le, pape Sixte IV accorde, le 18 mai 1473, l'autorisation de posséder à la fois les paroisses de Plougonven et de Ploégat-Gallon (auj. Plouégat-Guerrand) en Tréguier (Archives du Vatican — Sixte IV, vol. 727, folio 195). I! était chanoine de Ouimper, archidiacre de Poher et licencié en décrets, et il fut aussi recteur de Plouguernével, Plonévez-du-Faou et Berrien. Un tel cumul, quoique abusif, se voyait fréquemment aux XVème et XVIème siècles, et le célèbre Hamon Barbier en détint probablement le record, avec les vingt-deux paroisses dont il encaissait les bénéfices, sans parler de ses prieurés, chapellenies et prébendes.
Pierre de Kerloaguen résidait habituellement à Quimper et y mourut vers 1497. Chose peu commune, son portrait existe encore dans l'une des anciennes verrières de la cathédrale de cette ville (la troisième de la nef à gauche en montant vers le choeur), qu'il avait offerte conjointement avec son père Maurice de Kerloaguen, seigneur de Rosampoul et son oncle Guillaume de Kerloaguen, chanoine et archidiacre de Poher avant lui. Leurs effigies sont peintes dans les panneaux, et celle de Maître Pierre en occupe le deuxième. Revêtu d'une riche chape de brocard d'or semée de fleurs rouges et noires, il se tient agenouillé, les mains jointes, devant un prie-Dieu blasonné d'un écartelé aux 1 et 4 de Kerloaguen (d'argent à l'aigle éployée de sable) aux 2 et 3 d'or plein. Son visage rasé et austère, aux traits anguleux, est couronné de cheveux gris. Un saint évêque en manteau rouge le présente à Notre-Dame de Pitié et à son patron saint-Pierre, figurés aux troisième et quatrième panneau.
Il eut pour successeur à Plougonven un autre prêtre issu comme lui de noble souche, Messire Guillaume de Guicaznou, seigneur de Saint-Jehan, chanoine de Tréguier, dit recteur de Plougonven et de Guimaëc en 1499. C'était le frère de Mériadec de Guicaznou, capitaine de Morlaix, qu'Anne de Bretague honorait d'une estime particulière.
La grande affaire de la paroisse fut à cette époque la reconstruction ou plutôt l'achèvement de son église. Déjà, en 1442, Maurice de Kerloaguen et sa femme Louise Beschet, seigneur et dame de Rosampoul, avaient bâti sur leur domaine la jolie chapelle de Saint-Eutrope, à laquelle on a fâcheusement substitué, vers la fin du XVIIIème siècle, une si morne bâtisse. Quarante ou cinquante ans plus tard, le corps politique fit travailler à son tour au remplacement de la vieille église, probablement en partie romane et édifiée sur les fondations de l'oratoire de Saint Conven, par un plus vaste édifice, dans le style gothique flamboyant qui était alors en Basse-Bretagne à son apogée. Cette entreprise dut, en raison de l'insécurité des temps, subir plus d'une vissicitude. Toujours est-il qu'en 1511, il n'y avait encore debout que le portail voûté du bas de la nef et deux chapelles latérales, celle de Saint-Yves, la seconde du côté de l'évangile, et celle de Saint-Jean, la troisième du côté de l'épître. C'est ce que nous apprend le seul fragment conservé d'une très curieuse pièce qui n'est autre que « le devis de leglise pa (rochialle) de Ploegonven advisé par les paroissiens estre faict et constrict en l'honneur de Dieu et de toute la compaignie celestielle » (Copie du XVIIème siècle. Archives du presbytère de Plougonven).
La date de ce devîs manque, mais je l'ai trouvée ailleurs. Il fut établi le 26 décembre 1511 ; la construction des deux chapelles avait été commencée en août 1507 et le portail ouest est plus ancien. L'architecte se nommait Philippe Beaumanoir ; il portait le nom d'une famille de la paroisse, dont il était peut-être issu. Voici l'analyse des articles subsistants de son devis :
« 1° Le pignon d'en haut sera semblable à l'ancien pignon par dehors, selon le dessin qu'en a fait ledit Beaumanoir. La formeure (le remplage ou ensemble des meneaux de la maîtresse-vitre] sera payée par ceux qui y mettront leur armes.
2° Il y aura huit arches ou voûtes de chaque côté de l'église depuis le pignon d'en haut jusqu'au porchet neuff au bout d'en bas, semblables à celles des chapelles de Saint Yves et de Saint Jean, sauf qu'elles seront plus hautes et auront neuf pieds.
3° Les ailes ou bas-côtés seront faites à la hauteur déjà prise sur le pignon d'en bas, et bâties de pierres de taille par dehors. Un espace sera ménagé entre la chapelle de Saint-Jean et le porche du midi, pour la chapelle que doit édifier, avec le consentement des paroissiens, Jean du Méné, sieur de Goasvallé. De l'autre côté, au nord, un pareil espace sera réservé pour la chapelle que doit faire, avec la même autorisation, maître Hervé de la Tour, sieur dudit lieu.
4° Vers le midi, deux fenêtres à trois soufflets, de 5 pieds de long sur 3 pieds et demi de laize, seront pratiquées entre les deux porches. Du côté du nord, on placera la vieille maîtresse-vitre dans l'axe de la dernière arcade de la nef, et cette fenêtre sera recullée et refrechie.
5° Du mème côté, entre ladite fenêtre et la chapelle du sieur de la Tour, on fera une autre fenêtre de la forme des précédentes, « et seront lesdites fenestres gargoulées [Note : Garnies de gargouilles], crestées [Note : Munies de crochets sur leurs rampants] et espiez [Note : Surmontées d'un épi ou panache fleuronné] en forme de lucannes [Note : Pignons à angle aigu], le tout par dehors de pierres de taille ».
6° Le porche devers le midy aura 19 pieds de large et autant de hauteur ; il sera dallé et fait entièremert. de pierres de taille ; le portail aura 5 pieds de large et 7 pieds de haut ; « il sera molluré et de deux membres garnis d'un ancelle, deux demy-ancelles et un fillet ». De chaque côté s'élèvera un pilier garni d'un larmier [Note : Glacis incliné et saillant pour l'écoulement des eaux pluviales] surmonté d'un jambourron ou fiolle [Note : Pinacle garni de dentelures] « acresté et double cresté et espyé ».
7° Au pignon dudit porchet, il y aura deux pilliers boutans en triangle [Note : Contreforts d'angle], qui s'amortiront par larmiers sous les sablières et sur chacun d'eux s'élèvera une petite fiolle.
8° La voulte ou arche de l'entrée dudit porchet sera moulurée de trois membres et garnie d'autres moulures, filets et ancelles avec des soubassements travaillés... ».
Là s'arrête le devis mutilé de Philippe Beaumanoir. On peut se rendre compte qu'il a été exactement suivi dans ses dispositions connues, car la nef, les chapelles mentionnées, le porche latéral, ont bien les dimensions et les détails ornementaux que le vieux maistre de l'oeuvre proposait de leur attribuer. L'ensemble du monument élevé par lui est charmant dans sa robustesse élégante et simple, et constitue un remarquable type d'église rurale gothique, dont l'intérêt s'augmente encore du groupement architectural qui l'accompagne : calvaire monumental, l'un des plus beaux de Bretagne, ossuaire à baies trilobées, chapelle de confréries, grand perron double de l'entrée du cimetière.
L'église de Plougonven, achevée en 1523, fut dédiée le 30 mai 1532 par l'évêque de Tréguier Antoine de Grignaulx [Note : Dates données par une note accompagnant l'acte de décès de Missire Gabriel Le Denmat, prêtre, 1e 15 mars 1668 (Registres de la mairie)]. Le concours empressé de tous les paroissiens, nobles et partables, domaniers aisés et journaliers indigents, ne manqua sans doute pas à cette entreprise. Les riches firent des charrois de matériaux et des dons en nature, bois, ardoises, victuailles pour les ouvriers. Ceux qui n'avaient à offrir que leurs bras s'employèrent comme manœuvres ou darbareurs.
Beaucoup, dès avant l'achèvement de l'église, se hâtèrent d'acquérir dans son enceinte l'emplacement de la tombe où ils souhaitaient reposer un jour en paix, devant l'autel du Dieu de miséricorde, bercés par le pieux fredon des prières et le chant des hymnes sacrées. Jehanne, fille Paoul Kergoazou et femme Guillaume Le Corvez, cède en 1500 à la Fabrique, en échange d'un droit de tombe, sa part d'héritage dans l'estage (maison) de Ty-Bihan, à Kervoazou, où demeure missire Even Kenechguen, prêtre. En 1504, Hervé Le Suillet, donne, pour l'emplacement de 2 tombes, une pièce de terre à Penanbeuzit en Botsorher. En 1504, Guéguen Le Guinezre et ses enfants, héritiers d'Olive Ropartz, leur mère, offrent pour le même motif une rente d'un quartier froment, ainsi que Guillaume Morvan, en 1519, sur ses terres du Beuzidou, terroir de Kerhuelvez. Cette même année, Ambroise Jézéquel acquiert une tombe moyennant une rente d'une renée froment sur le convenant qu'il habite à Goazven. Plus favorisé, Henri Guéguen se voit attribuer en 1520 une « place de tombe, devers la chapelle du seigneur de Kerloaguen » pour un seul boisseau froment de rente ; en 1528, il achète au même prix une autre tombe, où est enterré Nicolas Caulecq, dont il est héritier. En 1534, Jean Tilly, par testament qu'exécutent ses enfants Hervé, Olive, Jeanne, Béatrix, Catherine et Marie, donne à la fabrique, pour son tombeau, une rente d'un boisseau froment sur an Ty-Bihan à Kervoazou. En 1534 encore, Marguerite Huet, veuve de Jean Larhantec, lègue à l'église, représentée par ses deux fabriques Hervé Liorzou et Paul Le Guinezre, un boisseau froment de rente pour la même raison.
Les gentilshommes, eux aussi, acquéraient dans des conditions identiques, l'emplacement des chapelles latérales qu'ils bâtissaient à leurs frais, et qui contenaient leur sépulture familiale. C'est ainsi qu'en 1511, Jean du Méné, sieur de Goasvallé, se fait attribuer, pour une rente d'un quartier froment, le fond de la chapelle de Sainte-Anne, près du porche, et que maître Hervé de la Tour devient possesseur, moyennant la même redevance, du fond de la chapelie de N.-D. de Pitié. D'autres, nobles ou paysans, font des offrandes, soit « en pure dévotion », comme Jean Le Rouge de Guerdavid, qui donne en 1463 une renée froment de rente à prendre sur son parc dit Parc Bouillen an Goazguen, à Kerallouant ; soit en paiement de services funèbres, comme Constance de Kergariou, dame de Guergolvez en Plouigneau, qui lègue en 1531 à l'église une rente de 45 sols sur ledit manoir de Guergolvez, à la charge d'un obit annuel afin de prier Dieu pour son âme et celle d'Hervé de la Tour, son mari ; et comme Amice Conan, veuve Yvon Le Guinezre, et Jean son fils, qui donnent de 1547 une rente de 3 renées froment sur le lieu de Kersahat moyennant un obit annuel le jour du Sacre. Une plus belle fondation est celle de missire Even Kenechguen, lequel, faisant son testament le 17 mars 1505, lègue aux prêtres et fabriques de la paroisse six quartiers de froment de rente sur son manoir de Kenechguen (aujourd'hui Crechguen) à condition que l'on chante à son intention 2 messes a notte par an, l'une à la Toussaint, l'autre à la Quasimodo.
Les fondations en nature étaient, on le conçoit, bien plus avantageuses à la fabrique que les fondations en argent, car les unes et les autres gardant une quotité invariable, les secondes subissaient, du fait de la dépréciation continue des monnaies, un affaiblissement de valeur qui les rendait à la longue dérisoires, tandis que les premières acquéraient au contraire une plus-value constante. Une renée froment coûtait de 30 à 40 sols vers le milieu du XVIème siècle. En 1761, elle valait 4 livres 10 sols. (L. Le Guennec).
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