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Vieilles maisons et familles de Plougonven. |
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Le bourg était entièrement tenu sous les fiefs de Gaspern et de Bodister-en-Plougonven, réunis au XVIIème siècle. On y voyait naguère quelques vieilles demeures à tournure de manoirs, portails cintrés, pignons aiguillonnés, tourelles d'escaliers, fenêtres garnies de meneaux ou d'accolades ; certains de ces anciens convenants nobles portaient ou portent encore des noms particuliers : Monrepos, Monplaisir, Mondésir, Monvouloir, le Vieux Chastel, l'Enfer, Kerilis, Porz an Demezelled (la cour des Demoiselles), etc. Presque tous dépendaient du domaine de Kerloaguen, et, saisis sur le marquis de Tinténiac, émigré, ils furent vendus nationalement.
Les quatre premières appellations sont surtout curieuses. Ces logis aux noms français si plaisants semblent avoir été dans le principe des pieds-à-terre de seigneurs ruraux. Je n'ai point découvert les fondateurs de Monrepos, qui se trouyait à l'est de l'église. Missire François Melscouet, curé, en occupait le pavillon en 1657, et Messire François Le Roux de Launay, recteur de 1697 à 1749, est dit dans les actes habiter « son manoir noble de Monrepos ». L'abbé Kerneau, recteur de 1780 à 1818, le possédait et le céda à la commune pour servir de presbytère. C'était une maison Louis XIII, précédée d'un portail que flanquait à droite un pavillon carré portant sur son angle extérieur une jolie échauguette ronde, en poivrière, reposant sur des corbelets à triple saillie. Cette tourelle s'écroula de vétusté le 11 février 1877, et le reste de la construction étant fort délabré, on en profita pour rebâtir le presbytère tout entier, au milieu de l'enclos, dont les vieux murs moussus subsistent encore, avec quelques embrasures de fenêtres maçonnés indiquant la situation du vieux Monrepos.
Le manoir de Monplaisir doit son origine à l'évêque François de la Tour, qui le fit bâtir dans un courtil acquis par lui en 1560, alors qu'il n'était encore qu'archidiacre de Plougastel et recteur de Plougonven, de Robert de Gaspern, sieur du Cosquer. Ce courtil était cerné « de la chappelle des Mortz de l'église..., du chemin menant d'icelle église à la maison Guyon Beaumanoir et à Kergoazou, d'autre chemin menant de la croix dite Croix an Gravale au manoir de Mesédern, et de la place appelée Placen an Bolot ! » (Archives du Finistère, E. 324).
En 1609, Claude de Gaspern, sieur de Menhir et du Lojou, demeurant à Plusquellec, afferme Monplaisir à n. h. Pierre Morin et demoiselle Gilette Collytrymeur (Coatlestrémeur), sieur et dame de la Morignière. Son frère Perceval Gaspern, sieur de Monplaisir, y meurt de la peste en 1640. Yves de Penfeunteniou et sa femme Françoise de Gaspern, sieur et dame du Cosquer, cèdent en 1644 à François du Parc, sieur de Gaspern et Kergadou, conseiller au Parlement de Bretagne, en échange du lieu du Cosquer-Dolzic, en Plougonven, leur manoir de Monplaisir, avec ses cour et jardin, situé entre le cimetière et la place du Martray, et tenu en ferme par n. h. Yves Prigent, sieur de la Fontaine, ainsi qu'une autre maison adjacente, « en forme de tourel, nommée Mondésir, tenue à domaine congéable par Bastien Raoul, jardinier » (Archives du Finistère, E. 234).
Acquis peu, après par François Le Cozic, seigneur de Kerloaguen, Monplaisir et Mondésir appartenaient en 1690 à sa petite-fille Françoise Le Cozic, douairière de Kersauson et dame présidente de Bonamour, qui, le 8 mai 1695, accorde à sa demoiselle de compagnie Jacquette Pistouy, en faveur de son prochain mariage avec Raoul Guégot, sieur de Traoulen, notaire royal, « et en considération des bons et agréables services qu'elle lui a rendus depuis de longues années », la jouissance gratuite de la Maison Ronde (c'est-à-dire Mondésir), durant quatre ans (Archives du Finistère, E. 234). Quant à Monplaisir, son locataire était en 1691 Yves Riou, hoste débitant vin, et en 1695 Francois Morice y tenait cabaret (Archives du Finistère, E. 324).
En 1707, le marquis de Kersauson loue Monplaisir à Jacquette Pistouy, alors veuve, mais en réservant Mondésir pour son frère Prigent-Joseph-André de Kersauson (Archives du Finistère, E. 324). Malgré l'accortise de leurs noms, ces deux logis touchaient au cimetière paroissial, et Mondésir s'appuyait sur l'angle même du reliquaire, lugubre voisinage qui ne pouvait manquer d'inspirer à ses habitants de salutaires méditations.
Les deux maisons furent ensuite séparées. Monplaisir devint en 1764, par la fondation du marquis de Kersauson, couvent et école de Sœurs du Saint Esprit, et après la fermeture de cet établissement en 1792, le citoyen Raoul l'acquit comme bien national. Lorsque Mondésir eut été augmenté de « la grande maison dite la Salle et autre maison dite la Maison neuve », citées dans une déclaration de 1716 fournie par demoiselle Phélipée Hubert, veuve de Maître Guy Raoul, et ses enfants (Archives du Finistère, E. 324), on prit l'habitude de différencier « le convenant noble de Mondésir » de l'espèce de donjon adjacent, auquel on réserva le nom de Maison Ronde ou Tour Ronde. Un acte de 1713 nous le décrit « construit en ovalle au bas de la cour de Monplaisir, et où il y a chambres et grenier en grande indigence de réparations, avec un degré en pierres de taille » (Archives du Finistère, E. 324).
En 1734, Maitre A. J. Raoul, et en 1750 son fils Maître Joseph-René Raoul, sieur de Tromorgant, tous deux notaires royaux et greffiers de la cour de Gaspern, tenaient Mondésir à titre de domaine congéable sous le marquis de Kersauson (Archives du Finistère, E. 324). Nicolas Dubois l'acquit nationalement le 1er floréal an VI, tandis que la Maison Ronde, devenue prison en 1792, était achetée le 27 nivose an IV par Joseph Raoul. La tour s'est depuis écroulée, mais on montre encore, dans l'édifice bâti sur ses ruines, un réduit appelé toujours la Prison, et qui ne recélait, lorsque le R. P. Malgorn le visita en 1919, que d'innocents rutabagas, betteraves et pommes de terre.
Monvouloir, placé au Sud-Est de l'église, apparaît seulement en 1711, dans l'acte de vente consenti par Messire Rolland du Val, sieur dudit lieu, et dame Ursule Coroller, sa femme, à honorable homme François Toulgoat, armurier, d'une « petite tenue et héritage noble dite la maison de Monvouloir, petit corps de logis en forme de pavillon ayant un côté plus élevé que l'autre, vieille mazière ruinée, pans de murs où il y a huisserie de taille, cour, jardin, autre maison nommée la Boutique, etc. ». Les héritiers Toulgoat fournissent en 1753 aveu au fief de Gaspern pour le lieu noble de Monvouloir, que Maître Jean-Marie Raoul, notaire, acquit en 1759. Sa veuve épousa Philippe Rogé, et tous deux rendent aveu en 1788 pour « la totalité des droits censives (sic) de Monvouloir ». Il y a là encore, à l'entrée du quartier dit la Rue et de l'ancien chemin de Lannéanou, une vieille maison du XVIème siècle avec tronçon de portail. Dans le mur d'une des dépendances se voit encastré un bloc de granit, long de 1 m. 50 et de forme prismatique, qui pourrait être un lech.
Le Vieux-Chastel ou Coz-Castel, au centre du bourg, a encore quelque apparence d'antiquité. Son nom significatif lui vient peut-être d'un camp retranché qui jalonnait sur ces hauteurs la voie gallo-romaine de Morlaix au Vieux-Bourg de Ouintin. Ce lieu possédait une belle grange ou galerie soutenue par de hauts piliers monolithes cannelés.
La vieille maison de Kerilis, située au Nord-Est de l'église, offre sur un linteau de fenêtre cette inscription 1755 - Jean Coativy - Louise Larcher. Elle attenait à Monplaisir, et la petite cour qui la précède s'appelle encore Porz ar Gouent (la cour du couvent). En 1543, ce lieu appartenait à Jean Le Lagadec, cadet de Mézédern et notaire-passe. Les citoyens Dauxais et Philippe Rogé l'acquirent le 25 ventose an VII.
L'une des maisons du bourg, sur la route de Morlaix, offre, au-dessus de sa porte, un écusson renversé aux armes des du Méné de Goasvalé, une fasce surmontée d'un lambel. Derrière l'habitation des demoiselles Rogé, une autre maison a, sur le linteau d'une fenêtre, un écusson également renversé portant une tour, blason de la famille de la Tour. Ces vieux logis étaient jadis habités par des notaires, procureurs fiscaux ou greffiers attachés aux juridictions seigneuriales de l'endroit, Gaspern, Bodister, Rosampoul, et qui constituaient au bourg une sorte de petite société semi-hourgeoise. J'ai déjà nommé les Raoul, vraie dynastie de notaires au XVIIème et XVIIIème siècles ; on peut citer encore les Le Dissez, représentés vers 1680 par M. Paul Le Dissez, signeur de Quistillic, notaire royal, époux de Marie Ropartz. Leur fils aîné Jean-Corentin épousa Jeanne-Françoise Guégot, fille du sieur de Traoulen, autre notaire, et sa soeur Marie-Vincente fut mariée à Yves Le Guinezre. M. François Nuz, notaire à Plougonven en 1724, avait pour femme Marie-Françoise de la Cuisine. On trouve aussi en 1670 un Jean Luzel, sieur de Pratfurmic, et, en 1690 un François Luzel, sieur de Dirojou, sans doute père et fils, et tous deux notaires.
Au bas du bourg, sur le vieux chemin de Gaspern, coule la fontaine de Christ, ornée d'un fronton triangulaire où se lit cette inscription entourant un calice d'où sort une hostie : M : R : LE : LAY : MA : FAIT : FAIRE : 1632.
Missire Rolland Le Lay fut prêtre et chapelain à Plougonven de 1620 à 1670. « Nostre bon confrère », dit son acte de décès, mourut à 80 ans, et en marge de cet acte, on a figuré les trois croix érigées par lui, « l'une au bourg, l'autre à la Montaigne, une fontaine et celle de Christ avec l'autel de Christ. Dicte pro eo Requiescant in pace ».
Au point de vue traditions et coutumes, voici les quelques renseignements qu'il m'a été donné de réunir et que je crais devoir noter, malgré leur décousu, rien n'étant indifférent dans ces usages, ces croyances que le soi disant progrès efface aujourd'hui avec une si désolante rapidité. Il paraît que l'habitude de vouer à Saint Yves les gens dont on croit avoir à se plaindre existe dans la commune, dont l'Avocat des Pauvres est d'ailleurs le patron. On m'a raconté cette histoire : un jeune homme ayant trompé l'une des servantes de ses parents en lui promettant le mariage, délaissa sa victime pour épouser une fille de famille plus riche et plus considérée. Le père de l'abandonnée la vengea en vouant son séducteur ; celui-ci tomba malade dès après son mariage, languit pendant six mois et mourut. Je n'ai pu savoir si les rites d'usage s'accomplissent dans l'église même de Plougonven, devant la vieille statue assise d'Yves Le Véridique placée à gauche du maître-autel.
Les faits suivants se sont passés à une date relativement récente et ont beaucoup impressionné les habitants du bourg. Une après-midi de mardi-gras, tandis qu'on dansait sur la place, et qu'à l'église avaient lieu les prières des Quarante-Heures, cinq mécréants masqués, plus ou moins excités par l'alcool, s'avisèrent de faire la sacrilège parodie d'une procession. Un d'eux portait en guise d'ostensoir, une nasse contenant une souris ; les autres soutenaient au-dessus de sa tête une manière de dais, formé de loques. Quand l'élévation sonna au clocher, le thuriféraire de la souris s'en servit pour distribuer à la foule des bénédictions grotesques. Scandalisés de cet outrage à leurs croyances, beaucoup se retirèrent en protestant. La colère de Dieu atteignit bientôt, dit-on, ses insulteurs. L'un, en luttant avec un ami, tomba si malheureusement qu'il se brisa la colonne vertébrale et en mourut ; un second fut frappé de paralysie ; deux autres s'éteignirent rongés de tuberculose. Le dernier, qui avait un peu moins blasphémé que ses complices, en fut quitte pour l'incendie de sa maison et dut quitter le pays.
A la fin du XIXème siècle, on faisait encore à Plougonven des renderies ou quêtes de beurre pour l'église. Ces quêtes avaient lieu au mois de mai. Le recteur désignait par frérie (breuriez) deux garçons et deux jeunes filles qui devaient parcourir leur quartier de paroisse et recevoir les offrandes. Celles-ci étant assez considérables 15 ou 20 livres de beurre dans les maisons aisées — on les groupait en dépôt chez certaines personnes et l'on venait ensuite les quérir en voiture. Ces tournées n'allaient pas sans inconvénients : les jeunes filles devaient arborer leurs plus beaux atours, et affronter en costume de gala la fange des chemins creux et les ronces des wenogennous. De plus, dans chaque maison, sous peine de désobliger les gens en semblant mépriser leur hospitalité, il fallait bien manger, boire encore plus, au grand dam des estomacs novices et des têtes peu solides. La quête terminée, le recteur offrait à dîner à ceux qui l'avaient faite, et quelques jours plus tard, quêteurs et quêteuses se réunissaient encore en un autre repas dont chacun payait sa quote-part.
Une jeune fille bonne à marier doit, selon la règle commune, avoir plusieurs amoureux, dont chacun, à son tour, courtise plusieurs jouvencelles. Dans les pardons, celles-ci sont invitées à tour de rôle par leurs prétendants à faire une promenade, un tour de pardon. Si elles y consentent, le garçon s'empare du parapluie, escorte sa belle et lui achète des friandises, surtout des noix. Comme on se promène toujours à deux, le compagnon et la compagne des deux amoureux suivent ensemble le couple et sont, pour cette raison, nommés les deux chiens. La tournée finie, le jeune homme prend congé et un autre lui succède. Une fille bien tournée et de famille estimable se croirait déshonorée si elle ne rentrait chez elle avec ses poches bourrées de noix, d'amandes ou de sucreries ; en revanche, son mouchoir a le plus souvent disparu, subtilisé par quelque galant, qui s'en fait un trophée. Elle ne revient pas seule, mais accompagnée du prétendant le plus sérieux, le plus près du coeur, que l'on invite à dîner pour sa peine.
Les demandes en mariage sont toujours précédées d'un accord tacite entre les jeunes gens. Il est d'usage que l'homme fasse sa demande en personne, avec un parent ou un ami. Souvent, il se munit d'un panier contenant quelques bouteilles, afin de régaler la famille si sa démarche est agréée. Ce panier, il le cache dans un tas de paille, une grange ou quelque coin, avant d'entrer. Il est arrivé que des jaloux ou de mauvais plaisants soient venus dérober ledit panier pendant les pourparlers, et des prétendants évincés ont dû, pour comble d'infortune, retourner chez eux l'oreille basse et les mains vides.
Lorsqu'on suppose que tel mariage peut causer du dépit à une tierce personne, ou parce qu'elle a été courtisée, ou parce qu'elle n'a pas dissimulé le désir qu'elle éprouvait d'épouser qui n'a pas voulu d'elle, on lui fait ce qu'on nomme ar garlantez (la guirlande). Le dimanche où les futurs conjoints sont bannis à l'église, des loustics vont placer sur les branches d'un arbre, à proximité de la maison qu'habite la personne supplantée, trois poupées fabriquées au moyen de betteraves et de quelques chiffons. Elles sont censé représenter les deux fiancés et le ou la délaissée. Cette dernière poupée est figurée courant après les deux autres, qui se tiennent par le bras, et cramponnée, selon son sexe, soit aux basques du jeune homme, soit aux jupes de la jeune fille. Quand l'intéressé revient de la messe, il aperçoit le trio symbolique, et, rassemblé devant lui, un groupe de curieux ricaneurs. et goguenards.
Le jour du mariage, avant le départ du cortège, a lieu la goulennadec ou demande, dont la fiancée doit attendre la fin pour mettre son tablier. Cette demande est faite d'après une formule consacrée par l'usage, mais sur laquelle chacun peut broder selon son esprit ou sa fantaisie, par deux compères parlant, l'un pour la fille, l'autre pour le garçon, et luttant tous deux de jovialité et de faconde afin d'amuser l'assistance. On ne fait plus, comme autrefois, la quête du prof dans une taie d'oreiller. Les invités vont remettre leur offrande à l'un des parents des mariés préposé à cet effet, et qui se tient assis à une table. Il reçoit l'argent et verse en échange un verre de an hini krenv ou de doux, selon le sexe du donateur.
Le soir des noces, on apporte encore parfois « la soupe au lait » aux nouveaux époux. Dans certains cas, cette cérémonie sert de prétexte à des facéties d'assez mauvais goût. Des mariés s'étant barricadés chez eux, une bande de jeunes gens crocheta la porte, entra dans la chambre nuptiale, clairon et tambour en tête, et l'on alla même jusqu'à arracher la jeune épousée de son lit. Le mari se fâcha, et la scène faillit se terminer par une bigarre. Une autre fois, cela tourna au tragique. En novembre 1918, un veuf de Plougonven ayant épousé une jeune fille, les gens de l'endroit leur donnèrent un charivari d'importance, tant et si bien que l'époux, furieux, finit par ouvrir sa fenêtre et par tirer sur la foule des coups de révolver. L'une des balles atteignit au genou un soldat permissionnaire, qu'on dut transporter à l'hôpital de Morlaix. (L. Le Guennec).
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