Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

La garde nationale de Plougonven.

  Retour page d'accueil       Retour " Ville de Plougonven "   

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

En mars 1795, on était en pleine réaction thermidorienne les jacobins et les égorgeurs, dénoncés et traqués par les parents et les amis de leurs victimes, se terraient piteusement ; les prisons se vidaient, et les prêtres insermentés, profitant, de l'arrêt momentané que subissait la persérution religieuse, se hasardaient à reparaître — pour bien peu de temps — au grand jour. Le 29 prairial (18 juin 1795), les citoyens Yves Morvan et Jean-François Camus, prêtres catholiques, déclarent au bureau municipal qu'ils ont le dessein de s'établir dans la commune et d'y exercer leur culte : le premier résidera sur les sections de Kermorvan et de Kervigaouez, et officiera à Saint-Eutrope. Le même jour, le citoyen Jean Laizet, prêtre constitutionnel, obtient à la pluralité des voix un certificat de civisme. Le 9 messidor (27 juin), le citoyen Henry-Marie Cloarec, prêtre, fait la même déclaration d'exercer son culte dans la commune et de « vivre dans la société républicaine paisible et soumis aux lois ». Le 15 (3 juillet), le citoyen François Le Corvez, diacre non assermenté, dit « vouloir profiter du bienfait de la loi et rentrer paisiblement dans la société, déclarant en outre vivre en paix et union sans manquer aux lois du gouvernement ». Il quitte la commune et fixera son domicile à Martin-des-Champs.

Les autorités municipales s'occupent, avec plus de zèle que de succès, de la réorganisation de la garde nationale. Elle comprend, du moins sur le papier, 3 compagnies formées chacune de 30 hommes, 1 capitaine, 1 lieutenant, 2 sous-lieutenants, 2 sergents et 4 caporaux. La première, recrutée dans les sections du Bourg et de Kerhervé, est commandée par le citoyen Loz-Coëtgourhant ; la seconde, sans chef désigné, comprend les sections de Kerangueven, de l'Abbaye, de Quilliou et du Duc ; la troisième, constituée dans les sections de la Forest, Kermorvan et Kervigaouez, a pour capitaine le citoyen Duparc-Rosampoul. Il est significatif de voir les habitants de Plougonven placer à la tête de leur milice communale, presqu'au sortir de la Terreur, deux anciens officiers nobles. Ce choix spontané en dit long sur le réel état d'esprit des populations trégorroises à l'époque révolutionnaire. La liste dressée par les commissaires de section de tous les hommes valides, de 16 à 60 ans, comprend près de 780 noms. On les convoque pour le 1er thermidor (19 juillet) dans la chapelle de Christ, afin « d'élire leurs officiers et former le bataillon avec la célérité que demande une telle opération ».

Au jour fixé, les officiers municipaux se morfondent en vain de 2 à 4 heures ; une vingtaine de jeunes gens tout au plus se présentent. La réunion est ajournée au 10 (29 juillet), mais cette fois c'est encore pis. Pas un seul citoyen n'a voulu quitter ses travaux des champs, et la chapelle reste déserte. La municipalité lance un suprême appel aux récalcitrants ; elle fixe une troisième réunion au décadi suivant 20 thermidor (8 août). Peine perdue ; aucun homme n'apparaît, et, à 3 heures, « considérant qu'un retard de plus n'aurait produit qu'une vaine espérance », les autorités se retirent « aux périls et fortune des défaillants » pour s'en aller dresser un mélancolique procès-verbal de carence.

Une inertie du même genre, qui ne peut s'expliquer que par un civisme des plus tièdes, se constata encore chez les habitants de Plougonven, lorsque le 29 fructidor (15 septembre), les citoyens de Plouigneau, venus au chef lieu de canton pour l'acceptation de la Constitution de l'an III, furent fort vexés de n'y trouver personne à vouloir se joindre à eux et leur donner acte de leur démarche. Ils font insérer au registre une protestation contre la négligence des communes de Plougonven, le Cloître, Plourin, Lannéanou, qui n'ont, envoyé aucun délégué à l'assemblée primaire du 27, et demandent à nommer seuls leurs électeurs.

Le 30 fructidor (16 septembre), Etienne-Bénigne Le Bihan, prêtre, âgé de 66 ans, ancien chanoine de N.-D. du Mur à Morlaix, sollicite et obtient un certificat de résidence et non-émigration, ainsi que le diacre François Le Corvez, figé de 30 ans, et l'abbé Henry Cloarec. Ce dernier célébrait la messe et prêchait dans l'église paroissiale. L'un de ses prônes fut jugé subversif par la municipalité, qui l'invita à plus de réserve et lui demanda compte de ses opinions. Voici en quels termes il les dicte crânement au greffier, le 17 brumaire an IV (8 novembre 1795).

« La déclaration de soumission au décret sur la police des cultes n'est pas permise, en ce qu'il a beaucoup de rapports avec la constitution civile du clergé, traitée par le pape d'extrait et d'amas de plusieurs hérésies.

L'excommunication et l'interdit qui furent la punition des jureurs seraient donc aussi celles des soumissionnaires d'aujourd'hui.

Le pouvoir de l'Ordre ne suffit pas pour conférer valablement plusieurs sacrements ; il faut aussi l'approbation.

L'Eglise a un gouvernement auquel il n'appartient pas à la puissance civile de toucher.

Ses lois obligent comme les lois divines : par exemple l'abstinence des vendredis et samedis n'a jamais été regardée comme loi civile dans le sens qu'on eut attaché une peine corporelle aux infractions ; ce n'est pas moins un péché d'y manquer.

Donc :

Instruisez vos enfants. — Sanctifiez les dimanches et fêtes. — Ne regrettez pas les réparations. — Si vous vous trouvez malade, faites des actes de contrition et d'amour de Dieu.

Je certifie, garantis et offre de prouver que ce sont là les principes que j'ai succinctement développés au prône de la grand'messe, et que je n'y ai rien ajouté, ni même poussé les conséquences aussi loin qu'elles pouvaient aller. H.-M. CLOAREC, prêtre ».

Avant de se séparer, la Convention avait ordonné que les lois portant les peines de l'emprisonnement, la déportation et la mort à l'égard des prêtres insermentés, leur fussent de nouveau appliquées avec rigueur. Ceux qui avaient reparu à Plougonven durent donc regagner leurs cachettes. Le 25 brumaire, (16 novembre), le maire, les officiers municipaux et deux gardes nationaux font une perquisition dans le bourg « à l'effet de trouver quelques ecclésiastiques qui fussent sous le coup des lois ». Il va sans dire que ces recherches, opérées sans la moindre conviction et de pure forme, demeurèrent infructueuses.

Le 20 frimaire an IV (10 décembre 1795) a lieu la formation de l'administration municipale du canton de Plougonven. Les électeurs de chacune des communes désignent un agent et son adjoint. En qualité de chef-lieu, Plougonven nomme en plus un président et un commissaire du pouvoir exécutif. Ces élus sont : Yves L'Hénaff, de Kerhervé, président ; Hervé Quéméner, de Kerhervé, agent ; Jean Crassin, de Kerriou, adjoint ; François-Marie Le Teurnier, de Guervenan, commissaire. « Tous ont déclaré accepter leurs places et au nom de la loi se constituer définitivement en municipalité unique du canton, et prendre les rênes du gouvernement municipal dans ce moment ».

Guillaume-Marie Le Teurnier, notaire à Plougonven, élu juge de paix du canton le 2 frimaire précédent, était accusé par les deux prêtres constitutionnels et l'instituteur de Plouigneau de favoriser les aristocrates, les réfractaires et les partisans de l'ancien régime. Le citoyen Guillo-Lohan, directeur du jury, ayant demandé des renseignements sur son compte à l'administration cantonale, le commissaire François-Marie le Teurnier s'excusa de ne pouvoir répondre, l'enquête étant son propre frère. Ses collègues, après avoir déclaré que « son impartialité et son pa triotisme défient tout soupçon » se chargent, « pour ménager sa délicatesse », d'éclairer eux-mêmes le citoyen directeur. Ils font un vif éloge des « rares qualités » de Le Teurnier et dénoncent à leur tour « la cabale dirigée par les deux prêtres et l'instituteur de Plouigneau. qui, jaloux du bonheur et de la paix des autres citoyens du canton, paraissent remuer à la sourdine dans des discours aussi injustes que perfides dont le département a fait bonne justice en déboutant ces obscurs dénonciateurs des prétendus troubles apportés à leur singulier culte ».

Ces réquisitions de grains, de fourrages et de bestiaux qui constituèrent, pendant la Révolution, avec l'emprunt forcé et le recouvrement des impôts, l'un des plus cuisants soucis de nos communes rurales n'épargnèrent pas, comme bien on pense, celle de Plougonven, mais les paysans ne mettaient pas grand entrain à livrer leurs animaux à la nation. Des 20 boeufs réquisitionnés pour Morlaix, un, sans plus, y fut conduit par Nicolas Nuz le 11 pluviose (31 janvier 1796) ; encore s'éclipsa-t-il avec sa bête, dès qu'il eut reconnu qu'il était seul. Même « morosité » lorsqu'il s'agissait de « voler à la défense de la patrie ». Les volontaires de la première réquisition étaient convoqués, le 14 pluviose (3 février) à Morlaix, et la municipalité, en leur en donnant avis, les avertit pathétiquement « qu'ils n'eussent ni à se cacher ni à fuir, parce qu'ils feroient leur perte et le déshonneur de leur famille ». Objurgations et menaces, tout est inutile ; aucun des jeunes gens appelés ne se présente, et, après une vaine station au cloître des ci-devant Jacobins, le président, l'agent et le commissaire doivent se retirer pour rapporter un procès-verbal de non-comparution.

Il y avait alors dans le canton deux postes de télégraphie optique, sur la ligne Paris-Brest ; l'un près du bourg de Lannéanou, au sommet d'une colline de 295 mètres encore appelée la Montagne du Télégraphe ; l'autre non loin du bourg du Cloître. Les soldats préposés à la garde de ces postes occupaient leurs loisirs à piller, la menace à la bouche, les fermes des alentours, et à dévaster le bois de Coatanscour en Plourin. Une punition sévère est demandée pour ces maraudeurs.

L'église, rouverte un moment, demeurait fermée depuis la loi de vendémiaire, abandonnée même de l'intrus Cotty, et elle ne servait qu'à la lecture des lois, chaque décadi. Un tel état de choses peinait fort les paroissiens, qui aspiraient vivement à pouvoir remplir leurs devoirs religieux L'agent national de Plougonven, Hervé Quéméner, remontre le 11 germinal (31 mars), aux approches de la fête de Pâques, que « la ci-devant église est un local propre à la fois à faire la lecture des lois et exercer tranquillement le culte que les habitants du païs professent, et qu'il n'y a rien de plus assuré d'y attirer beaucoup de monde que de mettre cette lecture les jours de dimanches, pourvu qu'avant ou après on permette aux habitants d'exercer paisiblement leur culte ». Le corps municipal adhère pleinement à sa remontrance, et « considérant que ces vues sont aussi conformes aux principes de la liberté religieuse, au domaine de la pensée, qu'aux désirs ardents des paisibles citoyens de la commune, arrête que l'église servira comme par le passé à publier la loi et à exercer dans son enceinte seulement le culte à la convenance et au choix de chaque habitant, et que la cloche sera sonnée ». Aussitôt, un grand nombre « de citoyens honnêtes et paisibles de Plourin et de Saint-Eutrope » sollicitent une autorisation semblable. Le conseil la leur accorde le 25 germinal (14 Avril), mais avec ces restrictions qu'ils exerceront leur culte sans sonner de cloches et sans souffrir aucun ministre du culte en titre exclusif, avant que ses pouvoirs, serments et déclarations n'aient été vérifiés au canton.

Le 25 floréal (14 mai) on arrête de faire célébrer, le lundi suivant, « avec toute la décence possible », la fête de la Jeunesse, et on profitera pour replanter les Arbres de la Liberté de Plougonven, Plourin, le Cloître et Lannéanou, « ceux existant menaçant ruine ». Il sera répondu au citoyen Hamon qu'il n'existe dans les églises du canton « aucun meuble, argenterie, ornements galonnés en or ou en argent », sauf à Lannéanou, où il y a un calice, sa platine et des ornements de la chapelle domestique du ci-devant manoir de Kerlosser, appartenant au citoyen Pastour-Kerjean, non émigré. L'agent de Plouigneau se décide pourtant à avouer que son église possède encore des vases d'argent et des ornements.

Le 29 vendémiaire an V (20 octobre 1796), les citoyens Guillaume Le Bras, âgé de 33 ans, résidant à Lannéanou et Jean Le Coant âgé de 53 ans, résidant au Cloître, tous deux ministres du culte, « assermentés et professissant chacun dans sa commune le culte selon les lois républicaines, demandent acte de leur présence et de leur déclaration de continuer leurs fonctions moyennant l'agrément du peuple et des autorités ».

Les bois réquisitionnés pour la marine, dans les futaies de Kerloaguen, n'étaient pas livrés avec exactitude ; les autorités de Morlaix stimulent la municipalité en lui dépêchant des garnisaires. Autres embarras : aucun des soldats en sursis de moisson ou en permission de détente n'obéit à l'injonction faite de rejoindre son corps. Une colonne mobile de 128 fusiliers, 16 caporaux, 8 sergents, 4 lieutenants et 2 capitaines est formée et lancée à la poursuite des déserteurs. Le recouvrement des contributions occasionne surtout des ennuis de tout genre aux malheureux agents. Le président, Yves L'Hénaff, doit héberger et payer 5 francs par jour un gendarme garnisaire ; d'autres gendarmes vont s'installer chez les percepteurs « pour accélérer la rentrée des impôts ». La responsabilité de ces retards est attribuée à « la négligence intolérable » de Plassart, l'agent du Cloître, que ses collègues accusent même « de négligences administratives dans des vues intéressées ». Le 21 prairial an V (9 juin 1797), deux gendarmes sont demandés à Morlaix pour contraindre les sections du Quilliou et Duc à payer leur quote-part des frais de voiture et de garnison.

Le 23 thermidor (10 août), René Lazennec, adjoint de Plourin, formule une plainte contre le prêtre Piton, ex-curé intrus du lieu, qui s'est cheté sur la commune, et compromet l'administration et la tranquilité des citoyens, lesquels « étoient unis et en paix avant l'arrivée de Piton, et aujourd'hui les simt hommes de la discorde paroissent manifestes entre ces citoyens que l'influence de ce Piton et ses menées sourdent tendent à diviser entre eux ». Ledit Piton veut, malgré les avertissements à lui donnés, faire des fonctions publiques dans l'église : sonner les cloches pour appeler à ses offices, publier des choses en chaire sans l'approbation préalable des autorités ; il a même convoqué une assemblée d'ecclésiastiques « pour faire quelque élection ». Lazennec demande que l'église de Plourin soit fermée, et la chapelle de Penlan concédée à Piton et à ceux qui suivent son culte. Une décision conforme prise par l'assemblée, sera notifiée à l'intéressé, « qui devra s'y conformer sous les peines de droit, sauf à le dénoncer en cas de récidive ».

En réalité, il s'agissait d'expulser l'intrus de l'église de Plourin et de le reléguer, avec ses rares sectateurs, dans un petit oratoire perdu très loin du bourg, afin de pouvoir réserver « le temple paroissial » à l'ancien recteur, M. François-Olivier Le Goff, déporté en Allemagne en 1792 et récemment rentré. Il se présente le 21 fructidor (7 septembre) au bureau municipal, et, « désirant profiter de la loi et vivre en famille, déclare s'établir chez Jean-Marie Le Goff, son frère, au bourg de Plourin ». A Plougonven, les agents municipaux refusaient l'accès de leur église aux jureurs. Ce manque notoire de civisme fut dénoncé en haut lieu ; le 17 pluviose an VI (5 février 1798), le citoyen Dauxais, nommé commissaire du pouvoir exécutif près le canton, fit enregistrer, en même temps que sa commission, un extrait du registre du Directoire Exécutif du 17 nivôse (6 janvier) précédent, destituant Yves L'Hénaff, président, Hervé Quéméner, agent de Plougonven, l'agent de Plourin et son adjoint René Lazennec, Le Breton et Sillio, agent et adjoint de Plouigneau, « comme partisans de la royauté, du fanatisme et des prêtres réfractaires ».

Une nouvelle administration aux principes plus solides est aussitôt constituée, avec, pour président, Georges Laizet, et pour adjoint de Plougonven, Jean Bourven, ancien maire. Le lendemain, tous jurent haine à la royauté et à l'anarchie, attachement à la République et à la Constitution de l'an III. Le serment est rigoureusement exigé des fonctionnaires publics ; on le demande même au citoyen Corvez, instituteur, qui refuse de le prêter et se voit interdire « d'enseigner la jeunesse du canton, sous les peines portées par les lois ». Pour le remplacer peut-être survient le 16 germinal (15 avril) la citoyenne Marie-Yvonne Le Roy, de Morlaix, « munie d'un brevet lui permettant d'enseigner l'école primaire », qui annonce son intention de s'établir à Plougonven et prête serment. Il n'est pas jusqu'au citoyen Hervé Laudren, sacriste, lequel, en l'absence de tout prêtre, s'ingérait de lire la messe, de chanter les vêpres, de réciter les prières des morts pour les fidèles se contentant, faute de mieux, de cette apparence de culte, qui ne s'entende réclamer le serment, et, sur son refus, il reçoit l'injonction de cesser désormais toutes cérémonies.

Les citoyens Jean-Mathurin Bahezre-Lanlay, de Bourouguel en Plouigneau, et Nicolas-Marc Penhoadic, homme de loi à Morlaix, de Kerbiriou en Plougonven, obtiennent le 17 vendémiaire an VII (8 octobre 1798) un certificat de non-émigration. Leur voisin M. du Parc de Coatrescar, de Rosampoul, se faisait délivrer régulièrement tous les six mois un certificat de résidence, probablement afin de toucher la pension de 2.550 livres à laquelle lui donnait droit sa qualité d'ancien capitaine de vaisseau.

Le 2 germinal (22 mars) les citoyens actifs du canton élisent les électeurs du second degré, au nombre de trois. L'ancien constituant Guillaume Le Lay, ex-maire de Lannéanou, habitant à Kerudoret, est désigné par 100 voix ; Louis Plassart, du Cloître, par 114, et Joseph Rihouay, notaire à Plouigneau, par 92.

Le citoyen Gilles Berthou, âgé de 58 ans, de Garlan, ministre du culte catholique, comparait le 9 germinal (29 mars) à la maison commune et déclare se fixer à Plourin. Le 11 messidor (29 juin), sur le vu d'une pétition de divers citoyens réclamant un prêtre conformiste pour exercer le culte catholique, il est décidé qu'on écrira au citoyen Cotty et qu'on lui adressera copie de cette pétition le demandant comme ministre du culte à Plougonven. Le même jour, on rejette une autre pétition des habitants de Saint-Eutrope tendant à être autorisés à sonner les cloches aux heures précises des repas. Vers cette époque, le vent souffle aux mesures acerbes. Le 29 messidor (18 juillet), arrêté de faire des visites domiciliaires pour surprendre ou éloigner du canton « les agents d'Angleterre, les émigrés et les prêtres réfractaires rentrés ». Les agents municipaux sont chargés, le 7 thermidor, de fermer toutes les chapelles, vendues ou non vendues, et de faire poursuivre tout acquéreur qui se permettrait de les ouvrir pour l'exercice du culte. Le 23 thermidor (10 août) défense au citoyen Raoul de continuer la bâtisse de la maison qu'il a commencée à la Justice, sur la route de Morlaix, « attendu qu'elle porte préjudice par sa situation. qui n'est propre qu'à servir de repaire aux voleurs, brigands et ennemis de la République ».

Le président de l'administration cantonale était Jean Crassin, du Kermeur, élu péniblement le 6 germinal (26 mars) par 49 voix sur 88 votants. Le 1er floréal (20 avril), Laurent Tourmen, de Plourin, est nommé juge de paix, avec, pour assesseur, Jean Bourven, notaire, ex-maire et secrétaire-greffier du canton. Le bureau communal est transféré au presbytère neuf de Mon Repos, appartenant au ci-devant recteur Kerneau, déporté, et dont une seule pièce est occupée par une Sœur Blanche.

Des loups sortis des bois de Gaspern, de la Forest et du Relec sont assez fréquemment tués dans la montagne. Le garde-chasse Olivier Le Manach perçoit de ce chef une prime. Les chouans de Cornouaille sont encore plus redoutés, et le 1er ventôse an VII (19 février 1799), on décide d'assurer la sécurité du télégraphe aérien de Lannéanou en instituant une garde de 16 conscrits, 4 de chaque commune, auxquels il sera fourni des piques et autres armes. Ils s'y remplaceront par tiers, sous les ordres d'un caporal, et auront droit au feu et à la chandelle. Cette situation dure quelques mois. Le 13 vendémiaire an VIII (23 septembre 1799), un détachement de soldats arrive à Lannéanou afin de garder le poste télégraphique, et se voit, assigner pour caserne la maison ci-devant nommée la Forge, appartenant à Louis Laurent, de Penanstang.

Le 20 brumaire (11 novembre), l'administration centrale ayant indiqué comme dépôts provisoires des fourrages réquisitionnés dans le canton le Temple de la Raison, c'est-à-dire l'église, et la ci-devant chapelle de Christ, l'assemblée cantonale, qui avait jusque-là réussi à soustraire ces édifices religieux à la profanation, répond qu'elle trouve préférable de faire directement transporter les fourrages au magasin de Morlaix. Peu auparavant, elle avait vendu six arbres du cimetière « pour subvenir aux réparations de l'église ou temple décadaire ».

Le 6 frimaire (27 novembre), on prend de sérieuses mesures de sûreté contre les brigands ou chouans qui viennent d'assassiner les juges de paix et agents de Plourach, Lohuec et Scrignac. Dans chaque bourg du cantons il y aura un poste de nuit de 10 hommes et des patrouilles seront dirigées sur les chemins les plus suspects. La garde commencera le 9. On demandera à Morlaix 50 piques ou lances qu'on répartira entre les communes. Les corps-de-garde seront à Plougonven, la Maison-Ronde ; à Plouigneau, la chapelle dite le Yeaudet ; à Plourin, le ci-devant presbytère ; à Lannéanou, la maison où cantonnent les soldats qui gardent le télégraphe, et au Cloître la maison d'Hervé Tosser.

On forme à la date du 10 ventôse (1er mars 1800) le rôle des trente plus forts contribuables du canton. Ce sont, à Plougonven les citoyens Penhoadic, de Kerbiriou, taxé à 300 livres — du Parc, de Rosampoul, 200 livres — Kerbriant-Postic (l'acquéreur du manoir de Kerloaguen), 300 livres — Le Teurnier, de Kerglas, 300 livres — A Plouigneau, tous sont des aristocrates ou soi-disant tels : les citoyens du Parc, d'Ancremel, taxé à 200 livres — Lanlay, du Bourouguel, 650 livres — Grainville 300 livres — Calloët, de Lannidy, 400 livres — Lansalut, de Restrédern, 300 livres — Fresnel, de Pradalan, 600 livres — Les citoyennes Detourette, 429 livres — Guernisac, du Mur, 350 livres — Veuve Bellair, 350 livres — et les enfants Kerninon, 300 livres.

A partir de germinal an VII (mars-avril 1800) l'apaisement se fait, le gouvernement consulaire ayant autorisé l'emploi d'une formule de serment acceptable par les consciences délicates, et offert l'amnistie aux émigrés et aux chouans. Le 10 germinal (31 mars), le citoyen Henri-Marie Cloarec, ministre du culte catholique, fait enregistrer au bureau sa carte de sûreté ou laisser-passer, délivrée à Morlaix par le général Oshée, l'autorisant à exercer librement le culte et à « concourir par les voies de son ministère au maintien de la paix, de l'ordre et de la soumission aux lois ». Il déclare se fixer à Plougonven, ainsi que son confrère Jean-François Camus, prêtre à Plouigneau.

Le même jour, le citoyen Pierre-Toussaint Descognets, âgé de 38 ans, émigré, se présente au bureau, disant avoir fait sa soumission au général Oshée, à Morlaix, et lui avoir remis un fusil de munition en bon état. Il était déjà rentré en France dès l'an V, et avait sans doute chouanné dans l'intervalle. Il habitera Kerdréoret. Le citoyen Guillaume-Marie Lespine Grainville, âgé de 44 ans, né à Landerneau, fait aussi sa déclaration de soumission, dit avoir livré un fusil de chasse à un coup, et habitera Plouigneau.

Les mois suivants, c'est à la mairie un défilé de prêtres venant faire des déclarations de résidence ou requérir l'enregistrement de leurs permis d'exercer le culte. L'abbé Yves Nigeou, ancien vicaire de Plougonven, exhibe un arrêté du 5 germinal, émanant de la municipalité de Saint Martin (île de Ré), où il était détenu à la citadelle, et relatif à sa mise en liberté. L'abbé François Laviec dit se fixer à Plouigneau. Le citoyen Yves-François Le Millin, prêtre constitutionnel, résidera au Cloître, dont les habitants réclament son ministère. L'abbé Cloarec présente le 22 (11 avril), un permis accordé par le général Tilly à François Kerneau, ancien recteur, qui revenait enfin, après 8 ans d'exil et de souffrances, au milieu de ses ouailles. Le 18 prairial an IX (7 juin 1801), les abbés Le Bihan, Cloarec et Camus prêtent serment à la Constitution, après avoir fait insérer au registre une explication de ce serment parue dans le Journal Officiel et de nature à lever leurs derniers scrupules. Le 3 messidor (22 juin), l'ancien moine récollet de Cuburien François-Zacharie Laviec, demeurant à Crechguen, fait enregistrer sa carte de sûreté et sa promesse de fidélité à la Constitution. Tous quatre déclarent, le 22 thermidor (10 août), qu'ils ont choisi pour exercer leur culte l'église de la commune et celle de la succursale de Saint-Eutrope, ainsi que les diverses chapelles, quand ils en seront requis par les propriétaires. Enfin, le 15 frimaire an X (6 décembre 1801) le citoyen Yves Briand, prêtre, résidant à Plougonven, fait enregistrer la déclaration de fidélité à la Constitution qu'il a signée à Ploujean le 22 messidor an IX (11 juillet 1801). C'est avec bonheur que les populations, si longtemps privées des secours religieux, voyaient revenir parmi elles ces vaillants confesseurs de la foi qui s'étaient résignés à la déportation, à la captivité, à une existence traquée de proscrits et de hors la loi, plutôt que de prêter un serment condamné par la Papauté et répugnant à leur conscience. La force morale, le courage de ses convictions, le sacrifice généreusement consenti à un mobile élevé doivent être admirés partout où on les rencontre, et nos historiens révolutionnaires se seraient honorés en rendant aux prêtres insermentés l'hommage que mérite leur héroïque constance.

L'organisation cantonale fut supprimée en l'an VIII, et Plougonven rattaché au nouveau canton du Ponthou. Georges Laizet, nommé maire le 9 messidor (28 juin 1800) par le préfet, prête serment à la Constitution, ainsi que ses adjoints Yves Camus et Jean Bourven, notaire. Le 18 thermidor (6 août) Guillaume-Marie Le Teurnier, ex-notaire, ancien juge de paix, nommé « défenseur officiel des notaires publics » déclare quitter Kerglas avec sa famille, pour aller habiter le manoir de la Ville-Herry, en Plourin, et prend très courtoisement congé des habitants en les remerciant « de leurs bons procédés ».

Plusieurs délibérations ont trait à l'attitude déplorable des conscrits de la commune, qui demeurent farouchement sourds aux exhortations municipales les plus persuasives, et ne veulent absolument pas quitter leur Bretagne pour s'en aller faire une moisson de lauriers dans les armées du Premier Consul. Pourtant, on leur laisse « la faculté de s'arranger entre eux pour désigner celui qui partira » ; mais comme ils n'usent point de la permission, on désigne d'office Yves Le Morin, lequel, de ce moment reste introuvable. A son lieu et place est nommé Yves Tilly, qui disparaît aussitôt. Les conscrits de l'an IX et de l'an X s'obstinent à ne répondre à aucune convocation, et ceux que l'on choisit d'office s'éclipsent à l'instant pour aller grossir le nombre des réfractaires.

Le 2 prairial an XI (22 mai 1803), l'abbé François Kerneau, ex-recteur, « tout dévoué pour la commune », lui fait cession, moyennant une rente viagère de 237 francs 04, de la maison de Mon Repos, avec sa cour close, écurie, maison à four et jardin muré, pour servir de presbytère, l'ancien ayant été vendu nationalement, le 26 fructidor an II (12 septembre 1794), au citoyen Caquelard [Note : Cession, renouvelée aux mêmes conditions le 1er août 1816, et après autorisation accordée par ordonnance royale du 27 juin précédent]. Peu après, le Concordat rendit au vénérable pasteur sa charge de recteur de la paroisse, en lui donnant comme vicaires les abbés Yves Briand, né à Plestin le 5 juin 1768, et Jean-François Camus, né à Plouigneau en 1749. L'abbé Kerneau mourut à Plougonven le 5 mars 1818. Il était, né à Lézardrieux le 9 janvier 1743 et avait été ordonné prêtre le 19 septembre 1767 (Notes Peyron - Archives de l'Evêché). (L. Le Guennec).

 © Copyright - Tous droits réservés.