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Manoirs de Plougonven : Lesven, Kerdréoret, Guernarchant, Quistillic. |
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La route de Saint-Eutrope à Plouigneau, qui se dirige vers le Nord-Est, fait rencontrer d'abord le hameau de Kermorvan, chef-lieu d'une des deux anciennes fréries de la trève, puis, près des limites de la commune, dans le riant vallon du Tromorgant, le hameau de Kerstrat. Guillaume Kerstrat est cité parmi les nobles de la paroisse en 1441 et son fils Mahé figure dans la montre de 1481. Plus tard, ce lieu passa par mariage des Korloaguen et des Carné aux du Rusquec. Un convenant, au même endroit était tenu en 1566 par Yvon an Ivolant sous noble Olivier de Brézal, seigneur dudit lieu, Coatélant, Corvez. Ce même convenant, ruiné pendant la Ligue, fut donné en 1607 à domaine congéable moyennant une rente de 4 quartiers froments, plus 54 livres pour les superfices (Archives du Finistère, E. 326). En 1674, les enfants du feu sieur de la Villeneuve Le Loucze possédaient le lieu de Kerstrat.
Revenons vers Plougonven. Bientôt, nous trouvons sur la droite la ferme de Lesven, qui a remplacé un vieux manoir appartenant en 1481 â Yvon de Kerloaguen et en 1543 à Guyon Salaün. Ce Salaün, que nous avons déjà rencontré comme seigneur de Goasvalé, prétendait descendre d'un jeune breton qui, au XIIème siècle, avait mérité la noblesse par sa bravoure et sa présence d'esprit. Certain jour de l'année 1163, le roi d'Angleterre Henri II chassait près de Morlaix dans le Parc-au-Duc ; harcelé par les chiens, un énorme sanglier se précipita sur lui et le renversa de cheval ; meurtri de sa chute, incapable de se défendre, le monarque allait périr sans assistance, lorsqu'un jeune soldat survenant tout-à-coup courut droit au solitaire et lui abattit la hure d'un magistral coup de taille. Henri II récompensa généreusement son sauveur, le créa gentilhomme et lui attribua pour armes un blason qui rappelait sa prouesse : d'argent à la hure de sanglier de sable arrachée, défendue et allumée de gueules, couronnée d'or.
J'ai vu aux archives du château de Keromnès une curieuse lettre écrite vers 1560 par un Salaün de Lesven au père de sa fiancée, pour lui annoncer qu'il se rendra l'un des jours suivants à Morlaix, et qu'il les convie à dîner avec lui : « Surtout, ajoute-t-il, naïvement (j'indique seulement le sens) que ma maîtresse se donne garde d'y manquer, car si elle n'est point là, ce sera pour moi comme s'il n'y avait personne ». Françoise de Goezbriand, douairière de Lesven, fait son testament, en 1593 et lègue à la fabrique de Plougonven le petit lieu de an Nerffhet hir, en Plougasnou, à charge de 2 services par an (Archives du presbytère). Au XVIIème siècle, Lesven était possédé par la famille des Anges, qui a produit un maire de Morlaix en 1670 et s'est fondue dans Kerloaguen et Jégou du Laz. L'ancienne demeure a été totalement rebâtie.
A gauche de la même route, la petite maison de campagne de Kerdréoret se cache derrière un rideau de pins et d'arbres verts. Jeanne Kerstrat, veuve de Jehan Nicolas, donne vers 1460 à la fabrique de Plougonven 6 sols de rente sur son lieu de Kerdréoret, qui appartenait en 1543 à François Le Du, et en 1596 à Morice de Kerret, sieur de Goariva, époux de Lucrèce Goaffuec, auquel les paroissiens concèdent la jouissance de deux tombes en la chapelle de N.-D.-de-Pitié, dans l'église. Son fils François de Kerret, sieur de Goariva, mourut en 1646, laissant de sa femme, Julienne Destable, autre François de Kerret, écuyer, sieur de Goariva, Kerdréoret, marié à Marguerite de Kermerchou et décédé en 1691, dont la fille héritière Hélène épousa en 1685 écuyer Alexandre Le Bihan, sieur de Kermeno cadet de la maison de Penlan, en Plourin.
Leur fils aîné Bonaventure-Guyon Le Bihan, sieur de Kerdréoret, né en 1687, épousa vers 1726, Thérèse-Bénigne Remond de Varse, de Morlaix, morte en 1730 et enterrée dans l'église de Saint-Eutrope ; dont un fils, Charles-Gabriel Le Bihan, marié en 1760 à Charlotte-Michelle Alleno de Kersalic. De ce mariage vinrent deux filles. Thérèse-Anne Bonaventure, née en 1761, mariée en 1786 à écuyer Joachim-Michel Le Rouge, seigneur de Kersenant, enseigne des vaisseaux du Roi, et Marie-Louise-Xainte, née en 1761, mariée en 1781 à écuyer Pierre-Toussaint des Cognets de Correc. Le fils aîné de ces derniers, Louis-Michel-Marcellin des Cognets, né au manoir de Kerdréoret en 1784, fut baptisé solennellement le 17 Août dans la chapelle de Saint-Albin. M. des Cognets émigra sous la RévoLution, parvint au grade de capitaine dans l'armée royaliste de l'Ouest, et fit sa soumission en 1800 pour revenir habiter à Kerdréoret. Il fut maire de Plougonven de 1813 à 1815. La famille des Cognets de Kerdréoret est encore aujourd'hui représentée à Morlaix et à Roscoff.
L'avenue de Kerdréoret borde à l'Ouest les terres de Guernarc'han, manoir possédé en 1441 par Jean Morice, qui donne en 1463 à la fabrique de Plougonven une rente d'un parefart ou quartier froment sur les Parcou-Morice, au Quilliou (Archives du presbytère). Son fils Guillaume Morice servait en 1481 dans la garde du duc. En 1543, Jean Morice était seigneur de Guernarc'hant et de Bourdidel. Peu après, cette famille dut subir une sensible déchéance, qui l'obligea de quitter la paroisse où elle vivait modestement peut-être, mais noblement, pour venir en ville gagner sa subsistance par le travail manuel. Noble Jean Morice, sieur de Guernarc'hant, époux de demoiselle Françoise Pape, était pintier ou plombier à Morlaix sous Louis XIII. D'après les comptes de Plougasnou, il fabriqua en 1617, pour l'église de cette paroisse, une baratte ou cuve de plomb ornée de jolis masques féminins, qui est toujours utilisée aux fonts baptismaux. De plus, un ancien compte de tutelle conservé aux archives de Lesquiffiou nous montre Jean Morice installant vers 1615 la plomberie dos toitures du château de Kerjean, et mangeant à la table du seigneur « pour ce qu'il est gentilhomme ». Son fils Jean, époux de demoiselle Marie Deincuft, put revenir vers 1640 habiter Guernarc'hant ; il y mourut en 1654 et fut enterré dans l'église, « en la chapelle dépendant de ladite maison », fondant par son testament 2 services annuels, l'un à Plougonven, l'autre à Saint-Eutrope (Archives du presbytère). Pierre Morice, son fils, débouté à la réformation de 1670, vendit le manoir de Guernarc'hant à la présidente de Bry ou au sieur du Bois Bonnemez, négociant à Morlaix, et la famille Morice s'est éteinte en 1739 en la personne de dame Périne-Guyone Morice, dame de Kerogan de l'Estang, morte à Rosampoul et enterrée à Saint-Eutrope. Quelques restes du vieux manoir subsistaient encore à la fin du XIXème siècle, mais sans rien présenter de remarquable. Les Morice s'armaient : d'argent à 3 bandes de gueules, au franc canton de même chargé d'une coquille d'argent.
Un peu au Nord de Guernarc'hant se trouve le lieu de Bourdidel, dont Conan Le Sugarde était possesseur en 1543. Sa fille Jeanne épousa écuyer Henri de Kergroas, sieur de Kerven, et tous deux, demeurant en leur manoir de Bourdidel, vendent en 1565 à écuyer Philippe de Kerret, sieur du Carpont, le lieu noble de Kerlechmat en Plouigneau (Archives du Finistère, E.511). Au siècle suivant, Anne Morice, dame de Bourdidel, épousa le sieur Meistin, Suisse de nation, dont la succession tombée en déshérence fut recueillie par le seigneur de Rosampoul en vertu du droit d'aubaine. Bernard Nouël écuyer, sieur de Bourdidel, était maire de Morlaix en 1640. En 1674, l'un des Bourdidel appartenait au sieur de Lesmel, de l'évêché de Léon, l'autre aux hoirs de feu Hervé Roparz, et ce dernier lieu avait passé en 1725 aux héritiers de Paul Le Dissez et Marie Le Roparz sa femme, sieur et dame de Quistillic en Plouégat-Moysan. Tout près de Bourdidel, l'ancien lieu noble de Kerdavid était jadis aux familles de Carné et du Rusquec.
En continuant à nous rapprocher du bourg, nous traversons le village de Kervézennec, aux dépendances duquel, sur la route de Morlaix, se dressaient autrefois les fourches patibulaires du fief de Garspern, sur la garenne dite Goarem-ar-Justiçou. On en montre encore l'emplacement dans un petit champ triangulaire. En 1654, écuyer François de Kerret, sieur de Goariva, fournit aveu au sieur dc Brézal, à cause de sa terre de Coatélant, pour le convenant de Kervézennec, tenu à domaine congéable et valant par an 5 quartiers froment, 2 avoine, 60 sols, 6 poussins et 3 journées à bras (Archives du Finistère, E.326).
Par Kerpunz, ancienne terre noble de la famille Le Du en 1453, et Kernévez, on atteint la route de Plougonven à Plouigneau au vieux manoir de Quistillic. Une famille noble de ce nom est signalée dans la réformation de 1441 en la personne de Marguerite Quistillic. En 1543, ce lieu était à Pierre de Lochrist, noble. Il passa plus tard à la famille de Viesques, par le mariage, vers 1635, de Françoise de Lochrist, héritière de Quistillic, et de François de Vieques ou Viesques, sieur de la Barre. Cette dame avait une soeur, dont la fin fut malheureuse : « damoiselle Louise de Lochrist fuste tué en une paroisse en l'évesché de Léon le 5 octobre 1646 », dit le registre des décès. De ce mariage vinrent sept enfants, entre autres Jeanne de Vieques, mariée, en 1657 à Mre. Claude Henrion, sieur de Kergrech, de Saint-Mathieu de Morlaix. François de Vieques, seigneur de Quistillic, mourut en 1664 et sa femme en 1671 ; on l'enterra « proche le marche-pied du grand autel ». Leur fils aîné François épousa 1° en 1669 Suzanne du Largez, qui décéda à 33 ans, en 1681 ; 2° en 1682 Anne du Dourdu, morte en 1691, et trépassa lui-même à 76 ans, en 1709. De sa première alliance, il ne laissait qu'une fille héritière, Jeanne de Vieques, mariée en 1699 à écuyer François de Kerloaguen, sieur de Kerlavoz en Trégastel.
M. de Kerlavoz était en 1722 capitaine de la paroisse de Plougonven et mourut en 1756, après avoir été père de 15 enfants, dont plusieurs moururent en bas-âge. Son fils aîné Rolland de Kerloaguen épousa à Plougonven, en 1737, dlle. Marie-Anne de Kermellec, fille d'écuyer Humphroy de Kermellec et d'Anne-Mordret. L'un de leurs fils, Jean-Hervé, officier des gardes-du-corps, mourut sans alliance en 1777 ; un autre, Etienne Marie, devint chanoine de N.-D. du Mur à Morlaix ; un troisième, Louis-Jean, sieur de Keredol, épousa à Bolazec en 1766 Laurence Larhantec. De tous ces enfants, il ne restait en 1779 que dlle. Jeanne-Françoise de Kerloaguen, qui fournit cette année aveu au fief de Bodister pour la maison et manoir noble de Quistillic, cour close, rabine, colombier ruiné, moulin, convenant de la Villeneuve, etc., valant 626 livres de rente. Elle épousa en 1781 noble maître Guy-Yves Yvon, sieur de la Bretterye, avocat au Parlement, subdélégué de l'intendance de Bretagne au département de Tréguier et échevin de cette ville, fils d'un ancien sénéchal de Tréguier ; mais elle ne laissa pas d'enfants, et en 1807 ses biens comprenant le manoirs et moulins de Quistillic et de Kerlavoz, sont partagés entre les derniers rejetons appauvris et déchus de l'antique estoc de Kerloaguen : Jacquette de Kerloaguen, femme de Claude Le Corre, écrivain au port de Brest ; Marie-Françoise, religieuse ursuline à Saint-Pol ; Jean-Marie de Kerloaguen, marin de l'Etat, et Marie-Bonaventure Le Bihan de Noirville, veuve de Pierre Jourdren, demeurant à Goariva en Plougonven (Titres de Quistillic).
Le manoir de Quistillic est une longue maison à un étage, rebâtie sans style au XVIIIème siècle. Au devant sont les ruines du portail qui fermait la cour et qui s'ouvrait sur une avenue de beaux châtaigniers rejoignant la route. Celle-ci, avant de nous ramener au bourg, point final de notre excursion, nous fait passer près de la Boissière et de Ty-ar-Veleien, (la Maison des Prêtres) vétustes logis provenant de fondations pieuses. Ce dernier fut acquis en 1793 par Jean Bourven, et a conservé, avec son nom ancien, un joli puits de granit ouvragé. (L. Le Guennec).
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