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Plougonven et la Révolte du Papier Timbré. |
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L'année 1675 vit en Bretagne la fameuse révolte du Papier timbré. Dès 1673, Colbert avait déjà voulu assujettir notre province, en violation de son indépendance fiscale, à l'impôt du timbre, mais les Etats de Vitré ayant consenti, pour échapper à cette charge, à doubler le don gratuit, le roi retira ses édits. L'année suivante, l'insuffisance des ressources financières obligea Colbert de revenir sur cette exemption ; il ajouta à la taxe du papier timbré, particulièrement odieuse aux Bretons, d'autres droits non moins onéreux sur la marque de la vaisselle d'étain et la vente du tabac.
La colère publique fit alors explosion. Rennes donna le signal de la révolte, bientôt, suivie par Nantes, Vannes, Dinan, Lamballe. Aux premiers jours de juin 1675, la Basse-Bretagne était elle-même en pleine effervescence. Au son du tocsin, des bandes armées de paysans se formaient, pourchassant les agents du fisc, pillant et incendiant les manoirs et les monasières, maltraitant, assassinant même des prêtres et des gentilshommes, menaçant les villes. En Basse-Cornouaille, depuis Combrit jusqu'à Douarnenez, c'étaient les Bonnets bleus ; en Haute-Cornouaille et dans le Tréguier, les mutins devaient à la couleur de leur coiffure le nom de Bonnets Rouges. La sédition fut surtout terrible dans le pays de Carhaix, où elle avait pour chef le notaire Le Balp, qui souleva 30.000 paysans et fut maître absolu du Poher durant deux mois. A sa suite, les insurgés pillèrent Carhaix, Callac, l'abbaye de Langonnet, les bourgs de Maël-Pestivien, Kergrist, Maël-Carhaix, Duault, prirent et brûlèrent le château de Kergoat, en Saint-Hernin, et commirent mille excès contre la personne et les propriétés de ceux qu'ils soupçonnaient d'être favorables à « la gabelle ».
Jusqu'ici, on a publié peu de documents sur la part prise par les paroisses de la sénéchaussée de Morlaix à ce grand mouvement populaire. En mai 1675, la communauté morlaisienne écrivait au duc de Chaumes « que la tranquillité était parfaite en ville et qu'on n'a veu respirer qu'une fidélité extrême au Roy et une submizion aveugle à sa volonté » (Archives de la mairie de Morlaix. - Reg. de délibérations municipales, 1675-1677).
Lorsque le marquis de la Coste fut blessé à Châteaulin, le 9 juin 1675, en voulant réprimer une émeute, Morlaix députa vers lui « pour lui exprimer sa douleur de l'attentat qu'il a subi et le prier de venir en cette ville s'y faire soigner » (Archives de la mairie de Morlaix. — Reg. de délibérations municipales, 1675-1677). L'attitude des campagnes devenant inquiétante, la municipalité arrête de faire travailler aux réparations des portes et ponts des faubourgs, et de placer une garde de milice à l'hôtel-de-ville les jours de marché (Archives de la mairie de Morlaix. — Reg. de délibérations municipales, 1675-1677). Elle fait acheter 200 mousquets et 1 millier de mèches à Saint-Malo, et fixe à 15 sols le salaire des artisans employés à la garde des remparts (Archives de la mairie de Morlaix. — Reg. de délibérations municipales, 1675-1677). Ces mesures de précaution eurent sans doute un effet utile, car si des bandes de Bonnets Rouges se montrèrent sur les hauteurs de Plourin, elles n'osèrent rien entreprendre contre le riche port qui leur offrait cependant une proie tentante.
Certains recteurs bas-bretons, ceux de Daoulas et de Plestin entre autres, ont laissé sur leurs registres de curieuses notes relatives à la rébellion. Le recteur de Plestin écrit en latin, au mois de janvier 1676, que « les paysans croyaient tout permis, tous les biens communs, et qu'ils n'épargnaient même pas les ministres de l'Eglise, voulant égorger les uns et chasser les autres de leurs paroisses » (Cité par le P. Séjourné. Histoire du Vénér. Serv. de Dieu Julien Maunoir, 1895, t. II, p. 177). Mais son confrère de Plougonven a gardé sur ces tragiques évènements une discrétion regrettable. La seule mention qui soit faite dans les archives de la paroisse de la révolte du Papier timbré se réfère à un acte prônal du 8 septembre 1675 « portant l'advis des paroissiens d'emprunter du trésor de l'église 700 livres pour fournir à l'achapt des espèces leur demandées à Morlaix pour contribuer à la subsistance de l'armée du Roy, suivant l'ordonnance de M. le duc de Chaulnes ». Cette armée venait de Carhaix et passa quelques jours à Morlaix, au grand désespoir des habitants, qui durent loger et défrayer les soldats. Elle prit ensuite la route de Lannion et de Guingamp.
Toutes les paroisses du ressort furent de même taxées, et l'on voit dans les anciens comptes de Plougasnou qu'elle dut fournir un contingent de brebis. Ces brebis, trop maigres, n'agréaient guère aux bouchers morlaisiens, qui les jugeaient indignes de servir de nourriture aux soldats de Sa Majesté très chrétienne. Dans cette occurence, le fabrique embarrassé eut recours à un argument irrésistible. Faute de pouvoir engraisser ses bêtes, il prit le parti de presser un peu la main des bouchers et leur donner la pièce d'argent, ce qui eut pour effet immédiat de les rendre les plus arrangeants du monde. Cette petite tractation est narrée très naïvement dans la décharge du compte de 1675 (Archives de la paroisse de Plougasnou).
Du côté de Carhaix, l'insurrection ne survécut pas à la mort de Le Balp, tué au château de Tymeur, en Poullaouen, par le frère du marquis de Montgaillard. L'arrivée des troupes royales, ainsi que le supplice des principaux meneurs, achevèrent de décourager les derniers séditieux. Partout, les paroisses effrayées demandaient grâce, déposaient les armes et désignaient à la justice les plus coupables. Celles du pays de Morlaix durent livrer leurs armes en cette ville, où elles furent réunies dans l'une des salles basses de la mairie. On les obligea aussi de descendre leurs cloches, ou de condamner les portes des tours pour empêcher toute sonnerie de nature à provoquer de nouveaux rassemblements. La rigueur de la répression semble avoir été exagérée par certains historiens, car il ne faut pas prendre à la lettre la phrase célèbre contenue dans une missive du duc de Chaulnes à M. de Boiséon, gouverneur de Morlaix : « Les arbres commencent à se pencher sur les grandz chemins du costé de Quimperlé du poids que l'on leur donne » (Cette lettre est transcrite dans le registre précité des Délib, municip. de Morlaix, 1615-1677), non plus que les racontars de Madame de Sévigné.
Il n'y eut à Morlaix aucune exécution capitale, du moins les registres de sépultures des trois églises n'en mentionnent-ils point. La punition la plus sensible consista à lever sur la région de lourdes impositions pour l'entretien des 7.000 hommes de M. de Chaulnes. Le général de Plougasnou se vit aussi contraint d'emprunter de l'argent, et de l'envoyer à Lamballe « pour la subsistance des cavaliers et troupes logées en quartier d'hyver » dans cette ville (Archives de la paroisse de Plougasnou. - Compte de 1675).
Dès la fin de 1675, les paroisses sollicitaient la permission de sonner de nouveau leurs cloches (Requêtes présentées au duc de Chaulnes par les habitants de Plougourvest, Landivisiau, Tréflaouénan, Trézélidé et Keran - Archives du château de Lesquiffiou). L'amnistie accordée par Louis XIV aux révoltés repentants fut enregistrée le 2 mars 1676 par le Parlement siégeant à Vannes ; elle exceptait 164 individus jugés indignes de clémence, dont la liste peut indiquer les paroisses où la rébellion eut davantage de force. On y rencontre un paysan de Plouégat-Guerrand, un autre de Plougasnou, mais Plougonven n'y est représentée par aucun de ses habitants (A. de La Borderie. La Révolte du Papier timbré. Revue de Bretagne et de Vendée, 1860, t. VII, p. 195). Dans la Basse-Cornouaille, l'une des paroisses les plus durement châtiées fut Combrit, à cause du pillage du manoir du Cosquer et du meurtre de son châtelain. M. Euzénou de Kersalaün.
Quatre ans plus tard, le fils aîné de cette victime de la révolte du Papier timbré, Messire Jan Euzenou, chevalier, seigneur de Kersalaün, le Cosquer, venait à Plougonven se choisir une compagne et épousait, le 13 février 1679, dans la chapelle du manoir de Mezédern, demoiselle Anne-Corentine Le Lagadec, fille de Messire Jan Le Lagadec et de dame Françoise du Landrain, seigneur et dame de Mezédern. La bénédiction nuptiale leur fut donnée par l'abbé de Kermeno de Plivern, ami et compagnon du P. Maunoir, le grand apôtre dont l'influence apaisante et consolatrice contribua si puissamment à guérir les maux causés par les troubles de Basse-Bretagne. L'église de Plougonven n'a jamais retenti de son éloquente voix, mais il a donné des missions à Plourin en 1650, 1667 et 1670, et les paroisses des alentours ont donc largement profité des enseignements de cet homme admirable. (L. Le Guennec).
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