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Yves LONCLE, prêtre mis à mort en 1798 par les colonnes mobiles
dans le territoire du diocèse actuel de Saint-Brieuc.

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374. — Yves Loncle naquit à la Touche-Brondineuf en Plouguenast du légitime mariage de Jean Loncle, laboureur, et de Jeanne Le Claire, son épouse, et fut baptisé le 4 février 1761.

Yves Loncle fit ses études au collège de Saint-Brieuc. Regnault de Bellescize, évêque de cette ville lors de la Révolution, étant depuis plusieurs années absent de son diocèse, l’abbé Loncle reçut à Tréguier, par dimissoire, le 7 mai 1788, des mains de Mgr Le Mintier, la tonsure, les ordres mineurs et le sous-diaconat ; le 6 juin 1789, il fut fait diacre par le même prélat et dans les mêmes conditions. Enfin, le 25 mai 1790, il reçut le sacerdoce dans la même ville. Une fois prêtre, l’abbé Loncle revint habiter à Plouguenast au milieu de sa famille. Il avait alors 29 ans et la Révolution était déjà commencée.

375. — La lutte entre les tenants et les opposants à la Constitution civile fut fort vive dans cette localité, M. Loncle ne demeura point neutre dans la circonstance. Non seulement il signa la protestation contre la Constitution civile du clergé, connue sous le nom « d'Exposition des Principes », avec 196 prêtres du diocèse de Saint-Brieuc, mais encore l’ardeur de sa foi l’entraîna à entrer en lice et à combattre de toutes ses forces les partisans du schisme à Plouguenast, ce qui lui valut plusieurs dénonciations du clergé constitutionnel de cette localité. On le qualifie dans un écrit « de grand fanatique, fameux prédicateur de la contre-révolution, aussi bien en particulier qu’en public, disciple de Donat, enseignant au peuple que les sacrements administrés par les assermentés sont nuls ». (Ce qui se trouvait vrai au moins pour le sacrement du mariage). — « Il court sans cesse, ajoute-t-on, de paroisse en paroisse, de village en village... S’il apprend qu’il y a des malades, il y vole, etc., etc. ». (Arch. C.-du-N., Lm 5, liasse 26).

A la suite de ce factum, l’abbé Loncle fut décrété d’accusation le 7 mars 1792. M. Chapelain, recteur de Plouguenast, fut compris avec lui dans cette mesure. (Arch. C.-du-N., Lm 5, 27, et reg. L, 161, f° 27).

376. — Les Jacobins en furent pour leurs frais. M. Chapelain tout comme M. Loncle sut se rendre insaisissable. Six mois plus tard, lorsqu’on appliqua la loi du 26 août 1792, qui atteignait M. Loncle, comme ayant été l’objet d’une mesure coercitive, celui-ci demeura en France malgré les pénalités de plus en plus rigoureuses auxquelles il s’exposait par dévouement pour les âmes.

Un de ses petits-neveux, Louis Gofvry, actuellement âgé de 86 ans, a affirmé à M. l’abbé Jean Morin, présentement doyen de Plouguenast, qu'il a vu de ses yeux à la Ville-Orio en Plessala, habitée par une famille André, alliée à l’abbé Loncle, une longue caisse portative, assez étroite et grossièrement rabotée, avec deux poignées à chaque bout. C’était dans cette sorte de lit, que M. Loncle passait bien souvent la nuit au milieu des champs, pour échapper aux poursuites incessantes des révolutionnaires persécuteurs. Le vieillard qui a rapporté ces détails, a aussi entendu dire encore à ses parents que lorsque M. Loncle avait passé ses nuits à la belle étoile, il célébrait la messe de grand matin en plein air et qu’une simple barrique ou une cuve renversée lui tenaient lieu d’autel. Ainsi s’écoulèrent les terribles années de 1793 et de 1794. Après quelques mois d’accalmie au printemps de 1795, la persécution reprit à l’état aigu dès octobre de cette année et l’abbé Loncle dut recommencer son existence de proscrit, aussi pénible qu’elle était périlleuse.

Les lois du 7 vendémiaire et du 3 brumaire an IV (29 septembre et 25 octobre 1795), déterminèrent en effet un acharnement inouï contre les prêtres réfractaires de la part des colonnes mobiles qui sillonnaient la région et qu’excitaient encore les dénonciations de la municipalité cantonale de Loudéac, dont le Jacobinisme ne désarmait pas. Le sieur Bigrel, commissaire du Directoire exécutif près cette municipalité, avait spécialement la phobie du clergé insermenté, aussi lança-t-il, le 5 mars 1797, un ordre d'arrestation contre l'abbé Loncle, lequel, porte la teneur de cette pièce, « exerce les fonctions du catholicisme en secret », preuve péremptoire que ce prêtre n’avait voulu prêter aucune des promesses captieuses qu’exigeait alors le gouvernement du Directoire pour permettre l’exercice public du culte.

377. — Le coup d’Etat de fructidor an V (septembre 1797) aggrava considérablement la situation du clergé catholique, et M. Loncle, à cause de son zèle, fut spécialement désigné à l'attention des colonnes mobiles chargées d'exterminer les bons prêtres. Elles devaient finalement parvenir à le faire périr. On n’a jusqu’ici sur son trépas que les deux documents officiels que voici. Ils émanent l’un et l’autre des autorités révolutionnaires persécutrices et sont suspects à ce titre. Le premier est une lettre des administrateurs des Côtes-du-Nord, dans laquelle ceux-ci, à la date du 5 janvier 1799, avisent le Ministre de la police générale, que « la colonne mobile qu’ils ont formée, s’est mise seulement en route le 2 nivôse an VII (22 décembre 1798). Elle a seulement capturé deux prêtres réfractaires, dont l’un, nommé Londe, très mauvais sujet, a été atteint d’un coup de feu en s’enfuyant et en est mort » (Arch. Nat., F 7, 7521, n° 63).

L’autre pièce est une lettre du général Michaud adressée au Ministre de la guerre. Chassin l’a reproduite au tome III, p. 258 de ses Pacifications de l'Ouest. « Le 28 décembre 1798, rend compte cet officier général, la colonne mobile organisée par mes soins dans les Côtes-du-Nord, a, dans la commune de Plémy, arrêté le nommé Louche, prêtre réfractaire. Cet individu qui n’a jamais quitté le pays et y a toujours suivi les chouans, ayant, le lendemain de son arrestation, voulu échapper aux républicains, ceux-ci l’ont terrassé par trois coups de feu. C’est un scélérat de moins dans le pays ».

La similitude de ces deux rapports ne prouve pas leur véracité. Tout d’abord, on remarquera que l’administration des Côtes-du-Nord s’est inspirée dans sa rédaction du procès-verbal émanant des autorités militaires que celles-ci lui avaient fait parvenir, et par conséquent ses dires ne font que reproduire ceux des premiers. De plus, dans le récit du trépas de l’abbé Loncle, on retrouve la version classique par laquelle les colonnes mobiles expliquent toujours et excusent en même temps les exécutions sommaires qu’elles faisaient trop souvent des prêtres réfractaires qui avaient le malheur de tomber entre leurs mains.

On a déjà dit ailleurs le peu de crédit que mérite cette explication, on y reviendra encore plusieurs fois.

Il existe une relation plus sûre de la mort de l’abbé Loncle. Elle fut recueillie entre les années 1815 et 1820 par l’abbé Aimé Guillon, alors que de nombreux témoins des faits qu’il racontait existaient encore. Il l’a insérée au tome III, p. 585, de ses précieux Martyrs de la Foi. Le chanoine Tresvaux du Fraval l’a reproduite au tome II, p. 374, de son Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne. Les auteurs du Diocèse de Saint-Brieuc durant la période révolutionnaire, tome I, p. 320, l’ont à leur tour adoptée, en y ajoutant, d’après une tradition constante, corroborée par les documents, que M. Loncle fut fusillé à deux cents mètres de la Croix de Saint-Quia, alors en Saint-Gouéno, mais aujourd’hui en Collinée. — Voici le récit en question. Plusieurs traditions de famille le confirment tant à Plouguenast qu’en Plessala. On n’a nulle raison sérieuse d’en suspecter la sincérité :

« M. Loncle, jeune prêtre de Plouguenast, diocèse de Saint-Brieuc, était caché dans cette paroisse, lorsqu’une colonne mobile le surprit la veille de Noël et l’enferma d’abord dans une cave du presbytère au vieux bourg de Plouguenast, où il passa la nuit dans les angoisses les plus cruelles, entendant les imprécations et les blasphèmes de ces forcenés, ainsi que les projets sinistres qu’ils formaient contre lui. Les militaires partirent le lendemain du vieux bourg de Plouguenast, et emmenèrent avec eux leur prisonnier à Plessala où se trouvait le juge de paix du canton. Ils le traduisirent devant ce magistrat afin qu’il déclarât qu’il était prêtre. Mais le juge de paix, nommé Hautbourg-Amette, était un homme estimable ; ne voulant pas perdre M. Loncle, il éluda les questions que lui faisaient les soldats à son sujet. Le commandant de la colonne, voyant qu’il n’obtenait pas de réponses conformes à ses désirs, donna l’ordre à sa troupe de se diriger sur Collinée, commune voisine ; et dans le chemin, à Saint-Quia, il fit fusiller le vertueux prêtre, qui, par ses bonnes qualités, était aimé de tous, même des révolutionnaires. On attribua, dans le temps, sa mort, à la haine d’un mauvais prêtre constitutionnel, nommé Laletton (qui de sa demeurance du Pontgamp, terrorisait tout le canton).

M. Loncle fit généreusement le sacrifice de sa vie dès qu'il se vit entre les mains des soldats. Il se prépara à la mort avec calme et la subit avec une résignation qui étonna la colonne mobile elle-même ». Son cadavre abandonné sur le terrain fut inhumé à Collinée après une descente judiciaire dont le procès-verbal est perdu et l’on dressa son acte de décès, que l’on conserve à la mairie de cette commune.

378. — Le meurtre de ce prêtre frappa les habitants de Saint-Gouéno. « Les anciens de cette localité, déclare M. l’abbé François Hervé, recteur de cette paroisse, se sont transmis jusqu’à présent le souvenir de l’abbé Loncle et sont persuadés qu'il a péri victime de son dévouement sacerdotal ».

A Plouguenast, sa paroisse natale, où près de quatre-vingt personnes, parmi lesquelles deux petits-neveux et une petite-nièce, appartiennent encore à la famille de l’abbé Loncle, le souvenir de cet ecclésiastique demeure toujours très vivant, affirment MM. J. Morin et Jules Mathon, doyen et vicaire de cette localité. Une tradition unanime y veut qu’après son arrestation, on ait conduit ce prêtre devant l’intrus Laletton qui résidait alors au Pontgamp. Son attitude devant ce peu recommandable personnage y fut extrêmement réservée. Il refusa de s’asseoir et d’accepter des aliments, et une discussion s’engagea entre les deux prêtres, mais en latin.

Une personne de Plouguenast, tertiaire de la Mère Admirable, nommée Jeanne Rolland, née en 1839 et morte en 1928, a connu des frères de M. Loncle, et se souvient avoir entendu narrer qu’une des sœurs de ce prêtre, le voyant entre les mains des soldats, les suivait en pleurant. Elle cite même l’itinéraire parcouru : Montorien, Boutteville et la Touche-Brondineuf, village natal de l’abbé. Arrivé là, et craignant de voir sa sœur devenir témoin de son supplice, le sort qu’on lui réservait ne faisant aucun doute à ses yeux, le serviteur de Dieu pressa vivement celle-ci de s’en retourner chez elle, en lui disant : « Adieu, nous nous reverrons au Ciel ».

Toujours d’après cette tertiaire, laquelle, malgré son grand âge, avait conservé toutes ses facultés mentales, les parents de l’abbé Loncle, la Révolution achevée, voulurent rapporter dans le cimetière de Plouguenast les ossements du confesseur de la Foi, qu’ils tenaient pour un martyr : « Si je pouvais ramener à Plouguenast les restes de mon oncle, répétait souvent un de ses neveux, nommé Mathurin, quelle belle fête ferions-nous ce jour-là ! ». On ignore quelles circonstances l’empêchèrent de réaliser ce pieux dessein.

D’autre part, M. Le Texier, aujourd’hui vicaire à Loudéac, a connu une des petites-nièces de M. Loncle, alors qu’il était vicaire à Plessala. Celle-ci lui fit de l’arrestation de son oncle un récit, reproduit ailleurs, lequel se rapproche d’assez près de celui rapporté par Guillon. Il a le mérite d’y ajouter des détails très explicites sur l’acceptation de son supplice par le serviteur de Dieu.

BIBLIOGRAPHIE. — Guillon, Les Martyrs de la Foi, op. cit., III, p. 585. — Tresvaux du Fraval, Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne, op. cit., II, p. 374, — Le Diocèse de Saint-Brieuc durant la période révolut., I, op. cit., p. 320. — Abbé Lemasson, Les Actes des prêtres insermentés du diocèse de Saint-Brieuc mis à mort de 1794 à 1800, op. cit., p. 186-195, où sont publiées les pièces officielles concernant M. Loncle puisées aux Arch. des C.-du-N. et aux Arch. Nationales.

(Archives des Côtes-du-Nord, série L. — Archives de la mairie de Collinée. — Archives Nationales, série F 7, 7581).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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