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LA POPULATION ET LE PEUPLE DE PLOUGUENAST

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La population de Plouguenast a atteint son plus grand chiffre de 1700 à 1850 environ. Elle devait alors dépasser les 4000 habitants. En 1630, elle était plus faible. On compte 83 baptêmes en 1631, 74 en 1632, 80 en 1633. Cent ans plus tard le chiffre a doublé, il y eut 165 bâptèmes en 1739. Un chiffre supérieur à 100 se maintint jusqu'au milieu du XIXème siècle. Cette dense population vivait maigrement sur ce sol en partie inculte. Le dictionnaire d'Ogée (1750) dit en parlant de Plouguenast qu'à côté de terre bien cultivées on y voit des quantités prodigieuses de landes. Aussi la majorité de la population est-elle artisane. La grande industrie de la région du sud de l'évêché de St-Brieuc, de Quintin à Pontivy est le tissage des toiles de Bretagne. Chez nous à peu près les deux tiers de la population était tisserands, filandiers ou blanchisseurs de toile. Le lin leur vient de l'évêché de TREGUIER. Les bénéfices sont pour les marchands qui achètent les toiles brutes aux foires de Moncontour, Uzel, Loudéac, les font blanchir les expédient à St-Malo pour l'Espagne. Les laboureurs sont aussi assez nombreux, puis il y a les journaliers, les sabotiers, les boulangers. Il y a surtout des boulangers à ST-THEO. Ce fut longtemps avec le travail du fer, une industrie spéciale à ce village. Ils vendaient leur pain sur les marchés des environs.

Dans toutes les classes de la société, les familles étaient toutes très nombreuses, mais hélas ! la mortalité infantile est effroyable, la moitié des décès sont des décès d'enfants "en état d'innocence" comme disent les registres. En 1738 par exemple pendant les 6 premiers mois de l'année, il y eu 49 enterrements dont 25 d'enfants. Enorme aussi le nombre de bâptèmes administrés à la maison pour danger de mort. Cela tient, non pas tant à la misère, car chez les nobles et les familles riches il y a nombre de morts d'enfants aussi, mais bien au manque d'hygiène (en 1770, dans un rapport sur le transfert de l'église, nous trouvons ce détail : "Sur les 30 maisons que contient le Bourg, 2 ou 3 ont des vitrages, les autres sont sans vitrage" (Archives Evêché) et à l'absence de médecin. Il y eut cependant un Maître chirurgien à venir s'installer au Bourg ver 1758 appelé Joseph-Marie Jacob. Il venait de Château-Chinon, il épousa Mathurine DE PALLIER. Restèrent-ils au pays ? En 1754, le docteur JOUANE vint épouser à Plouguenast Demoiselle Jeanne-Marie VIET ; ils durent quitter eux aussi. Si les guerriers et la famine ne venaient plus comme aux siècles précédents visiter périodiquement la contrée, avec cette absence d'hygiène et de médecins, les maladies, les épidémies faisaient toujours des ravages. Les registres parlent de deux visites de ce genre. La peste en 1631, une épidémie sans nom en 1739. En 1631, la peste fit son apparition au mois d'août. Elle disparut avec le froid de l'hiver en décembre. Les victimes ne furent pas très nombreuses. Les noms de 50 ou 60 personnes sont inscrits sur le registre suivis de cette mention : "péri de peste".

On enterra pendant ces mois-là dans les cimetières des chapelles de St-Théo et de St-Michel. La mystérieuse épidémie de 1739 fit plus de ravage et dura plus longtemps. Il y eut 158 décès en 1739, 255 en 1740, et jusqu'à 321 en 1741 pour retomber à 142 en 1742. C'est à ce moment là que l'on cessa d'enterrer dans l'église car aussi inconcevable que cela puisse paraître, jusque là toutes les personnes adultes, sauf les étrangers, étaient inhumées dans l'église. A la suite d'une épidémie justement, Louis XV avait ordonné en 1719 de ne plus faire d'inhumation à l'intérieur des églises. On n'en avait tenu aucun compte à Plouguenast. Le surcroit des décès occasionné par l'épidémie, obligea les habitants à appliquer l'édit royal. Ensuite, on reprit encore l'ancien usage pendant quelque temps. Il y avait un reliquaire dans le cimetière où l'on mettait les ossements des exhumés, car vu l'étroitesse de l'église et au rythme de plus de cent inhumations par an, les tombes devaient être fréquemment renouvelées. Cette inhumation à l'intérieur de l'église était sans doute un geste pieux, mais tout de même quel foyer d'infection !

Nous voudrions pouvoir décrire la vie d'un de ces humbles foyers de nos chers ancêtres, connaître leur façon de penser, de juger les choses, leur état d’esprit, mais ces braves ancêtres n'ont pas écrit leurs mémoires et pour cause, tous, à part les nobles et les bourgeois dont nous avons parlé, étaient illettrés. Il y eut cependant un maître des "petites écoles" au moins dans la deuxième partie du XVIIIème siècle, mais il n'apparaît pas que sa classe fut jamais bien achalandée.

Chaque village alors se suffisait à lui-même, il avait son boulanger, son charpentier, son menuisier, etc. C'était une nécessité, le commerce était réduit, les déplacements extrêmement difficiles. Qu'on se représente la traversée de Plouguenast par les deux grandes voies principales, de Moncontour à Loudéac et d'Uzel à Langast. Évidemment, les chemins qui descendaient la Bernardaie, la côte-raide, montaient la côte du chauchix puis la creusée de Garmorin, ou grimpaient la bosse du Rotz, s'engageaient par Guette-lièvre et Lanfosso ou bien par l'hôtel-neuf et la chapelle pour atteindre le Vieux-Bourg, n'étaient pas des voies à faire du 90 kilomètres à l'heure. On vivait donc chez soi, dans son quartier. Ce que les habitants redoutaient le plus, comme maintenant d'ailleurs, c’était, certainement la visite du fisc, car il y avait alors aussi le percepteur, que dis-je, de multiples percepteurs, qui n'oubliaient pas leurs visites régulières. La façon dont l'impôt était réparti était évidemment très injuste, et c'est pourquoi la Révolution fut bien accueillie à son début. C'était de plus une source de tracasserie vu leur complication excessive. Avec tous les droits féodaux et seigneuriaux, les principaux impôts étaient les fouages, la taille, la capitation. Le Clergé et la noblesse étaient exempts des deux premiers. La paroisse était taxée pour ces différents impôts. Chaque année, vers Pâques, le Général, c'est-à-dire le Conseil de la paroisse, se réunissait à la sacristie de l'église, après la post-communion de la grand'messe et nommait les "égailleurs" des fouages. Le Général se composait de douze membres dont d'office le Recteur. Ces douze membres nommaient chaque année deux trésoriers chargés d'administrer le temporel de l'église.

Voici une copie de la délibération du Général de 1756 à propos de l'égail des impôts :

L'an 1756, le dimanche 1er février, dans la sacristie de l’église de Plouguenast à l'issue de la grand'messe où se sont assemblés en corps politique, en exécution de la convocation faite par Mr Le Recteur au prône de la grand'messe de dimanche dernier et répétée à celui de celle de ce jour, Jacques JOUNY et Guillaume HENRY, Mathurin THOMAS et autre Guillaume HENRY, François FLAGEUL et François ROLLAND, Mathurin HENRY et Vincent THOMAS et autre Pierre URVOY, délibérants actuels de la dite paroisse, a été, par le vieux Louis VIET et Guillaume HUGUES, trésoriers en charge, remontré que, étant sur le point de finir leur temps, il est d'usage nécessaire de nommer deux autres trésoriers pour les remplacer et entrer en charge le second dimanche après Pâques.

En second lieu qu'il est nécessaire de nommer des Collecteurs pour lever pendant la présente année le Rolle du vingtième et de deux sols pour livres du dixième.

En troisième lieu qu'il est nécessaire de nommer des égailleurs pour égailler les fouages tant ordinaires qu'extraordinaires et capitation de la présente année 1756, sur tout quoi. Le Général a nommé pour trésoriers les personnes de François MOULNIER. de la Ville Méen et Louis RADENAC de Launay Jan. Pour collecteur du vingtième et 2 sols pour livres du dixième Jacques MARTIN du Pontgamp et Pierre VISDELOUP de Cornéan. Pour égailleurs de la capitation Jacques MOUNIER du Ros, Jean DEUSSET de Cornéan et Florent GORVEL du Bohino. Pour égailleurs des tailles : pour le cours du Bourg, Antoine THOMAS de la Ville Méno. Pour le cours de Cornéan, Pierre MOUNIER de la Motte-Parent. Pour le cours des Diblais, Nicolas AMICEL de Launay-Modu. Pour assister à l'égail de la capitation et assister aux délibérations en qualité d'Economes, le Général a nommé Gilles LABBE des Courtillons et Louis URVOY du Pontgamp.

Il a aussi donné pouvoir à Allain GORVEL des Ardillets de passer ferme aux meilleures conditions possibles d'une place de pré appelée la Prée Jago destinée pour la subsistance des pauvres de cette paroisse et d'en recevoir les levées pendant six ans pour être distribuées au pauvres les plus nécessiteux de la paroisse, etc. ".

L'impôt du vingtième était égal à la vingtième partie du revenu. La capitation était un impôt fixé par tête, genre de prestation. La taille se levait sur les personnas, suivant leur revenu ou leur tenure. La rouage se payait par maison ou par feu.

En plus il y avait des dîmes. La dîme fut d'abord une offrande volontaire conseillée par l'Eglise aux premiers siècles pour subvenir aux frais du culte. Dès Charlemagne elle était devenue obligatoire.

Généralement elle correspondit chez nous, non à la dixième partie des récoltes mais à une gerbe sur dix-huit. Hélas ! d'étranges abus s'étaient introduits à propos de cette dîme. Au lieu de rester ecclésiatique, elle avait été inféodée, c'est-à-dire devenue la propriété de grands Seigneurs qui la connait en fief ou en était venu à vendre couramment une dîme, un quartier de dîme, la dîme sur un champ. Nous en avons déjà vu des exemples en Plouguenast, en voici d'autres :

En 1775, Amboise BODIN de QUINTIN vend par l'intermédiaire de Pierre NAU, curé (vicaire) à Plouguenast à Joseph de la FRUGLAIE, une dîme de 18 gerbes prélevable sur la pièce de terre le Longquartier, 4 journaux, les 2 pièces des Isles 3 Jx et le pré Boulaire.

En 1766, Cirylle DUNODAY en Mauron vend au même de la FRUGLAIE, pour 480 livres la moitié d’une petite dîme, dite de Lanfosso, se prélevant sur les terres des villages de la chapelle, Malabry, le Rotoué, la Brousse-Vauvert, la ville Erno, Lingouët et la grande clôture du Vauvert, dépendant de Gomené. L’autre moitié de cette dîme appartient aux PALLIER qui vendent au même pour 500 livres.

Toutes les grandes seigneuries avaient leurs cours, très étendus, de dîme. Elle les effermaient ou les vendaient par morceaux. Quand on achetait une terre, on la prenait avec les charges dont elle était grevées, dîmes, droits, rentes.

Nous avons trouvé quelques exemplaire de baux de ferme d’avant 1789. Par leur détail ils donnent l’impression de tracasserie, du propriétaire dans les maindres récoltes du fermier, d’une soumission servile.

Voici un bail de la Métaire Neuve, fait en 1736, Joseph de la FRUGLAIE est propriétaire :
La Métaire Neuve est affermée par an, à la Saint-Michel :

- 10 perrées de seigle, 9 d’avoine, 9 de blé noir, mesure de Moncontour.

- 40 livres de beurre, poids de Moncontour.

- 10 livres en argent,

- 30 gerbes de gled.

- Une journée de charrois.

- six Chapons.

- l'herbage de deux vaches menées et ramenées.

- 40 toises de reparé de fosses.

- Comme grain ensemencé il y avait neuf jours en tout.

 

A la même époque pour le Pateureux la Métaire avait alors :

- 38 journaux de terre labourable et non labourable.

- 9 jours et demi de pré.

Sur cette propriété, le patron de la FRUGLAIE devait 100 livres payables à la Comtesse de TONQUEDEC. Elle est affermée à Jean LAHAVE et sa femme, ou plutôt sous leur caution à Joseph et Pierre LAHAYE, leurs fils, pour :

- 24 perrées de blé, 9 d'avoine, 5 de blé noir.

- 50 livres de beurre.

- 100 livres en argent payables à la Comtesse de Tonquédec à la Saint-Michel.

- 12 livres à la Saint-Jean.

- Six chapons à la Toussaint.

- Une journée de charrois par an.

- un cent de gled.

Pour juger la cherté de la vie en ce temps, il faut savoir la valeur de l'argent, la valeur de la livre en francs modernes. Comme maintenant sa valeur variait suivant les temps. D'après Chernel (Dict. historique des Institutions de la France) sous Louis XIV, la livre valait 2 francs d'avant guerre, plus de de 10 francs en 1936. La livre égalait 20 sols et le sol 12 deniers.

A une vente, en 1737, au château du Pontgamp on voit que : 2 bœufs valaient 54 livres, - 1 vache de cinq ans 12 livres, - 1 génisse de 2 ans 6 livres, 17 sols, - 1 vieille jument 7 livres 15 sols, - 1 jument et son poulain, 16 livres 12 sols, - 1 poulain de deux ans, 17 livres 2 sols, - 2 cochons de l'année, 4 livres 2 sols.

Un lit avec son ciel, sa housse de plumes, traversin, le tout usagé 50 livres 5 sols.

On peut le constater, l'argent n'était pas très courant dans nos campagnes. Le commerce, à part les toiles, était minime. La plupart des hommes passaient leur journée à leur métier, dans la saison morte, et à cultiver leurs quelques champs dans la belle saison. Les chevaux étant rares, de même que les grandes fermes, la culture se faisait beaucoup à bras. A mesure que la population a baissé, beaucoup de chaumières, de petites tenues ont disparu.

Il n'est pas souvent question de froment dans les baux. La population vivait de pain de seigle, de bouillie d'avoine, de "galettes" de blé noir. La viande était rare. Le café évidemment n'existait pas. Il fut introduit en France par les Ambassadeurs turcs au XVIIème siècle. Le roi Louis XIV lui-même en bu pour la première fois en 1644. Nous avons tous entendu nos pères dire qu'ils étaient déjà grands quand ils le goûtèrent. Le cidre, et l'eau souvent sans doute, devaient être les boissons ordinaires.

Nous n'avons pas trouvé mention des réjouissances d'alors dans les textes se rapportant à la paroisse, mais nous pouvons bien supposer qu'à Plouguenast on n'était pas plus triste qu'ailleurs et que les danses, les jeux divers à l'occasion des pardons, des fêtes de chapelles, des fileries qui existaient partout, avaient lieu aussi chez nous.

Il n’y avait pas de séparation étanche entre noblesse et peuple, vivant ainsi en mêlés ce n'était pas possible, et nous voyons souvent les nobles parrains, marraines surtout chez les fermiers voisins.

(Abbé Ange Lucas).

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