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LE PORHOËT TOMBE EN QUENOUILLE. — NOUVELLE DISLOCATION AU COMMENCEMENT DU XIIIème SIÈCLE. — LE COMTÉ PASSE TOUR A TOUR AUX MAISONS DE FOUGÈRES, DE LUSIGNAN ET DE FRANCE (1239-1370). — DEUXIEME GUERRE DE SUCCESSION. BLOIS ET MONTFORT. COMBAT DES TRENTE (1351).

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Le comté de Porhoët, dans la première partie du XIIème siècle, va subir de nouvelles subdivisions nécessitées par les droits naturels de succession des trois filles d’Eudon III.

Mathilde (ou Mahaud), l'aînée, avait épousé, en 1204, Geoffroi, comte de Fougères ; il mourut de bonne heure (1222), laissant après lui un fils, Raoul, troisième du nom, qui devint dans la suite comte de Fougères et de Porhoët. Des deux autres filles, l'une, Aliénor, s'allia à Alain de Rohan en premières noces, ensuite à Pierre de Chemillé, seigneur de Brochesac ou de Brissac, oncle du duc de Bretagne ; l'autre, Jeanne, à Olivier, sire de Montauban.

Or cette succession, ouverte en 1231, ne manqua pas de difficultés et ne fut réglée définitivement qu'en 1248 [Note : Toutes les pièces ayant rapport à cette succession se trouvent à la Bibliot. Nat. Manuscrits fr. 22 330 (Titres Fougères et Porhoët). Elles figurent également, en grande partie, dans les Preuves de Dom Morice].

Les héritiers naturels du comte étaient donc : 1° Raoul de Fougères, représentant sa mère en sa qualité de fille aînée d'Eudon ; 2° Aliénor, devenue dame de Chemillé ; 3° Jeanne, dame de Montauban. L'accord se fit difficilement entre les trois branches qui héritaient. Raoul de Fougères se montra, il semble, exigeant envers ses oncles et ses tantes. Un premier partage fut conclu au mois de septembre 1239 et, la même année, Raoul de Fougères rendit hommage au duc Jean le Roux pour ses terres de Porhoët ; puis un second en 1241 et enfin un dernier en 1248. D'après ces partages, qui ne diffèrent au fond que de bien peu de choses, Raoul de Fougères devint propriétaire des deux tiers du comté de Porhoët, y compris Josselin et son château, Lanouée et sa forêt avec la paroisse de Mohon. Aliénor et son époux reçurent les villes de la Trinité, de la Chèze avec son château, de Loudéac avec la forêt du nom, etc. Rien, dans les actes, n'indique les noms des propriétés échues à Jeanne de Porhoët et à son mari, qui cependant eurent leur moitié d'un tiers du comté.

Jean Ier, dit le Roux, confirma ces partages par une lettre datée de Ploërmel, février 1248. Ces dispositions, comme nous le verrons, subirent dans la suite de nouvelles transformations.

Aliénor, connue sous le nom de dame de la Chèze, choisit comme résidence le château de ce nom et y administra elle-même le patrimoine dont elle venait d'hériter. Le château de la Chèze paraît avoir été bâti par le comte Eudon, grand-père d'Aliénor, pour commander le bassin supérieur du Lié. M. Geslin de Bourgogne nous dit qu'il a été amené à cette opinion par cette considération surtout que ce prince fonda indubitablement l'abbaye de Lantenac [Note : Lantenac, à l'extrémité de la forêt de Loudéac (paroisse de La Ferrière)], pendant qu'il était reconnu comme comte des Bretons. Or, toute l'histoire de la féodalité bretonne établit que chacune de nos abbayes, chacun de nos prieurés a été le complément nécessaire d'un castrum aux XIIème et XIIIème siècles. C'était la force morale près de la force matérielle ; recevant protection, mais, en retour, enseignant l'obéissance et le respect, parfois même rendant la justice pour le seigneur. Les moines ont fait marcher de front, outre renseignement des masses, une haute culture intellectuelle et une industrie importante. Les Bénédictins de Lantenac, à l'époque des guerres de religion, furent expulsés de leur abbaye et subirent de cruelles vexations ; la Ville-Audren et la Magnanne tour à tour y régnèrent en oppresseurs et laissèrent le plus affreux souvenir dans la contrée.

Voici dans quelle circonstance fortuite le même auteur, qui nous renseigne particulièrement sur Lantenac, découvrit la sépulture d'Aliénor de Porhoët :

« Par une soirée de printemps, j'errais dans l'oasis créé par les moines au milieu des landes. Le soleil, après avoir fourni sa journée lourde et brûlante sur la bruyère, se laissait lentement glisser dans une splendide couche de nuages. L'abeille se taisait, sa laborieuse tâche finie ; quelques oiseaux seuls, près de leurs nids inachevés, semblaient continuer l'hymne du soir des disciples de saint Benoît. Tout dans la nature respirait l'harmonie, l'ordre, le calme, le repos paisible après le travail, comme au temps de la congrégation de Saint-Maur. Ce cadre, vide aujourd'hui, où se sont déroulés les labeurs des Mabillon, des Lobineau, des le Gallois, des Luc d'Achery, de tous ces hommes forts à qui la science et l'art doivent tant ; ce cadre, dis-je, sembla protester contre les outrages de l’ignorance moderne. Mon pied heurta un sarcophage portant l'effigie d'une femme dans le costume du XIIIème siècle. Sous son manteau de mousse, je lus, en caractères presque effacés : Aliénor de Porhoët, dame de la Chèze  » (Mémoires de la Société d'Émulation des Côtes-du-Nord, 1816).

Cette princesse, considérée comme orgueilleuse et dure, nous a laissé cependant des preuves de bonté et de justice. Nous avons d'elle un certain nombre de chartes intéressantes ; ici, elle fait une gratification à l'un de ses vassaux ; là, elle exempte les habitants du bourg de la Chèze d'une partie de la taille qu'ils lui doivent annuellement. Elle avait eu un fils de son premier mariage, Alain, héritier de la vicomté de Rohan, et de son second mari un autre fils appelé Thomas de Chemillé. Or, d'après l'assise du duc Geoffroi et les lois du temps, le fils aîné devenait l'héritier unique ou au moins principal de ses parents. Alain de Rohan devait donc être l'héritier de sa mère [Note : Il convient de noter cependant que Thomas de Chemillé réclama une part d'héritage. Par accord de juin 1238, il reçut les terres de la Rivière, sises dans la paroisse de Plumieux ; de la Ville-Samson et de la Ville-Hoéon, sises dans la paroisse de Brehant-Loudéac ; plus la ville de la Trinité. A sa mort, ces biens étaient réversibles sur la tête d'Alain de Rohan] ; c'est pourquoi, à la mort de celle-ci, il adjoignit la Trinité, Loudéac, la Chèze avec toutes les autres dépendances, au patrimoine de ses pères. Un accord, fait en 1284 entre lui et son frère Thomas de Chemillé, en donne une nouvelle preuve (D. MORICE, t. I, col. 1072). La vicomté de Rohan s'agrandissait au profit du comté de Porhoët ; un jour viendra où ce rejeton accaparera toute la vitalité de cette souche qui l'avait fait naître.

Arrêtons-nous ici quelques instants. Qu'advint-il de ce territoire de la Chèze, comprenant Loudéac, la Trinité et leurs dépendances ?

Pour éluder toute difficulté, Levot déclare simplement que ce démembrement fut réuni au trône par acquêt du connétable Olivier de Clisson. Cette affirmation est erronée en tous points ; il n'est pas même fait mention de la Chèze dans le contrat d'échange de 1370, entre le Connétable et les comtes d'Alençon et du Perche. De la lecture de différentes chartes, il ressort au contraire clairement que la seigneurie de la Chèze (Loudéac et la Trinité), tout en étant aux mains des Rohan, ne fut jamais détachée du Porhoët. Le duc de Bretagne ne nous l'apprend-il pas lui-même dans une déclaration du 11 mai 1396 ayant rapport au rachat des terres du vicomte de Rohan : « Comme le territoire de la Chèze est de la tenue et ressort de la Baronie de Porhoët... actuellement à notre très cher cousin Olivier, sire de Clisson... etc. » ?

Dom Morice se prononce aussi dans notre sens en disant que la seigneurie de la Chèze était membre dépendant du comté de Porhoët.

Elle devint donc, pendant quelque temps, juveignerie de Rohan, tout en restant dans la vassalité de Porhoët. Alain VIII de Rohan, qui épousa Béatrix de Clisson, en rapporta l'entière jouissance au titulaire du comté.

Jeanne de Porhoët et Olivier de Montauban disparaissent bientôt, du moins du cadre qui nous occupe. Ils ne gardèrent presque rien dans cette partie de la Bretagne. Enfin Guy Mauvoisin, époux d'Alix, fille d'Eudon II, fit aussi valoir ses prétentions à la mort d'Eudon III. Le roi de France régla l'affaire. Guy reçut une somme de 2 500 livres tournois et une rente annuelle de 200 livres qui lui furent servies par Raoul de Fougères [Note : Accord de juin 1238. Cartulaire d'Alençon, D. MORICE, t. I, col. 907].

Marguerite, veuve d'Eudon III, survécut de longues années à son mari. Ses enfants lui laissèrent pendant sa vie la terre du Plessis et le manoir de la Villejagu situé auprès des forges actuelles de Lanouée, dans la paroisse de Cambout. C'est dans cette résidence que furent signés les partages définitifs de l'an 1248.

Raoul III épousa Isabelle, fille d'Amaury, seigneur de Craon et de Sablé, dont il eut une fille unique, Jeanne de Fougères, qu'il maria (en 1253) à Hugues XII de Lusignan, comte de la Marche et d'Angoulême. A sa mort, survenue en 1256, les comtés de Fougères et de Porhoët passèrent dans la maison de Lusignan. Hugues XII, qui entra en possession de tous ces biens, laissa deux fils, Hugues et Guy, et une fille, Yolande.

Hugues, deuxième du nom, seigneur de Fougères et de Porhoët (1282), apporta le contingent de ses forces au duc Jean II dans la guerre entre l'Angleterre et la France. L'état de l'Ost du duc, convoqué en 1289 à Ploërmel, fournit, pour le diocèse de Rennes, Guy de Laval, seigneur de Vitré ; le seigneur de Chateaubriant ; le seigneur de Lohéac ; les gens du comte de la Marche pour les fiefs de Fougères et de Porhoët... etc. et d'autres seigneurs. Lui-même ne cessa de mettre son épée au service de la France ; la mort le surprit sur le champ de bataille de Courtrai en 1302. Comme il ne laissait pas de postérité, Guy de Lusignan, son frère, lui succéda. Celui-ci prit le parti déshonorant de s'allier aux Anglais et de leur livrer Cognac et Mercins. Cité A la Cour des Pairs et condamné pour crime de félonie, tous ses biens lui furent confisqués par arrêt de l’an 1307 [Note : Il est donc faux de prétendre qu'il légua bénévolement ses biens à Philippe le Bel].

Philippe le Bel, roi de France, ne voulut pas cependant faire exécuter la sentence dans toute sa rigueur ; la jouissance de Fougères et Porhoët fut laissée, pendant toute sa vie, à Yolande de Lusignan, sœur de Guy ; autorisation même lui était donnée d'en faire hommage au duc de Bretagne.

Yolande conserva ces terres jusqu'en 1314, année de sa mort. Aussitôt le duc, feignant d'ignorer la clause de reversion à la couronne concernant les biens de Yolande, s'en saisit. Mais Philippe le Bel l'assigna à comparaître à sa cour pour venir expliquer en sa présence les droits qu'il revendiquait et il dut sur-le-champ faire restitution (Mémoires de Cagnard, D. MORICE, Preuves, t. I, col. 1251). Philippe le Bel en donne alors l'investiture à Charles de France, son fils, comte de la Marche et de Bigorre, sire de Crécy [Note : Charles de France fit hommage de Fougères et de Porhoët au duc Jean en 1316. D. MORICE, Preuves, t. I, col. 1263]. En devenant lui-même roi de France (1320), sous le nom de Charles le Bel, il transporta lesdites terres à Philippe de Valois, son oncle.

De Philippe de Valois, ces propriétés allèrent à Jean, son fils, qui, l'année 1328 en fit cession à Charles de France, comte d'Alençon. Ce dernier les conserva de 1328 à 1346. Marié à Marie d'Espagne, il en eut quatre fils : Charles, qui devint archevêque de Lyon ; Philippe, qui fut archevêque de Rouen puis cardinal ; Pierre, qui épousa Marie Chamaillard, comtesse de Beaumont, et Robert, comte du Perche. Fougères et Porhoët furent l'apanage des deux aînés ; puis finalement ceux-ci l'abandonnèrent vers 1361 à leurs deux cadets. Ces fîefs devaient rester entre leurs mains jusqu'en 1370.

Mais voyons quelle était la situation intérieure de la province.

La paix et la justice n'avaient cessé de régner sous le duc Jean III le Roux, mais dès sa mort tous les maux fondirent sur la Bretagne. Les revendications de deux familles firent naître une nouvelle guerre de succession.

Pendant vingt-quatre ans, de 1341 à 1365, la Bretagne fut le théâtre du plus héroïque et du plus douloureux spectacle que l'ambition des rois ait donné au monde.

Tous deux doués d'un courage semblable, l'un des prétendants était un héros, l'autre un saint. « Tour à tour vainqueurs et prisonniers l'un de l'autre, dit Pitre-Chevalier, aujourd'hui la couronne en tête, demain les fers aux pieds, les destins respectifs de leurs armes et les vicissitudes de leurs vies dépassent dans leur naïveté l'intérêt des fictions romanesques. Tous les prodiges que peuvent faire la bravoure et le patriotisme, tous les crimes que peut commettre la méchanceté, toutes les trahisons que peut méditer la perfidie, tous les dévouements que peuvent susciter l'amour chevaleresque, la piété conjugale et maternelle, toutes les horreurs que la guerre traîne à sa suite furent les événements journaliers de cette incroyable histoire ».

L'élite de la noblesse bretonne et même européenne, les trois quarts de la population de la vieille Armorique, furent décimés par le fer, par l'eau ou par la flamme. Non seulement Bretons et Français, mais Anglais, Espagnols, Ecossais, Flamands, se heurtèrent dans cette échauffourée meurtrière. Dès le début de la lutte, derrière Charles de Blois et Jean de Montfort, avaient surgi deux rivaux irréconciliables : le roi de France, prêt à saisir cette Bretagne désirée si vivement par ses pères et qui résistait seule à l'unité monarchique, et le roi d'Angleterre, convoitant non plus seulement la possession de son ancienne alliée, mais visant la conquête de la France entière.

Quel fut le sort du Porhoët et de ses seigneurs durant cette période désastreuse ?

Bien que l'histoire ne se soit pas attachée au rôle joué par le comte d'Alençon, il n'est pas douteux que dès le premier signal, les soldats de Porhoët se rallièrent aux couleurs de Charles de Blois, le protégé et l'allié de Philippe de Valois.

D'un sang bouillant et généreux, et comme nous les avons déjà vus, ne marchandant pas les coups d'estoc et de hache, que de défis ils durent jeter par-dessus les murs d'Hennebont, à leurs vieux ennemis, les Anglais ; mais aussi quels ravages dans leurs rangs ne durent pas faire les sorties furieuses comme celles de Gauthier de Mauny et Robert d'Artois. « Là put-on voir, de part et d'autre, belles incursions, belles rescousses, beaux faits d'armes et belles prouesses à grand foison, dit le chroniqueur ».

La perte de Vannes exaspéra le souverain anglais, qui pour se venger vint lui-même conduire la guerre. Il fit armer « grand amas d'hommes et de vaisseaux », prit terre à Brest, et allant droit au cœur du pays, saccagea Rohan, Pontivy, Ploërmel et Josselin, bien entendu. Le Porhoët, comme du reste toute la Bretagne, subit les ravages du fléau.

Nous ne suivrons pas les gens du Porhoët dans cette longues chevauchée guerrière ; il faudrait retracer ici toutes les phases et les différents exploits de cette guerre. Qu'il nous suffise de savoir, partout où la défense du sol breton et la gloire des hommes les appelaient, que ce fut à la suite d'un capitaine d'armes ou du comte d'Alençon lui-même, jamais ils n'y manquèrent.

Mais de toute la guerre, la plus belle page qui concerne Porhoët est celle du combat des Trente, que Beaumanoir sut écrire en lettres d'or sur le frontispice historique de Josselin.

Bembro, commandant pour Edouard et Montfort à Ploërmel, ayant, au mépris des conventions et des trêves, porté le fer et le feu dans le pays, le Maréchal Jean de Beaumanoir [Note : Et non Robert comme l'ont écrit bon nombre d'auteurs anciens et modernes (Boissart, Pitre-Chevalier). Ce qui porta à confondre l’un et l'autre, ce fut que tous deux devinrent maréchaux de Bretagne sous Charles de Blois, dont ils embrassèrent la cause. Mais Jean était neveu de Robert et succéda à son oncle dans la dignité de Maréchal], gouverneur de Josselin pour Charles de Blois [Note : Bien que Josselin fût alors château seigneurial et ne dépendant aucunement du duc. En qualité de place forte, cette ville pouvait en temps de guerre être occupée par un capitaine qui y tenait garnison au nom d'un des prétendants du duché] et qui joue dans toute cette histoire le plus noble rôle, se rendit à Ploërmel, pour parlementer avec le chef anglais. Aux reproches que fit Beaumanoir, à son rival, de batailler envers et contre tout, les affaires s'envenimèrent au point que le chef des Bretons jeta un défi à Bembro.

Afin que le poids de la guerre ne fût porté que par des guerriers, il fut convenu que trente Anglais viendraient s'aligner en face de trente Bretons et qu'ainsi entre hommes d'armes la querelle serait vidée en champ clos.

Rendez-vous fut pris, près d'un chêne, sur les landes, à mi-voie entre Ploërmel et Josselin. Chacun des capitaines choisit parmi ses compagnons les plus valeureux. Ceux de Beaumanoir furent les chevaliers de Tinténiac, Guy de Rochefort, Yves Charruel [Note : seigneur de Guérand et de Kergallon, il scella en 1338 l'acte de partage d'Hervé de Léon et d'Amice sa soeur (D. MORICE, T. I, col 1394). Défenseur de Rennes en 1342, blessé et fait prisonnier au Combat des Trente. Il alla en Angleterre pour négocier la rançon de Charles de Blois. Il était fils d'Henri Charuel et de Plezou de Pestivien. Les grand-parents paternels d'Yves Charuel étaient seigneurs de Guerlesquin], Robin Raguenel, Huon de Saint-Yvon, Caro de Bodégat, Olivier Arrel, Geoffroi du Bois, Jehan Rousselot, Guillaume de La Marche et les écuyers Guillaume de Montauban, Alain de Tinténiac, Tristan de Pestivien, Alain de Keranrais, Olivier de Keranrais, Louis Goyon, Geoffroi de la Roche, Guyon de Pontblanc, Geoffroi de Beaucorps, Maurice du Parc, Jehan de Serent, de Fontenay, Hugues Capus, Geoffroi Poulard, Maurice et Geslin de Tresiguidy, Guillaume de la Lande, Olivier de Monteville, Simon Richard, Geoffroi Mellon.

Le jour dit, 27 mars 1351, en bons chrétiens, les Bretons remirent leur âme à Dieu. Voici du reste à ce sujet, comment s'exprime l'historien poète qui a narré en détail les péripéties de la lutte :

Quand le jour fut venu
Que rendre se devait, dessus le pré herbu
Beaumanoir le vaillant, que Dieu croisse en vertu,
Ses compagnons appelle qu'ils vindrent tous à lui,
Et leur fit dire messes ; chacun fu absolu,
Prinrent leur sacrement en nom du roy Jehsu….etc.

Spectacle admirable, n'est-il pas vrai, que ces trente preux, pleins de foi et d'espérance, allant, la paix au cœur, puiser à l'autel du sacrifice la force nécessaire pour mourir vaillamment [Note : Les uns s'accordent à croire que c'est à Notre-Dame qu'eut lieu cette cérémonie, les autres que ce fut à la chapelle Saint-Michel]. Aussi quelle fougue ils déployèrent contre les Anglais. Leur sang, d'avance, ils l'avaient offert à la Bretagne ; qu'avaient-ils à escompter de l'avenir, si la victoire ne devait pas leur échoir.

Ce fut un combat héroïque ; Bretons et Anglais, dans un corps à corps terrible, rivalisèrent de fureur et de générosité pour l'honneur du nom. Au premier choc, les Bretons parurent fléchir, mais ils se reprirent promptement et, après une véritable hécatombe, restèrent maîtres du terrain [Note : Ils revinrent à Josselin en chantant Gloire à la Vierge ! mais avant de quitter le champ de bataille les nobles vainqueurs avaient rassemblé tous les morts, Anglais et Bretons, et leur avaient accordé la paix et le repos éternel dans un ensevelissement commun, sous les dalles, dit la tradition, de la chapelle Saint-Maudé (en La Croix-Helléan), qui était le sanctuaire le plus rapproché].

« Beaumanoir, bois ton sang ! » le cri de Keranrais, reste la devise de Mi- Voie. Célébré par les poètes, chanté par les ménestrels, le combat devint si fameux qu'un siècle après, en parlant des plus belles batailles, on disait encore : On se battit comme aux Trente ! En souvenir de ce fait mémorable, unique même dans les annales de notre histoire, on éleva vers le XVIème siècle, après les guerres de la Ligue, une croix en pierre sur l'emplacement du chêne qui en 1351 régnait seul sur la lande. Elle fut abattue, une première fois, en 1775, mais les Etats de Bretagne la relevèrent et gravèrent sur sa base cette inscription : « A la mémoire perpétuelle de la bataille des Trente, que Monseigneur le Maréchal de Beaumanoir a gagnée en ce lieu le XXVII mars MCCCL ». La révolution de 1793, ce fléau de nos gloires anciennes, se flatta d'anéantir le souvenir des Trente, avec le signe qui la consacrait. Mais en 1819, il ressuscita dans l'obélisque que nous voyons actuellement. On y lit ces mots : Sous le règne de Louis XVIII, roi de France et de Navarre, le Conseil général du département du Morbihan a élevé ce monument à la gloire de XXX Bretons. La croix également fut rétablie ; dans le support on enclava la vieille inscription.

Si la victoire des Trente n'amena pas la paix, du moins elle donna enfin quelque repos à la Bretagne, et les Anglais ne vinrent de sitôt sur les chemins de Ploërmel et de Josselin.

Quelques années plus tard (1363), cette même lande qui avait servi de champ clos, pour vider la querelle nationale, fut assignée pour le rendez-vous des conférences entre Charles de Blois et Jean de Montfort, relativement au partage projeté de la Bretagne. Cette entrevue, qui peut-être eût épargné beaucoup de sang, n'eut pas lieu.

La fin de la lutte cependant était proche ; la mort de Charles de Blois à Auray devait amener le dénouement de cette question fameuse de succession.

Dans un suprême effort les deux rivaux groupèrent toutes leurs forces ; Du Guesclin, Rohan, Léon, Dinan, Rieux s'armèrent. L'armée tout entière, dirigée au secours d'Auray, fut passée en revue à Josselin par Charles de Blois.

L'on sera convaincu de l'importance du rôle de Beaumanoir et de l'autorité dont il jouissait parmi tant de chefs illustres, lorsqu'on saura que Charles de Blois arrêta son choix sur lui afin qu'il se rendît au camp de Montfort tenter avant la bataille un dernier accommodement. « Messire Jean Chandos, dit le baron de Bretagne au général anglais, je vous prie pour Dieu que nous mettions d'accord nos deux seigneurs ; car ce serait trop grande pitié si tant de bonnes gens comme il y a ici se navraient pour leur opinion soutenir. ». Mais Chandos répondit qu'il était trop tard, que Montfort refusait la paix comme on la lui avait refusée, « qu'il voulait demeurer duc de Bretagne ou mourir en la place ». « Eh bien donc, que Dieu soit juge ! reprit Beaumanoir, car Monseigneur de Blois n'a pas moins grande volonté de combattre que Monseigneur de Montfort ». Malheureusement rien ne put endiguer les flots de sang qui allaient rougir la plaine d'Auray.

Le destin de la Bretagne se décida en faveur de Jean de Montfort. C'était un affreux désastre pour les défenseurs du parti adverse (1364).

Beaumanoir rendit service encore à la cause de Blois en représentant la malheureuse veuve au traité de Guérande. En secondes noces, il avait épousé Marguerite de Rohan, qui devait s'allier plus tard au connétable de Clisson. Le vainqueur des Trente mourut vers 1366.

(Hervé DU HALGOUET).

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