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LA VILLE DE JOSSELIN AU XIIème SIÈCLE — LE PORHOËT ET SON DÉMEMBREMENT, LA VICOMTÉ DE ROHAN. — EUDON II ET LA GUERRE DE SUCCESSION. SON FILS EUDON III (1142-1231).

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Au milieu du XIIème siècle, la ville de Josselin était déjà entièrement formée. La nouvelle capitale du Porhoët, grâce aux fondations religieuses et au développement croissant de la petite cour, grandit rapidement. Elle comprit tout d'abord une ville close, défendue par de puissantes murailles garnies de tours ; puis, vu l’exiguïté de la forteresse, les habitations ne tardèrent pas à déborder de l'enceinte, différents faubourgs s'étendirent au dehors des murailles et même franchirent l’Oust.

Le quartier de Sainte-Croix avait pris naissance ainsi de l'autre côté de la rivière.

Son extension date surtout de la fondation du Prieuré. De nombreux moines y furent envoyés et l’église devint paroisse. Celle qui existe encore aujourd'hui a été construite au XIème siècle [Note : On retrouve sur un pilier la date rafraîchie de 1030, mais comme la fondation du prieuré est de 1059 environ, c'est bien plutôt 1060 qu'il aurait fallu mettre. Cette inscription est sans aucun doute postérieure à l'édification de l'église et aussi inexacte que celle qui se voyait à Saint-Nicolas]. C'est un édifice en forme de croix latine, dont le bras sud a été supprimé ; la construction est en petit appareil irrégulier ; les contreforts sont peu saillants, les portes et les arcades en plein cintre ; les fenêtres, hautes et étroites, sont évasées à l’intérieur [Note : ROSENZWEIG, Répertoire archéologique]. Eudon I et Anne de Léon, son épouse, y furent inhumés la même année (1092). Ce seigneur de Porhoët, qui avait fait de nombreuses libéralités aux moines, obtint de l'évêque de Vannes l'autorisation d'y faire dire la messe, même en temps d'interdit général. L'église conservait une belle relique de la vraie croix qui s'y trouve encore.

Il faut bien savoir, pour comprendre l'histoire de Josselin, qu'au moyen âge les divisions diocésaines ne concordaient pas avec la délimitation des grands fiefs et différaient le plus souvent des circonscriptions domaniales et judiciaires. Ces divisions séparaient parfois un fîef en plusieurs tronçons. Les évêchés de Vannes et d'Aleth étaient séparés par l'Oust et par une ligne reliant approximativement Malestroit au Temple de Carentoir, et le Temple à Langon. Le diocèse d'Aleth, dont l'évêque avait une résidence d'été et une cour de regaires à Saint-Malo de Beignon [Note : Il pouvait donc, même avant le transfert du siège épiscopal à Saint-Malo-sur-Mer, prendre le titre d'évêque d'Aleth ou de Saint-Malo. — La vieille ville d'Aleth se confondit avec Saint-Servan. — Le Regaire est une seigneurie temporelle], comprenait la plus grande partie du pays connu sous le nom de Porhoët ; et c'est sans doute pour cette raison qu'on donnait fréquemment au IXème siècle à l'évêque d'Aleth la qualification d' « episcopus in Poutrecoet » [Note : Comme il ressort de certaines chartes de l'abbaye de Redon : Erinor episcopus in Poutrecouet.... In Aleta civitate Rethwalart episcopus in Potrocoët.... Les évêques d'Aleth se qualifièrent ainsi jusqu'au démembrement que fit Nominoë vers 847]. Mais, ce qui arrivait plus rarement, c'est que l'administration ecélésiastique vint, comme à Josselin, séparer en deux les intérêts religieux d'une même ville. L'Oust, en effet, servant de limite entre les deux évêchés, Sainte-Croix était sous la dépendance de Vannes, et la ville proprement dite de Josselin se trouvait sur le territoire de l'évêché d'Aleth. Qu'il s'agisse de Sainte-Croix ou d'une des autres paroisses de Josselin, tantôt c'est un évêque, tantôt l'autre qui intervient. Pour la même raison, le vicaire perpétuel de Sainte-Croix n'eut jamais droit de juridiction sur Notre-Dame. Cette division devait subsister jusqu'à la Révolution.

Hors des murs, du côté du nord-ouest, Saint-Martin, nouvelle paroisse, couronnait le sommet de la pente qui dévale vers la rivière. Comme nous l’avons vu précédemment, Josselin II avait installé dans ce monastère des moines de Marmoutiers. Le prieur Raoul, en 1108, reçut du fondateur le quart de l'église de Notre-Dame du Roncier et en devint ainsi co-recteur. Benoît, évêque d'Aleth, ratifia ce don en 1110, et Guillaume, abbé de Marmoutiers, à la demande du vicomte de Porhoët, y transféra des reliques saintes prises au monastère abbatial, entre autres « les reliques de la Croix divine, et des ossements de saint Corentin, évêque ; Flavien, martyr, et des saints évêques Fulgence et Samson, et de saint Martin, abbé » (D. MORICE). La cérémonie eut lieu l'année 1112 en grande solennité. Les Porhoët, et même de simples ecclésiastiques, prodiguèrent les donations au prieuré de Saint-Martin, qui devint le plus florissant de la ville. Pour n'indiquer que les principales, signalons les dîmes et autres biens qu'il reçut graduellement à Credin [Note : Donation de l'Eglise, 1116], Guillac, à Rohan où le vicomte Alain, en 1127, concède aux moines « le bourg situé devant la porte de son nouveau château de Rohan, à condition d'y faire une église et un cimetière » ; à Molac (Don des églises de Saint-Cyr et de Sainte-Juliette, 1116), la Ferrière, Lantenac (Chapelles à la Ferrière et à Lantenac), qui s'enrichit d'une abbaye créée par Eudon en 1149 ; à Ménéac (Eglise), Lanouée (Différentes terres, chapelle et église), Guer (Chapelle de Saint Nicolas et un tiers de l'église donné par Donald, évêque d'Aleth, 1124 et 1131)..., etc. Conan, duc de Bretagne, leur abandonne, en 1129, les droits qu'il perçoit à Ploërmel. Eudon II, de Porhoët, l'an 1164, accorde aux mêmes religieux le droit de bouteillage dans le port de Vannes [Note : Le droit de bouteillage était d'un grand revenu. Il se levait sur la vente des vins et des autres boissons, telles que bière, hydromelle, piment et cidre. Outre les vins que l'on tirait d'Anjou et des autres provinces françaises, la Bretagne avait les siens. On en cultivait aux environs de Rennes, Montfort, Dol, Dinan, Fougères, etc.]. Cette ville leur fournissait déjà une taxe sur la vente de l'avoine et de la volaille.

Le zèle dont firent preuve les comtes de Porhoët pour multiplier les établissements religieux et soutenir leurs fondations ne doit pas nous surprendre. Les moines étaient les seuls éducateurs de cette population primitive. Par eux, en Bretagne, comme dans toute la France, se préparait le beau mouvement agricole, artistique et littéraire des XIIème siècle et XIIIème siècles. Les nombreux dons faits à Josselin prouvent combien les seigneurs de Porhoët s'intéressaient à la prospérité de leur nouvelle résidence.

L'église de Saint-Martin, bâtie au XIIème siècle avec de vastes proportions, avait la forme d'une croix latine avec quatre absidiales. Il ne reste aujourd'hui que le bras sud et le chœur tronqué, mais les arrachements de l'ancienne nef permettent d'en mesurer la largeur. Les fenêtres sont hautes et étroites, légèrement évasées à l'intérieur ; les contreforts simples et peu saillants.

C'est là que furent ensevelis le comte Eudon II (1180), plus tard son fils Eudon III (1231) et plusieurs membres de leurs familles.

Le couvent touchait à l'église et renfermait un nombre respectable de religieux. Le Prieur était à la fois chef de la communauté et recteur du faubourg.

Bien que la date de fondation de Saint-Nicolas nous soit inconnue, l'existence de ce prieuré est certaine, à l'époque qui nous occupe. Saint-Nicolas, situé dans le faubourg de ce nom, au sud-est de Josselin, dépendait de l'abbaye de Saint-Gildas de Rhuys. Le prieur ici également était chef de la communauté et du quartier. L'église était près du cimetière actuel de la ville, elle disparut au commencement du XIXème siècle.

Tels étaient donc les faubourgs extra muros, groupés en trois paroisses et dont les titulaires, à l'exception de Sainte-Croix, étaient revêtus de la charge administrative, à tour de rôle et concurremment avec le recteur, de l'église principale de Notre-Dame.

Un édifice considérable et digne de l'importance toujours croissante de la population avait remplacé au XIème siècle la chapelle primitive de Notre-Dame du Roncier. Erigée en siège paroissial par l'évêque de Saint-Malo, cette église était nécessairement de style roman, comme toutes celles de cette époque. Il en reste encore quelques vestiges : à droite du chœur, on voit une petite fenêtre romane et à gauche quelques piliers et chapiteaux du même style. Le sanctuaire vénéré abritait la statue à laquelle on attribuait de nombreux miracles.

Une chapelle était située avec Notre-Dame dans la ville close. Elle avait été offerte à l'Ordre de Marmoutiers. Vers 1130, Donald, évêque de Saint-Malo, donna aux moines de Saint-Martin le droit de « nommer un chapelain pour desservir la chapelle du château » (Cartulaire du Morbihan). D'abord sous le vocable de la Vierge, elle fut momentanément érigée en paroisse, sous le nom de Saint-.Michel, qui passa même à une rue.

La tradition lui prête une origine assez vraisemblable : la chapelle aurait été bâtie pour suppléer, pendant les guerres et les sièges, à Saint-Martin situé hors des murs. En s'y établissant, les moines lui ont communiqué le titre de prieuré ; mais les fonctions curiales n'y ayant été faites qu'en passant, le titre de paroisse n'y est pas resté. On possède, depuis le XVIème siècle, les registres de baptêmes, de mariages et de sépultures des paroisses de Notre-Dame, de Sainte-Croix, de Saint-Martin et de Saint-Nicolas, mais rien de Saint-Michel : preuve incontestable qu'il n'y avait pas de paroisse de ce nom au moins depuis ce temps. Si cette chapelle appartint primitivement à Saint-Martin, elle était desservie dans les derniers siècles par le clergé de Notre-Dame et jusqu'à la Révolution formait une dépendance de Saint-Jean des Prés. L'édifice présente de petites fenêtres romanes, qui prouvent son antiquité ; il a subi quelques retouches pendant la période ogivale [Note : L'ancienne chapelle est transformée aujourd'hui en hangar et n'a malheureusement plus beaucoup d'apparence].

Aux portes de la ville, en aval, sur la rive gauche de l'Oust, s'élevait un autre établissement religieux,

(1) L'ancienne chapelle est transformée aujourd'hui en hangar et n'a malheureusement plus beaucoup d'apparence, qui a subsisté jusqu'à la Révolution et dont les restes imposants sont parvenus jusqu'à nous. L'on n'a pu découvrir jusqu'à présent le véritable fondateur de l'abbaye des Chanoines réguliers de Saint-Jean des Prés [Note : Chanoines réguliers génovéfains de la congrégation de France], parce que les archives de cette maison ont malheureusement été détruites, mais il y a tout lieu de croire qu'elle doit son origine à un vicomte de Porhoët, probablement à Eudon II, qui commanda momentanément sur la Bretagne. Dom Taillandier, continuateur de Dom Morice, critique judicieusement ceux qui l'attribuent à Henri II, roi d'Angleterre, ou à Geoffroi, son fils, qui ruinèrent en 1168 et 1175 la ville et le château de Josselin. Nous produisons à la fin de ce travail la série des abbés qui se succédèrent à Saint-Jean des Prés telle que nous l'a livrée un manuscrit de la Bibliothèque Nationale ; cette liste a malheureusement des lacunes importantes.

De cette abbaye dépendaient les paroisses de Guillac, La Croix Helléan, Guilliers, Mohon, Ménéac, Loyat, Pommeleuc, Coëtbugat et Saint-Michel de Josselin. L'abbé présentait des religieux pour desservir ces paroisses et l'évêque diocésain les instituait. Chacun de ces prieurs recteurs percevait la dîme dans sa paroisse, prélevait ce qui lui était nécessaire et envoyait le reste, quand il y en avait, à la communauté.

Nous n'avons aucun document nous permettant de conjecturer de la population de Josselin au milieu du XIIème siècle. Cependant il nous reste acquis qu'à cette époque, Josselin, capitale du comté de Porhoët, avait une réelle importance. Aussi ne faut-il pas s'étonner que cette forteresse, qui incarnait pour ainsi dire la puissance de ses seigneurs, subit dès la guerre de Succession de nombreuses attaques.

Le beau royaume de Guéthenoc, ainsi transformé sous l'habile direction de ses successeurs, devait être malheureusement horriblement mutilé, ou plus justement, scindé en deux.

Geoffroi Ier, voulant donner un apanage à son frère Alain, lui céda, en l'an 1120, toute la partie du Porhoët située à l'ouest de la rivière d'Oust, moins une douzaine de paroisses au sud de Josselin, qu'il se réserva, ainsi que toute la partie située à l'est de l’Oust, entre cette rivière et les seigneuries de Gaël, Ploërmel, Malestroit [Note : Les Rohan eurent parfois des intérêts en dehors de leur Vicomté. Alain IV acquiert, en 1155, par voie d’échange, de Boyer de la Touche, différentes terres dans la paroisse de Plumieuc et le prieuré de Bodieuc situés dans le domaine de Porhoët. — Quelques années plus tard (1221), le comte Eudon III donne à Alain IV, vicomte de Rohan, en récompense de services rendus, la paroisse de Mohon, l'usage du bois dans la forêt pour le château de Bodieuc et le pacage pour 100 porcs et 100 bœufs dans la même forêt. Au moment des partages en 1241, Mohon repassa aux mains du comte de Porhoët (alors Raoul de Fougères)].

Alain résida d'abord quelque temps sur le Blavet, à Castel Noëc (aujourd'hui Castennec en Bieuzi) [Note : Les traces de l'enceinte sont reconnaissables encore maintenant. Le château fut bâti sur la position exacte de la station romaine appelée Sulis et dominait d'une façon formidable la vallée du Blavet. Castel Noëc ne resta guère que pendant trente ans la résidence de celui qui s'appela bientôt le vice-comes de Rohan], dans les ruines d'une vieille forteresse romaine ; puis il remonta au nord et vint, lui aussi, construire sur l'Oust sa nouvelle capitale, le château de Rohan, qui donna son nom au fîef entier, célèbre dans notre histoire sous le titre de vicomté de Rohan, tandis que celui de comté de Porhoët resta exclusivement attaché à la portion que s'était réservée Geoffroi (D. MORICE, Preuves, I, 552, 553, 554). Cette portion était moins étendue, d'un quart au moins, que l'apanage d'Alain [Note : Un « Mémoire du vicomte de Rohan » rédigé en 1479 attribue pour cette époque, à la vicomté de Rohan, 112 paroisses ou trêves et 52 au comté de Porhoët. D'après la Borderie, des calculs faits par lui sur des aveux déposés à Nantes et sur d'autres titres anciens, donnent pour résultats deux chiffres un peu différents, soit 59 pour Porhoët et 81 seulement pour Rohan], mais elle était plus fertile et plus peuplée ; c'est sous le gouvernement des Rohan que la région quasi déserte, située au-delà de l'Oust, s'est couverte de cultures et d’habitants.

Les Rohan taillèrent eux-mêmes dans leur vicomté plusieurs fiefs considérables, un entre autres, fort important, vers l'angle sud-ouest, constitué dès le XIIème siècle (D. MORICE, Preuves, I, 638), appelé d'abord, du nom de son premier possesseur, Kemenet-Guégan, c'est-à-dire fief de Guégan, puis Guémené-Guingan, et devenu enfin en 1570 la principauté de Guémené.

Au XVème siècle la vicomté de Rohan était divisée en trois châtellenies : Rohan, Goarec, Corlay. Cette dernière fut distraite le siècle suivant en faveur de la branche Rohan Guémené ; on détacha encore dans le même but des portions considérables de Rohan et de Goarec. Aussi, lorsqu'en 1603 la vicomté fut érigée en duché, lui annexa-t-on par compensation la châtellenie de la Chèze, prise au comté de Porhoët [Note : LA BORDERIE, Géographie féodale de la Bretagne. Enfin au XVIIIème siècle, le duché de Rohan comprenait six membres ou juridictions particulières : Pontivy, Rohan, La Trinité P., La Chèze, Loudéac, Goarec, renfermant 40 paroisses. Il était borné au sud par le ressort de la juridiction royale d'Auray, à l'ouest et au nord par la seigneurie de Rohan Guémené et le duché de Penthièvre, à l'est par le comté de Porhoët].

Alain, frère de GeofFroi, devait être la souche d'une illustre famille, qui fournit plus d'une gloire à notre histoire et dont la lignée survit encore à tant de siècles.

Eudon, comte de Porhoët (depuis cette époque le titre de Comte prédomine), deuxième du nom, neveu de Josselin II, avait épousé (1146) Berthe, fille et héritière de Conan III [Note : Petite-fille également de Henri I, roi d'Angleterre], veuve d'Alain le Noir, comte de Richemont. Cette alliance lui eût assuré le duché de Bretagne, si cependant Berthe, de son premier mariage, n'avait eu un fils. Dès la mort de son beau-père, Eudon établit ses prétentions à la succession. L'héritage lui fut tout d'abord contesté par Hoël, fils désavoué de Conan
III, et le bâtard, malgré sa flétrissure, appuyé par les villes de Nantes et de Quimper, marcha contre Eudon, que la majeure partie de la Bretagne, avec Rennes, avait reconnu comme duc. Les deux adversaires en vinrent aux mains et Hoël fut vaincu à la bataille de Rezé, en 1154.

Le calme semblait rétabli lorsqu'un nouveau compétiteur, Conan, issu du premier mariage de Berthe, vint bientôt évincer les deux autres, se posant en prétendant légitime. Il ne fut pas long à rallier un parti considérable. Mais Eudon, qui avait goûté de la souveraine puissance, ne voulut pas se dessaisir du pouvoir et refusa de reconnaître les droits de son beau-fils. Une lutte terrible s'en suivit, guerre de ruine et d'extermination qui jeta la Bretagne dans une révolution de plus d’un demi-siècle et dont la pire conséquence fut d'attirer sur la province la domination étrangère. Les seigneurs bretons se divisèrent en deux partis : Conan, trop faible pour se mesurer avec un aussi puissant rival que le comte de Porhoët, commit cette faute qui aurait dû à tout jamais le rendre indigne de l'appui des Bretons : il appela l'Angleterre à son aide.

Henri II, prince aussi ambitieux que fourbe, ne tarda pas à entrer en lice. Dès cet instant, ne conçut-il pas le projet de rattacher à sa souveraineté cette jolie province, dont on lui offrait la conquête, et d'ajouter ce beau fleuron à sa couronne ! S'il ne put, comme il le rêvait, jouer lui-même jusqu'au bout le rôle du troisième larron, du moins réussit-il à unir l'un de ses fils à Constance, fille de Conan IV et héritière du duché. Geoffroi fut le premier étranger qui s'assit sur le trône de Bretagne.

Il serait trop long d'entrer dans les détails de la lutte ; nous en indiquerons seulement les faits principaux.

Par suite de l'acte odieux de Conan, le comte de Porhoët devint le champion de la cause nationale. Pouvait-il s'agir de soutenir telle ou telle compétition quand le sol breton était envahi par les Anglais ? Beaucoup de seigneurs bretons, en effet, tout en reconnaissant les droits de Conan, craignirent l'ambition de Henri II. Raoul de Fougères, qui se rangea du côté d'Eudon, fut de ce nombre [Note : Il avait commencé par le combattre. Durant toute cette guerre, le rôle du comte de Fougères manque de franchise ; il changea plusieurs fois son arme de main, pour soutenir tantôt un parti, tantôt un autre. Du reste, à cette époque, cette versatilité d'humeur n'a rien d'extraordinaire. L'on passait rapidement d'un camp dans un autre, l'on combattait un jour avec autant d'acharnement le parti qu'on soutenait la veille. La trahison n'avait rien d'infamant. Les membres d'une même famille s'entre-tuaient avec une aisance merveilleuse].

Les premières armes furent favorables au comte de Porhoët. Son adversaire, repoussé, dut se rendre lui-même en Angleterre afin d'en ramener des troupes fraîches. Plus heureux cette fois, Conan prend Rennes, fait prisonnier son rival et, fort du triomphe qu'il vient de remporter, se fait proclamer duc de Bretagne, sous le nom de Conan IV.

Mais Eudon s'échappe de prison et se réfugie à la cour de France, où il sembla avoir fait le sacrifice de ses prétentions, puisqu'il n'y paraît qu'à titre de comte de Porhoët.

Dès qu'il vit les agissements d'Henri II qui avait débarqué et qui, s'étant rendu maître de Nantes, s'apprêtait à entrer au cœur du duché, il accourut et souleva le pays de Vannes et la Cornouaille contre son indigne parent. Sur les entrefaites, une querelle de seigneurs vint se greffer sur cette guerre nationale pour achever de mettre la Bretagne à sac et à sang.

Eudon, veuf de la duchesse Berthe, ayant obtenu la main de Jeanne de Léon, fille de Guyomard, l'ennemi le plus acharné de Conan, une forte ligue se forma. Trois héros, Eudon de Porhoët, Rolland de Dinan et Raoul de Fougères tinrent en échec les forces réunies de la Normandie et de l'Angleterre, Ce dernier se distingua particulièrement à la sanglante bataille de Combourg (1165). La chute de Dol aux mains d'Henri II amena la soumission de plusieurs barons. Le vicomte de Léon et le comte de Porhoët furent les derniers à se soumettre. Enfin celui-ci feignit la résignation et il se vit obligé de donner une de ses filles, Alix, en otage de sa fidélité (1168).

La paix fut de courte durée ; la seconde phase de la lutte commençait quelques mois après.

A peine le roi d'Angleterre eut-il quitté la Bretagne qu'Eudon reprit les armes et forma une nouvelle ligue approuvée par le roi de France.

Aussitôt qu'il apprit cette nouvelle, Henri II se vengea honteusement en déshonorant sa propre cousine germaine. « Rien n'égalait, disent les chroniqueurs, la beauté, la candeur, la grâce de cette fleur de la Bretagne » et « comme l'hermine, qu'une tache fait mourir, Alix expira le jour même ».

S 'attaquant aux biens propres de son ennemi, Henri II, le fer et la flamme à la main, envahit le comté de Porhoët, rasa le château de Josselin (1168), puis s'empara de Vannes, d'Auray et désola tout le pays depuis Dinan jusqu'à Saint-Malo.

Louis VII, dont les Bretons avaient imploré l'appui, amena enfin Henri II à conférer avec lui et Eudon de Porhoët. Un traité fut signé à Montmirail (1169). Il en résulta le couronnement de Geoffroi II à Rennes. Ce jeune prince n'avait que dix ans, et tous les barons bretons furent appelés à faire leur soumission. En réalité, ce fut Henri II qui gouverna.

Eudon, trop indépendant et trop fier pour courber la tête devant cet étranger, refusa l'hommage, préférant tout, même la misère, à l'esclavage.

La réponse du roi d'Angleterre ne se fît pas attendre. Le Porhoët fut ravagé une seconde fois : « le château de Josselin, nous dit la chronique de Montfort, fut incendié et ensuite détruit jusqu'aux fondements ; les habitants partirent pour l'exil et le comte Eudon fut chassé de son duché ». Henri II assouvit ses rancunes jusqu'à l'aire condamner son adversaire comme rebelle, afin de le dépouiller de tous ses biens, tant en Bretagne qu'en Angleterre. Ceci se passait l'année 1170.

Le coup porté ne fît qu'aviver l'hostilité de l'infatigable guerrier, qui parvint à reconstituer des forces nouvelles, tant était vivace cette nationalité quil défendait si vaillamment.

Henri II, qui était retourné en Angleterre, aussitôt informé, revint en Bretagne et obligea de nouveau Eudon à sortir du duché. A ce moment, Raoul de Fougères, le frère d'armes de celui-ci, reparaît sur la scène, gagne les garnisons de Dol et Combourg ; il ne peut malheureusement s'y maintenir et capitule.

Le parti des seigneurs bretons était, sinon anéanti, du moins gravement atteint.

Le comte de Porhoët, après avoir réparé sa forteresse de Josselin et relevé les ruines amoncelées, s'efforça de reprendre quelques-unes de ses anciennes places. Ses forces se brisèrent contre celles de Geoffroi II. Il perdit tout ce qu'il possédait dans le comté de Vannes et en Cornouaille et fut réduit au seul comté de Porhoët.

La Bretagne était épuisée et la lutte semblait dès lors inutile ; physiquement et moralement affaibli, Eudon déposa les armes.

Ses dernières années s'écoulèrent dans un repos bien mérité. En 1185, on le retrouve à la célèbre assemblée des Barons, connue sous le nom d'Assise du comte Geoffroi, dans laquelle il fut décidé que les héritages nobles ne seraient plus partagés entre les enfants, mais appartiendraient à l'aîné. Le comte Eudon et Alain de Rohan y figurent comme témoins, une copie des actes leur fut délivrée.

Au milieu de ses pérégrinations guerrières, il n'oublia pas de s'acquérir des mérites pour l'Eternité. On lui attribue la fondation de l'abbaye de Saint-Jean des Prés ès Josselin et du prieuré de Lantenac (1149), plusieurs donations en faveur de Saint-Martin (1153 et 1164). Il eut une nombreuse progéniture : Geoffroi, l'aîné de ses fils, mourut jeune ; il eut ensuite Adélice, abbesse de Fontevrault ; Alix, qui épouse Guy Mauvoisin, seigneur de Rosny ; Eudon, qui devait laisser tomber le Porhoët en quenouille ; enfin Henri ou Hervé.

Le titre de Vicomte de ses prédécesseurs ne suffit pas sans doute à Eudon II, il prit celui de comte de Porhoët et, considérant Conan IV comme un usurpateur, se qualifia dans tous les actes de comte de Bretagne [Note : Le titre de duc de Bretagne ne fut réellement adopté que plus tard. Par exemple, on dit toujours : l'assise du comte Geoffroi. Philippe le Bel érigea la Bretagne en duché-pairie, et c'est de cette époque que les souverains bretons prirent le titre de duc] ; mais, tout authentiques et brillantes que soient ses qualités, peut-il, dans l’histoire, s'enorgueillir d’un plus beau titre que celui de « dernier des Bretons » que lui décernèrent les anciens auteurs.

Peu de choses nous sont restées d'Eudon III (appelé aussi Éon). Il figure, avec un grand nombre d'autres seigneurs, à la monstre que convoqua Philippe-Auguste (1205) pour la conquête de la Normandie, après la déchéance de Jean-sans-Terre. Pierre Mauclerc avait résolu de détruire ses deux ennemis, le clergé et la noblesse. Celle-ci, attaquée dans ses privilèges, se souleva en masse ; il se produisit une véritable révolte qui ne prit fin que par un traité signé entre le Duc et le vicomte de Léon, mandataire de tous les seigneurs. Il n'est pas douteux que le comte de Porhoët prit les armes pour la défense de ses intérêts et fit cause commune, dans cette affaire, avec le vicomte de Rohan et les autres barons.

Aux approches de la mort, l'année 1231, il fit don à Saint-Martin de Josselin « en pure et perpétuelle aumône, de son moulin de Taun, situé sur l'Oust, sous le château de Josselin, à charge de célébrer chaque année une messe anniversaire pour le repos de son âme ». Il choisit en même temps, comme lieu de sépulture, la chapelle de ce prieuré.

Eudon III devait être le dernier rejeton mâle de cette famille de Porhoët. Il n'eut que des filles et mourut sans laisser de successeurs [Note : Nous ne savons de sa femme que le prénom de Marguerite]. Ce beau fief allait encore s'effriter et se disloquer davantage.

Le nom restait au pays. Josselin passa en différentes mains, même étrangères à la Bretagne, et finalement les Rohan, tige cadette des premiers comtes, recueillirent la seigneurie de leurs ancêtres et relevèrent en même temps le nom de Porhoët qui rappela à la postérité leur glorieuse origine.

(Hervé DU HALGOUET).

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